(callcé) ombres saturées.

ombres saturées ☽ callum & circé

Satiété de délassement, d’une couche plus transcendante de poudre blanche, Circé ondulait, petite poupée tournoyait sur elle-même selon la cadence des mélodies diffusées dans l’Olympia. Brune exubérante, elle accrochait les regards, semblable à un acte dégoulinant d’érotisme, elle attirait les clients, la curiosité pour cet ouragan sensuel. Dressée sur la petite scène, immergée dans son univers, la jolie faisait courir ses paumes brûlantes le long de ses courbes, le joint coincé entre les lèvres, crachant avec lascivité la fumée, embrumant un peu plus son esprit si peu vierge. Toujours sous l’emprise de la came, trop peu sobre, elle savait modeler les émotions, façonner les émois, Circé, sauf lorsque son seuil de tolérance était franchi. Ce qui n’était pas vraiment le cas, mais l’insupportable ne discernait plus l’altération de ses tendances, souffre-douleur de ses inclinaisons, des stupéfiants, bandit toxicomane. Tempérament altéré par les toxines ingérées, hémoglobine ternie. Elle chancelait presque dans ses derbies usées, la tornade et attrapait ses affaires dans le cellier, dans lequel elle donnait un gigantesque coup de pied en éclatant de rire. « Fait pas le beau ! » Meuble auquel elle s’adressait, la nuit finissait par ingurgiter la tempête, qui hurlait dans les rues en se trémoussant, opiomane parasite, les habitants étaient habitués à la voir ainsi, la Solomos, alors il n’y avait rien d’alarmant. La lourdeur de l’obscurité étoilée faisait naître quelques perles de sueur le long de ses tempes, des goutes le long de son dos et la voilà, dans le hall de l’immeuble, ascenseur affichant son reflet des plus flatteurs. « Salut, toi… » Baiser qu’elle s’envoyait Circé et elle venait tambouriner contre la porte en bois de son dealer, l’affreuse, en criant : « Callum chériiii ! J’ai besoin de ta poudre magique ! Mmmmh… Quel délice ! Callum ! Callum ! » Qu’elle hurlait en s’esclaffant, narquoise nichée, les poings meurtris par la violence fulminante contre la porte, le sourire faussement candide, trahissant l’état macabre de son corps, de son esprit, la camée.

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Il avait fui ses quinze mètres carrés. Ils l’avaient étouffé. Il avait délaissé ses affaires : son téléphone dans la poche arrière de son jean, les clés de sa voiture, quelques dollars. Jonché sur le lit de fortune qu’il s’était improvisé sur le toit de l’hôtel, Callum était rempli de vide. Les nuits du Queens étaient bruyantes, les sirènes se passaient le relais, les lumières ne s’éteignaient jamais, mais il vouait une admiration inexplicable à ce monde qui ne se mettait jamais en pause. Lui n’avait qu’un boxer sur le dos, un briquet dans la main et un joint à la bouche. Il avait de quoi tenir toute la nuit s’il le voulait. Dealer trop occupé. Peut-être que ses clients attendaient, mais il s’en fichait. Dealer voulait décrocher. Il crachait sa fumée en direction du ciel éclairé. Il avait beau avoir admiré la déchéance, il était toujours fasciné devant le spectacle étoilé qui se produisait devant ses yeux. C’était le seul moment où il se sentait libre. Il passait des nuits blanches à observer ce ciel, son ciel. C’était ça, son apothéose. Traditionnellement, personne ne venait empiéter sur ce moment, mais c’était sans compter la folie de Circé.

