A Cinderella's story {Orion}

Tu ne te souviens plus de quand date ta dernière soirée chez cet ami de longue date. Chez lui, ses soirées sont toujours classes, y’a toujours un dress-code, et en général lorsque tu es invitée, tu fais toujours un effort pour être bien habillée. Tu prévois à l’avance.
Tu passes même la journée entière à te faire chouchouter. Coiffure. Balayage pour redonner un peu d’éclat à tes cheveux. Maquillage mais pas trop, le strict minimum.
Mais surtout la tenue. T’en as fait des boutiques pendant l’après-midi, surtout que tu as horreur de ça. T’en as mis des heures pour trouver la robe de cocktail parfaite avec les escarpins parfaits. Ouais, t’as fait des efforts. Rien de vulgaire. Rien de trop provocant ou de trop sexy.
T’as essayé d’rester naturelle.

La tenue choisie t’es ensuite allée chercher un carton de bouteilles de vins au restaurant où tu travailles, parce que c’est même ton patron qui te l’as proposé. Du coup, pas besoin de dépenser beaucoup pour les boissons.
Soirée chic, pas d’alcool de junkies. À chaque fois que tu vas chez lui, c’est toujours... un peu trop coincé du cul, genre, tous ses amis ont un balai dans le cul, tu feras avec soit, mais quand même. Tu espères au moins qu’il y aura un peu de champagne, ou même du whisky. Enfin... tu n’veux pas non plus totalement te mettre une race, juste que si les gens ont un coup dans l’nez, ça rendra très certainement les conversations un peu plus intéressantes.

21 heures. La soirée commençait à 20h30 mais tu aimes bien te faire désirer. Les bras chargés par le carton des bouteilles de vin, tu galères un peu pour sortir du taxi que tu as pris pour venir jusqu’ici. Un homme charmant te retient la porte d’entrée du bâtiment où vit ton ami, et quelques instants plus tard, te voilà dans son appartement, déjà rempli par la plupart des invités.
Et tu cherches du regard Luke, l’ami qui a organisé cette soirée.

Il est six heures du soir et c'est la gueule de bois qui l'accueille, les bras ouverts. C'est pas faute d'avoir tenté de la repousser, si on en croit les nombreuses tasses dans lesquelles subsistent un reste de café. Mais il n'y a rien à faire. Sa meilleure amie sonne toujours à la porte et précède sa super pote, l'ivresse. Bien plus sympa d'ailleurs, toujours prête à faire la fête et à lui faire croire qu'il y a moyen qu'il oublie qu'il n'est rien d'autre qu'un raté, une pourriture. Qu'il aurait dû se prendre cette balle à la place de sa femme et que peut-être un jour, il réparera l'erreur du destin en pressant le canon de son arme de service entre ses deux yeux.

Dans la pénombre des volets fermés à toute heure de la journée, il entend son portable sonné. Dernier signe de vie sociale, même si il se contente d'ignorer les appels et les messages. Luke, un collègue flic, tellement déterminé à lui sortir de l'eau que ça fout le cafard à Orion d'envisager de l'ignorer. Ses yeux cernés parcourent l'écran. Une fête où faut mettre une chemise, des nanas célibataires, tout un tas de conventions sociales qu'il n'a pas envie de respecter mais qui "vont lui faire du bien, c'est sûr". Orion soupire. Il a envie de l'envoyer chier. Parce que c'est facile. Parce qu'il voudrait qu'on l'oublie pour une fois. Le téléphone vibre encore et encore. Et ça l'emmerde, parce que Luke est un bon gars qui veut sincèrement lui remonter le moral. Avec un peu de chance, y aura toujours de l'alcool gratuit pour ramener l'ivresse et chasser la gueule de bois.

