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 (iskandar&sybil) silence can mock.

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Message Sujet: (iskandar&sybil) silence can mock.    (iskandar&sybil) silence can mock.  Empty Lun 29 Avr - 10:27

silence can mock
iskandar & sybil

« When the Fox hears the Rabbit scream he comes a-runnin', but not to help. »
Les pieds nus, sur le parquet flottant. Les pieds nus qui se déroulent, qui s’impriment, qui dessinent, alanguis et absents, les contours d’un espace qu’elle apprivoise à peine. Elle ne se sent pas chez elle dans cet appartement. Il a beau donner sur la mer, s’affirmer comme un bien de qualité que seuls les privilégiés peuvent s’offrir, elle n’éprouve aucun attachement face à ces espaces qui l’enferment entre quatre murs. Chez elle c’est ailleurs. Toujours autre part que l’endroit où elle se trouve. C’est le meilleur qu’ils ont pu trouver pourtant, au FBI, dans le temps qui leur était imparti.  Hank lui a dit que ça lui conviendrait. Qu’il y avait une jolie vue, des voisins pas emmerdants, et un chat errant pour lui tenir compagnie. Deux âmes à la dérive, à nourrir deux fois par jour. Il a sans doute eu raison, comme souvent. Les odeurs de tabac froid, de produits chimiques et de beuh sont encore incrustées partout, jusque dans les murs. Ils ont fait une descente dans cet appartement il n’y a pas longtemps. Le point de ralliement d’un piètre réseau de drogue et de putes. Le tout à pas cher. Un commerce de pacotille. De l’argent facile et des filles désincarnées par la came. Si elle repeignait tout, peut-être que cela aurait de la gueule. Peut-être. Surement. Le peu d’affaires qu’elle traîne dans son sillage tiennent dans quelques cartons. Un pour les livres. Un pour ses effets personnels. Un pour des bibelots qu’elle traîne d’un endroit à l’autre, sans trop savoir pourquoi. Un héritage d’une vie matérialiste sans doute, où posséder signifiait encore quelque chose.  A croire qu’elle ne s’est pas encore entièrement détachée de ce qui faisait sa réalité, celle d’avant. Le Dalmore ondoie au fond du verre en cristal qu’elle tient du bout des doigts. Une gorgée roule sur la soie de la langue, alors qu’elle vérifie une dernière fois. Les entrées, les sorties. Les issues possibles, au sein de ces quatre murs. Elle a déjà prévu de changer les serrures, de poser une caméra de surveillance. Il y a trop d’angles morts dans ce rez-de-chaussée qui donne presque sur la plage. C’est intimiste, c’est cosy. C’est bon pour un couple à la retraite ou en voie de le devenir, et assumer leurs vieux jours. Au moins elle sait que personne ne la trouvera ici. C’est bien trop loin des paradis artificiels dans lesquels elle s’égare d’habitude. C’est aussi ça qui l’inquiète. L’isolement. Une autre gorgée dévale le long de la gorge. Elle en apprécie chaque note, chaque arôme. L’obscurité étend son emprise à l’extérieur. La nuit est noire, aussi pure que l’encre, aussi épaisse que le goudron qui coagule sur les ailes des voyageurs. Elle ignore l’heure qu’il est, le temps qu’il fait. Les jours se ressemblent depuis qu’elle a posé ses valises, il y a quelques jours, dans l’attente de leur être présentée à tous. Demain sans doute. Oui demain, dès l’aube, elle foulera pour la première fois depuis sa renaissance les territoires corrompus d’une institution qu’elle avait su parcourir en majesté, autrefois, en broyant sur son passage les préjugés sexistes d’une élite masculine, qu’elle aurait volontiers continué de détester à outrance, tout en leur prouvant qu’ils avaient tort, de la mésestimer. De croire qu’une piètre femme n’aurait jamais les épaules, la force d’endurer la mort et d’en revenir. Elle s’est un peu renseignée sur Markus, le chef de l’équipe. Elle n’a pas eu besoin de fouiner beaucoup pour en arriver à la conclusion que leurs rapports seraient certainement houleux, voire détestables. Sybil s’est déjà fait une raison à son sujet. Mais de toute façon, il lui importe peu qu’il la tolère, tant qu’il lui permet d’avoir accès aux pièces manquantes. Celles qui demeurent absentes de son imparfait puzzle, minutieusement assemblé. Du bout des doigts, du bout des lèvres, le fil d’une vie perdue qu’elle traque sans relâche. Les seuls moments où elle n’y pense pas, ce sont ceux dans l’intervalle très court de la jouissance la plus crue, où lorsque la morphine, injectée dans ses veines, étend son empire salutaire pendant quelques secondes. Ce sont les seuls … les seuls. Le reste du temps, il est là. Il l’accompagne en permanence, glisse ses doigts autour de sa taille, suit du revers des phalanges les marques des cicatrices laissées en héritage sur son corps. Son timbre la berce, la cajole. Un long frisson de dégoût la parcoure de part en part et elle s’aperçoit qu’elle tient son verre avec trop de fermeté, qu’il menace de se fendre, et que le Dalmore qu’elle aime n’a plus entièrement la même saveur. Son cellulaire vibre sur la table basse. Son œil s’abaisse, dédaigne. Elle reconnaît son numéro. Elle le connaît par cœur. C’est lui. C’est Hank.
« Allô, Sybil ? C’est Hank. Je ne te dérange pas ? Je sais que tu ne devais commencer que demain mais - …
- Abrège, Hank.
- On a un corps. Un nouveau j’entends. On vient d’être informé par l’équipe de nuit qui l’a découvert. On a directement récupéré le dossier à la police locale quand on est arrivés. Je suis déjà sur place, les légistes ne vont pas tarder à débarquer. Une partie de l’équipe est déjà là. Je pense que … ça mérite que tu viennes voir.
- Envoie moi l’adresse. »

Elle raccroche, sans préambules. Il ne s’offusque pas de ses manières abruptes, il en a l’habitude. Une minute plus tard, l’écran du smartphone s’illumine : en lettres capitales, l’adresse qu’elle lui a demandée. Ça n’est pas très loin. C’est dans la circonscription de New York. D’emblée, elle tique. C’est trop tôt. L’intervalle est trop restreint. A quand remonte le dernier corps déjà ? Trois semaines. Trois semaines et quatre jours. Tout au plus. C’est trop tôt. Il lui faut plus de temps pour en faire des idoles à sa mesure. Des tableaux de maître. Un chef d’œuvre s’accomplit sur la durée et non le temps d’une esquisse brouillonne. Cette précipitation va à l’encontre des fondements de sa création. Les gestes sont un peu machinaux après cela. Le verre est délaissé sur la table basse, sur un rond de verre, en cas où cela marquerait le bois. Sybil enfile sa veste en cuir, récupère son casque posé en équilibre sur la console de l’entrée. Le moteur vrombit, grogne sous l’appel de ses doigts. Son corps épouse les formes du véhicule jusqu’à ne faire plus qu’un avec lui.

Le jour d’après a déjà commencé. Sa montre affiche 1h18, tapante. Les girofars tapageurs inondent l’urbanisme obscur de leurs lueurs tournoyantes. Elle gare sa moto le long de la rue adjacente, garde ses distances, observe, analyse. Il y a tout un petit monde qui s’est rassemblé, comme l’on s’agglutine autour d’un spectacle de rue pour ne pas en rater l’épilogue, les détails croustillants. Et si l’on n’a rien à se mettre sous la dent, on invente, on commère. Cette curiosité détestable, c’est le propre de l’être humain. Cela nourrit ses instincts animaux : ceux qui ont soif de chair, de sang, de brutalité et de vice. Son regard passe de l’un à l’autre : des expressions choquées qui n’ont rien de sincère, qui au contraire revêtent une superficialité détestable qu’elle rêverait de leur faire vomir. De son allure martiale, tête haute, Sybil s’approche de la banderole qu’ils ont déjà tiré autour de la scène de crime. Un grand costaud monte la garde, maîtrise un peu tout le monde. Elle s’apprête à l’interpeller mais Hank, posté quelques mètres plus loin, la reconnaît d’emblée et lui fait un geste. Il intime aux agents qui contrôlent le passage qu’elle peut passer, qu’elle est de l’équipe, même si elle n’a pas le joli badge doré à leur présenter. Agile, presque féline, elle passe sous le ruban jaune. Rejoint l’homme qui pose sa main sur son épaule, protecteur, attentif. Elle le hait lorsqu’il a ces élans paternels là. Elle hait tous ceux qui la touchent, sans qu’elle n’y consente. Alors elle se raidit, entend à peine ce qu’il dit. Elle n’a pas besoin de connaître l’ensemble des détails. Elle veut seulement voir, oui, voir. Ce qu’il a fait. Ce qu’il a créé. Une curiosité morbide ronge déjà le creux de son ventre, allié une forme de scepticisme qui grandit dès lors qu’elle découvre le cadre où le macchabée a élu domicile.
« C’est au fond, dans la grange. J’ai déjà prévenu l’agent Fowler que tu arrivais. Il n’est pas ravi, comme tu pouvais t’en douter. »
Elle hoche la tête, économise la salive, les paroles. L’assurance de ses pas contourne la maison principale, croise au passage des agents aux airs hagards, horrifiés. Elle demeure apathique, figée dans cette indifférence dérangeante qui doit bientôt côtoyer le professionnalisme de ceux déjà en place. Les légistes s’affolent, photographient, capturent, souillent aussi. La scène est bouleversante d’horreur. Un ange sans miséricorde, descendu pour accomplir son œuvre macabre. C’est une femme à l’évidence, prostrée comme une dévote face à une voûte céleste absente. Entièrement nue, les mains jointes l’une contre l’autre, on a soigneusement retiré la peau de ses omoplates pour les redresser, à l’aide de fil de fer, et lui façonner des ailes sanguinolentes. Son épiderme est blême, laiteux. Mâtiné de lueurs bleuâtres qui se répandent, ici, là, tout autour de sa gorge. Sybil suit du regard la ligne de la colonne vertébrale. Sa fascination grandit, son trouble aussi. La rondeur d’un sein se dévoile. Elle poursuit sa contemplation du tableau macabre, ses prunelles caressent l’arc-de-cercle de son ventre, rond lui aussi, si rond. Une femme enceinte. C’est pour ça qu’il a jugé bon de la faire venir. C’est pour cela qu’elle est là, ce soir, cette nuit. Les spots qu’ils ont installé autour du corps projettent des ombres sur les hauts murs en taule de la grange.
« C’est vous la … « consultante », envoyée par Anderson ? »
Elle note au passage tout le dédain et le mépris qu’il injecte, dans ce simple mot. Consultante. Comme pour lui rappeler sa digne place. Le badge plastifié temporaire qu’elle devra épingler à sa chemise, ou porter en collier vulgaire comme le font les ouvriers des usines de travaux à la chaîne. Elle demeure imperturbable toutefois, détache son regard de la scène pour le tancer lui. Son supérieur hiérarchique. Markus Fowler. Techniquement seulement, parce que le statut de consultante lui permet quelques libertés dont il ignore encore l’existence.
« C’est moi oui. Sybil Farquharson. Vous permettez que je jette un œil ? »
Il tique sur la façon qu’elle a de prononcer son nom de famille, avec un accent qu’il ne lui imaginait pas avoir. C’est trop pour lui sans doute. Un nom à coucher dehors, pour une emmerdeuse que Hank a décidé de lui coller dans les basques. Il la connaît bien sûr, au moins de nom. Personne dans la brigade ayant eu entre les mains le dossier de l’Avorteur ignore ce qu’elle a été. Certains dans l’équipe l’ont même croisée, lorsqu’elle était toujours agent de terrain. C’est une histoire que l’on raconte comme une anecdote à la pause-café, dans les bureaux. Une comptine sordide étalée, détériorée, falsifiée par les commérages.
« Vous avez deux minutes. Après, on l’embarque. On a pas que ça a faire, d’attendre votre bon plaisir … prin … Farquason.
- C’est Farquharson. Je me contenterai de ces deux minutes que vous avez l’obligeance de m’accorder … agent Fowler. »
Son amabilité lui laisse un goût amer en bouche. Dans sa tête il est déjà catalogué au rang de la sainteté des connards. S’il était allé au bout du « princesse » qui menaçait de filtrer sur sa langue, sans doute lui aurait-elle mis son poing dans la gueule. Une entrée en matière bien plus intéressante qu’une poignée de main. Elle le contourne sans le toucher, devient le rapace qui tourne autour d’une proie déjà toute trouvée. Elle n’est pas la seule à observer le tableau. Il y a quelqu’un d’autre. Elle s’avance, s’accroupit pour avoir une vue sur le flanc de la victime. Ses cheveux blonds lavasses retombent sur son visage, l’empêchent de distinguer la courbure de son cou. Elle se tourne vers l’homme non loin de là. Son attention se porte sur le crayon qu’il tient, au bout des doigts.
« Vous me prêteriez votre crayon ? »
(c) DΛNDELION
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Message Sujet: Re: (iskandar&sybil) silence can mock.    (iskandar&sybil) silence can mock.  Empty Mer 1 Mai - 15:53

