Pretend to be someone else. | Poppy

Assise en face de l'immense glace de ma coiffeuse, je guette la liste des invités sur mon téléphone. Mouais... Il y a toujours plus ou moins les mêmes personnes. C'est un peu comme une soirée avec toujours les mêmes potes, l'amitié en moins, l'amusement en moins, l'hypocrisie en plus. Cette fois le gala est consacré à... Merde j'oublie tout le temps ! De toutes façons peu importe l'association mise à l'honneur, tout le monde s'en fiche ! Comme chaque fois je veux être la plus belle, la plus rayonnante, celle qu'on regarde. Je veux surtout plaire à William, qu'il fasse plus attention à moi. Mais pour ça il faut que je sois parfaite, et putain ça risque pas d'être le cas avec la coiffeuse qui vient de me brûler l'oreille pour la seconde fois. La première fois j'ai été gentille, je me suis contentée de la fusiller du regard à travers le miroir mais il faut pas abuser de ma gentillesse ! Je retire la mèche qu'elle vient de prendre dans sa main et me tourne vers elle. "Bordel c'est quoi votre problème ?" Elle essaye de me répondre mais je la congédie avant et je demande à la maquilleuse qui s'apprêtait à partir de la remplacer. Heureusement, elle accepte. Voilà, maintenant j'ai une petite brûlure sur le dessus de l'oreille. J'espère que le diamant placé sur mon lobe détournera l'attention. Je suis toujours plus tendue quand je me rends dans ce genre d'évènement. Pourquoi ? Parce que je sais que je vais voir William et que je vais rester avec lui pendant quasiment toute la soirée. J'ai toujours peur que la supercherie soit découverte. Si ça venait à arriver, je me ferai tuer par mes parents. Au sens figuré bien sûre. Ils essaieront de s’immiscer dans ma vie privée pour voir ce que je leur cache d'autre et la liste est vraiment très longue. Donc pour mon bien et leur il faut vraiment que Will assure encore une fois. Une demi-heure plus tard la maquilleuse termine de boucler ma dernière mèche et je suis presque prête. Il ne me reste plus qu'à enfiler la magnifique robe choisi par mon styliste. Si avec ce petit bijou je passe inaperçu, je suis prête à faire campagne pour la réélection de Trump.

Une fois la robe passée et les escarpins chaussés je descends en bas de l'immeuble où m'attend Garry. Lorsqu'il me voit arriver, il ouvre la portière de la jolie Bentley noire et une fois à proximité me salue avec son sourire poli que je lui rends volontier. "Bonsoir Mademoiselle Heyward." Je le salue en retour et m'installe sur la banquette arrière. Je sens le cuir sous mes fesses, il faut dire que le tissu de ma robe n'est pas très épais. J'aurais pu choisir une robe beaucoup moins provocante et rester mignonne tout de même, mais je n'ai pas envie d'être juste mignonne. Encore moins quand je suis avec William. Pendant qu'on se dirige vers l'hôtel où il se trouve, je raconte ma mésaventure à Garry. Garry est mon chauffeur depuis que j'ai sept ans. C'est lui qui m'emmenait à l'école tous les jours et me ramenait. A chaque fois je lui racontait ma journée, je lui disais vraiment tout. C'est devenu en quelques sortes mon confident. Ca a duré jusqu'à ce que j'entre au lycée. Il m'a vu grandir et même si je suis chiante je suis sûre qu'il a de l'affection pour moi comme j'en ai pour lui. C'est comme un membre de ma famille. A la fin de mon récit il me tend une petite soucoupe dans laquelle se trouve des bonbons acidulés. "Vous m'avez l'air tendue, peut-être qu'une friandise vous calmera." Là je sais qu'il en a marre de m'écouter et qu'il essaye de me faire taire en mangeant. Il faisait la même chose quand j'étais au collège et que je lui racontait en détail toutes les rumeurs qui tournaient. J'accepte tout de même de la fermer et prends la coupelle avec moi.