Orion enfile une chemise à peu près propre qui aurait mérité un bon coup de repassage, un jean, baskets et un bomber bleu marine. Pour le code vestimentaire, faudra pas trop insister, il est déjà au top de ses capacités, le flic. La soirée est aussi pompeuse qu'il se l'était imaginé, peut-être même plus. Ca fait longtemps qu'il n'a pas mis les pieds dans ce genre d'endroit. Peut-être parce que c'est sa femme qui gérait les relations sociales. C'est elle qui le rendait sympathique aux yeux des autres, qui nouait les liens pour lui et lui passait gentiment le relais comme on donne un ballon à un gosse après l'avoir gonflé pour lui. Luke l'accueille les bras ouverts, avec son sourire trop joyeux. "Ca fait plaisir de te voir Orion ! Allez viens, je vais te servir un verre." Est-ce qu'il est au courant de ses excès de boisson ces derniers temps ? En tout cas, il a au moins la délicatesse de pas en parler et de lui filer un verre d'un très bon whisky qui dans le gosier du flic à le même goût que celui à bas prix qu'il achète à la supérette du coin. "Alors comment tu vas ?" La question est sincère, il le sent bien. Mais aucune envie de vomir ses émotions sur le parquet propret de son appart. "Ca va c'est cool. Sympa ton appart. J'savais pas que tu t'étais transformé en putain de fée du logis reine de la décoration." Luke sourit, ça a l'air de l'amuser, les sarcasmes. "J'ai invité des nanas célibataires. Je me suis dit que ça pourrait être bien pour toi de ... tu vois quoi." Orion lève un regard sceptique vers l'hôte, son verre de whisky au bord des lèvres. "Bien pour moi de quoi ? De m'envoyer en l'air ?" "De passer à autre chose." Les poings le démangent. Il aurait envie de lui cogner dessus. Passer à autre chose c'est pas possible. Y a plus d'issue à la culpabilité qui le ronge.

"Allez viens, j'vais te présenter, j'crois qu'elle est arrivée en plus." Ouais elle est arrivée et il perd pas de temps pour la repérer dans la foule. Avec sa caisse de bouteille de vin et sa jolie robe, elle a l'air d'une biche qui n'attend que de se faire dévorer par le grand méchant loup. Puis il la connaît. Il reconnait très bien son visage. Son visage de poupée si familier. Alors il reste interdit, suspendu, un long moment. Jusqu'à ce que l'évidence saute aux yeux de Luke. "Putain Orion désolé, j'ai pas du tout capté qu'elle ressemble à ..." Y a des secondes de silence qui font plus mal que des gouttes d'acide en pleine face. "Ca va tu peux dire son nom. C'est pas Voldemort. Au moins c'que t'as capté c'est mon genre de femme." Le genre qui ressemble à la femme qu'il a tué. Indirectement ou pas, ça n'a pas d'importance finalement. Le résultat est le même. Il laisse Luke avec ses états d'âme, embarquant sa mauvaise humeur et son aura de ténèbres vers la blonde solaire. Il aurait envie de lui dire de dégager mais il a aucun droit ici, c'est même pas chez lui. "Y avait plus que du jus de raisin dans le repère à coincés du cul où tu bosses ? Waw. Délicate attention." L'envie de la blesser, de faire disparaître tout ce qui se dégage d'elle. Parce qu'elle ravive toutes les plaies encore à vif. Parce qu'il a besoin de détruire tout ce qui pourrait être bon autour de lui.

T’es venue ici pour passer une bonne soirée. Pour t’vider un peu la tête, pour peut-être te mettre une murge de l’espace, enfin pour t’éclater un peu et d’profiter de ta soirée de libre. De passer une soirée avec des adultes. De vrais adultes. Mariés, avec des enfants dont la nounou devra s’occuper pour la soirée, discuter de politique, ce genre de choses, ça fait un moment que tu n’as pas abordé ce sujet. Enfin quoi qu’il en soit, tu comptes bien passer du bon temps, draguer Luke puisqu’il reste un éternel célibataire, un trentenaire riche et beau gosse que toutes les cougars de la soirée veulent se mettre sous la dents.
Lorsque tu es arrivée, c’est une femme blonde, beaucoup trop blond pour être vrai au passage, qui est venue t’accueillir, probablement la nouvelle conquête de la soirée de Luke ou un truc du genre. Une femme grande, qui pue le parfum cheap, mais soit, après les goûts et les couleurs, ça tu ne jugeras jamais. Elle t’as fait la bise en mode hypocrite, ses joues qui collent à cause de la tonne de fond d’teint qu’elle s’est peinturlurée sur la tronche, bref, tu veux vite trouver ton ami avant d’te faire entraîner dans une conversation qui ne t’intéressera sûrement pas.

