crash. (charlie x elio x gioia)

« hello everyone! as you saw in the intro of this video: i’m in new york city! this is so crazy for me because... »

tu regardes ta vidéo en entier encore une fois avant de la poster en ligne. tu vérifies que tous les segments sont coupés correctement et que les morceaux de musique collent à ce qui est affiché sur l’écran. c’est très cliché à dire, mais tu n’aurais jamais cru qu’avec une toute petite vidéo, ta chaîne youtube irait si loin. cette fois-ci le contenu est un peu différent de ce que tu fais d’habitude. en général, tu parles de dessins, d’outils, de techniques ou tu te filmes simplement en train de dessiner ou de peindre en accéléré. aujourd’hui, c’est un vlog. tu expliques brièvement pourquoi tu es là, en omettant des détails. beaucoup de détails. personne ne sait qu’elio est ton frère. il ne le sait même pas lui-même. il ne sait pas que, cette chaîne, c’est un peu pour lui que tu l’as commencée. personne dans cette ville ne sait que tu es malade et que tu as besoin de ton frère pour survivre. perdue dans tes pensées, les yeux rivés sur ton écran d’ordinateur sans réellement le regarder, tu soupires. si proche et pourtant encore si loin. ça fait des années que tu le suis, lui et sa carrière, comme une vieille groupie avec un amour malsain. et peut-être que c’est un peu le cas, au fond. peut-être que c’est carrément bizarre de l’avoir surveillé de loin sans n’avoir jamais rien dit, sans n'avoir jamais donné aucun signe de vie. t’en sais trop rien, gioia. t’aurais voulu que ça se passe autrement. t’as son adresse depuis des semaines mais t’as pas été le voir encore. t’as l’impression que ça serait encore plus bizarre que toute cette situation. t’as l’impression que ça serait beaucoup trop à encaisser d’un coup. « salut, je suis ta sœur et j’ai besoin d’une greffe de moelle sinon je pourrais mourir. au fait, ça roule ? » tu secoues la tête de droite à gauche. non, clairement, ça n’irait pas. t’as aucune idée de comment tu vas faire ça, aucune idée de ce que tu vas lui dire. t’aurais voulu que ça soit plus organique, moins préparé, plus spontané. mais t’as pas vraiment le choix. t’as peur, gi. peur qu’il te prenne pour une folle, peur qu’il ne te croit pas. même si t’as regardé toutes ses interviews, tous ses matchs, tu le connais pas vraiment elio. t’en sais rien de comment il va réagir. t’as peur de le perdre avant même d’avoir pu construire quelque chose de bien avec lui. t’as la boule au ventre.
tu lances un regard circulaire dans la pièce. ce soir, tu es seule. charlie est de sortie et elle t’a dit de ne pas l’attendre. les autres de la colocation ne sont pas là non plus. t’as l’impression que tout n’est qu’un rêve, trop beau pour être vrai. tu te sens un peu mal de squatter le canapé d'un appartement où six personnes vivent déjà. il y a une semaine à peine, tu vivais encore avec ton père dans un petit appartement londonien. il y a une semaine encore, tu travaillais dans un cabinet dentaire, à prendre les rendez-vous des patients, à mettre à jour les dossiers médicaux. c’est fou de se dire que t’as tout lâché aussi vite. et c’est grâce à charlie. si elle n’avait pas été là pour te sauver la mise encore une fois, peut-être que tu serais morte. littéralement. tu t’en veux de lui mentir et de ne lui dire que tu avais simplement besoin d’un changement d’air. tu t’en veux de ne pas lui voir tout dit parce que charlie, d’habitude, elle sait tout. le bon, le mauvais, elle a toujours été là pour toi. et t’as toujours fait de ton mieux pour toujours lui rendre la pareille. mais ça, c’est bien la seule chose que tu lui caches. tu lui diras, en temps voulu, quand tu seras prête. tu soupires. ta vidéo s’est terminée mais tu n’as rien regardé. trop égarée au milieu de tes angoisses, ça commence à vraiment te stresser parce que tu te rends compte de la réalité de la chose. elio est là, dans la même ville que toi. tu remets le curseur à zéro. t'essaies de te concentrer sur ton travail. des images de ta valise et de l’aéroport apparaissent. et puis ton visage souriant se présente sur l’écran. « hello everyone! as you saw ... » des bruits de clés se font entendre. tu pauses la vidéo pour te retourner vers la source du bruit. la porte de l’appartement s’ouvre. « déjà rentrée ? je pensais que tu ne rentrerais pas d- » tu t’arrêtes en milieu de phrase. charlie est là, mais elle n’est pas seule. un gars est avec elle. un gars avec un visage bien trop familier. tu voulais du spontané, gi, te voilà servie. parce que charlie, elle est rentrée avec elio, ton frère. et à la place de faire bonne impression et de le saluer, tu dis : « merde. »