Je la termine au moment où on se garde devant l'hôtel. Nous n'attendons que quelques minutes avant que William se montre. Je le regarde marcher vers la voiture, son smoking lui va à ravir et lui fait un cul d'enfer. Personne ne pourrait se douter qu'il cambriolait la maison familiale il y a quelques mois de cela. Quand il entre, j'ai droit à son habituelle indifférence. Je lève les yeux en le saluant en retour. La soirée commence bien... Il m'a à peine regardé, c'était bien la peine de virer la coiffeuse. Je fais comme si je m'en fichais et regarde à travers la fenêtre tandis que Garry redémarre. "Je ne sais pas." Que je lui réponds simplement. Il n'a pas envie de discuter alors ne discutons pas. Le reste du trajet se fait en silence. Garry se gare au bout d'un tapis rouge, les flashs des photographes crépitent sur la voiture. Heureusement que les vitres sont teintées. Je tourne la tête vers Will quand il me parle. Je remarque tout de suite son noeud papillon penché sur le côté. "Att..." J'ai pas le temps de finir ma phrase qu'il est déjà sorti pour m'ouvrir la porte. Oh non merde, il faut que les photos soient parfaites et un noeurd papillon qui penche sur le côté n'a rien de parfait ! Ok Poppy calme toi, ça n'a rien de dramatique. Je souffle un coup, salue Garry puis William ouvre ma portière. J'attrape délicatement sa main et munie de mon plus beau sourire je sors de la voiture. Les photographes hurlent dans notre direction et je me contente de sourire en jetant un coup d'oeil vers Will pour voir si il fait bien la même chose. Le tapis rouge mène tout droit à deux gigantesques portes ouvertes. On avance devant les photographes, on s'arrête pour prendre la pose à certains moments. Les flashs des appareils photo font scintiller les pierres qui recouvrent ma robe et je brille. C'est bon pas besoin de me mêler de la campagne de Trump. On finit par entrer à l'intérieur et je me tourne directement vers Will. Un petit sourire agacé aux lèvres. "Ton noeud est de travers." Ca me brûlait les lèvres.

Tu restes silencieux tout le trajet qui, heureusement, ne dure pas très longtemps malgré la circulation plutôt dense. Juste avant d’arriver, tu demandes à Poppy le thème du gala. Et n’est pas vraiment surpris devoir qu’elle ne sait même pas. Tu ne peux t’empêcher de rouler es yeux, avant de porter à nouveau ton attention sur l’extérieur. L’esprit un peu ailleurs, tu ne cesses de toucher ton nœud papillon qui te gêne. Tu ne comprends d’ailleurs pas pourquoi la jeune femme n’a pas choisi une cravate, même si tu n’es pas certain que ça aurait changé quoique ce soit. Mais tu ne fais aucune remarque. Après tout, c’est elle qui paye tout. Toi, tu fais juste acte de présence avec un jeu d’acteur irréprochable. Qui aurait parié sur toi pour jouer le gendre idéal, héritier d’une bonne famille ? Absolument personne. Pas même toi il faut bien l’avouer. Et pourtant, tu évolues avec aisance dans ce monde de strass et de paillettes. Ce monde que tu détestes depuis toujours.

La voiture s’arrête devant le lieu de l’événement. Le chauffeur descend rapidement pour venir ouvrir ta portière et tu en sors en quelques secondes, la voix de Poppy qui ne te parvient pas. Tout aussi vite, tu fais le tour de la limousine pour aider la jeune femme à sortir de l’habitacle, en parfait gentleman bien éduqué. Debout dans sa robe de soirée, tu lances un regard furtif sur sa tenue qui ne laisse que peu de place à l’imagination. Ce n’est pas du tout le style que tu aimes, loin de là. Tu trouves ça même à la limite de la vulgarité et pourtant, même si tu te retiens de faire une remarque quant au choix peu judicieux de cette tenue, tu ne peux nier que Poppy est incroyablement sexy et qu’elle lui va parfaitement bien…

A peine la belle est-elle sortie de la voiture que déjà les flashes des photographes crépitent. Quelques pas, et vous prenez la pose. Tu passes une main au creux des reins de Poppy pour l’approcher de toi. La blonde en profite pour te glisser une petite phrase vis-à-vis de ton nœud papillon qui n’est pas impeccable. L’air de rien, tu le redresses, sans te défaire de ton plus beau sourire pour les photographes avant d’avancer vers l’entrée de la réception. « C’est mieux comme ça, madame perfection ? » que tu lui souffles sarcastique, comme si un nœud papillon de travers allait changer quoique ce soit ou faire les choux gras de la presse. Quelques pas à l’intérieur et déjà les parents de Poppy viennent vous accueillir. Jouant ton rôle à la perfection, ils n’y voient que du feu et la mère de la jeune femme ne cesse d’être sous ton charme. Vous échangez quelques mots, alors qu’un serveur passe près de vous. Tu te saisis de deux coupes de champagne. Une pour Poppy et une pour toi. Tu vas en avoir besoin pour supporter cette soirée qui va être interminable, tu le sais… Alors que tu es en grande discussion avec le père de Poppy, un photographe s’approche de vous. Évidemment, la mère de la jeune femme ne perd pas une minute pour faire un « portrait de famille ». Tu lui souris, te retenant d’esquisser une grimace. Si seulement elle savait.

Tu as besoin de souffler. Alors, poliment, tu t’excuses avant de t’éclipser, direction les toilettes, sans un seul regard à Poppy. Là, tu te passe de l’eau sur le visage avant de sortir ton portable et envoyer un message à ta meilleure amie, pour lui demander ce qu’elle est en train de faire et lui raconter où tu es. Et tu esquisses un sourire à sa réponse. Le seul vrai et sincère depuis le début de la soirée.