Et tu l’as trouvé. Luke. Accompagné... «C’est pas vrai.» tu es un peu surprise de le voir là ce soir, tu te souviens l’avoir vu déjà quelques fois au restaurant où tu bosses, que t’avais même essayé d’le sortir d’un mauvais rencard en lui renversant son plat sur lui.
Et à peine en face à face, le voilà qu’il t’agresse sans même savoir d’où ça sort toute cette mauvaise humeur rien qu’en te voyant.
«Tiens, vous n’êtes pas avec un d’vos rencards ?» tu lui demandes, restant polie, te retenant du mieux que tu peux pour ne pas le tutoyer. Après tout, vous n’vous connaissez pas et vu sa mauvaise humeur envers toi, tu n’en as aucunement envie.

«Je devrais peut-être m’en aller...» Sauf que Luke vous a rejoint, sourire aux lèvres en te voyant.
«Ah ? Vous vous connaissez déjà tous les deux ? Orion, petit cachottier.» qu’il s’exclame en vous mettant une tape en même temps sur vos épaules. «Zelda, tu le connaissais déjà ?»
Tu t’sens rougir honteusement, tu n’sais même pas quoi répondre à sa question, du coup tu préfères vite disparaître de leur vues.
«Pas du tout. Je l’ai croisé au restaurant, je lui ai évité un rencard ennuyeux et voilà comment il me remercie. En étant mauvais avec moi. Excusez-moi, j’ai besoin d’un verre.» tu balances froidement, t’éloignant des deux hommes pour aller déposer le carton rempli de bouteille, t’en prendre une rien que pour toi et te l’ouvrir sur le balcon de l’appartement de Luke.

L'alcool rend mauvais. Accentue tous les traits déjà pourris présents chez lui. Tous ces traits que sa femme s'évertuait à rendre meilleur. Maintenant qu'elle n'est plus là, ils ont tout le loisir de s'épanouir, de se nourrir à grandes doses de whisky pour éclater à la figure de tout ceux qui tentent de lui tendre la main. Il avale le contenu de son verre d'un coup. L'alcool fort ne lui arrache plus une seule grimace. La brûlure dans sa gorge semble une des rares manifestations qu'il est bien vivant malgré l'impression de mort dans son âme. Pourtant, elle lui arrache un sourire la blonde, avec sa répartie. "J'essaye toujours de rattraper le pantalon que t'as foutu en l'air en me renversant une assiette sur les cuisses." Il sait très bien qu'elle a fait ça pour faire diversion et le tirer de ce rencard qui n'en finissait pas. Cette nana avait tout de la dépressive tarée, à lui lister tous ses ex, leurs défauts, leurs qualités et son amour inconditionnel pour Chanel, son chihuahua qu'elle avait tenu à emporter avec elle au resto. On aurait pas pu imaginer plus opposer que ces deux-là. A croire que son décolleté plongeant sur sa photo tinder avait aveuglé ses quelques neurones encore vaillants à force d'être bombardés d'alcool.

