a nos amours (rhea)

Le liquide brun danse dans la bouteille, des vagues qui ne laisse aucune trace dans leurs sillages, juste des reflets ambrés d’un whiskey brulant ta gorge à chaque gorgée, anesthésiant ce qui reste de sentiment dans ton coeur, dans ta tête, dans ton âme. tu as commencé à boire bien plus tot qu’a l’habitude, quoique tu ne saches même pas si tu as dessaouler de la veille, si l’alcool a quitté tes veines depuis des jours durant. des jours que tu survoles ta vie, hors de ton corps, comme un putain de pantin, spectateur d’un avenir tout tracé, d’une course folle qui trouvera son arrivée dans un mur. des jours que tu n’es plus vraiment là, des jours entiers à rester enfermé, le téléphone qui sonne, de temps à autre, ta femme de ménage qui vient frapper, prononce ton nom pendant quelques minutes et repars comme elle est venue. Des jours entiers que tu ne quittes pas ton salon, les bouteilles qui t’accompagnent, la musique que tu branches de temps à autre. les mégots s’entassent, la crasse s’éparpille autour de toi. pourquoi tu’es comme ça Roméo ? pourquoi tu fais ça Roméo ? pourquoi tu’n'es pas normal ? pourquoi tu’es triste comme les pierres, le coeur en berne, les pensées noires qui t’envahissent, font resurgir des démons qui n’ont jamais vraiment été bien loin. ils sont toujours là, tapis dans l’ombre, surgissant au moindre sentiment un peu trop violent pour toi. c’est le monde qu’est trop violent pour toi Roméo, trop dur, trop difficile, trop triste. c’est le monde qui te bouffe, c’est le monde qui te tuera. comme il a tué Romy.

Romy est morte. il y a quelques matins de ça, Romy est morte. elle s’est éteinte, plongeant vers sa fin, la provoquant. elle a toujours eu plus de courage que toi, elle a toujours eu plus de crans, celui de vouloir en finir. et tu cherches les raisons, cherche les signaux qui auraient pu empêcher ça, qui aurait pu lui épargner un tel fin. est ce que tu pouvais la sauver Roméo ? est ce que t’aurais pu la sauver ? bien sur que non, évidemment que non, tu’es même pas foutue de te sauver toi-même, même pas foutue de voir que toi aussi tu te précipites vers une fin certaine. on est tous en train de mourir Roméo.

T'a l’impression que l’alcool n’agit plus, qu’il n’a plus le même effet, celui de rendre plus supportable la peine que tu peux avoir, la rage au fond de ton coeur, les questions au fond de ton crâne. plus aussi libérateur qu’il pouvait l’être, peut-être parce que les bouteilles se font vides, peut-être parce qu’il te manque autre chose. tu trouves le courage, la force de te traîner hors de ton appartement, errer un instant dans les rues, te perdant dans les ruelles sombres, retrouvant ton chemin à un croisement, utilisant le peu de lucidité qu’il te reste, guidant tes pas jusqu’à son appartement. Rhéa. ta belle Rhéa. ta douce Rhéa. Rhéa qui pourrait bien te sauver ce soir là. “J’ai besoin de toi”, que tu murmures quand elle t’ouvre, planter là, sur le palier, le cœur en berne et les yeux humide. Sauve-moi Rhéa, sauve-moi encore une fois.

doigt qui glisse contre ta charnue inférieure, le visage éclairé seulement par l’écran d’ordinateur en face de toi, t’étudies attentivement les visages qui défilent devant tes yeux. croix et rond dessinés dans ton esprit, tu souris doucement. les premières pour les familles, le second pour la cible. tu t’imagines, tu rêves de mille et une choses, belles et réussies, le dos qui vient s’appuyer contre la chaise. l’impatience et la satisfaction déjà présentent pour quelques secondes. les coups contre la porte te dérangent, les trois successifs puis ton avancée jusqu’à elle augmentent ton rythme cardiaque. l’appréhension de voir débarquer un de ces mecs, les pas pieds nus sont furtifs, silencieux jusqu’à atteindre le judas. soupir au bout des lèvres. soulagement des deux cas avant que tu ouvres la porte. là, sur le palier, roméo. enfin. j’ai besoin de toi. un murmure vers toi dans la supplice de son chagrin apparent alors que tes sourcils se froncent. visage déconfit, cimetière de ses larmes sur la fin de ses joues, là perdues entre les poils de sa barbe née depuis quelques jours. c’est rouge sur son visage, c’est pathétique dans les accords de sa voix.
qu’est-ce que t’as roméo ? pourquoi les effluves de l’alcool deviennent ton parfum ? pourquoi le chagrin semble se nourrir de toi ?   c’pas ces premières questions qui sortent de tes lèvres.
t’as cque je t’ai demandé ? la lanque qui humecte tes lèvres, furtivité de ta main qui gratte ton cou. ton fric ou plutôt son fric, ce que tu as besoin pour payer ce que tu dois. la dette de ton dernier achat, le rappel sur le dernier message arrivé sur ton portable. la porte que tu lâches, tu te retournes pour le laisser entrer. le sourire sous les nuages, la sympathie envolée vers les cieux pour laisser place à l’impatience dans le coeur et le crâne. là, y a que l’argent et ta survie qui compte. t’as pas envie de crever demain en sortant de chez toi pour une histoire de fric. tout ça à cause de roméo.
roméo et son regard dans ton dos.
roméo et ses yeux trop larmoyants qui t’agacent et t’intriguent.
pourquoi est-ce que tu me regardes comme ça, roméo ? comme si jpouvais te sauver alors qu’à la fin, il ne restera plus que moi debout. comme si jpouvais te prendre en pitié alors que c’est seulement à la fin de tout cela que jle ferais ? si l’envie me vient. si je pense à toi.
pourquoi tu chiales au juste ? dérisoire dans ta voix alors que t’avances dans l’appart un peu trop vide. louison, ta belle lousion a quitté les lieux, t’abandonnant ici. les valises traînantes à ses pieds, le grand sourire sur ses charnues, lunettes de soleil sur la tête, passeport à la main, elle te quittait pour partir à l’aventure. gros poisson péché, prêt à être dévoré avec un verre de vin blanc. tu devrais me payer un truc maintenant roméo. me loger quelque part. alors louison, ta belle louison, elle te manque tant. et le manque te rend presque mauvaise. les restes de drogue dans le corps te rendent peu impropre à jouer le jeu. jsuis pas d’humeur à sourire, roméo. jsuis pas d’humeur à jouer le beau spectacle pour que tu m’applaudisses de tes lèvres sur mon corps au tombé du rideau pourpre et or.
tu te retournes pour le regarder, un sourcil qui se lève lentement, les bras qui se croisent contre ta poitrine.
roméo déchet. pourquoi est-ce que j’ai l’impression q’ton chien vient de se faire écraser sous tes yeux ? que ton coeur, visible dans le fond de tes yeux d’alcoolo, porte les vestiges d’un coeur brisé ? t’as pas encore compris qu’il n’y a que moi qui peut te faire sentir ainsi ?

@roméo saint-clair