Pourtant isolé, il avait reconnu sa voix. S’il n’intervenait pas, elle allait probablement réveiller toute la clientèle de l’hôtel. Il descendit en trombe de l’échelle et l’attrapa par le bras « Circé, bordel, boucle-la ». Il avait pourtant prévenu qu’il ne voulait plus la voir chez lui dans cet état. Parce qu’elle était trop belle sans ça. Dans la précipitation, il en avait oublié ses clés sur le toit. Il allait donc être obligé de l’emmener avec lui pour la faire taire, la camée. Il avait oublié la délicatesse, Callum, alors il se contenta de la traîner comme une poupée de chiffon jusqu’au sommet de son héritage et referma la trappe. « Je t’avais dit de pas remettre les pieds ici dans cet état, regarde-toi, t’as à peine habillée ». Haineux, en colère, parce qu’elle n’avait pas respecter les règles du jeu, mais surtout parce qu’elle violait son espace sacré. Il ne pouvait pas se permettre qu’elle continue son raffut alors il avait cédé. « Si t’es venue pour te défoncer, je vais te raccompagner » dit-il avec un air sévère. Il perdrait une bonne cliente, mais la fournir allait contre ses principes. Le loup en avait peu, mais il en avait. Il pouvait détruire, mais il avait Circé sur la peau et il était trop peu détaché pour ne pas culpabiliser quand il constaterait le talent gâché.

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Dépoitraillée, si ce n’était vêtue de guenilles et d’oripeaux, elle inspirait l’apitoiement, la compassion, Circé. Short déchiré, débardeur dont une bretelle nichait presque sur son coude, un sein qui sortait par instants, auréole teintée de son bouton de chair tendre, tendu par l’excitation, adrénaline ravageant son intérieur putride. Déferlement de ses poings enragés contre le bois, douleur remontant jusqu’à ses épaules, hurlant à s’en détruire la voix, l’hystérique. Il n’y avait que très peu d’attente, lune déchue chutant d’une trappe inconnue, pour venir se nicher à ses côtés, si sublime et superbe que les astres se décrochaient du ciel pour venir à sa rencontre. Ravie, Circé se jetait dans ses bras, le corps faible, les muscles guimauves. « Oooh mon dealer p r é f é r é ! Mon super-héros ! » Elle parlait fort, Circé, si ce n’était des cris stridents, incapable de retenir ce trop-plein d’enthousiasme pour cette tête brune. « Ta poudre magique me manque tellemeeeent… » Soudainement prise d’une vague d’émotion, elle s’esclaffait en le voyant la tirer comme une poupée désarticulée et elle se laissait faire, Circé, même sur cette échelle où elle risquait de se fracasser le crâne à tout moment. De nouveau happée par la fraîcheur de la nuit et éclairée par les taches lumineuses, elle riait, la déesse, se balançant d’avant en arrière. « Ma tenue te plaît pas ? Oh ! C’est parce que tu veux voir mes seins, c’est ça ? » Sans attendre plus, la brune retirait son débardeur qui dévoilait immédiatement sa poitrine nue, dépourvue de tissu, elle qui avait renoncé à la lingerie affriolante, les mamelons prêts à dégainer. « Mais non, Cadum… Callum… Me rejette pas ! » Changement d’humeur, de l’euphorie à la rage, elle lui donnait un coup de pied dans le tibia avant de s’allonger sur le toit de l’hôtel, le silence comme répit pour quelques minutes. Là, ses prunelles turquoise étaient rivées sur le firmament étoilé, bien que trop peu sensible dans cet état. « J’suis clean. » Annonçait-elle, Reine du chaos plongée dans le déni, mais aussi trop défoncée pour être consciente.

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Si elle continuait à s’égosiller, Callum serait obligée de la bâillonner. Il n’avait pas envie que quiconque apprenne ce qu’il faisait une fois la nuit tombée. Elle se trouvait là, devant lui, dans un état second à chercher un roc auquel se raccrocher. Maudite Circé se retrouvait piégée. Dans l’enfer de la drogue, elle était tombée. Call n’avait pas envie de rire. Il la voyait se perdre dans des pensées couleur charbon. Il était désolé. Parce qu’un temps, il lui avait cédé. Il était en partie responsable de son état. Petit prince avait sa Circé sur les bras.