Il a pas le temps de lui répliquer quelque chose en sentant qu'elle a envie de partir. Comme si ses attaques acides n'étaient pas suffisantes, qu'il n'était pas prêt de la laisser partir si facilement. Le reflet de sa propre culpabilité, de la haine qu'il entretient avec lui-même se répercute directement sur cette femme qui lui rappelle trop celle qu'il a perdu. Et ça le fait marrer, vraiment marrer quand elle se met à rougir comme une tomate alors que Luke la questionne. Sûrement qu'elle espérait se le taper, comme la majorité des femmes célibataires jeunes et moins jeunes présentes à cette soirée. Luke est un beau gosse, bien dans ses baskets et profondément gentil, bien qu'incapable de choisir parmi la gente féminine. Tout l'inverse d'Orion. Il se marre un peu plus quand elle se vexe clairement, s'échappant pour boire un verre. Il croise le regard réprobateur de son pote, sûrement pas super ravi de voir comment le flic se permet de traiter le rencard arrangé. "Oh ça va, c'est pas ma faute si elle a aucun second degré, ta petite poupée. Toute façon, m'intéresse pas." Ingrat, c'est ce qu'on dit de lui dans son dos, alors qu'il envoie sur les roses tout ceux qui veulent l'aider un petit peu. Mais il s'en fout Orion, glissant une clope entre ses lèvres. Faudrait un peu de whisky aussi, histoire de faire descendre ce début de soirée chaotique. Mais le chaos est devenu le seul mode d'expression de son être.

Verre rempli, descendu deux fois, avant d'enfin se résoudre à mettre les voiles, après s'être fait engueuler par Luke à cause de la fumée de sa clope dans la cuisine. "Oh ça va. T'as peur que tes rideaux de petit bourge se mette à puer le tabac ? Allez, ça donnerait un peu de virilité à ton appart." Mais il n'insiste pas et se traîne vers le balcon. Son verre vacille dangereusement alors qu'il passe la porte vitrée. Le pas est chancelant alors qu'il râle après quelques autres invités qui lui emboîtent le pas sur la terrasse de l'appartement. Et puis il la voit. Encore elle. "T'es obligé d'être partout là où j'suis ? T'as pas quelqu'un d'autre à aller hanter putain ?" Il a crié plus que parler avant de lui tourner le dos, les avant bras adossés à la rambarde de la terrasse. La ville est animée comme toujours. Une vague nausée le prend aux tripes, qu'il ravale tant bien que mal. "Toute façon t'es même pas mon style. J'vois même pas pourquoi Luke pensait que j'allais ..." Les mensonges s'écoulent de sa bouche comme du vomi qu'il ne peut pas retenir. Heureusement il réussit à s'interrompre, échappant sa clope dans le vide. "Eh merde. Fais chier. Va te faire foutre !" Il hurle contre le mégot qui achève sa course au milieu de quelques étincelles avant de chercher une autre clope dans son paquet. Soirée chaotique, tempête dans ses pensées. Suivre le chemin du mégot serait plus facile si il pouvait enterrer sa lâcheté.

Tu t’demandes bien c’que tu as pu lui faire, à Orion. À cet ours ronchon alors que tu pensais avoir bien agi en le sauvant d’un rencard catastrophique. Ça t’apprendra à vouloir être sympa. Ça t’apprendra à risquer ta place dans le resto où tu bosses. Pourquoi est-ce que t’es venue au fait ce soir ? Parce que c’est Luke qui t’as invitée. Parce que tu craques un peu pour lui. Et ça date pas d’hier, le truc, c’est que lui, il n’est pas du genre à avoir d’histoires sérieuses. Luke, il enchaîne les coups d’un soir.
Toi... t’avais l’habitude de le faire à une époque, mais plus maintenant. Parce que tu veux quand même pouvoir te caser, avec un type bien, qui t’méritera, qui t’aimeras malgré ton sale caractère.

Finalement t’as préféré mettre les voiles. T’as à peine eu l’temps d’écouter ses railleries, sa petite pique comme quoi t’as flingué son soi-disant superbe pantalon qu’il avait mis le soir de son rencard, mais tu t’en fout. Tu t’en bas les ovaires, clairement. T’as tourné les talons, t’excusant d’un signe de la tête envers Luke, qui au final est un ami que vous en avez en commun, malheureusement... C’qui voudra probablement dire qu’au prochain pic-nique qu’il organisera, tu seras obligée d’supporter la présence d’Orion. Et ça ne t’enchante pas le moins du monde.

