Search the past for redemption. (Cassey)

Marchant dans les rues du Queens Contemporain, elle parvient enfin à trouver l’adresse qu’elle a noté sur son téléphone plus tôt dans la journée. Cette adresse, c’est celui d’un appartement qu’elle doit visiter avec sa mère. Et en réalité, elle se demande pourquoi elle a accepté, Arya. Ou plutôt, elle le sait, mais la réponse l’agace profondément. Elle a accepté parce que malgré sa rancœur, malgré sa colère, malgré sa souffrance, elle aime Cassey plus que tout au monde. Et sa mère lui manque. Elle a et aura toujours besoin d’elle. Elle a vécu avec elle durant des années. Des années pendant lesquelles elles n’ont été que toutes les deux. Toujours. Et cela fait plusieurs mois maintenant qu’elles ne partagent plus rien. Elle en est en grande partie responsable, Arya, parce qu’elle refuse catégoriquement de renouer des liens avec sa mère. Mais elle n’en est pas la fautive pour autant, parce que c’est Cassey et uniquement Cassey qui a décidé de l’envoyer vivre chez son oncle. Et au fond, elle n’a pas vraiment la sensation que sa mère réalise vraiment à quel point elle a vécu cela comme un abandon, Arya. Elle l’a laissé au pire moment de son existence. Elle l’a laissé lorsqu’elle avait le plus besoin du soutien d’une mère. Et peut-être qu’elle le regrette, Cassey, mais les dégâts sont déjà faits. Enfoncés bien trop profondément dans le cœur de l’étudiante. Elle ne sait pas quand, ni comment, elles pourront retrouver une vraie relation, toutes les deux. Elle ne sait même pas si elle parviendra à lui rendre sa confiance. Tout du moins, pour le moment, elle est persuadée que ce n’est pas possible. Et puis il y a sa fierté, toujours bien trop présente. Celle qui l’empêche d’avouer à quel point elle souffre. Celle qui la pousse à garder le secret sur le mal qui la ronge depuis plusieurs mois maintenant. Ce quelque chose qu’elle cache à sa mère et au reste du monde, la boulimie. Elle a changé, c’est une certitude, et elle n’est plus la gentille petite fille que Cassey a connu. Alors c’est avec une certaine appréhension qu’elle rejoint finalement l’appartement à visiter. Sa mère l’y attend déjà, elle l’aperçoit au bas de l’immeuble, au loin. Arya s’approche à elle et une fois à ses côtés, elle esquisse un tout petit sourire. - Salut… Elle regarde rapidement l’heure à son poignet avant de reprendre la parole. - Je ne suis pas trop en retard ? Sa présence reste une énigme, car elle ne compte pas retourner vivre avec Cassey. Pas de sitôt. D’autant plus qu’elle a ses habitudes chez Nikolaï, désormais. Et elle ne veut pas revivre les derniers mois qu’elle a passé à New-York avec sa mère. Ces mois qui n’ont été que conflits et déchirement.

Peut-être qu’elle trouve cette situation cruelle, Cassey. Peut-être qu’elle ne comprend pas pourquoi Arya s’évertue à mettre tant de distances, entre elles. Mais au fond, c’est parce qu’elle ignore à quel point elle est abîmée, sa fille. Elle ne voit que le sommet de l’iceberg, comme Nikolaï, comme tous les autres. Elle ne voit que ce qu’Arya accepte de montrer. Elle est une bonne comédienne, elle sait camoufler sans mal ce qu’elle ressent, de plus en plus. Mais c’est également parce qu’elle se ferme de plus en plus, à sa mère, aux autres. Elle se ferme de plus en plus pour s’isoler, pour s’enfoncer dans ses travers. Pourtant, elle ne peut rester complètement de marbre face à Cassey. Elle ne parvient pas à déposer un voile sur l’amour qu’elle ressent pour elle. Parce que quoi qu’elle en dise, Cassey est son ancre. Elle est sa stabilité. Elle est la personne qu’elle a toujours aimée plus que n’importe quoi. Et au fond, elles se déchirent à la hauteur de leur amour, toutes les deux. Ce n’est peut-être pas saint, certainement pas, même. Mais leur relation a toujours été si forte, si intense. Cassey a toujours mis sa vie entre parenthèses pour Arya, quant à la petite blonde, elle n’a toujours eu et toujours connu que l’amour de sa mère. Alors un petit sourire vient se dessiner sur son visage lorsqu’elle sent le baiser de sa mère. Elle n’ose pas y répondre, elle se retient, mais elle lui offre son sourire et c’est déjà énorme. - Tu vas bien ? Demande-t-elle pour répondre à ses paroles. Elle est là parce qu’elle a énormément de mal à imaginer sa mère vivre dans un appartement qu’elle ne connaît pas, malgré tout. Leur relation reste fusionnelle même dans le conflit. Même lorsque tout va mal. Haussant ensuite les épaules, elle reprend naturellement la parole en entendant sa question. - Rien de spécial. J’étais au théâtre ce matin. Et toi ? Tu as pu visiter New-York ? Malgré tout, elle se pose un tas de questions sur la vie de sa mère maintenant qu’elle est ici. En réalité, elle ne comprend toujours pas ce qui a bien pu lui passer par la tête. Elle a tout laissé derrière elle, leur vie, leur appartement son travail. C’est comme si en un seul souffle, leur vie toute entière s’était effondrée pour laisser place à un total inconnu. Pour laisser place à quelque chose que Cassey ne semble pas maîtriser, pas du tout. Arya est complètement dépassée par les événements, et ce qu’elle ignore, c’est que sa mère l’est tout autant.