la nuit est longue, charlie. déjà la journée l'était, après tout tu n'aimes pas vraiment le jour alors celui-ci t'a toujours paru terne, morne, inintéressant. mais la nuit, ce soir, la nuit ne te rends pas heureuse. le ciel est vide de toutes tes petites étoiles, ces étoiles qui t'obsèdent, ces étoiles qui te fascinent. ce soir elles sont absentes, comme la joie qui parcourt d'ordinaire ton visage de part en part. t'as abandonné gi à l'appart, si tu t'trompes pas tout l'monde est sorti, la pauvre doit être toute seule ; mais ce soir t'avais prévue d'sortir, elio t'as envoyé un message pour que vous vous retrouviez, que vous alliez boire un verre, et t'en as bien besoin. parce que ces temps-ci, quand tu n'es pas occupée à vivre ta vie, à renouer le lien avec ta meilleure amie, ou à tenter vaguement d'aider ta mère et ta sœur, tu ne peux que penser à andy. andy, le disparu, andy qui ne reviendra jamais, andy qui a momentanément piétiné ton cœur. oh tu t'en remettra bien vite, probablement, tu sais que ça n'est que temporaire ; ça n'en est pas moins blessant, pourtant. tu ne t'attendais pas vraiment à ce que cette histoire, qui commençait pourtant bien, se finirait si vite. mais tant pis, pas vrai ? tant pis. alors oui, voir elio te fait du bien, ce soir. vous vous êtes pas mal rapprochés, ces derniers temps, même si ça reste platonique ; vous discutez, vous buvez, vous parlez de vos déboires, qu'ils soient amoureux ou familiaux pour ta part, et vous rigolez, beaucoup. c'est simple, plaisant, ça fait juste du bien, en soit. un bien incroyable, un bien revigorant, et tu n'peux qu'être heureuse de la tournure des évènements. alors la soirée se déroule sans accrocs, tu enchaînes les verres sans vraiment les compter, assise dans ce bar bondé, et pourtant c'est plutôt apaisant ; tu es coincée près d'elio, vous avez du mal à discuter, les bruits environnants sont bien trop fort, et vos voix peinent à les recouvrir. alors c'est pour ça, au final, que vous finissez par quitter le bar. besoin d'vous poser quelque part où vous serez tranquille, besoin d'pouvoir discuter sans être dérangé. ton appartement, c'est le premier lieu auquel tu penses. au pire, elio rencontrera une partie de ta vie en la présence de gioia, et ça n'sera que bénéfique, pas vrai ? l'un d'tes plus proches amis rencontrant ta meilleure amie, oui, définitivement, ça n'peut qu'être positif.

c'est alors l'sourire aux lèvres qu'ta main s'glisse dans celle d'elio, d'un geste des plus naturels, tandis qu'tu t'avances dans la nuit toujours aussi dénuée d'étoile (c'est bien un signe qu'tout n'va pas s'passer comme il le faut, non ?), ramenant le garçon à l'appartement qu'tu partages avec tes amis. t'es loin d'te douter d'la tornade qu'tu vas ramener, t'en as aucune idée, pour toi c'n'est qu'une soirée comme une autre, et quand tu ouvres enfin la porte d'ton chez toi, c'est l'sourire aux lèvres qu'tu laisse le garçon entrer à ta suite. « hey, gi ! » est-ce qu'on entend l'alcool dans ta voix ? définitivement, oui. tes yeux s'posent sur ceux d'la brunette, et, petit à petit, ton sourire se fane. parce qu'le visage d'gioia s'décompose, et tu t'dis que, probablement, tu la déranges. « désolée, c'était la folie au bar, on arrivait pas à s'entendre, alors on s'est dit qu'on était mieux à rentrer ici... » t'hausses un peu les épaules, geste totalement inutile, parce que l'anglaise semble être tout sauf intéressé par c'que tu déblatères. non, son regard, il reste fixé sur... ton invité, elio. et putain, t'as aucune idée de c'qu'il peut bien s'passer, toi. elle est tétanisée, et lui, il comprend absolument pas. c'qui est logique, ceci dit, t'es pas beaucoup plus avancée qu'lui, charlotte. « est-ce que... ça va, gio ? » bon, t'as l'air un peu conne ; c'est évident que ça n'va pas, hein. mais bon. on sait jamais. ça va p'têt la débloquer.

c'est beau, d'assumer qu'il est capable d'oublier une fille qui ne quitte pas son esprit. elle le hante. elle est là. putain. alors ce soir, oui, il a pensé à charlie. il s'est dit qu'il pourrait oublier, le temps de quelques heures, le temps d'un moment. le bar se remplie, peut-être que les verres défilent un peu, la musique devient trop forte et les mots deviennent difficiles à entendre. ils se sont envolés dehors, dans des rues animés d'une ville bien trop éveillée. jusqu'au moment où une main se glisse dans la sienne, sans qu'il ne trouve ça étrange. il a oublié à ce moment précis err, son problème cardiaque, sa mère qui lui manque, son envie de retourner en france. tout ça le temps d'un instant, et au fond, ouais, c'est grâce à elle.

il suit la belle, n'connaissant pas vraiment le lieu. elle l'emmène jusqu'à son appartement, sans qu'il pense à un sous-entendu. il est juste content. d'passer une soirée loin d'son appartement. et tant pis pour les médicaments. il s'en fout. il veut juste vivre, autrement. pas comme avec err, juste autrement. elle lui ouvre la porte, et il entre derrière elle. l'appartement n'est pas vide. il y a quelqu'un. forcément, qu'il ne l'a connaît pas. est persuadé qu'il n'a pas d'ami en commun avec elle. mais il apprécie l'contact, l'sourire, le regard qu'elle a. qu'elle porte. cette sensation de douceur. y'a quelqu'un. ouais. cette personne qui l'observe et elio qui n'sait pas trop comment agir. peut-être que l'pire, c'est qu'il connaît le visage. sans trop savoir ou, ni comment. moi c'est elio. qu'il dit, en espérant débloquer la jeune femme. il lui offre un léger sourire alors qu'il se colle un peu plus contre charlie. mais j'te connais ! qu'il s'exclame d'un coup. il savait qu'il connaissait ce visage. il savait qu'il l'avait déjà vu quelque part. tu fais pas des vidéos, toi ? autant essayer d'bien commencer un début de conversation. il est un peu paumé, elio. il a pas vraiment bu, et il est pas non plus forcément à l'aise pour le coup.