SILENCE CAN MOCK × ft. SYBIL & ISKANDAR

Si tu la fais chier, je t'assure que je te renvoie dans le cloaque où ils souhaitaient tous te balancer, Cohle. Ne te pointe pas en retard. Je ne compte pas particulièrement la faire chier. Je ne compte emmerder personne. Pas cette nuit en tout cas. Certainement pas elle vu à quel point Hank semble la cajoler, je n'ai pas de pulsion suicidaire depuis au moins deux jours, alors je devrais la laisser dans sa tranquillité relative. Pour peu qu'on puisse être tranquille après ce qui lui est arrivé. Pour peu que l'on puisse être conscient et serein dans un monde comme celui-ci. Le souffle carnassier de la nuit se condense sur la fenêtre de la voiture. Depuis que j'ai été muté sur New-York, je n'ai guère passé plus de quelques heures dans l'appartement que l'on m'a assigné. Une cellule, des murs blafards pour se substituer au jugement qu'ils n'ont pas pu m'imposer, leur jalousie sur la peinture blème, rouge. Rouge. Je cligne un instant des paupières, cherchant à distancier la migraine qui menace dans ma tempe, un battement régulier au fil acéré du paysage fantomatique au dehors. La pluie n'est pas tombée aujourd'hui, la scène macabre sera préservée, circoncise par les flashs des collègues et leurs murmures harassants. Une musique quotidienne, dans la tempe, dans la tempe, qui creuse jusqu'au cerveau pour mieux savoir embrumer les songes et les idées. Le feu clignote, maladivement derrière la buée sur le pare-brise, une invitation persistante pour poursuivre la route vers l'horreur. Hank n'a pas voulu en parler et quand Hank se la ferme, c'est que les lieux ont été consacrés par l'indécence et la trivialité humaine. Je te veux sur cette affaire maintenant que tu as daigné rentrer. Comme si j'avais choisi de revenir par ici… Je ne voulais pas revenir. Je ne voulais pas partir. Ça ne changeait rien. Rien. Connard. Le seul connard a savoir toutefois me protéger. Comme il la protège, elle, il paraît. Fowler m'a regardé sans rien dire, avec ce jugement dans ses yeux d'abruti, le ricanement des autres collègues en étendard. On m'a à peine montré mon bureau, et l'on a pas cherché à m'intégrer. Tant mieux. Autant passer sur les futilités d'usage. J'imagine que lorsque l'on se trimballe une réputation de fou furieux, ceux qui se considèrent représentants de la norme passent leur chemin sans chercher à forcer la route, à entremêler les destinées. La mort c'est contagieux. Voilà pourquoi Anderson a trouvé malin de me rencarder sur l'Avorteur et ses œuvres mortifères, m'assimilant à celle qui en a goûté la plus indigne saveur. Un chien famélique passe sur le trottoir, les griffes trop longues sur le bitume. Il est sans aucun maître pour le guider, poésie fleurant la liberté ou l'abandon qui finit par se fracasser sur la dure réalité des gyrophares et de la condition humaine. Le FBI est déjà sur le pont, en train d'imposer des prérogatives sur une enquête dont l'on dépossède la police de la ville. Vu le caractère dérangeant de l'affaire, je crois que c'est un héritage que l'on ne nous disputera pas très longtemps, juste suffisamment pour montrer qu'on ne nous aime pas. L'un des flics fait d'ailleurs un signe de la main en signe d'apaisement, de reddition, le bureau peut de nouveau caracoler et croire qu'il maîtrise la bestialité de ses ouailles en truffant leurs dossiers de clichés sur la mort et ses raisons irrationnelles. Je m'extirpe du véhicule, ce n'est pas encore ma voiture de fonction, ils renâclent à m'en filer une, ils veulent que je voyage avec Fowler en attendant. Un voyage qui ne pourrait nous conduire qu'à une voie sans issue. Condamnée d'avance. Je rajuste mon col autour de mon cou, déserre le noeud de la cravate et avance avec une allure contradictoire au rythme incessant qui s'éprend de mes tempes. Maîtriser la cadence, toujours. Celle de l'Avorteur ne semble plus respecter aucun tempo, toutefois. Un modus operandi qui s'échappe de son carcan, qui s'émancipe de certaines règles, suffisamment obscures pour que l'on ne les discute pas. Il n'y a jamais que des augures crépusculaires à dénicher dans l'horreur qui s'accélère. Poisseuse dans le sang, sa marque déliquescente sur le front, comme un jugement rendu par les cieux. Je passe sous le ruban avec un geste impérieux, on reconnait ma dégaine, et puis mon beau blouson estampillé de ces trois lettres pleines d'arrogance. Je me glisse entre ces silhouettes inconnues, évanescentes dans une nuit qui allonge sa corruption comme une traîne putride désormais que les équipes, tels des fossoyeurs, s'exposent dans un ensemble discordant. Le pas de Fowler, arythmique, m'indique qu'il croit bon de m'accueillir. Sur une scène de crime, on retrouve le sens du devoir visiblement. Je reporte un regard froid et placide sur sa petite personne, je ne le salue pas et cueille son désarroi sur son visage hargneux. Il finit par cracher :
« Anderson vous disait ponctuel. »
Je prends le temps de m'allumer une clope avant de lui répondre. La lueur de mon Zippo illumine mes traits durs :
_ J'imagine qu'il y a une heure consacrée pour rendre hommage aux défunts.
« Oh épargnez-moi votre esprit torturé, agent Cohle. Il paraît que vous savez vous débrouiller de ce genre de tableau tordu, alors prouvez-le. Je n'aurai pas la patience d'Anderson pour vos digressions. »
J'ai un haussement de sourcil sec avant de passer mon chemin, en tirant sur le filtre de la clope. J'exhale à distance quelques mots qui s'évanouissent dans la nuit :
_ C'est ça...

De loin, Hank se tâte pour intervenir mais il sait que je déteste ça. Alors il se contente d'un hochement de tête, demeurant à distance. Je me demande s'il m'intime de me tenir à carreau ou bien s'il me félicite de ne pas avoir tenté d'argumenter face à la bêtise de la hiérarchie. Peut-être un peu des deux. Il finit par designer la grange, quelques pas sans bousculade me valent bientôt de me présenter sur le seuil. J'écoute peu le topo que l'agent en faction m'assène en préambule. Je me contente de me tenir à l'orée de son triomphe. À la marge de son spectacle incarné par sa victime sacrificielle, pour en saisir la violence et la clameur gutturale. Sous les projecteurs, c'est d'une beauté triviale et aveuglante, l'œuvre dérangeante d'un esprit sociopathe, inapte à tolérer la vie quand il se croit être le seul capable de la sublimer. Mon temps d'arrêt, mon élan brisé dans une contemplation mutique, me vaut des oeillades intriguées, bientôt méprisantes. Un pas, un autre, comme aimantés, dans la direction de l'ange qu'il a su faire déchoir. Ou peut-être bien au contraire, ramener vers des cieux lourds de foudre et de flammes. Qu'a-t-elle donc contemplé de l'existence quand il a mis un terme à sa première vie pour lui en donner une seconde ? Je passe au large des flashs, l'équipe scientifique est déjà sur place, ce qui n'est jamais une bonne nouvelle pour le travail d'enquête. Mais il faudra faire avec. Je m'accroupis alors, une vue de trois quart, le dos mutilé, la rondeur de l'éternité portée dans son ventre. À jamais suspendue. Dans le vide. J'ouvre le carnet qui m'accompagne en permanence, je laisse dériver mes pensées au fil du crayon sur le papier, un tout dernier portrait avant qu'elle ne retourne à la terre. Qu'elle disparaisse enfin. Les hématomes autour de la gorge, le coroner nous confirmera l'étranglement. Le sang qui s'étoile tout autour de l'iris également. Un dernier regard pourpre sur celui qui l'a divinisée. Car c'est ce qu'il fait. Le crayon essaye de lui rendre un dernier hommage, dessin macabre, pour fixer les idées et le tableau avant que tous autour, ils ne s'en emparent, et le démembrent pour espérer l'oublier. Fowler au loin donne des ordres, des règles pour empêcher les esprits de sombrer. Le pauvre petit jeune de l'équipe vient de rendre ses tripes dans un coin. D'un seul coup d'œil je balaye les indices qu'ils ont marqués, maigres, trop maigres, comme attendu. Une marque d'érosion dans la terre, là où il l'a déposée avant de lui donner des allures de madone. Quelques fibres qui ne lui appartiennent pas. Je fais un croquis des ailes dont il l'a dotée, un croquis très exact. Puis des mots, des mots proches, qui ne s'adressent pas à moi, me dérangent. Mais, pourtant, je les recueille dans mon silence abîmé par la contemplation. Je sais que c'est elle avant même de la voir, sans la connaître vraiment, des détails surgissent sur la prunelle, l'indiscrétion d'une enquête et de son statut de victime. De survivante. Elle est si proche désormais qu'il me suffirait de détourner les yeux de la mort pour contempler les traits que la survie cisèle. J'ai un geste de la main, assez lent, assez doux, pour lui intimer d'attendre encore une seconde le temps que je termine la courbe que je traçais, pour souligner le ventre de la victime. Je lui tends ensuite le crayon qu'elle demande, et l'observe sans mot dire. Dans les iris il n'y a pas d'aménité ou de pitié. Il n'y a qu'un constat sourd que l'on appose dans un silence bientôt rompu par ma voix :
_ Hank m'a prévenu.
Que vous viendriez. Que ce serait vous. Qu'il fallait vous laisser en paix.
_ Mais Hank se mêle souvent de ce qui ne le regarde pas.
Les gants que l'on m'a presque ordonnés de prendre avec elle pour ne pas la brusquer. Des conseils qui resteront illusoires. J'ajoute en me redressant avec lenteur, chassant mollement un pli sur mon pantalon, plus par réflexe que pour mieux me présenter. Je referme le carnet, sans un bruit.
_ Vous croyez que c'est lui ?
Lui. L'Avorteur. Je demeure droit, l'observant désormais que j'ai en tête la splendeur du tableau que j'ai croqué. J'enferme les cendre et le mégot de la cigarette dans un paquet vide, pour éviter de perturber plus avant une scène de crime où il y a déjà bien trop de monde. J'ajoute doucement :
_ Lorsque l'on se précipite c'est que l'on croit pouvoir atteindre quelque chose. Quelque chose que l'on attend depuis longtemps. Les ailes ne sont pas symétriques. Ça aurait été parfait si ça avait été le cas.
La vie n'est pas symétrique. Mais lui a le soucis du détail, de ces détails qui confinent aux plus grandes œuvres quand les crimes ordinaires se contentent de lignes informes et d'avidités creuses.
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Message Sujet: Re: (iskandar&sybil) silence can mock.    (iskandar&sybil) silence can mock.  Empty Mer 1 Mai - 18:11

silence can mock
iskandar & sybil

« When the Fox hears the Rabbit scream he comes a-runnin', but not to help. »
L’essoufflement d’un hurlement, au fond de son crâne. Juste un murmure à présent, un souffle glacé qui dévale la courbure de la nuque pour s’épancher d’une épaule. Il ne demeure plus qu’un souvenir après cela. Le cri qui fut, la terreur étouffée dans la gorge. Etranglée, comme cette fille. Poupée artificielle désincarnée par l’horreur, condamnée à un tableau céleste difforme et bâclé, digne des artistes ratés. Le cadre est dégueulasse. De la paille. De la boue pour se mêler aux chairs dissoutes et au sang coagulé. Des outils entreposés sur un établi, de façon entièrement désorganisée. Des résidus de plumes et d’essence s’affrontent, un peu plus loin, sur un lit de terre noire. Un oisillon tombé du nid coincé entre deux poutres de la charpente, qui n’a pas su faire front lors d’une nuit d’orage sans doute. Elle se demande combien de temps il a survécu avant d’être dévoré par un chat errant. Une proie facile. Une proie toute trouvée. Abandonné là par une mère volage qui saura se reconstruire ailleurs. Dans une autre bâtisse. Dans une autre vie. Cruelle nature, aux règles impitoyables. Comme celles établies par lui, suivies avec la rigueur des fous qui pensent savoir trouver la perfection dans la précision des détails. Happée par le tableau mortifère, Sybil ne distingue rien d’autre. C’est la seule voix qui ait du sens, l’unique fil qu’il convient de tirer pour en élucider le sens. La mort si belle, la mort si terrible. Implacable et survoltée lorsqu’elle affronte ceux qu’elle a décidé de négliger. Laissés pour compte, laissés en arrière. Ces vivants désabusés par la vision de ce qui pourtant attend chacun d’entre eux. Qu’on vous installe dans une jolie boîte, qu’on calcine vos chairs ou bien qu’on vous abîme pour vous mettre en scène, quelle importance ? La mort demeure la même, impérieuse. Si époustouflante lorsque l’on sait la regarder. Il est des instants où elle rêve de la côtoyer encore. L’abîme s’ouvre au creux de son ventre, le cœur se pétrifie d’avoir trop saigné, et elle aspire à cette rencontre ultime, où elle tendrait la main pour mieux la retrouver. Un voile noir l’envelopperait toute entière. Linceul froid, délicat toutefois.  Il ferait taire les hurlements qui gisent à l’intérieur de sa tête. Les siens, ceux des autres aussi. Toute ces âmes incomprises déjà emportées, à la dérive de ce fleuve qui ne les ramènera jamais. Le vide à la clef. Un noir épais, où se réfugier. Elle a beau haïr l’obscurité lorsqu’elle est entière, celle-ci l’apaiserait au contraire, parce qu’elle n’aurait pas à s’en relever. Les paupières balbutient un peu, ramènent de la clarté dans les détails. Non le pire, ce n’est pas de vivre, ou de mourir. C’est de demeurer dans l’entre deux. Celui des survivants. Un pied dans la tombe, l’autre dans une réalité palpitante. Tiraillé entre les deux pôles, à désirer l’un, à appréhender l’autre, à ignorer toujours, d’où l’on vient et où l’on souhaite se rendre. Rien n’a plus de sens. Non, rien.

Des brindilles geignent sous le poids de ses talons ancrés dans le sol. Autour, les bruits sont nébuleux. Des bribes de conversations éparses lui parviennent. Le poids de certains regards aussi. On établit une chronologie. On répertorie les indices. On se demande si le collègue d’à côté, qui a l’air bienveillant pourtant, ne va pas piétiner nos plates-bandes et ralentir la progression de notre carrière. Puis on revient à l’essentiel. On s’interroge sur le sens de cette boucherie, s’il existe vraiment des êtres capables de se réjouir à l’idée de créer un tableau aussi macabre. Quelque chose qui terrifie les enfants, qui ne devrait exister que dans les contes, mais qui est là pourtant, et qui pousse à réfléchir sur soi et l’essence même de la nature humaine. Des questions nombreuses et très superflues pour lesquelles Sybil n’a que peu d’égard. Sa perception est devenue plus incisive, au fil des années. Elle a simplement cessé de se les poser. Ses intentions la ramènent à proximité du corps que son œil très clinique se met alors à décomposer. Sexe. Âge. Poids. Taille. Couleur de cheveux. État des ongles. Texture de la peau. Un florilège de détails qui s’inscrit peu à peu comme une arborescence incomplète, dans laquelle elle se plaît à naviguer pour y inscrire tous les détails saisis au passage. Elle s’accroupit, s’inscrit dans des appuis solides, proches du sol. Elle se rapproche de l’ange, note que le corps exhale une odeur âcre. Elle est déjà prête à rejoindre la terre, à se décomposer, à devenir poussière. Mais il n’est pas l’heure encore, pour cette belle endormie. Ils ne l’ont pas autorisé à mourir, tous autant qu’ils sont. Ils veulent la faire parler une dernière fois, entendre ce qu’elle a à dire. Ils ne lui concèderont pas le repos éternel d’ici là, non, ils sont bien trop égoïstes pour cela.