Elle dépend beaucoup de sa mère, Arya. Elle a toujours énormément dépendu d’elle. Peut-être parce qu’elle est la seule vraie stabilité qu’elle n’ait jamais connue. Peut-être parce que vivre avec elle et uniquement elle depuis dix-neuf années a installé une dépendance l’une envers l’autre. Peut-être que c’est même un peu malsain qu’elles s’aiment autant, qu’elles soient si fusionnelles. Cassey est le genre de maman copine, celle a qui on peut tout confier, celle avec qui on peut sortir, celle qui ne juge jamais. Peut-être parce qu’elle a été mère très jeune, bien trop jeune. Et elle a souvent pensé à quel point la vie avait dû être difficile pour sa mère, Arya. Mais tomber enceinte si jeune a également été ce qui leur a permis de créer cette si belle relation. C’est certainement ce qui fait qu’elles sont si proches, aujourd’hui. Du moins, qu’elles étaient si proches. Et c’est peut-être aussi pour cela qu’elle lui en veut autant. Elle a toujours été traitée comme une égale aux yeux de sa mère, Arya. La vérité, c’est qu’elles ont grandit ensemble, finalement. L’une avec l’autre. Alors cela a développé chez l’étudiante une certaine exigence, une attente qu’elle n’aurait peut-être jamais eue si les rôles avaient été mieux définis. C’est aussi parce qu’elles sont si fusionnelles qu’Arya n’imagine pas une seule seconde que sa mère puisse lui cacher quoi que ce soit. Parce qu’elles n’ont jamais pu, l’une comme l’autre. Elle se souvient encore de toutes les nuits passées dans la chambre de sa mère, se confiant leurs histoires mutuelles. Et une telle relation si violemment arrachée ne pouvait que provoquer des dégâts irrémédiables dans la vie et dans le cœur d’Arya. - Non, j’ai trouvé assez facilement. Il est plutôt bien situé cet appartement. Et elle n’a pas encore eu l’occasion de voir l’intérieur, mais cela est déjà un bon point. Non pas qu’elle se projette. Non pas qu’elle s’imagine vivre ici. Mais c’est tout de même l’appartement de sa mère, est une partie d’elle ne peut pas envisager de ne jamais y mettre les pieds. Acquiesçant ensuite à ses paroles, elle reprend. - Oui, je me suis inscrite quand je suis arrivée. J’avais peur que ça me manque. C’est une véritable passion pour elle, passion qu’elles ont en commun. Passion qui lui vient même directement de sa mère et de la famille d’artistes de laquelle elle vient. Elle se garde de relever les paroles suivantes de cette dernière, parce qu’elle ne veut pas entrer sur ce terrain-là. Si elles en sont là toutes les deux c’est la faute de Cassey. Elle aurait pu l’éviter, elle aurait pu tout éviter, les préserver. Mais elle ne l’a pas fait. Elle a préféré mettre en péril leur relation déjà bien trop fragile. Elle écoute toutefois avec attention ses explications au sujet de sa nouvelle boutique. A Los Angeles, la boutique de sa mère était l’un de ses QG lorsqu’elle terminait les cours. Elle aimait pouvoir s’y installer en grignotant quelque chose. - Et bien, tu es vraiment sûre de rester alors… Dit-elle presque pour elle-même, comme pour le vérifier, une nouvelle fois. - Tu penses réussir à faire quelque chose d’aussi bien qu’à Los Angeles ? Un sourire s’installe sur son visage sans même qu’elle ne s’en rende compte. Elle se détend, petit à petit. Peut-être que le temps fera son œuvre.

