rain down like black hell --/ sarai.

Sarai est chez elle, ce soir.

Leroi le sait — Leroi a vérifié. Quand sa bécane ralentit, il repère celle déjà garée et s'arrête à côté. Le pied à terre après la béquille, le moteur coupé. Il enlève le casque, passe une main dans ses cheveux pas réflexe. Il ouvre la fermeture éclair de sa veste, se redresse pour délester la moto de son poids familier et jette un coup d'oeil au ciel dégagé. L'heure est avancée, mais Sarai l'attend. Pour n'importe quoi d'autre, ça aurait pu aller à demain, mais pas pour ça.

Iryna rassurée, sa pause passée à ses côtés. Il avait enfilé une deuxième bière, avant de récupérer sa Harley et de filer retrouver la reine. Le rapport aurait pu être fait d'un simple texto; mais les représailles, elles, n'en seraient pas balayées pour autant. C'était leur pensée qui inquiétait Leroi — bien plus que son éternelle nonchalance ne l'aurait laissé présager. Il fallait penser à la suite. Y penser vite. Et le sommeil restait une activité dont il pouvait se passer, si besoin était.

Il cogne à la porte et ouvre sans attendre de réponse. Sait qu'elle l'a senti arriver, flairé, peut-être. Perséphone et Cerbère à elle seule. Il ne prend pas la peine de s'annoncer. Ne fait qu'ouvrir sa veste en entier, sans jamais l'ôter. Le cuir dont on ne se débarrasse pas. Pas comme ça. Il l'aperçoit dans le salon, s'arrête pour s'appuyer contre le mur sans y entrer. « Me dis pas qu'tu dormais. » Le sourire qui étire ses lippes bien trop facilement. La complicité sans pareille, imperméable à tout ce qu'elle pourrait lui balancer. C'est juste moi.
T'as pas à t'inquiéter.
« J'espère que t'as d'la bière au frigo. » Il n'en a pas encore fini avec sa soirée. A besoin de boire pour oublier. Boire pour effacer de sa mémoire vive le corps mutilé. Tout ce que ça avait pris pour s'en débarrasser. Les fantômes ne se voient pas, mais ne partent pas. À fleur de peau, à fleur de rétine. À fleur d'esprit, à fleur de repos. « N'importe quoi d'autre, sinon. J'suis pas bien compliqué. » L'alcool aidait. L'avait toujours fait. Solution dont il n'avait jamais abusée, mais qu'il soumit à Sarai d'un clin d'oeil léger. Le genre de discussion qu'ils n'avaient jamais eues, et qu'il ne voulait de toute manière pas partager.

« Je suis passé voir Iryna. » qu'il ajoute finalement. Le sourire et la plaisanterie qui s'évaporent, l'espace d'un instant. Les épaules toujours dénouées, pourtant. « Elle a rien remarqué qui sorte de l'ordinaire, pour le moment, mais j'lui ai dit de nous appeler si y avait quoi que ce soit. » Parce qu'on le sait, toi et moi, que ça ne durera pas.
On le sait qu'il manquera.

Pas à nous — pas besoin.
À d'autres suffira.

Et à ce moment-là, faudra être prêts.