L’inclinaison de sa tête se modèle, traque l’élément qui lui manque, l’accessoire pour mieux voir. Elle le distingue alors, dans le clair-obscur, à moitié dans l’ombre, éclairé par l’un des spots aux lueurs trop vives. Une balafre de lumière éclaire les traits de son visage. L’expression est désincarnée, sur ses traits d’une harmonie défaite. Ravagée par une forme d’indifférence, qui la fait le reconnaître alors qu’elle ne l’a jamais rencontré. Elle ne dit rien, abaisse ses yeux vers son esquisse dont elle ne distingue que le revers du papier. Il est concentré. Le crayon, sous la finesse de ses doigts longilignes, trace une arabesque. Elle ignore pourquoi cette image en particulier se grave, à l’intérieur de sa tête. Et sans avoir besoin de le dire, elle sait qu’il s’agit là d’un instant dont elle se souviendra à travers le temps, et l’espace. Il rejoindra tous les autres. Ces moments clés qu’elle a cru devoir contempler depuis l’extérieur de son propre corps. Figée dans le silence, elle consent à demeurer dans cette attente qu’il lui intime. Elle le regarde. Une intensité qui cherche à dépasser la barrière des chairs, des os, des peurs, pour se glisser en dessous. A rebours elle récupère le crayon avec délicatesse, du bout des doigts, en le remerciant d’une légère inclination tacite. La remarque sur Hank fait changer sa manière d’appréhender le moment. Les barrières se relèvent, à l’intérieur de ses regards. Elle ne l’observe plus, après cela.
« Et que comptez-vous faire de ses préventions monsieur … Cohle, c’est ça ? »
Elle a lu son dossier. Une partie du moins. Celle succincte qu’Hank a consenti à lui envoyer. Iskandar, ça n’est pas un prénom que l’on oublie facilement. Elle est étonnée qu’il n’y ait jamais eu mention d’un procès contre ses parents, pour lui avoir mis sur le dos un patronyme pareil. Enfin, il y a quelques sonorités dans la façon de le dire. Sybil retourne le crayon dans sa main, utilise le côté en bois où la mine n’est pas taillée. Méthodiquement, elle soulève une mèche de cheveux de la victime, s’octroie une vue plus dégagée sur les contours de sa nuque. Il l’a étranglée, cela ne fait aucun doute. Elle s’approche un peu, hume les fragrances qui s’émanent de ses cheveux. Un mélange de terre humide, d’huile d’amande douce et … de jasmin, auquel s’ajoute des notes plus indistinctes, plus musquées aussi. Elle sent le parfum d’homme. Sybil se relève à son tour. Une sorte de raideur persiste, dans le bas de son dos. Elle ajuste le col de son pull, remonté jusqu’à la lisière de la nuque. Son intérêt se désincarne avec lenteur, et c’est avec une sorte de détachement qu’elle appréhende ses mots. Il sait lui aussi. Elle en est persuadée.
« Qu’en pensez-vous ? »
Elle se recule un peu, comme pour prendre de la distance. Ses bras se croisent au-devant de sa poitrine. Son ton est à la fois doux et sentencieux lorsqu’il retombe, couperet noir, auquel il devait pourtant s’attendre.
« Si cela avait été lui, elles auraient été symétriques. Tout cela … ça n’est qu’un travail de boucher. »
Un piètre imitateur. Il n’aurait jamais permis de rendre une toile aussi imparfaite. Tout juste une esquisse. Une toile à peine viable. Etranglée qui plus est. Ce n’est pas ainsi qu’il les traite, ce n’est pas ainsi qu’il les honore. C’est le genre de traitement qu’il aurait réservé aux êtres indignes de son projet. Des êtres maudits, et imparfaits. Des êtres comme elle, qui méritent d’être bâclés, jusque dans la mort.
« Elle est encore pleine. Il n’aurait jamais permis cela. C’est vulgaire. Vulgaire et maladroit. »
Le phrasé est terrible, accentué sur le « il » qui dans sa bouche revêt une autre texture. On dirait qu’elle parle d’un animal. D’une jument qui n’aurait pas eu le temps de mettre bas, avec laquelle leur tueur aurait simplement joué, comme l’on s’amuse d’un vulgaire tas de chairs.
« Ils vont mettre des semaines, avant de se rendre à l’évidence. »
Elle parle de Fowler bien sûr. De toutes ces phrases auxquels ils auront droit pour les convaincre qu’il s’agit bien là du travail de l’Avorteur. Parce que ce serait plus simple, de tout lui mettre sur le dos. De n’avoir à traquer qu’un seul homme quand ils sont en réalité deux. Un sourire proche du sadisme passe au-devant de ses lèvres rouges. Il s’efface, aussi vite qu’il est apparu. Une sombre pensée est venue la cueillir. L’Avorteur n’a jamais aimé les imitateurs. Encore moins ceux de piètre envergure, qui bafouent son art plus qu’ils ne le transcendent. Il a toujours su punir à sa manière ceux qui avaient tenté, par adoration morbide, de l’égaler. Ils n’auront peut-être pas à attendre longtemps avant que celui qui a bâclé cette pauvre fille ne refasse surface, d’une façon ou d’une autre.
(c) DΛNDELION
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Message Sujet: Re: (iskandar&sybil) silence can mock.    (iskandar&sybil) silence can mock.  Empty Ven 3 Mai - 8:46

SILENCE CAN MOCK × ft. SYBIL & ISKANDAR

Sur la courbe du trait, s’étend la convoitise. La convoitise brutale de ces instincts de prédateur, qui substituent les bourreaux à leurs proies. Les trouver, les traquer, les savoir. Les deviner dans des ombres en partage, des ombres que l’on nourrit, des ombres que l’on défie, pour croire les vaincre à l’orée de la nuit. Les muscles sous la peau se tendent, de cette fatigue toujours prégnante, que l’insomnie régulière encense, entretient avec la malignité de ces compagnes dont on se passerait bien. Le crayon crisse, une prière silencieuse, une sentence sourde, non pas pour la victime que l’on abandonne ici à la putréfaction mais bien à celui qui s’improvisa dieu tempétueux, que l’on destine à la même poussière que cette madone difforme embrassera. Il la rejoindra dans le linceul sans âge, il la retrouvera dans les entrailles de la terre, déchu d’un piédestal éphémère, son nom retourné au néant. L’on ne se souviendra pas de lui comme l’on ne se souviendra pas d’elle. Les errances d’une vie sont condamnées à l’oubli. Implacable jugement que le temps improvise. Le trait se courbe, sans jamais se briser. Je me demande si le foetus est mort en même temps qu’elle, penche la tête pour deviner la blessure d’une lame, que l’on a plongée froidement pour mieux lui arracher cette existence qui devait éclore, fleurir de ses entrailles à jamais stériles. Un champ de ruines pour des cris étanchés. Je souligne l’ombre de son profil, sous les cheveux filasses, puis dévore une image qui s’avance vers moi. Le poids d’un seul silence pour graver la dureté d’une détermination dans de grands yeux rendus à l’ombre d’une tourmente qu’ils ont par trop entrevue pour jamais la chasser. Hank avait soigneusement ôté toutes les photographies, les clichés de ses blessures, les images de sa torture, il a épargné l’intime pour mieux construire le mythe. Ou peut-être par simple élan paternel, évitant par là la déformation de sa fille de substitution dans le regard mort de son fils putatif. Hank nous suit depuis des années, mais nous ne nous sommes jamais croisés jusqu’alors, une famille distendue qui n’aspire pas à la réunion. Je crois qu’à mon image, elle goûte fort peu les entrevues sociales, où il s’agit de raconter ces petits riens d’une existence qui ne veut plus de nous. Elle explose dans la fixité de mes observations, se nimbe de carmin, déploie d’autres ailes plus sépulcrales pour mieux abattre la virulence de cette nature indomptée. Qu’il n’a pas su briser. Non… Sans doute pas tout à fait. Combien à sa place seraient encore abandonnés entre les murs d’un asile, à pleurer ce qu’on leur a arraché, la dignité et la raison. Je chasse les questionnements et la vision qui se répand dans mon iris, un battement de paupière, un geste imparfait pour lui confier le crayon qui sert bientôt d’instrument entre ses doigts experts. J’ai une drôle d’impression, l’observation qu’elle a portée sur mes chairs me laisse un héritage abscons, indéchiffrable texture qui s’immisce sous l’épiderme, la texture des rencontres qui devraient faire sens. Mais de sens, plus rien, je ne crois plus ni au destin ni aux paraboles furieuses de cette humanité en lice avec l’immortalité. Tout cela ne rime à rien. À rien.

Je profite de son inspection pour jeter mon dévolu sur ces nouveaux indices qu’elle met au jour, dans des gestes précis, tandis que le temps reprend son rythme très lointain. Sous ma tempe, se niche encore l’oraison d’une tourmente. La mienne. La sienne aussi. Celle de cette fille prostrée qui meurt une deuxième fois à devenir l’objet de notre avidité d’enquêteur. Je ne fais qu’opiner pour lui confirmer mon identité tandis que toujours immobile, dorénavant debout, je rétorque :
_ Rien. Je ne ménage personne.
Ni moi, pour ce que ça vaut. J’imagine qu’elle sait ce que l’on murmure, écrit, apprivoise pour donner une cohérence à ce qui confine au chaos. Des mots, des mots, pour circonscrire l’irréparable. Les précautions paternelles d’Anderson sont-elles allées jusqu’à silencer mes dernières oeuvres ? Nous conversons désormais, dans une distance respectueuse. Je n’ai plus besoin de jauger le cadavre pour répondre avec une assurance non dissimulée :
_ Elle porte un parfum de supermarché, ses ongles ne sont pas entretenus. Je ne parle même pas de ses cheveux. Une bien piètre madone. Une madone bon marché.
Le mépris est sourd, teinté d’une once de déception, parce que le traquer, lui, aurait été une autre paire de manches quand ici il s’agit d’un banal copycat. Elle le sait également, elle le sait mieux que moi, dans ses chairs et dans sa tête. J’écoute les mots qu’elle crache, le ton dont elle use. Déçue elle aussi. J’essaye de chasser les contractures de mes épaules tandis qu’elle confirme mes premières conclusions. Je rouvre mon carnet pour tracer un titre au-dessus du dessin. Des lettres soigneusement tracées : “Sans génie”. La pulpe de mon pouce passe avec prégnance sur les lignes du crayon qu’elle a touchées. J’ai un soupir menu, et mes prunelles vides retombent sur la victime :
_ L’imitateur a tué l’enfant dans le ventre de la mère. Il n’a pas compris, il a vu de la haine quand il s’agissait de sublimation. Tout le monde n’est pas à la hauteur j’imagine. Mais un imitateur recommence, c’est le principe même de l’absence de talent. Recommencer. Encore et encore. Fowler et sa clique risquent de s’échauffer quand il y aura un autre cadavre. Voir des erreurs où il n’y a rien de commun.
Je ne souris pas, pas comme elle. Parce que l’assassin, s’il n’égale pas son maître, portera la précipitation sur l’enquête. Plus de cadavres, ce sont des échéances irréalistes que notre bien aimé patron se plaira à fixer. Je fais un geste, où le dédain s’entremêle à l’épuisement :
_ Une part de moi espère qu’il le trouvera avant nous.
Que l’Avorteur le tue serait plus commode, éviterait que le bureau claironne avoir déjoué la monstruosité, n’organise des conférences de presse pour mentir avec l'assurance des inconscients :
_ Dîtes à Fowler ce que vous avez vu. Je confirmerai vos dires, pour peu que ça ait une valeur aux yeux de cet imbécile. Il croit être celui qui arrêtera l’Avorteur. Il croit qu’il ne lui manque plus que cela pour devenir directeur adjoint. Il n’y a rien de pire que ce genre d’ambition.