Soupir blasé. Bouteille de vin à la main. Regard perdu dans le Queens traditionnel. Yeux bleus qui scrutent l’horizon. Tu rêves de voyager. De partir loin d’ici et de ton job pourri, partir de New York, cette ville qui a la réputation de ne jamais dormir. Mettre les voiles, vraiment, faire le tour du monde en voilier pour découvrir le reste de la planète. Rêve que tu ne peux qu’effleurer du bout des doigts. T’as pas les moyens. Ni les connaissances en navigation pour entreprendre ce voyage.
Tant pis. Plus tard peut-être.

Pour l’instant, tu te contentes du Queens.
Pour l’instant, tu te contentes de cette bouteille de rouge que tu descends toute seule, sur ce grand balcon, clope dans l’autre main. Alcool et clope. Tes deux meilleurs potes. Meilleurs acolytes dans ce genre de soirée où tu ne connais personne à part l’organisateur. T’aurais préféré passer une soirée avec Kenny et Rex. Ou tu aurais dû les inviter. Eux, ils auraient su mettre l’ambiance. Ouais c’est même sur.

Bruit d’une fenêtre de balcon qui s’ouvre derrière toi. Voix désagréable pour tes oreilles. Orion, l’ours ronchon. Et il t’agresse encore. Cette fois, c’en est trop. Tu n’lui as rien fait.
«Je t’emmerde ! Si t’es pas content d’me voir, dégage ! J’comprends même pas comment Luke peut être pote avec un connard comme toi...» tu lui réponds, du tac au tac juste avant qu’il ne peste contre sa clope qui s’fait la malle à son tour.
Tu murmures un «bien fait», sourire taquin aux lèvres alors que tu te bois une autre gorgée de ce délicieux vin rouge.
«A croire que tu fais même fuir les clopes.» tu rajoutes, le vin qui t’monte doucement à la tête, tes prunelles qui le fixent alors qu’il te tourne le dos.

«J’peux... savoir c’que je t’ai fait alors qu’on s’connait à peine ? T’es un abruti fini à coups de pelle avec toutes les autres femmes que tu croises ou t’es simplement con de base ?»

La clope tombe, tombe, s'enfonce dans la nuit, s'écrase au sol. Les paroles de la blondinette résonne encore dans sa tête. Comment Luke peut être pote avec lui ? Comment n'importe qui pourrait le trouver sympathique ? Comment une femme aussi extraordinaire que Rose a pu tomber amoureuse de lui ? A croire que les autres n'ont aucun discernement. Pourtant, son père lui a toujours dit qu'il n'était digne d'être aimé par personne. Une leçon qu'il avait oublié pendant son mariage, se pensant presque agréable à vivre. Un bon flic, un bon mari, tout ça c'était que des conneries. Il lui répond pas mais ça le plonge un peu plus dans sa mélancolie. Un peu plus dans ses ténèbres. Et il déteste ça. Il déteste qu'elle puisse avoir l'ascendant en seulement une phrase. Qu'elle puisse venir le toucher au plus profond de son être aussi facilement, comme si il n'était rien d'autre qu'un livre ouvert qu'on peut malmener à sa guise.

Il lève son majeur dans la direction de la blonde même si elle n'a pas tort encore une fois. Façon très élégante de s'adresser à une dame, ça lui aurait sûrement valu une remarque de la part de Luke. Sauf qu'il est pas dans le coin, trop occupé à passer pour le futur mari idéal, à donner de faux espoirs à tous ces jolis coeurs qu'il va désillusionner après un tour sous les draps. Il finit par gagner son combat contre le paquet de clopes, et en sortir une qu'il glisse tout de suite entre ses lèvres. La lumière du briquet vacille un moment avant de trouver la cigarette, à l'abri derrière sa paume rugueuse. Un léger sourire s'invite sur son visage mais il n'a rien de joyeux.