Il est vrai que Cassey n’a plus aucune autorité sur Arya, aujourd’hui. Elle l’a définitivement perdu en l’envoyant vivre chez son oncle. Pourtant, elle reste sa mère. Et elle fait tout pour le lui cacher, Arya, mais elle aura toujours ce respect envers elle, et ce besoin qu’une fille ressent pour sa mère, quoi qu’il arrive. Elle souhaite simplement donner le change, lui montrer qu’elle parvient à vivre sans elle, à se débrouiller sans elle. Comme elle pense que Cassey l’a fait, en l’envoyant vivre ici. Mais c’est beaucoup plus difficile qu’il n’y parait. Les semaines sans elles ont été extrêmement douloureuses, et maintenant qu’elle est là, cela ne l’est pas moins. Parce qu’elle est confrontée à sa rancune, à ce qui la ronge, inévitablement. Parce qu’elle sait que sa mère est là, tout près, et en même temps, elle se sent tellement loin d’elle. Cette distance lui fait mal et pourtant elle n’est pas certaine de pouvoir la faire disparaître. Parce que t’es une tête de mule, Arya. Parce que tu tiens de ta mère bien plus que tu ne veux bien le reconnaître. Et au fond, elles se ressemblent tellement, toutes les deux. C’est certainement pour cette raison que tout est si fort entre elles, le bon comme le mal. Les disputes, elles ont toujours été si violentes, comme celles d’un couple. Les réconciliations, bien plus fortes encore. Elles sont passées par toutes les émotions, toutes les deux. Mais la séparation était une première fois. Une première fois en dix-neuf ans, une première fois qu’Arya n’aurait jamais pu imaginer. - Oui, la représentation est dans un mois. Un petit sourire aux lèvres, Arya se souvient que sa mère a toujours été là, dans la salle. Elle n’a jamais manqué aucune de ses représentations. Pas une fois. Elle était comme son porte-bonheur dans la salle, sachant pertinemment que si Cassey était là, tout ne pouvait que parfaitement bien se passer. Et elle a beaucoup de mal à imaginer jouer sans elle, pourtant tout est différent désormais. Elle n’est plus à Los Angeles, elle est ici, à New-York. Nouvelle vie, nouveau monde. Et il en sera de même pour sa mère qui semble visiblement décidée à tout recommencer ici. Elle traverse les étapes que l’étudiante à traverser la première, à la seule et unique différence qu’elle, elle était seule. Nikolaï était là, bien évidemment. Mais elle ne l’avait pas revu depuis si longtemps, plus rien n’est pareil entre eux. Et un rire s’échappe de ses lèvres en entendant les paroles de sa mère. - Evidemment, tu vas faire concurrence à tout le monde ! Et l’espace d’un instant, elle redevient elle, elles redeviennent elles. Arya oublie d’être distante, elle oublie sa pudeur. T’oublie tout, pour redevenir un petit bébé, l’espace d’une seconde. Et Cassey retente sa chance, une fois de plus. Elle tente sa chance pour retrouver leur relation, comme si tout pouvait changer en une seconde seulement. Haussant les épaules, la petite blonde reprend la parole, une moue hésitante. - On verra si je te fais l’honneur de ma présence, alors. Petit sourire, elle la taquine, comme elle aurait pu le faire avant. Elle sait que le chemin sera semé d’embuches, mais elle n’a pas toujours la force de se battre. Pas aujourd’hui.

Il est indéniable qu’elle a été une bonne mère, Cassey. Arya n’en a jamais douté, elle n’aurait même jamais osé dire le contraire. C’est peut-être au fond, ce qui lui a fait le plus de mal. Voir une Cassey différente, beaucoup trop différence de celle qu’elle a toujours connue. Et peut-être que t’étais habituée à être une priorité, Arya. Peut-être que t’as trop profité de l’amour qu’on t’a donné pour compenser celui que tu n’as jamais eu. Peut-être que quand t’as tout perdu, t’as simplement explosé. Elle s’est trop reposée. Trop reposée sur sa mère qui a toujours tout fait pour compenser le jeune âge auquel elle l’a eue. Son oncle, qui a toujours tout fait pour lui faire oublier qu’elle n’a pas eu de père. Son petit-ami, qui l’a mise en priorité, qui lui a offert une stabilité. Elle s’est trop reposée sur l’amour, si bien qu’elle a fini par en manquer. Pourtant, elle parvient sans mal à le cacher. Elle parvient sans mal à cacher combien elle a besoin d’être aimée. Elle le cache derrière cette carapace de fille assurée, qui a confiance en elle et qui en joue. Parce que c’est la seule manière de se protéger elle-même. Et c’est triste. Triste de vouloir se protéger de sa propre mère. De la femme qui l’aime sûrement plus que tout au monde. Mais elle est très difficile, Arya. Beaucoup trop. Beaucoup trop rancunière. Parce qu’elle a son tempérament. Et c’est sa mère, qui l’a éduqué de cette façon. Elle lui a montrer l’exemple en étant toujours si forte. En lui expliquant toujours à quel point elle ne doit pas se plier au monde. Elles se ressemblent beaucoup, toutes les deux. Acquiesçant d’un signe de tête à la question de sa mère, elle esquisse simplement un sourire. Elle garde sa fierté pour elle, alors elle ne répond pas verbalement. Mais c’est un oui. Un petit oui. Un oui encore instable. Mais un oui quand même. Et elle fait un pas vers sa mère. Un petit pas. Elle se détend aussi, grâce à l’humour. Parce qu’elles ont toujours eu cette complicité, cette capacité à rire d’un rien. Et lorsque l’agent immobilier arrive enfin, Arya revit une scène qu’elle a vécu un million de fois déjà. Laissant échapper un rire, elle répond à son tour. - Oui on dirait que j’ai quatre ans, mais non, c’est bien moi. Et l’atmosphère se détend, vraiment. Alors qu’elle accepte d’aller visiter l’appartement avec sa mère. Elles ont encore du chemin à faire avant de repartir complètement à zéro, avant de se dire ce qu’elles ont sur le cœur. Mais un nouveau départ n’st peut-être pas loin.