Je fais un geste aux équipes pour qu’ils emballent notre macchabée. Je ne la regarde plus. Ni la défunte. Ni Farquharson. Je ne vois plus rien de longues secondes et je n'entends que ces battements dans ma tempe, qui m'inclinent à renoncer. Contradiction. Je décide de persévérer, et alors que mon visage se fige dans une attention plus opiniâtre, une détermination qui me torture, une autre course se dessine. Les ambitions de Fowler depuis longtemps oubliées, j'imagine ce que cela lui ferait. Lui. Je le nomme dans ma tête de la même manière qu'elle. Ce que cela lui ferait si j'attrapais son imitateur avant lui. Et si bien au contraire on le confondait avec ce trublion qui joue du scalpel comme un vulgaire amateur, et qui de ses doigts malhabiles a broyé la gorge de l'innocence. Un autre feu feule dans mes prunelles quand je croise de nouveau son regard.
_ C'est une course Farquharson. Une putain de course contre lui. Je retire mes pensées trop simplistes, ces connards déteignent sur moi. J'espère le choper avant.
Je penche la tête dans la direction de la sortie comme pour lui demander de m'accompagner. Dans la course ou bien au dehors. Qu'importe. Je sais qu'elle est consultante et qu'elle pourrait légitimement se barrer et aller terminer sa nuit dans l'appartement qui la contraint entre quatre murs. Mais l'appel de la nuit est parfois bien plus implacable que l'illusion du repos. L'air froid me cueille et j'inspire comme un damné pour chasser les humeurs putréfiées qui envahissaient toute ma tête. Je me rallume une clope avec automatisme et observe un instant la valse des équipes. On a remis le petit jeune de la bande sur pieds. Kyle je crois. On s'est dit qu'il serait tout à fait apte à interroger le proprio de la grange qui ne cesse de recroqueviller sa posture par peur d'être éclaboussé par le crime qui s'est étalé sur son domaine. Lui aussi il la respire. L'odeur de la mort qui ne lui était pas destinée. Je jette un regard de biais à Sybil avant de marmonner, le filtre entre mes dents :
_ Alors ? Vous allez vous en mêler ou rester sur le banc de touche jusqu'à ce qu'il sorte du bois ?
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Message Sujet: Re: (iskandar&sybil) silence can mock.    (iskandar&sybil) silence can mock.  Empty Sam 4 Mai - 12:11

silence can mock
iskandar & sybil

« When the Fox hears the Rabbit scream he comes a-runnin', but not to help. »
Le souffle putride d’une réalité glacée encense la mort pour mieux venir la caresser. Sybil ne peut plus en détacher le regard. C’est inconscient, c’est plus fort qu’elle. L’éther d’une essence façonnée par les cris, les larmes d’une agonie qui dure, qui ne cède jamais. Elle pourrait demeurer là à la contempler, cette belle endormie, comme s’il s’agissait d’une compagne, d’une amante que l’on cajole du regard jusqu’à en graver le souvenir, docile, presque gracile. Elle voudrait être seule pour la contempler, refermer cette intimité dérangeante autour de leurs deux silhouettes. Mais il est là. Il est toujours là. Présence diaphane, qui nimbe le fond sonore de son silence opiniâtre, de ses remarques d’une justesse agaçante. Un autre observateur, un voyeur de passage, piétinant le saisissant sillage qu’elle saurait tracer jusqu’à la mort pour mieux en saisir les indéchiffrables mystères s’il voulait bien disparaître à son tour. Cavalière solitaire, si nombreuses soient les équipes dans lesquelles elle est intervenue auparavant, jamais elle ne s’est octroyé la liberté de se lier à quelqu’un d’autre, de quelque manière que ce soit. Elle est demeurée mutique, se contentant de rapports froids et cliniques, sans jugements ni artefacts pour biaiser l’avancement d’une enquête déjà laborieuse. Tout est différent ce soir, cette nuit. Cela n’a plus la même saveur. Parce que l’enquête, c’est la sienne. Elle l’a toujours été, gravée au fer rouge sur sa chair orgueilleuse. L’Avorteur, c’est un dossier qu’elle protège avec une avidité de fauve, un égoïsme coupable. C’est ce qui la maintient en vie quelque part, la perspective de le savoir encore féroce, appartenant à la même réalité que la sienne.  Toujours là, attendant avec docilité que sa vengeance l’arrache, le condamne. C’est la destinée qui les relie l’un à l’autre, la seule en laquelle elle est encore capable de croire, sous les entrelacs de la haine qu’il a su vicier à l’intérieur de sa chair. Après tout, elle est la seule erreur qu’il a commise. La seule.

La mine du crayon crisse sur le papier. La patience se dessine, dans ce temps où ils s’observent, se jaugent, se jugent aussi peut-être. Elle ne sait pas grand-chose à son sujet mais n’a pas besoin d’un manuel pour deviner les stigmates d’une blessure sur ses traits marqués. On ne devient pas insomniaque sans raison. Ses cernes le trahissent. On a beau avoir quelques prédispositions, il faut la brutalité d’une offense pour se condamner à une absence de repos, à une réalité aux sensations nébuleuses, désarticulées. Pour que l’onirisme soit si terrible qu’on en perd la faculté de fermer les paupières sans craindre ce qu’elles dissimulent. Dans le temps suspendu de son offrande, elle comprend qu’il sait. Ce qu’elle est. Ce qu’il a fait d’elle. Monstre désincarné, répertorié sur les lignes froides d’un rapport incomplet. Notoriété fugace, rendue à la poussière. Une histoire à raconter. Un mythe de plus façonné par d’autres, certainement pas par elle. Des bruits de couloir auxquels elle a toujours droit, mais qui se heurteront cette fois-ci aux préjugés de certains. Elle est déjà prête pour cela. Cela ne lui fait rien, en réalité. Ce n’est pas comme s’il y avait encore une pudeur à défendre, une dignité à revendiquer, une autorité à asseoir. Ce combat ne lui appartient plus, et la hargne de s’improviser meneuse l’a depuis longtemps délaissée. Traitement de faveur ou pas, l’indifférence est absolue. Sybil n’éprouve rien. Rien à part un grand vide, qui s’ouvre sous ses pas et se tient prêt à engloutir tout le monde sur son passage. Même lui oui … Même lui.
« Bien. »
Le mot retombe, chape de plomb futile, presque inutile. La part très incisive de sa nature se frustre le temps d’une respiration confuse. Elle aurait aimé lui dire que cela lui est égal. Qu’il peut bien décider de la malmener, de l’ignorer ou de la ménager, que cela ne change strictement rien pour elle. Autrefois sans doute aurait-elle eu cette réaction vindicative, où l’élan de vie pulse dans la chair, fait tressauter les nerfs qui attendent toutes les occasions opportunes pour réagir. Mais il ne se passe rien d’autre. La respiration retombe au néant dont elle est venue. La concentration se profile de nouveau vers l’objet de toutes ses attentions. L’arborescence qui entoure le cadavre, à l’intérieur de son crâne, est magnifique. Scintillante de beauté, contrastant largement avec le côté très macabre de la scène qui s’expose sous leurs incisifs regards. Ce sont des fils épars, qu’il convient de suivre et de relier les uns aux autres. Un monde en filigrane, accessible par ceux qui aspirent à voir au-delà du premier coup d’œil. Ses observations habiles rejoignent les siennes. Elles trouvent naturellement leur place, symbiose fascinante, symbiose dérangeante. Une madone bon marché. Le qualificatif est assez bien trouvé, elle le reconnaît volontiers. Toutefois quelque chose la dérange, fait tiquer le côté très perfectionniste de sa nature. Elle ne peut s’empêcher de remarquer, dans un constat très monocorde, assez insensible :
« C’est un parfum bon marché oui, mais un parfum pour homme. Elle a choisi des notes très florales et sucrées pour son shampoing. Pour son déodorant aussi. Ce serait étonnant qu’elle se parfume à côté de ça avec des notes très masculines. Ce ne sont pas les résidus de son parfum à elle que l’on sent … C’est son odeur à lui. Si c’est un lui. »
Et c’est un lui, elle en est persuadée. Un lui avec des goûts très discutables, dépourvu du raffinement qu’il met un point d’honneur à revendiquer. L’élégance il ne la connaît pas. Elle ne la distingue nulle part. Tout est maladroit, tout est fragile. La découpe des ailes est tremblotante, les lignes imparfaites. Aucun maître digne de ce nom n’aurait consenti à prendre sous sa coupe un élève aussi médiocre, pour qui la finesse des détails est un attrait superflu. Sybil abaisse son regard vers le carnet d’esquisses que Cohle tient entre ses doigts. Même lui aurait pu mieux faire, avec ses doigts longilignes et sa maîtrise de l’arabesque sur la feuille blanche. Il vient de noter quelque chose. Quelque chose qu’elle ne distingue pas mais qui sans doute prolonge leurs pensées conjointes. Les mots se font légion après cela. Il ne lui faut pas beaucoup de temps pour en arriver à la conclusion qu’il doit être plus avare de commentaires lorsque les discussions sont très factices. Il est dans son élément. Le tableau, si imparfait soit-il, l’inspire. Une inspiration qu’elle contemple, dans le court instant qui la sépare d’une conscience plus âpre face à cette rencontre indéchiffrable.  Elle se fascine à regarder la flamme que la hargne dessine, au fond de son regard en clair-obscur. La frénésie de la traque. Cette envie furieuse de mettre la main sur lui avant, d’être le premier à avoir ce privilège. Était-elle ainsi autrefois ? Quand toutes les émotions n’étaient pas axées vers un même but ? Quand elles n’étaient pas encore pourries, entièrement putréfiées ? Elle demeure silencieuse, décompose les gestes qu’il trace autour de lui, la ferveur de son humeur changeante. Désaxé lui aussi, de cette réalité à laquelle les autres appartiennent. Deux trublions, sur la même enquête sordide. Elle se demande quel projet houleux Hank a en tête, à vouloir les faire se côtoyer sur ce même dossier. De quoi rendre fou Fowler, et ses principes très ambitieux. Elle ne dit rien parce qu’elle lui ressemblait autrefois. Elle lui ressemblait tant.
« Qu’est-ce qui vous fait croire qu’il lui fera l’honneur de le tuer ? »
Elle le toise sans hauteur, sans douceur non plus, démembre une à une les réactions qu’il saurait avoir, les conclusions qu’il pourrait tirer. Il ne saisit pas encore l’essence de celui qu’il traque mais il s’en approche dangereusement. Une idée qui chemine jusqu’à ses tempes et la laisse comme exsangue, à l’intérieur, parce qu’elle oscille entre deux sentiments très contraires. La possessivité et la jalousie d’une part, cette nervosité qu’il puisse saisir à son tour, et qu’elle ne soit plus la seule à avoir ce pouvoir-là, et la curiosité à l’idée de justement pouvoir partager et compléter les réflexions qu’il saurait tracer.
« La mort est un privilège qu’il réserve à ceux qui en sont dignes. »
C’est pour ça qu’elle est toujours en vie, alors qu’elle était à deux doigts de lui mettre la main dessus. Jamais il ne l’aurait tuée. Elle était trop indigne, trop impure pour mériter d’appartenir à sa création.
« Il ne le tuera pas. Il le punira. »
Ce constat la laisse de marbre. La résonance d’un cri profane la tranquillité très fragile de son esprit. Elle se souvient du timbre suave de sa voix, de la tranquillité de son timbre, chaque fois qu’il lui narrait dans un conte macabre la légitimité de son projet insensé. Elle se souvient de toutes les supplications, des complaintes terribles qu’il faisait mine d’ignorer tant qu’elle refusait d’écouter, d’entendre, de voir. Bientôt, tu n’auras plus de larmes à verser ma Sybil … Et tu n’en seras que plus belle, évidée de cette sensibilité dont tu es de toute façon naturellement dépourvue. Le Créateur t‘a façonné ainsi, tu le sais n’est-ce pas ? Je ne fais que révéler ta véritable nature, mettre en exergue ce que tu caches, à l’intérieur. Oh tu peux toujours crier … Il n’y a personne pour t’entendre ici. Personne à part moi, et le peu de conscience qu’il te restera … lorsque je t’aurais brisée. Tu renaitras après cela … Tu renaitras, grâce à moi. Sa peau est blême, un teint de mort. Elle revient et observe d’un regard absent l’angélique mort avant de revenir à Cohle.
« Une ambition dont vous êtes dépourvu, n’est-ce pas ? N’aimeriez-vous pas être celui qui l’arrêtera à sa place ? Il faudra bien quelqu’un … Cela pourrait être vous. »
Elle s’est rapprochée, féline, soucieuse de circonscrire les élans de sa nature pour mieux en distinguer les limites. Que veut-il, quant à lui ? N’a-t-il aucune ambition ? N’a-t-il pour aspiration que de rendre justice en mettant la main sur ceux qui s’accordent des droits divins ? Est-ce pour assouvir un besoin de sang et de chair, pour se donner l’illusion d’être en vie quand il semble déambuler dans un corps mort ? Elle s’interroge, en oublie de consentir à ses suggestions que de toute façon elle ne suivra pas vraiment. Parce qu’elle n’est pas là pour contribuer à une arrestation. Ils ne sont à ses yeux que des pions pour atteindre son but. Elle le trouvera avant eux. Elle le brisera à son tour. C’est ainsi que cela doit se dérouler. Elle l’achèvera, après avoir lentement désarticulé ses membres, pelé sa chair, goûté l’amertume de son sang encore tiède sur sa peau glacée. Elle se nourrira de ses cris, traquera la paix qu’il lui a ôté sur les nerfs à vifs, arrachés à l’os.
« C’est touchant, cette frénésie de la traque que vous avez malgré tout. »
La légèreté de son timbre frise le sarcasme. Elle effleure du bout des doigts le col de sa chemise, comme pour le remettre en place. Un rictus très austère dérange le carmin sur ses lèvres, fait miroiter une flamme dérangeante au fond de ses yeux clairs. Il y a encore quelque chose qui pulse au fond de lui. Un instinct de traqueur, toujours vivace, certainement coriace. Un orgueil qui survit en filigrane d’une existence ponctuée de drames.
« Courez donc, agent Cohle. Courez, si c’est cela qui vous maintient en vie. »
Le balancement de sa silhouette se recule. Elle se saisit du mégot qu’il vient de coincer entre ses lèvres, tout juste embrasé à la lisière de sa bouche. Entre deux doigts, permission absente, elle en tire une bouffée, s’éprend de la vision d’une volute blanchâtre qui disparaît dans la soie de la nuit, souffle sur la cendre. Elle s’évade, elle aussi. Elle lui rend son bien, tuméfié par l’empreinte de son rouge à lèvre sur le filtre. La seule marque de féminité qu’elle s’autorise, en marge de ses allures vestimentaires austères et masculines.
« C’est vous le chasseur. Je ne suis pas là pour ça. »
Elle fait un petit geste à Hank, plus loin, en train de les observer. Elle voit à sa posture qu’il se retient d’intervenir, de se précipiter vers eux pour entamer un semblant de dialogue. Elle n’a pas tellement envie d’épiloguer, et il est trop tôt pour effectuer un rapport détaillé. Cette nuit ou au petit matin, cela ne change pas grand-chose. Elle replonge ses mains glacées au fond de ses poches, emboîte le pas pour rejoindre la rue et le distance, de quelques pas, de quelques mètres. Avant le trottoir elle se retourne. Ils viennent de placer le cadavre dans sa housse mortuaire.
« Cela dit …  Le tatouage, sur sa cheville droite. Soit ce n’est rien, juste un hasard, soit c’est la marque d’un gang qui sévit du côté d’Harlem depuis quelques années. Ça y ressemble. Les proxénètes ont l’habitude de marquer leurs filles, pour montrer leur appartenance. Comme des bêtes. Cela ne coûte pas grand-chose d’aller boire un verre dans le quartier, et de solliciter quelques putes au passage. Si vous êtes sage, je vous laisserai même aller vous accorder du bon temps sans vous dénoncer. Après tout, joindre l’utile à l’agréable, ça n’est pas si mal. »
Ils remontent le zip de la housse. Un geste froid. Un geste mécanique. La madone disparaît, ses ailes repliées dans son dos qui saigne. La pudeur de ses airs désincarnés, rendue à la rigidité d'une mort à élucider.