Orion se tourne vers la blonde, fait un pas vers elle, plus si adroit que ça après tout le whisky descendu. Et il a déjà perdu toute envie de lui balancer une autre vague de cynisme, se contentant de la dévisager. C'est troublant, à quel point il retrouve quelque chose de Rose chez elle. Quelque chose qui l'apaise et l'excite autant que ça lui fait peur. Et la seule réponse qu'il connaît à la peur, c'est bien la violence. "Juste un putain de meurtrier. Fini à coups d'poings mais j'suppose que ça fait le même effet que les coups de pelle." Il se fait marrer tout seul, descendant son verre de whisky. Ca va devenir problématique cette absence d'alcool. Il prend quand même la peine de ne pas lui souffler la fumée de sa clope en plein visage, à croire qu'il subsiste un peu du gentleman, même dans l'ivresse. Orion s'approche encore un peu, se fichant des conventions sociales ou des gens qui les observent. "Et toi t'es quoi ? Un fantôme venu me pourrir la vie ou juste une allumeuse de plus ?" Il attrape la bouteille de rouge qu'elle tient dans les mains, lui volant une longue gorgée. C'est indécent d'être si proche d'une inconnue. Mais dans ses traits, y a quelque chose de si familier. Tellement familier qu'il sent qu'il pourrait oublier pour un moment que Rose n'est plus. Comme si elle était revenue l'espace d'une soirée, qu'il n'avait que se pencher pour profiter de ses hallucinations.

Rien que sa présence t’exaspère. Et t’as toujours cette question qui est dans un coin de ta tête : qu’est-ce que t’as bien pu lui faire ? Il aurait voulu se taper cette blonde décolorée au décolleté ravageur et devoir supporter le chihuahua dégueulasse ? A bien y repenser, c’est vrai que la scène était assez comique, t’aurais peut-être dû le laisser se débrouiller avec elle, plutôt que de penser que tu avais bien fait d’le sortir de cette situation.
Là ouais tu regrettes.
Peut-être même que ce soir il aurait été avec cette blonde, peut-être que ç’aurait été elle qui aurait eu le droit à sa mauvaise humeur et pas toi.
T’es blasée. Rien que devoir supporter sa présence. Il aurait pas pu tout simplement aller se griller une clope ailleurs ? Genre sur le toit, partout ailleurs sauf ici ?

Mais ce qui t’étonnes le plus, c’est pourquoi tu prends la peine de lui répondre. Tu devrais le laisser dans son coin, profiter de la soirée et tout faire pour l’éviter pendant le reste de la nuit. Bon plan. C’est même c’que tu t’apprêtais à faire jusqu’à c’qu’il daigne te répondre, même si au fond, ses réponses t’intéressent peu, voire pas du tout en fait.
Jusqu’à c’qu’il se tourne enfin vers toi et s’adresse réellement à toi, et pas au vide qui se dessine sous vos yeux, juste en dessous du balcon. Et étrangement, à la lueur de la nuit, de la lune qui vous nargue au-dessus de vos têtes, pendant l’espace d’un instant... tu l’as trouvé beau.

Qu’est-ce qui t’prends ?
Sa réponse te glace le sang. Luke est flic, et il a invité un meurtrier à sa soirée ? Pas possible.
«Quoi ?» comme si tu n’avais pas bien saisi sa réponse, un peu effrayée, ne voulant même pas y croire.
Mais la peur est vite remplacée par autre chose.
Par l’envie de lui coller ton poing dans la gueule lorsqu’il te demande si t’es une allumeuse de plus. Tu grinces des dents. Ton poing qui se serre alors qu’il ne se gêne pas pour boire dans ta bouteille de vin.
Poing qui vient sourdement se coller sur son visage, sans même penser aux conséquences.
«Va mourir pauvre con !» tu lui balances à la tronche après l’avoir cogné pour vite le faire redescendre, pour l’empêcher d’continuer de t’insulter.

«J’me casse.» tu murmures, des larmes de colère qui coulent soudainement sur tes joues alors que tu n’prends même pas la peine de t’excuser, ni de récupérer ta bouteille, quittant furieusement le balcon. Luke qui t’intercepte au moment où tu rentres dans l’appartement.
«Zelda ? Qu’est-ce qui t’arrives ?»
«Demande à ton abruti de pote, moi, j’monte sur le toit, j’ai besoin d’air et d’être loin de ce crétin.»
T’es en colère. Il ne t’connaît pas et n’a pas le droit d’te juger.
Non mais pour qui il se prend franchement ?!