si dieu existe...

La journée est longue et il n’y a pas un chat dans les rues. Pas une seule main levée, pas un seul appel. Aucun client à l’horizon. C’est un désert presque apocalyptique. Mais en réalité, si elle voulait, elle aurait pu déplacer sa voiture. A quelques kilomètres au nord, entrer dans un quartier plus animé pour trouver du monde. Rouler vers times square ou la cinquième avenue. Oui, là-bas, c’est toujours bourré de monde. C’est ce qui a donné la réputation à la grosse pomme, la ville qui ne dort jamais. Mais Jill, elle a envie de rien faire aujourd’hui. Si ce n’est que fumer et observer le monde avancer sans elle. Rien faire à moins que Nana ne l’appelle pour travailler. En principe pas, c’est son jour de congé. Alors elle se penche, ouvre la boîte à gants, se met à fouiller dans son bordel, puis en sort un paquet. Paquet vide qui l’arrache une grimace. Elle soupire, agacé de devoir déplacer sa voiture. Elle est si bien posée dans ce coin calme, seule face à l’immensité de l’océan. Elle hésite. Elle se tord de douleur sous la tentation mais elle cède. Jill, elle cède toujours car elle est faible. Ou plutôt, elle se veut faible. Elle prend alors la route et se rend à une rue commerçante la plus proche. Elle se gare devant un 7-eleven, au bord de route. C’est interdit mais elle ne fait pas long, juste le temps de s’acheter des clops et peut-être de quoi se rassasier. Elle en ressort sept minutes plus tard avec ses achats. Et à peine s’est-elle installée, qu’un client a débarqué à l’arrière de sa voiture. Il semble pressé de prendre la route et à en juger son look, sa coiffure décoiffée et ses lunettes de soleil, en voilà encore un qui s’est levé trop tard, victime d’une nuit trop agitée. Pendant un court instant, elle hésite de lui dire qu’elle est hors service.

– Bonjour, où est-ce que je vous emmène ?

Elle a finalement cédé. Encore une fois. Et elle le regrettera certainement plus tard. Lorsqu’il retirera ses lunettes de soleil et qu’ils se retrouveront coincé sur le pont de Bronx-Whitestone. Trop tard pour faire marche arrière mais pas trop tard pour l’abandonner sur la route. Dieu sait qu'elle en est capable.

@toby fleming

Toby était perdu. Comme c'était devenu l'habitude du moment. Il flânait, ci et là, de façon négligée. On ne pouvait pas dire qu'il perdait le Nord, il savait que la situation allait s'arranger, mais il ne faisait plus trop attention à rien. Tout ce qu'il voulait, c'était se laisser porter par le courant. Au moins une fois, au moins un moment. Ses sentiments étaient contradictoires, sa vie était contradictoire. Il avait l'impression que ses actions ne menaient à rien, qu'il était en train de se perdre encore davantage dans ses questionnements. Alors, il profitait de son temps libre pour... et bien pour ne rien faire. Seul, il se laissait aller là où ses pas le menaient. Et tous les jours, c'était la même rengaine, en attendant que son avocat lui dise que tout était réglé, qu'il pouvait reprendre le cours de sa vie. Enfin, rien était moins sûr. Il allait être affecté à une autre paroisse, si toutefois il ne finissait pas derrière les barreaux.
D'ailleurs, l'envie lui prit d'aller voir à quoi ressemblait sa prochaine église. Il paraîtrait qu'elle était sur le point d'être désacralisée, avant qu'il n'y soit affecté. Il poussa un large soupire. Affublé de ses lunettes de Soleil, il se décida à arrêter un taxi. Mais aucun dans les parages.... Cependant, la chance fut au rendez-vous car l'un d'eux venait de s'arrêter à proximité. Le chauffeur était vraisemblablement sorti pour une course. Il attendit sagement qu'il soit de retour avant de monter dans le véhicule. "Bonjour!" s'exclama-t-il à l'attention de la demoiselle derrière le volant. Il sourit simplement, avec gentillesse. Il balança l'adresse qu'il avait en tête. Pas sûr que ce soit exactement là, mais en tous cas, ce ne serait pas bien loin. Le visage de la jeune femme ne lui était pas inconnu, c'était certain, mais là, tout de suite, il était trop perdu dans ses pensées pour comprendre que c'était Jill. Jill, son échec. Et alors que la voiture était en marche, il finit par ôter ses lunettes et s'installe plus confortablement.