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Message Sujet: Re: (iskandar&sybil) silence can mock.    (iskandar&sybil) silence can mock.  Empty Sam 4 Mai - 19:52

SILENCE CAN MOCK × ft. SYBIL & ISKANDAR

Et cette pulsation toujours fichée, profondément sous le crâne, cette impression dérangeante de n’être plus totalement libre de mes mouvements. Déjà sur le chemin, il y avait ces fragments hérétiques qui s’infiltraient dans mes songes, comme si la rencontre devait forcément être versée dans la gorge, une onde amère sur les papilles qui ne savent plus rien savourer, si ce n'est le goût âcre du sang. Comme s’il fallait chercher une toute nouvelle harmonie dès lors que nous serions deux à la distendre, dans un face à face mortifère. Un souffle. Ou deux. Avant l'asphyxie. Cela fait maintenant plus de cinq ans que je refuse de partager l’austérité de ma solitude avec tout partenaire. Même si c’est ce genre de refus dont on vous interdit la suavité, il a toujours fallu que la hiérarchie me colle un connard dans les pattes, alors que je n’avais su supporter que Jéricho. Iskandar et Jéricho, imaginez deux minutes. On nous croyait tout droit descendus de quelques contes funèbres, près à abattre notre courroux sur l’engeance. Nous échappions si aisément à la duperie d’un monde en pleine déliquescence. L’harmonie, le rythme que l’on se doit d’imposer à l’autre, de modeler face à une personnalité différente que la sienne, nous avions su les trouver peu à peu. Puis Jéricho est mort, assassiné. Puis… Puis plus rien. Le bruit blanc, les cris, le sang. Rien, rien. Plus de saveur. L'enfance avortée sur le macadam. Les dernières tonalités de cette ingénuité si particulière. Étranglées. Dans la gorge. Dans la gorge. Et ce vide immense sous chaque pas. Persister après le deuil, persister car je ne suis bon qu’à cela. Ma seule place dans l’existence, l’ivresse de la chasse, le soucis du détail, l’observation mutique à la marge de tous ces excités qui croient que courir, courir, toujours courir, leur permettra de gagner l’arrivée sans que leur bouche ne soit remplie de cendres. Tous aveugles. Tous malades. Insupportables êtres qui veulent à tout prix avoir une valeur sur le fil acéré d’une vie bien trop courte, bien trop fade. Inepte. La pulsation est toujours là, plus forte encore désormais que je la regarde, me demandant pourquoi il y a cette douleur qui me tance. Un rappel, c’est comme un rappel. Une impression oubliée. Mythique hurlement venu du fond des âges. Au fond, tout au fond de la chair. Une mise en garde. Souviens-toi. Souviens-toi... Les chemins que l’on arpente ensemble sont les plus sombres qui soient. Il n’y a aucune lueur dans ses yeux pourtant clairs, il n’y a plus que cette douleur opaque, qui feule comme une bête fauve. Nuits fauves dans l’écrin de ses prunelles. Nuits fauves. La sangle du holster s’imprime dans mes épaules, une douleur salutaire, une douleur nécessaire. Je reprends mes distances dans l’infini de notre rencontre. Je ne la connais pas. Je ne te connais pas. Pas encore. Jamais. Le battement s’atténue, répit dérisoire que l’on accorde aux condamnés. Le mot qu’elle lâche est catatonique. Une suspension à notre semblant d’accord. J’aurais aimé… Je ne sais pas. Peut-être que j’aurais aimé qu’elle s’offusque de cette dureté dont j’abuse avec tout le monde. Peut-être que nous aurions fait semblant d’exister l’espace d’une trop longue seconde. Je retourne au néant.
Nous commentons ensuite, cliniques, un brin exaltés sur quelques formulations d'usage. Si des oreilles traînent, sans doute notre réputation ne leur apparaît alors pas un seul instant usurpée. Deux charognards, qui surplombent un cadavre dont ils ne savent pas vraiment se repaître. Ça ne suffit pas à notre envie, c’est un crime mis en scène mais les planches sont pourries. Un théâtre que nous abandonnerons bientôt quand nous imaginions sans doute les feux nourris d’autres projecteurs. Bien que mon intérêt pour l’Avorteur ne soit que circonstanciel. Une admiration pour la perfection de ses crimes qui fait que la traque n’en sera que plus éreintante, aliénant le peu de moi qui sache persister. Les hurlements pourront s’atténuer dans le sillage de la bête. J’écoute les précisions qu’elle apporte, loin de les dénigrer, mon profil se cisèle alors que ses mots dessinent d’autres arcanes dans lesquelles je m’évade. C’est un homme, c’est forcé. Un homme comme sa victime, je dirais. Un homme commun et bon marché qui s’est cru à la hauteur du mythe auquel il aspire. Devenir soi au travers d’un autre, lorsqu’on est pas grand chose. N’est-ce pas ce que nous faisons tous, au final ? Alors que je m’étais forcé à me détourner d’elle, mes iris froides s’aimantent de nouveau à cette précision dont elle fait preuve, celle qui démontre indubitablement qu’elle le connaît, qu’elle le devine. Qu’elle le sait. Un atout non négligeable, même si j’ai un très léger soupir méprisant devant ses effets de manche. Elle cherche à me rappeler ma place, elle cherche à demeurer maîtresse de son sujet, elle ne l’abandonnera pas sans combattre. Et je sais flairer l’obsession quand je découvre quelqu’un qui s’y noie avec l’appétit de ceux qui n’en peuvent plus de surnager. Après tout, si ça lui chante, de s’élancer dans un duel contre celui qui lui a fait l’offense de l’abandonner vivante. En arrière. Délaissée. Dénigrée. Certains journalistes y ont trouvé, bien à tort, une marque de magnanimité quand il s’agissait de la condamnation la plus brutale qui soit. Un désintérêt si trivial, un déshonneur dont il doit être très délicat de se relever. Je sais combien l’on peut aspirer à la mort, combien quand elle nous refuse sa clémence l’on se sent aux confins de l’impuissance. Ni en vie, ni frappé par la douceur du trépas. À l’arrêt, une éternité à dériver dans le vide incertain. Je l’écoute, je l’écoute, j’ai d’ailleurs dessiné un pas, comme attiré par la brûlure de ses mots. Je ne retiens pas les miens, ils se murmurent, dans une inspiration plus animale :
_ Il vous a donc rejetée, mais pas épargnée.
Personne ne devrait se permettre ce genre de termes face à une victime comme elle. Personne ne saurait oser. Pourtant les mots ne sont ni amers ni brutaux, ils s’immiscent, se joignent à la réflexion qu’elle instaure, se glissent, malvenus, imparfaits. Comme ces fragments qui crissent dans mes pensées. Je l'ai prévenue. Je ne l'épargnerai pas. Ni elle. Ni personne. Je soutiens son regard, je ne cherche pas à lui échapper. C’est un constat, un constat sourd, qui n’attend pas qu’elle épilogue, ou qu’elle confirme ce qu’elle a elle-même sous-entendu. Je la vois différemment, les flammes la nimbent de nouveau, mais c’est elle qui les nourrit. Elles ne la consument pas. À ses brasiers rendue, je l’inscris dans un imaginaire trouble, mes paupières se plissent comme si j’essayais de distinguer quelque chose. Le silence retombe, nous sommes deux points fixes dans l’espace-temps de notre dérive commune. Malgré nous. Malgré nous. La migraine me tourmente plus encore après cette épiphanie. J’ajoute, sombrement :
_ Personne n’est élu. Ni lui, ni ses victimes. Il n’est pas différent de tous les autres. Même les dieux finissent toujours par brûler.

Le dialogue s’improvise, je ne le repousse pas, je la laisse tenter de me dépeindre quand l’ambition qu’elle me prête me fait très sarcastiquement secouer la tête. Je relève le menton et la toise quelque peu :
_ Moi ou un autre, quelle importance ? Si l’on fait ce métier pour viser le rôle du gentil héros qui sourit à la fin de l’histoire, alors c’est vraiment qu’il faut arrêter de recruter des cons. Je fais ce pour quoi je suis fais. Ça n’a rien à voir avec l’ambition, ou la passion. La question, c’est de savoir qui l’on est.
Je penche la tête. Et toi, qui es-tu, alors ? Uniquement la vengeance qu’il t’a abandonnée, un destin qu’il a soufflé sur tes lèvres carmins ? Si c’est ce pourquoi tu es faite, alors tu ne devrais plus te débattre. Tu ne devrais plus jamais avoir à te justifier. J’ajoute plus froidement quand elle qualifie mon goût pour la traque :
_ Non ça ne l’est pas.
Ça n’est ni touchant, ni agréable. Je lui répète avant de sortir de la grange :
_ Je sais qui je suis. C’est tout.
Je suis celui qui peut choisir d’abattre, sans sentence aucune, une vie inutile. Je suis celui qui peut continuer à traquer l’horreur quand il aurait fallu s’en détourner après la mort d’Hannah. Je suis celui qui a abandonné sa soeur aux griffes de l’infamie. Je suis l’incroyance et l’absence. Je suis en creux quand ils veulent tous être pleins. De bouffe, de vie, de luxure, de plaisir, de satiété, d’hérésie, de foi. Je la laisse perpétrer son larcin même si mon corps arbore une raideur plus lisible lorsque sa main m’approche. Ce n’est pas de la peur ou du dégoût. C’est une réaction plus viscérale que cela. C’est comme se rappeler brutalement ce qu’un geste peut porter comme sensualité importune. Mon visage se fige, mes yeux la traquent, elle, désormais, ses lèvres sur le filtre de la cigarette. Si rouges. Si rouges. Je ne sais pas ce qui me maintient en vie. Je ne le lui dis pas. Peut-être qu’elle le sait mieux que moi. La fumée exalte sa nature pleine d’indépendance, sa liberté inféodée à sa survie empoisonnée. Je souffle :
_ Vous n’êtes là que pour lui. Que se passe-t-il après cela ?
Après l’âpreté de la vengeance ? Est-ce véritablement ce qui la meut encore, l’idée de le rendre à l’inexistence dont elle s’est vue frappée ? J’essaye de distinguer qui elle pouvait être avant le drame, ce en quoi elle croyait. Mais je m’aveugle à la virulence d’un présent immuable. Il n’y a aucun retour en arrière. Il n’y en a jamais. Je la poursuis, me racontant que c’est parce qu’elle prend la même direction que moi, là où j’ai abandonné la voiture, tout en snobant la figure paternelle d’Anderson qui cherche pourtant à capter mon regard. Arrivé près de la Chevrolet, j’ouvre la portière que je n’avais pas verrouillée et balance le blouson du FBI sur la banquette arrière, me déparant des oripeaux des scènes de crime pour recouvrer les allures blafardes des costumes protocolaires. La veste est froissée, la chemise aussi, marques de ma vie dissolue et nébuleuse. Je savoure la cigarette, peut-être avec un peu plus de prégnance désormais qu’elle me l’a rendue marquée par ses lèvres. Je laisse la portière ouverte tout en faisant le tour de la caisse :
_ Ouais… Les Keys si j’ai bien reconnu leur emblème. Ils sont originaires de Chicago.
Le dessin est également dans le carnet, à une page antérieure. Un gang rival du réseau de proxénétisme qui fournissait tous ces richards qui souhaitaient tant se taper des gamines. Comme un rappel. Un rappel. Dans la tempe. De ce qui fut. De ce que j'ai fait. Je ne l’invite pas ouvertement, la porte est déjà un indicateur suffisant. Je m’installe derrière le volant, termine ma cigarette avant d’en jeter le mégot à l’extérieur, sans aucun raffinement. J’ajoute quand elle est de nouveau à proximité :
_ Pourquoi, vous croyez que baiser sous votre férule m'aiderait à prendre mon pied ?
Un haussement de sourcil ironique, sans sourire. Si froid, si froid. Sensualité exsangue. Si seulement ma définition d’un bon moment était aussi simple, aussi atteignable que de payer une pute. Si seulement cela permettait d’oublier, d’oublier… d’oublier rien qu’un instant. Rien qu’un seul. Je prends le chemin de Harlem, alors que la buée se condense sur les vitres, nous enfermant dans un monde évanescent et trompeur. Harlem n’est pas très loin, à quelques blocs seulement. J’éteins la radio qui grésille et me tape sur le système, et sans quitter des yeux le bitume luisant des humeurs nocturnes et d’un été qui ne sait plus s’il est trop tard pour ramener sa tronche dans le monde désavoué de New-York, je lui confie :
_ Il a buté sa progéniture, un seul coup de lame, clinique. On ne fait pas ça par hasard, ni par chance. Il savait où inciser, précisément. À Chicago, ils avaient l’habitude d’avorter leurs filles sur des brancards improvisés. Ils avaient des types qui savaient faire, qui savaient exactement comment faire.
Le trajet se ponctue par la circulation alanguie et les feux de signalisation. J’abandonne la voiture à l’orée du quartier revendiqué par les Keys. Une ruelle nous dégueule, côte à côte, à proximité de plusieurs bars mal famés.
_ Choisissez votre poison, Farquharson, vu que vous m’avez si gentiment invité.
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Message Sujet: Re: (iskandar&sybil) silence can mock.    (iskandar&sybil) silence can mock.  Empty Mer 8 Mai - 10:46