Elle dénuda sa poitrine comme on dégoupille une grenade avant de la balancer sur le champ de bataille ; surprise, effet dévastateur, k.o. immédiat. Le soldat qu’elle avait devant elle ne se rendrait pas. Il se munit d’un drap et le passa autour de ses épaules. Il tenta de l’immobiliser, se prenant au passage un coup dans le mollet. Le roseau plie mais ne rompt pas. « T’es clean, ouais. Tu m’as pris pour qui, Circé ? Tu crois vraiment que j’suis un pauvre type et que tu vas m’acheter en te mettant à poil devant moi pour que je te file de quoi te défoncer ? Rhabille-toi, c’est minable. » demanda-t-il avant de ramasser son débardeur et de lui jeter au visage. Le loup était vexé. Vexé qu’on le prenne pour un vulgaire salaud profitant de la faiblesse des autres. Vexé qu’on ne s’intéresse à lui qu’une fois défoncée. Il était pris d’une colère noire. Elle avait souillé son paradis terrestre de ses conneries. « Si tu hurles encore une fois, j’arrache ce putain de drap, je te fais un garrot autour de la mâchoire et je t’attache sur ce toit jusqu’à ce que tu retrouves un semblant de lucidité ». Il était honnête, Callum. Il ne se laissait pas dominer. Il ne se laisserait pas emmerder. Pas ce soir, pas même demain. Il avait eu tort de la ramener dans cet hôtel. Elle était une bombe à retardement, un danger permanent. Il n’était pas fait pour gérer ça. En général, quand il avait un client un peu trop insistant, il se contentait de lui infliger un coup de pression en caressant son quarante millimètres sous son menton, mais il ne pouvait pas lui faire ça, à Circé. C’était lui qui l’avait amenée là. Il n’avait plus qu’à assumer, maintenant. Le serpent s’est mordu la queue.

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Elle le trouvait fragile, Callum, de ceux qui sortaient les griffes, les quenottes lorsque l’ego était attaqué, titillé un peu trop fermement. Et c’était précisément ce que la tumultueuse aimait assaillir, éternelle vicieuse, consumée par l’existence macabre suivie jusqu’à présent, embourbée de manière à ne plus pouvoir y échapper, coincée dans une pièce sans portes ni fenêtres : condamnée à l’errance éternelle. Chevilles brisées par le poids du boulet lié à sa faible ossature, frêle poupée déambulant, les articulations détruites, les muscles déchirés et la conscience meurtrie, psyché envahie de chimères, toutes plus réelles les unes des autres. Alors, d’un coup de pied, elle les chassait mais c’était la dureté d’un tibia qu’elle rencontrait, Circé, sans avoir la force requise pour lui briser. « Un chien de la casse ! » Et elle ne cessait de rire, la poupée, comme dans ces séries abrutissantes où les rires fusaient à chaque réplique. Reine de sa propre comédie, Perséphone, de son second nom, triomphait, baignée de cendres lorsque la foudre des Dieux lui tombait dessus, colère délectable. Haillon jeté au visage, elle le provoquait en le jetant de nouveau sur Callum, la provocation si aisée, drap pour autant, conserver sur ses épaules fragiles. « AAAAAAAAAAAAH ! » Elle hurlait, Circé, avant de plaquer ses paumes chaudes contre ses lèvres, foutrement amusée et Princesse de tous les dangers, l’opiomane se mettait à danser, virevolter sur elle-même, drap comme robe, en espérant se métamorphoser comme Cendrillon. Puis, le silence et le tissu blanc retiré, les prunelles meurtrières, à glacer le plasma des plus pudiques. Linceul enroulé de manière à entourer aisément sa nuque, elle lui rendait, Circé, arme donnée dont le but était la destruction. « Tue-moi. » S’il savait que c’était son rêve, il n’hésiterait pas, la vipère. Elle lui offrait la chance de pouvoir enlacer sa nuque, rompre son souffle et lui ôter la vie. Il n’y avait aucune once de peur sur le faciès de la camée, non, une plénitude folle, sérénité exclusive pour cette ronce destructrice.

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