baby shark (amira)

elle a dit non à clarke, onaë.
elle a dit non, d'abord par texto.
et puis elle a répondu à son appel.
elle a encore dit non.
"non clarke, je viendrai pas ce soir. je sors avec une copine."

amira, la copine. amira, l'influence. clarke le roi, mais amira la reine. qui promet un trône. qui porte la couronne. elle est arrivée, du bout du comptoir. avec sa robe de sirène, ses cheveux libertins et ses yeux qui font des magies. onaë, elle l'a tout de suite jugée comme une princesse - ne s'est jamais laissée penser qu'il pouvait s'agir de la méchante. parce qu'amira, il y a toute cette énergie divine qui l'auréole, toute cette prestance de magnificence. elle porte l'hypnose, amira. ses yeux, ils regardent à travers les philtres. sa bouche, elle se courbe comme si elle pouvait exprimer toutes les émotions du monde. c'est une belle créature, et onaë, elle cherche encore à apprivoiser son extraordinaire. comme si elle avait le pouvoir de lui en donner un peu. comme si elle pouvait partager la puissance de son ésotérisme. c'est inconscient, mais elle est tombée en plein dedans, onaë. tant pis pour les bleus. tant pis pour les cicatrices. puis on verra pour le cœur.

son téléphone sonne. l'alarme affiche qu'il est temps de partir. chronométrée vingt minutes avant le début de la soirée. dix pour s'y rendre. cinq pour se rassurer. quatre pour trouver amira. une pour oser la rejoindre. le trajet est long. devient court au moment où le taxi se gare devant la réception. la blonde sent ses mains moites qui transpirent l'appréhension. est-ce-qu'elle se souvient toujours de moi ? est-ce-qu'elle me trouvera toujours à son goût pour me laisser passer la soirée avec elle ? est-ce-que clarke ne me ferait pas passer une meilleure soirée ? « est-ce-qu'on peut faire demi-tour ? » la voix déconcertée, elle fait face au haussement de sourcils du chauffeur, l'air interpellé, mais qui s'apprête docilement à débrayer. « non, non, il faut que j'y aille. » elle secoue légèrement la tête, relevant les yeux dans le rétroviseur pour voler le regard de l'homme assiégé à l'avant. « ça va ? je suis bien ? je peux y aller comme ça ? » il acquiesce en bredouillant quelques mots censés rassurer le manque de confiance auquel elle l'expose. elle le remercie, maladroitement, tirant la poignée de la porte dans un entrain de persuasion au même moment. « merci beaucoup. bonne soirée. » elle espère qu'il lui souhaite la même chose. il le fait. elle soupire pour se vider de ce stress incompréhensible qui l'accapare. et elle tourne les talons. s'en va trouver amira.

on lui a donné l'adresse d'une villa dans le queens huppé. une soirée privée. à la grille qui délimite la demeure luxueuse du chemin caillouteux, encore une dizaine de questions lui fourmillent le crâne. onaë se retourne, le taxi n'est plus là. alors elle prend son téléphone, elle envoie un message à clarke tout en avançant, pour se donner du courage. "à demain, bisous. tu me manques déjà." ses doigts glissent sur le clavier, elle ne pense pas à ce qu'elle écrit. et clique sur envoyer. pour regretter l'instant d'après. néanmoins, ses pas l'ont mené jusqu'à la terrasse, bordée d'une grande piscine. quand elle lève le regard, ses yeux coulent le long de l'architecture, traînant un filet d'admiration sous leur trajectoire. peut-être qu'un jour, elle réussira à vivre dans un endroit aussi beau - elle aussi.

passant la baie vitrée, elle salue d'un sourire léger tous ceux qui la regardent. parce qu'elle est regardée, onaë. sûrement parce que sa robe qui ne lui a pas coûté le salaire d'un footballeur se démarque de celles de haute couture que portent les autres invitées. peut-être parce qu'elle arrive sans l'escort d'un charmant jeune homme en costard. ou peut-être parce que l'entrée principale n'était pas celle de la baie vitrée. « bonjour. » glousse-t-elle, timide. aucune réponse, que des sourires. mais le silence lui vaut sûrement moins d'épreuve qu'un "bonsoir" cassant sur les coups de dix-huit heures.

amira, amira, amira.
son attention conquit la salle d'accueil.
et puis, c'est amira. qui conquit son âme.

elle s'approche, sur la pointe des pieds. essayant de croiser son regard parmi les hommes qui l'entourent. parmi les rires bruyants et les gestes trop grands. « amira ! » elle prononce, sur un ton qui aurait mérité d'être plus imposant. je suis là amira, tu te souviens de moi ?