silence can mock
iskandar & sybil

« When the Fox hears the Rabbit scream he comes a-runnin', but not to help. »
Le cliquetis des chaînes autour de ses poignets. La porosité de la pierre, humide sous les pieds nus … Si nus. Le goût âcre du sang coagulé sur les papilles, les pupilles s’agitent dans le noir, s’abîment à essayer de distinguer une lumière absente. Les ongles s’enfoncent, griffent, saignent à leur tour. Se raccrocher à quelque chose, n’importe quoi. Quelque chose qui fut, qui est. Le cliquetis des chaînes encore, qui de loin lui rappelle le bruit du ruissèlement de l’eau qui s’alanguit entre les pierres réchauffées par le soleil estival. Elle se concentre, rattrape le fil ténu. Tout est sensible et diffus. Ses pieds nus se balancent, dérangent la continuité de l’écoulement de la rivière. Sa peau est tiède, elle absorbe la chaleur et l’emprisonne, tout à l’intérieur. Un cliquetis encore. La morsure du froid, sur ses membres qui tremblent. Quand est-on ? Est-ce avant ? Est-ce après ? La rivière a-t-elle jamais rafraîchi ses pieds, et le soleil alangui ses membres indociles ? Qu’est-ce qui tient du vrai ? Qu’est-ce qui tient du fantasme ? Les repères se distillent. Elle ne sait plus. Ce qui est d’elle, ce qui est inspiré par lui. Ce qui est. Ce qui fut. Le froid étend son empire. Il vous a donc rejetée, mais pas épargnée. La chape de plomb s’ouvre grand. L’abîme le contemple, translucide et opaque, dans cette pâle agressivité désabusée qu’il lui inspire. Elle ne le hait pas, mais la curiosité qu’elle éprouvait à son égard s’essouffle. Des mots inutiles, des mots crus. La cruauté sans fard d’une franchise dérangeante dont il enfonce la lame entre ses côtes, sans même s’en rendre compte. Ou alors le sait-il, agit-il à escient. Mais elle n’en est pas sure. Il l’a déjà prévenue. Qu’il n’aurait pour elle aucune des considérations qu’ont tous les autres face à son statut de victime. Cette idée l’a séduite tout de suite. Mais le constat est creux. Décevant. Le vide ne répond pas tout de suite. Le vide songe, feule, assoit dans le silence des prises indiscutables. Elle relève un regard mesuré vers sa silhouette, le tance d’un mépris sentencieux qui flirte avec le sarcasme, quand l’ironie pointe sur la ligne de ses lèvres vermeilles :
« Vous en êtes arrivé à cette conclusion là tout seul, comme un grand ? »
L’humanité crisse sous les ongles, s’essouffle à la lueur d’un échange trouble. Comme s’il avait besoin qu’elle affirme, ou infirme, ce qui tient de l’évidence. Bête curieuse, bête arrogante, qui croit pouvoir s’insérer jusque dans sa tête et en délier les soupirs. Parce qu’elle n’est rien à ses yeux n’est-ce pas ? Juste un rouage légèrement complexe à élucider avant de passer à autre chose. Un rouage qui n’a ni sens, ni finalité. Un tas de chairs, qui par le plus grand des hasards, fut un jour doté d’un soubresaut de pensée. Elle se claquemure après cela. Les constats se suivent, les uns après les autres. Des certitudes très ancrées, des doutes qui n’existent pas. Un aplomb qu’elle avait, autrefois. Un aplomb imprudent, qui la faisait se projeter davantage dans ce qu’elle imaginait de l’autre plutôt que dans ce qu’il était en réalité. La première option demande un don de soi bien moindre. Elle fait emprunter les chemins les plus simples, mais pas forcément les plus efficaces.
« Oh sans doute oui. Mais ça, c’est ce que vous pensez. Pas lui. »

L’échange se poursuit. La tonalité reste la même. Deux bêtes qui se toisent mais n’en sont pas encore à s’apprivoiser. Il se montre plutôt réceptif à ses provocations en demi-teintes. Tout est très mesuré en réalité. Elle ne fait que gratter une surface blême, policée par le drame, affadie par l’indifférence. Clinique en songes, clinique en pensées. Il est peut-être pire que lui, pire qu’elle, pire que tout en réalité. Savoir qui l’on est, c’est le périple de toute une vie. Et encore, il faudrait partir du principe que le moi est immuable, que malgré tous les aléas de l’existence, il demeure immanquablement le même. Gravé dans le marbre, refroidi par la pierre. Constant et brutal, sous les artifices que l’on met en place pour le galvauder.
« Vous êtes l’un des rares à le savoir, dans ce cas. »
Ce qu’il est. Cette assurance, sur sa propre personne. Cette clairvoyance. Son regard se fait légèrement plus suave après cela. La délicatesse d’une seconde mutique où elle s’abîme à le regarder, à traquer les réactions qu’il saurait avoir. Contre toute attente, il réagit. Son corps le trahit un peu, dans cette raideur qui naît sur sa nuque et se déploie dans un spasme jusqu’à ses paupières. S’il est entièrement ce qu’il prétend être, s’il ne s’est pas trompé, il n’aurait pas dû frémir. Elle l’aurait imaginé demeurer dans cet immobilisme trompeur, dans une approche clinique avec le monde extérieur, entièrement absent. La sensualité exsangue, et tout ce qu’elle peut créer de connexion avec l’autre. Elle expire une volute qui danse dans le néant de la nuit. Onde paradoxale. Il y a beaucoup de certitudes sur son timbre. Un aplomb de colosse. Un colosse aux pieds d’argile lorsqu’elle rencontre, à la croisée de ses regards, la marque d’une fragilité vacillante. Ce n’est peut-être pas le pire, non, ce n’est peut-être pas lui finalement.
« Après il n’y a plus rien. Après je retourne au néant où il m’a laissée mourir, et je respire enfin. »
Elle ne renaît pas. Elle reste là-bas, couronnée reine de son propre caveau. Après, elle meurt enfin. Elle rompt le fil qui s’est déjà effilé depuis longtemps. Elle rétablit l’ordre salutaire, parachève l’œuvre qu’il a de toute façon déjà accomplie. Elle est morte entre ces quatre murs. Elle aurait dû pourrir là-bas, rejoindre la terre avec insouciance. Le reste n’est qu’une erreur, un contre temps malheureux. A ses yeux, sa survie n’est qu’une parenthèse, une erreur commise par lui pour qu’elle puisse interrompre son projet insensé. C’est le mystère d’une quête aux atours mystiques. Parce que son moi est mort. Son moi n’existe plus. Il ne demeure qu’une carcasse, le réceptacle d’un corps pour la porter encore un peu vers le but qu’elle doit atteindre. Le seul qui ait du sens. Le seul qui pourrait lui donner un passe-droit pour la constance d’un sommeil sans retour. C’est pour cela que les discours de Cohle sont si abscons à ses yeux. Savoir qui l’on est, qu’est-ce que cela veut dire ? C’est insensé.
« Peut-être m’y rejoindrez-vous un jour, pour me tenir compagnie, qui sait ? »
Son timbre est nébuleux. Un rictus ondoie sur la commissure de ses lèvres, ombre vagabonde. Il voit de la vengeance là où ça n’est pas que cela. C’est une véritable quête. Un but qu’elle tend à atteindre. La clef de sa rédemption. La mémoire se décompose sur les pas qu’ils tracent. De biais elle balaye la rue adjacente, songe à son propre véhicule qui l’attend sagement le long d’un trottoir. Elle la récupèrera plus tard. La nuit est longue. La nuit n’en est qu’à son prologue. La porte claque derrière l’ondulation de sa silhouette, et par habitude elle analyse, attentive, les détails accumulés sur le tableau de bord. Un paquet de clopes, bien entendu. Des résidus de cendres. Une carte de visite. Un trombone qui traîne, à côté d’un centime. Elle ne pousse pas l’investigation jusqu’à l’intérieur de la boîte à gant. Elle imagine déjà ce qu’elle renferme. Sa posture se modèle, s’alanguit dans une décontraction très superficielle. Très courbe aussi. Elle replie son genou, l’appose sur l’avant de la boîte à gant juste en face. Le bout de son ongle flirte avec une couture du siège. Son sourire devient sibyllin, pour répondre à la froideur de son tempérament. A escient, l’austérité monte de quelques strates. La répartie est martiale et ambigüe.
« Si c’est le seul moyen de vous faire bander, à titre exceptionnel, je suis parfois prête à jouer les bonnes samaritaines. »
Elle arbore la même expression que lui, en miroir, le sourcil haussé. Très ironique lui aussi. Ça n’est pas pour se moquer de lui, non. Si peu. Elle se détourne après cela. Le froid retombe. Une fine pellicule de buée marque les vitres, rend les contours extérieurs plus troubles. Le froid entre eux, mais pas à l’intérieur du véhicule. Ils confinent enfin aux abords des beaux quartiers, ceux où l’héroïne rend les êtres sourds et les dents gâtées. Elle attend qu’il se gare, referme la portière et fait claquer ses talons sur le bitume poisseux. Elle venait souvent traîner dans ces quartiers-là, lorsqu’elle bossait pour les Stups. Ça n’a pas duré longtemps. Mais elle est revenue … Elle est revenue souvent. Asseoir des instincts brutaux, des envies faciles, presque factices. Des appétits de chairs froides pour étancher les envies d’un corps en souffrance constante. Des quartiers semblables, il y en a dans toutes les grandes villes. C’est à s’y méprendre. De l’une à l’autre, la même rengaine, la même déchéance. Les mêmes transactions trop simples pour qu’elles aient un goût d’achevé. Au moins les êtres de ces environs-là oublient vite. C’est la même ritournelle, chaque jour. Alors à quoi bon se rappeler ?
« Si je suis votre raisonnement, ça n’est même pas un admirateur. Il a grossièrement imité le style de l’Avorteur parce que c’était commode. Un moyen facile de lui mettre le cadavre sur le dos. Il devait de toute façon se débarrasser du corps, alors tant qu’à faire, autant éloigner les soupçons. »
Elle pousse la porte d’un pub. Ça n’est pas au hasard. Elle a observé la faune alentour, avant d’entrer. Un mec dans sa bagnole, de l’autre côté du trottoir, qui surveille les filles qui traînent alentour en cas où un client éméché aurait l’idée d’abîmer la marchandise. Une ruche bourdonnante dont le territoire de prédilection est autant en dedans qu’en dehors. Ils entrent alors, tour à tour, l’un après l’autre. Le même sillage. Ils se frayent un chemin. Elle décide du sens, de la direction à prendre. Son regard s’obscurcit dans le noir, devient celui d’un rapace. Les ailes se déploient jusqu’au comptoir du bar, le point névralgique de la plaie béante que représente ce trou à rat. Ses goûts en matière d’alcools sont trop raffinés pour cet endroit. Ce ne sera pas la première entorse à son éducation toutefois.
« A quoi vous empoisonnez-vous ? »


(c) DΛNDELION
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Message Sujet: Re: (iskandar&sybil) silence can mock.    (iskandar&sybil) silence can mock.  Empty Sam 11 Mai - 20:28

SILENCE CAN MOCK × ft. SYBIL & ISKANDAR

Le vide s’ouvre en grand. Le vide, le vide, dans ses regards atones. Les paysages vivants déchirés par l’âpreté d’un songe, ça n’aura duré qu’un instant. Un instant où les feux nourris auraient pu se déchaîner. Elle est si refermée désormais, figure désincarnée dans ce théâtre qu’elle ne sait plus abandonner. Je me demande… Oui, je me demande si je serai celui qui lui en montrera la sortie. Je la sonde, sans plus la toiser, sans plus totalement la deviner. Il y a cette tonalité affadie par l’ignominie vécue, coquille creuse qui ne se débat même plus, qui sursaute pourtant, dans les replis de la haine et de la détestation. La haine en héritage, peut-être bien moins que cela. Peut-être uniquement ce vide, qui creuse les traits, qui plisse la bouche. Le vide doit être bien amer. Son sarcasme me traverse sans m’atteindre, je demeure dans l’exacte posture où les mots ont cerclé ses poignets. Peut-être pas si vide enfin de compte, si être ainsi résumée déclenche chez elle cette hauteur pleine de mépris qu’elle regagne avec une précipitation convenue. Pas si vide que cela. Alors… Alors je plonge. Sans agacement, sans même un soupçon d’ironie dans mon timbre :
_ Sans doute parce que c’est la seule conclusion à tirer, et qu’il n’y a rien d’autre derrière. Ni sens, ni fatalité. Aucun destin.
Le froid m’envahit, le vide est sur mes lèvres, l’incroyance dans mes yeux. Ni dieux, ni maîtres. Ni desseins épiques pour nous occuper dans le néant vorace que ce monde verse dans notre gorge déchirée par les cris de souffrance. Rien après un constat creux. Ou vide. Rien. Si ce n’est ce vide lui-même, que l’on doit subir, encore et encore. C’est à ce moment-là que je trouve mes hauteurs à moi, elles n’ont pas l’ironie distinguée des siennes, elles sont pleines de cendres et de cadavres, d’autres terrains désolés pour répondre à l’altérité de sa forteresse :
_ Mais ce serait tout bonnement insupportable, j’imagine, de se dire que tout ceci est vain. Insupportable de comprendre que la survie est illusoire. Ouais… Insupportable. Mais vous le savez. Vous le savez très bien.
Ma voix s’étiole, le silence remplit le vide dont je suis constitué, puis les constats s’enchaînent pour dessiner l’illusion un peu plus, la dessiner plus loin que le meurtrier ne l’a déjà posée, illusion dans le corps de cette fille, de cette prostituée. Des constats pour nous contraindre dans la mécanique désincarnée des flics. Aucun but à atteindre, juste un homme à enfermer, rien qu’un homme. Puis un autre après lui. Mon regard ne la trouve pas lorsqu’il s’agit de répliquer face à ce monstre qui se dissimule dans l’abîme d’un autre, pâle copie de ses délires de toute puissance. J’objecte plus pour asseoir la souveraineté d’un nihilisme qui crisse sous mes dents serrées plutôt que pour la convaincre. L’on ne plaide pas une cause devant quelqu’un qui a appris la mort jusque dans ses chairs scarifiées :
_ Tant mieux. Lorsque l’on se croit hors des limites de la réalité, on finit toujours pas s’y confronter.
C’est ce genre de constat qui rendait autrefois dingue mon coéquipier, Jéricho, et surtout ceux qui l’ont remplacé. Ce qu’ils analysaient tous au départ comme des certitudes suggérées par un élan indigne de supériorité. Parce qu’eux aussi, eux aussi trouvaient la réalité insupportable plutôt que de la confronter, et boire dans de longues gorgées avides la clairvoyance que tout homme devrait finir par frôler. Qu’il frôlera aussi, lorsqu’il tombera, ni dieu, ni éternel, déchu de ces pouvoirs illusoires qu’il croyait avoir acquis durant son existence de parasite. Le préambule s’achève en quelques pas, quelques mots qui pourraient devenir synonymes d’une dernière bravade. L’assertion est brutale, elle se love très étrangement à la sienne. Les certitudes du moi s’évadent dans l’atmosphère sourde de la nuit, elles rencontrent celles qu’elle élance, ces errances tracées dans un but sans illusion et sans rédemption, qui la peignent devant moi dans de très abjects coloris qui me séduisent malgré moi. Personne n’avait avoué en ma présence aspirer à ce repos inique que chacun craint avec tant de persistance. Ma conception de son essence change après cela, mes yeux lui reviennent emplis d’intérêt, s’appuient à son profil pour mieux en saisir les détails qui transparaissent tandis qu’elle consume la cigarette avec une certaine langueur. Je grave ce souvenir-là, ses traits, et ses mots. Dans ma tête pour les inscrire plus tard sur la surface des pages blanches. Elle sait très bien, le vide que j’évoquais. Ce rien qui précède l’existence aphone, puis le néant qui achève tous les idéaux creux que l’on pouvait avoir conçus dans notre parcours vacillant. Je la regarde longtemps avant de dire sans froideur, une légère inflexion dans la voix qui trahit l’ébauche d’un respect fragile :
_ Je ne ferai rien pour vous en dissuader.
Bien au contraire, je ferai en sorte de vous y aider. À rejoindre ce néant qui vous happe et que vous convoitez. Ce néant qui vous est destiné. Je ne vous empêcherai pas de quémander l’ultime respiration qui vous manque. Elle me manque aussi… Je ne sais pas, je ne sais pas comment la trouver. Cette respiration qui saurait m’apaiser. J’aspire à ce néant mais il m’est refusé. Voilà pourquoi je sais qui je suis, je le sais. Je suis celui capable de vous emmener sur ces récifs, plutôt que de vous en garder. Je ne suis ni là pour me porter à votre secours, ni là pour vous épargner. J’ai une expression sibylline avant de souffler dans le secret de la nuit :
_ Un jour… Qui sait ?
Si je suis digne de caresser le néant avant de m’y plonger. J’espère Sybil. Oui. J’espère.

La voiture est encombrée, poussiéreuse, elle porte les stigmates d’une vie dérangée, incertaine, qui tâtonne sur une voie que sans doute elle n’aurait pas dû emprunter. Mais c’est comme ça, l’on ne décide de rien. L’on n’est pas libre de soi. La Chevy tousse avant de démarrer, je balaye une cendre sur le tableau de bord. Aucune photo, aucun objet qui pourrait indiquer que je me raccroche à quelque chose de concret dans l’existence. Il y a des papiers éparses sur le siège arrière. Des dossiers, des boîtes d’archives même, qui n’ont rien à faire là. Puis une veste abandonnée que j’ai oublié de porter au pressing. Je réajuste mon holster et ne passe pas ma ceinture de sécurité. Les quelques secondes clémentes qui nous furent abandonnées sont depuis longtemps échues, comme tout duo de flics les grivoiseries fusent, sans qu’il n’y ait réellement de gêne ou d’enjeu. J’ai une petite exclamation presque amusée, tout en prenant l’une des rues contiguës :
_ Je pourrais m’en souvenir. Faites attention.
Je ne l’ai pas encore véritablement vue. Pas comme une femme. Pas comme la femme qu’elle devait être en tout cas. Je l’ai placée dans une zone sans neutralité, sans désir toutefois. Sans doute parce que je n’ai plus de désir pour grand chose. Mais il y a ses yeux qui savent traquer les détails insoupçonnés, dans l’entre-deux des songes. Et son profil, son profil avec ma clope entre les lèvres, et le néant dans les prunelles qui regardaient les ténèbres l’accompagner. Le dessin prend forme dans mon esprit, je regrette presque de ne pas être seul pour pouvoir l’ébaucher. Je me mets à sa hauteur, dans une démarche placide, réfléchis un instant à ce qu’elle échafaude :
_ Un admirateur aurait eu plus de respect pour son polichinel dans le tiroir. Il se serait souvenu qu’il fallait le magnifier lui aussi. Puis les ailes ? Franchement… C’est presque une insulte à ses sources d’inspiration, un ange en cloques.
Le bitume se lustre sous nos pas qui ne sont pas pressés, les immondices affleurent dans les alentours d’une ruelle. Les derniers résidus de l’humanité frôlent les murs en titubant leur ivresse et les poubelles exhument des parfums doucereux et écoeurants. Petit théâtre sans surprise que des quartiers à l’abandon où les forces de l’ordre ne s’aventurent que peu, même si au loin, l’on peut entendre le feulement des pales d’un hélicoptère qui veille sur la ville.
_ Faudra voir à l’autopsie mais ça serait pas étonnant d’apprendre qu’un client a étranglé la pute, qu’importe la raison, et que les Keys se soient ensuite crus très malins de laisser à l’imagination de leur doc attitré le soin de se débarrasser de la fille. Les ailes ont beau pas être symétriques, le type s’y connaît suffisamment.
Le bouge qui nous accueille fleure bon les évasions à bas prix, les filles paumées que l’on se paye pour quelques dizaines de dollars seulement. Instinctivement, on nous laisse passer, parce que l’un et l’autre nous détonnons dans un décor comme celui-ci. Tout le monde a appris à flairer les allures des flics, et ma déchéance a beau se porter sur ma gueule, elle n’est pas la même que la leur. Il y a un mec qui commence à nous observer, sans pour autant s’approcher. L’un des sergents du gang, à n’en pas douter. Il va aller avertir ses petits copains, qui doivent se la jouer dans la salle du fond. Ils finiront pas nous envoyer un petit comité d’accueil, juste par précaution. Les clients du bar nous oppressent, et nous masquent en même temps, un léger répit que nous nous devons de savourer J’ai une hésitation sur ma consommation, j’évite l’alcool, sans pour autant avoir l’illusion de racheter ma conduite. Et mes actes des cinq années passées.
_ À tout et n’importe quoi. Mais un bourbon ça fera l’affaire.
Il sera toujours temps de faire amende honorable plus tard. J’attends que nos verres soient posés devant nous avant de m’appuyer nonchalamment au bar et de lui dire :
_ Le brun avec son bandana s’est barré quand on est arrivés. Il a laissé le mec aux cheveux filasses en embuscade, dans l’angle là-bas. Ce qu’il y a de bien avec ces cons c’est qu’ils sont prévisibles. Dans deux minutes y aura leur VP ou assimilé qui viendra nous demander ce qu’on vient foutre. Et je suis sûr que vous avez la réponse consacrée.
Je penche la tête pour la regarder, une lueur dans le regard, mes instincts un peu exacerbés par l’ambiance détestable alentour. Nous avons deux tactiques à notre disposition, jouer au plus con, ou jouer carte sur table, j’ai toujours quelques préférences dans ces instants-là mais :
_ Je vous laisse décider de l’approche. Je me demande quel genre vous affectionnez. Prenez ça comme un test de compatibilité.
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Message Sujet: Re: (iskandar&sybil) silence can mock.    (iskandar&sybil) silence can mock.  Empty Mar 14 Mai - 12:08

silence can mock
iskandar & sybil

« When the Fox hears the Rabbit scream he comes a-runnin', but not to help. »
Il parle, nimbe le néant de ses phrases sirupeuses, âcres sur la langue. Une essence insaisissable. Un monde entièrement noir derrière des prunelles opaques. Pour prêcher le désespoir auprès de ceux qui aspirent encore à un soupçon de lumière, il serait le meilleur des porte-paroles. Il trainerait derrière lui par les cheveux des générations entières, les enferrerait au néant dont ils aspirent à s’échapper. Entièrement désabusé. Humanité de corps essoufflée, humanité d’esprit désincarnée. Il sait ce qu’il est. C’est l’excuse toute trouvée. Je suis comme ça, c’est tout. Il n’y a rien à ajouter. Rien à élucider. Personne à convaincre ou à contrarier. Elle demeure sceptique toutefois, à la marge d’impressions retrouvées, avec lesquelles il ne lui est pas entièrement naturel de renouer. Envisager ces liens que la curiosité tisse entre les êtres imparfaits ne fait plus partie de sa réalité. Elle ne s’interroge qu’à des fins étudiées, n’envisage un rapport à autrui que par un biais très intéressé. Elle se demande pourtant, de quoi il est fait. S’il n’y a que le vide, derrière une gueule de magasine. Juste un beau visage transfiguré par une fatigue prégnante, compagne de chaque jour, de chaque heure, de chaque respiration. Il n’est pas vilain à observer : elle n’a pas perdu le sens de l’esthétique au point d’être incapable de le remarquer. Mais ça n’est pas un détail à propos. C’est même totalement abscons, quand il y a en miroir de son profil le reflet de l’agonie d’une pute estropiée, joliment emballée désormais.  Les pensées flirtent avec des idées tortueuses. Son aplomb, sa vision très assurée de cette existence sur laquelle elle a eu le temps de l’agonie pour méditer, elle n’apprécie pas de la voir ainsi abrégée par quelques épithètes toutes trouvées. Elle ne dit rien, entièrement mutique, claquemurée derrière des pensées absconses. Argumenter avec une personnalité comme la sienne, c’est comme siffler dans le néant et espérer qu’un écho vous réponde, un jour. Ses hauteurs sont insaisissables. Elle le laisse à sa tour d’ivoire, sans chercher à l’atteindre. Ils ne sont pas intimes, ne le seront probablement jamais. Que sa distance tienne d’une arrogance démesurée ou d’une blessure profondément ancrée, elle n’est pas là pour ça. Ses ambitions sont bien plus calculées. Elles ne tolèrent pas l’écart, encore moins les esprits torturés. L’ironie point toutefois, dans une phrase mesurée :
« Enfin un constat censé. »
Chercher à la dissuader, ce serait comme le tirer de cette apathie qui le caractérise : un chemin périlleux, inutile sans doute. Ils en reviendraient au même point à la fin. Un cercle vicieux interminable, dans la mesure où les êtres ne changent jamais réellement de boucle. Retourner au néant où il l’a abandonnée, même pour elle, ça n’est pas encore une aspiration circonscrite. C’est une perspective nébuleuse, que l’instinct de traque ne lui permet pas d’entrevoir tout à fait. Elle sait qu’il y aura cet après indistinct. Cet après où ce qu’elle fut disparaîtra, ce qu’elle aurait pu être aussi. Ça ne veut rien dire pour l’heure. Le secret qu’ils partagent après cela demeure en filigrane, après qu’il fut prononcé. Elle n’y songe pas très longtemps, juste assez. Ce n’est pas ainsi que les êtres considèrent les choses, d’habitude. Ils envisagent ses aspirations comme des élans dépressifs, suicidaires. Ils n’y voient pas un but ou une rédemption à atteindre. Quelque chose qui sauve, et non qui condamne. Dans la voiture, elle ne cherche pas à obtenir d’autres réponses. Ce qui le pousse, peut-être malgré lui, vers cet horizon qu’ils ont en commun, qui n’a pas de sens, qui n’a pas de fin. La grivoiserie les tient en marge de cette réalité qu’ils partagent, sans assumer de s’y enliser. Il réagit aux attraits très imaginaires d’une sensualité hors de propos, hors d’atteinte. C’est une réaction en sursaut, qui disparaît aussi vite qu’elle est apparue. Si elle avait eu la même répartie avec Fowler, sans doute que cela l’aurait hanté. Cela aurait nourri la perversion de ses imaginaires tordus. Il l’aurait rêvée, dans des postures et des attitudes de pute. Peut-être très similaires à celle de leur ange déchu. Ils le font tous. Elle en joue parfois, souvent même. C’est l’excuse toute trouvée pour les pousser dans leurs retranchements dégueulasses, et mettre en exergue tout ce qu’elle pourrait réussir à broyer. C’est un passe-temps auquel elle s’adonne, dans les silences périlleux de la nuit. Ces choses qu’on ne dit pas tout haut, que l’on ne fait que murmurer dans la soie d’un langage cru, presque cruel. L’éducation enfouie, l’être révélé, tel qu’il est, désincarné. Le cri caressant d’une agonie qui plante ses ongles dans la chair, qui ne sait plus comment faire autrement. Ils sont tous ainsi. Mais pas lui, pas lui. Le vide a dévoré le machisme de ses regards. Elle demeure presque surprise. L’illusion d’un sourire vient tordre la commissure froide de ses lèvres. Pâle reflet d’un amusement réel, mais si indistinct qu’il disparaît très vite.
« Faites donc. »
La phrase très illusoire se perd dès lors qu’il reprend la parole. Bavard, si bavard. Trop bavard sans doute, si bien que les mots fleurissent à ses oreilles. Polichinelle dans le tiroir. C’est d’un raffinement qui ferait se retourner sa défunte mère dans sa tombe, elle qui appréciait le joli phrasé, et les expressions courtoises. Sybil porte encore les séquelles d’une éducation rigoureuse. Il y a des élégances qu’elle continue d’apprécier, qui sont demeurées intactes. Elles contrastent largement avec les facettes plus crues de sa nature, qu’elle n’assume pas entièrement sans doute. Leur allure est martiale, assez détachée toutefois. Il la suit de près et elle ne manque pas une seule de ses phrases, même si leur nombre aurait en d’autres circonstances la capacité de l’étourdir.
« Je suis impressionnée. Vous parvenez à faire cohabiter la délicate expression de « polichinelle dans le tiroir », avec le verbe « magnifier » qui somme toute, ne s’emploie pas en toutes circonstances. Vous êtes quoi ? Un charretier planqué derrière une stature austère de gentleman ? »
L’ironie feule, une fois de plus. C’est une habitude qu’elle pourrait prendre. Elle l’écoute pourtant. Elle n’a rien d’inattentive. C’est là toute l’ambiguïté de la posture derrière laquelle elle se planque. Son désintérêt de façade masque des réactions qui se multiplient, quand elles demeurent d’habitude entièrement hermétiques. C’est que le contraste l’amuse un peu. Ce sont des détails qui s’ajoutent à l’arborescence qui lui correspond déjà, dans un recoin de sa tête. Ses instincts de chasseur, qui autrefois la faisaient flamboyer et flirter avec des obsessions incroyables, sont paresseux. Il n’y a que l’Avorteur qui compte à ses yeux. Cette enquête en devenir, le détour de cette soirée, ça n’est rien. Juste un divertissement. Un écart de conduite. Un fil que l’on suit sans conviction réelle, parce que qu’ils lui mettent la main dessus ou non, à ce pâle imitateur, cela lui est égal. Le monde ne tournera pas mieux lorsqu’il sera sous les barreaux, ou qu’il pourrira dans la terre. Il ne doit de toute façon pas en être à son premier coup d’essai, et quoiqu’il arrive, la vermine prolifère. Au fond, les constats qui se trament dans sa tête sont sans doute aussi cliniques que ceux de Cohle, à la différence près qu’ils demeurent silencieux.

Ils les repèrent de façon quasi instantanée. C’est une question de flaire, d’allure, d’habitude. De démarche aussi. Les putes savent ça par cœur, sauf lorsqu’elles sont trop défoncées. Les proxénètes davantage, parce qu’ils jouent plus gros. L’un et l’autre tracent leur sillage. Sans oscillation, sans appréhension. Ils ne leur font pas l’offense de se balader en uniforme, badge dégainé. Ce serait d’une grossièreté absolue, surtout quand on sait qu’ils n’ont pas vraiment l’autorisation d’être là. L’enquête n’a pas officiellement commencée.  Personne ne leur a rien demandé. Le goût de l’interdit au bord des lèvres, Sybil fait le décompte. Cinq filles inoccupées qui flirtent dans le bar. Deux gars à l’extérieur, dans la bagnole. Un à l’entrée. Un ménestrel dans deux coins, à surveiller. Plus ceux planqués dans l’arrière-boutique. Cela fait un joli arsenal. Son coude s’appuie sur le comptoir, elle époussète du bout des doigts une salissure invisible.
« Vous savez apprécier autre chose que du tord-boyaux dites-moi ? Servez-moi une bière. En pression. Blonde c'est parfait. »
Un bourbon, dans un endroit pareil, c’est une injure absolue. Un breuvage dont on s’emplit juste pour l’effet et non pour la saveur. Parce qu’ils doivent tout juste être bons à déboucher les chiottes. Elle prend moins de risques avec une bière. Elles sont de toute façon sensiblement les mêmes d’un bar à l’autre. Le barman ne tarde pas à faire glisser leurs commandes sur le formica poisseux des consommations précédentes.  Par-dessus sa pinte, Sybil observe une fille. Elle n’est pas vilaine. Elle est extrêmement jeune. Poupée désincarnée qu’un lourdaud gorgé de mauvais bourbon tripote sans contrefaçon.  Il va sans doute la traîner vers la rue, à l’arrière de la bâtisse. La baiser piteusement avec le peu d’énergie qu’il lui restera à revendre, contre les briques qui suintent. Il lui laissera un petit billet, par terre, sur le bitume, à côté de ses talons aiguilles. Puis il se trainera mollement jusqu’à sa petite femme endormie, dans un quartier potable, en oubliant de remonter sa braguette. Il lui fera croire qu’il vient de passer une soirée arrosée avec des collègues de boulot. Qu’ils ont bien fêté le départ anticipé de Franck, le gars de la maintenance. Un frisson délicat remonte le long de sa colonne vertébrale. Son expression se durcit, étreint d’une froideur d’une austérité très palpable. Cette fille, elle a presque le même âge que leur ange déchu. Cette fille, cela pourrait être la copine idéale à qui se confier. La camarade d’infortune en laquelle on se retrouve, parce qu’elle nous ressemble. Elle la regarde très fixement, un peu trop sans doute, par-dessus l’épaule de Cohle. Elle en perd presque le fil de ses paroles.
« C’est votre enquête Cohle. Que nous soyons compatibles ou pas m’est égal. Que vous appréciez ou non mes méthodes, encore plus. Cela dit, si vous pouviez vous accorder les faveurs de la jolie plante à une heure un quart, derrière vous, ça serait un bon début. Ou alors on attend que l’autre dégueulasse la traîne dehors, et on tente de lui parler avant qu’elle lui octroie sa gâterie du soir. Mais ça sera peut-être moins discret que de faire marcher la concurrence. »



(c) DΛNDELION
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Message Sujet: Re: (iskandar&sybil) silence can mock.    (iskandar&sybil) silence can mock.  Empty Mar 21 Mai - 15:45

SILENCE CAN MOCK × ft. SYBIL & ISKANDAR

Statu quo. Il y a entre deux êtres qui se découvrent, qui n’aspirent pourtant pas à se lier, tout un tas d’étapes à transgresser, ou bien à proscrire. C’est savoir si le corps pourrait encore s’élancer à la suite d’un autre, nouer une sorte de confiance dans la proximité, ou bien abandonner toute conjoncture, laisser les mots retomber au néant, interdire tous les gestes, empêcher toute émotion de venir se pencher sur la relation naissante. Car c’est une naissance, c’est une naissance aux pieds d’un cadavre, sous les yeux d’un mentor, dans l’enchevêtrement des desseins d’un monstre. C’est une naissance, et je ne sais encore si l’envie qui soulève mon souffle me dicte de l’achever immédiatement ou bien de la laisser encore vaciller sur de fragiles acquis. Un respect encore trop difficile à forger vu qu’il se complaît de faux semblants et de répliques sans suite. C’est une naissance en statu quo, lente, alanguie par nos humeurs troubles qui se rencognent dans nos chairs. Parce que nous ne savons pas, et que peut-être nous ne voulons plus apprendre. Je ne veux plus apprendre, je crois vouloir la dessiner seulement. L’arrêter là, sur le papier, dans le clair-obscur de la nuit. Point final, dans un lavis de teintes bleutées. Eclore sa différence dans le secret de l’imaginaire et n’en jamais parler. Jamais. Alors le statu quo est nécessaire, indispensable. Elle ne peut me comprendre, je ne peux la retenir, et c’est très bien comme ça. Demeurons ainsi, dans l’entre-deux des mondes et des hommes, pour en détenir d’autres significations. Celles qu’ils sont incapables de voir, tous, tout autour. Je suis sincère, je ne saurais l’arrêter sur le chemin du néant, ce néant auquel j’aspire et qui ne me trouve pas malgré mon acharnement. J’ai immédiatement compris qu’elle s’est forgée dans la douleur et l’agonie une détermination si brûlante que peu d’entre nous saurait la modeler encore. Après les flammes, la voilà forgée et dure, si dure, comme l’acier. Si froide désormais. La brûlure au-dedans, qui meurt avec lenteur. Même si c’est une perspective chimérique, c’est la seule perspective sensée qui soit, et je l’admire pour seulement savoir la formuler. Le statu quo vacille, une longue seconde, sous l’aplomb d’une reconnaissance mutique. Celle que l’on scrute pour être certain de ne pas seulement l’avoir imaginée.

Le trajet distille les impressions, les renforce quelque part, sous le sceau d’un oubli nécessaire. Les pieds sur le bitume, une réalité qui s’ancre de nouveau dans un univers tangible, agressif, effroyable. Le quartier est hideux de jour, plus effrayant à la nuit tombée. Dans les ruelles désaffectées et les voies à sens unique, il flotte comme un air désabusé qui convient à ma démarche légèrement brutale. Les quelques piques venues dénicher cette sensualité moribonde sont depuis lors enfouies sous la chair grise et putréfiée. De la terre et des hommes. Il faut dire que le désir dans ces quartiers là ne survit pas longtemps, il se substitue à un appétit plus trivial pour voir se déchaîner les corps dans des étreintes qui n’ont de passion que le jus de fruit bon marché que l’on verse dans les cocktails des filles mal fagotées. Je ne les regarde même pas, et quand mon oeil se pose sur elles, il n’y a ni envie, ni dégoût. Il n’y a tout simplement rien. Comme avec Sybil tout à l’heure, dans l’habitacle encombré du véhicule, rien qui ne puisse feuler une once de plaisir. Pourtant elle est belle, vraiment belle, bien que brutale, bien qu’austère, elle détient cette beauté qui force tous les hommes à la ronde à se retourner. Les femmes aussi, parce qu’il y a un magnétisme dans ses postures, dans ses regards. Les mots se déversent, ils se ponctuent, j’ai toujours beaucoup trop parlé, habité le vide de ces constats que mes partenaires ne souhaitaient pas forcément entendre. Seul Jéricho s’en est amusé. Je tourne mes observations sur elle, ajoute sur le ton sibyllin de ceux qui ne supportent pas d’être estampillés :
_ Ce n’est pas un peu de contraste qui va désarçonner une femme comme vous.
Cela pourrait être un appel à la séduction, mais c’est autre chose. Un après indissociable de l’enquête, où il faudra se côtoyer, se supporter aussi. C’est une sorte de lien qui se tisse malgré moi, cette façon de se chercher, sans gentillesse, sans ménagement. Mais avec toujours ce besoin de se qualifier d’une quelconque manière. Une femme comme vous, une femme différente. Pas une femme flic, ou une femme forte, ce n’est pas ce que je veux dire. C’est une femme duelle, aussi contrastée que moi, qui désarçonne dans son langage et sa violence, qui devait être passionnée et fière, un jour pas si lointain que ça. Qui devrait être entièrement brisée mais qui ne l’est pas. Mes yeux furètent, se posent sur des détails qui pourraient paraître insignifiants. Le tatouage est sur les chevilles, sur les épaules, de la marchandise qui bavasse et qui boit. Elles ne seront pas les dernières à nous balancer si les questions se font trop pressantes. Je passe une main sur mon visage comme pour me réveiller, puis réponds de façon lointaine :
_ Je sais plus trop. Il y a eu un moment où tout ce qui avait un degré d’alcool suffisamment élevé pouvait être considéré comme buvable. Il y a eu d’autres moments où il fallait être plus civilisé. Mais pour répondre à vos questions, les précédentes et puis celle-là, je ne viens pas d’un coin où on pouvait boire autre chose qu’un bourbon dégueulasse.
J’en déduis que ce n’est pas son cas, son raffinement s’est ancré quelque part, quand la brutalité est restée dans mes veines, celle de la terre, de la forêt et du désoeuvrement. Je prends mon verre, je ne l’apprécie pas, la gorgée d’alcool tombe dans mon estomac, mon corps se rappelle de la brûlure exquise de l’ivresse, avant le trou noir de ces comas répétés. Ouais… Cela chavire, cela emporte. Je repose le verre avant d’en avoir bu plus qu’un tiers. Pas pour le goût, mais pour l’intoxication qui vrille mes oreilles, le battement de la migraine s’accélère. J’écoute avec une attention accrue les mots qu’elle débite, plus froids, plus resserrés. La traque recommence. Je n’ai pas besoin de viser la fille qu’elle m’indique pour me l’imaginer. Je ponctue à mon tour :
_ La méthode que je préfère, l’improvisation. Dans dix minutes elle sera dehors avec moi. Sans doute moins. Vous me rejoindrez. Avec ou sans votre férule.
L’ébauche d’un vague sourire, subrepticement, dû à l’imagination ou à une simple inflexion de la bouche peut-être. J’abandonne Sybil, avec mon verre, je dénoue ma cravate, ma chemise est déjà froissée, mes allures déjà autres, falsifiées. Plus souples, plus félines. La fille est jeune, peut-être même mineure. L’ange déchu n’a pas d’identité, mais une fille qui disparaît, cela se sait. Cela se murmure, parce que les prostituées ont l’habitude de décamper, ou bien de se voir plus durement traitées. Une disparition différente, sous la virulence mâle et les instincts acharnés. Je l’atteins sans me presser, le type qui la drague doit avoir mon âge, mais il est d’une autre matière, imbécile, avinée, libidineuse. Il n’y aura pas à fournir un effort très élevé pour la convaincre de troquer son don juan de supérette pour une chair plus raffinée. Même si… ça n’est pas un gage de se retrouver en sécurité que de fréquenter des types comme moi. Mais les filles paumées sont souvent en confiance, peut-être parce que je suis paumé moi aussi, et que je sais rentrer dans leur tête, et leur parler. J’accroche d’abord son regard, j’ignore le gros lourdingue qui est en train de lui raconter ce qu’il aimerait lui faire pour 50 dollars. Pour toute la liste des joyeusetés, c’est vraiment pas cher payé. Je lui coupe la parole :
_ J’te cherchais. J’espère que t’as pas oublié. Jerry veut te voir, tout de suite.
Un haussement de sourcil, un signe de tête, en direction de l’extérieur, et vu que son visage se froissait face au peu d’éloquence de son client potentiel, et qu’elle sait forcément mentir, et dire comme moi, ce que l’on souhaite entendre, elle saute sur l’occasion :
“J’suis désolée chéri, je dois y aller.”
_ Ouais désolé. Mais on fait pas attendre Jerry, ici.
Et vu que machin est trop encombré par ses trois pintes de la dernière heure, il regarde le théâtre organisé se déjouer de sa présence, la petite glisse entre ses mains pataudes, et elle s’aimante à moi, dans un sillage qui fait mine de savoir ce qu’il trace. Je l’emmène vers l’autre porte du bar, celle de la ruelle. Il y a toujours une ruelle pour ces tractations là. J’ajoute en lui prenant la main :
_ Tu percutes vite, c’est bien.
C’est aussi que j’ai l’air d’avoir plus de fric sans doute. L’air extérieur est opaque, humide, le bruit s’érode aussitôt, elle me regarde en penchant la tête :
“Tu connais le tarif.”
_ Je veux autre chose que ça, autre chose que ce que tu fais d’habitude.
Je la surplombe aisément, elle ne se méfie pas, elle croit que je vais lui sortir quelque chose d’exotique, un fantasme dépravé, elle sourit même, un peu plus.
“Alors le tarif est plus élevé.”
_ J’sais bien.
Je me penche à son oreille, une sensualité de décorum, qui ne m’arrache qu’une sensation usurpée, une sorte d’empreinte mémorielle de quelque chose de lointain, si lointain. Elle a le même shampoing que notre cadavre. Exactement le même. Les billets entre mes doigts glissent sur son épaule. Une sorte d’appel :
_ C’est toi qui connais pas vraiment le tarif, darling. J’ai des questions à te poser.
Elle se tend un peu, mais elle ne sait pas trop comment esquiver, et l’emprise de mon corps et l’appel du fric dans ma main.
_ Je t’assure que ce sera moins désagréable que ce que te réservait l’autre type. Mais si tu veux, on peut toujours le rappeler pour que tu t’agenouilles devant lui. Ou alors tu peux parler, juste ce qu’il faut, et je te demanderai rien d’autre que ça.
Je glisse un doigt sous son menton pour qu’elle me regarde et je lui murmure :
_ C’est promis.
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