I need your love. (Nikolaï)

✩ I need your love.

Un petit coup d’œil sur son portable lui indique qu’elle est en retard. Vraiment en retard. Cela doit faire vingt bonnes minutes qu’il l’attend. Et d’ailleurs, les appels manqués sur le téléphone sont une meilleure indication encore pour savoir à quel point son retard est important que l’heure qu’il est. Un appel, cela veut dire qu’il cherche simplement à savoir où elle en est. Deux, c’est qu’il commence à s’impatienter. Trois, c’est qu’elle ne va pas échapper à l’engueulade. C’est dingue, trente-six ans, et elle a toujours l’impression d’être une gamine face à son grand frère. Elle attrape enfin sa veste, s’assurant une dernière fois que son haut cache bien la blessure faite par son agresseur. S’il y a une personne, au monde, qui ne doit pas être mise au courant, c’est Nikolaï. Elle enfile sa veste, attrape son sac à main et quitte enfin l’hôtel, direction sa – future – boutique. Tout est encore en travaux. Les peintures ont avancé grâce à l’aide de Bailey. Mais il y a plein de choses qui ne sont sans doute pas aux normes. Et elle compte sur son frangin pour les repérer. Elle pourrait engager quelqu’un pour le faire mais elle n’a vraiment pas les moyens. Le déménagement de Los Angeles à New-York va déjà la ruiner… Un peu plus qu’elle ne l’est déjà. Mais elle gère la situation, Cassey. En tout cas, elle ne se laisse pas submerger par le stress. Elle fait encore ce qu’elle sait faire de mieux : Fermer les yeux. Elle a sans doute un peu de temps avant que son créancier ne cherche à nouveau à lui faire peur. Elle trouvera bien comment procéder d’ici là. Et, justement, elle compte sur cette nouvelle boutique implantée dans la Grosse Pomme pour y arriver. Il faut juste qu’elle avance les travaux pour l’ouvrir enfin. Pour l’heure, la jeune femme doit déjà survivre à son frère. Quand elle arrive enfin devant l’enseigne de la boutique, il est évidemment déjà là. Cet air renfrogné qu’elle lui connaît trop bien sur le visage. Mais elle, elle fait ce qu’elle fait toujours. L’autruche. – Salut grand frère ! Elle approche de lui pour déposer un gros baiser contre sa joue. – On avait dit dix-heures et demi non ? Non, ils avaient dit dix heures. Mais autant lui mettre la faute sur le dos, n’est-ce pas ? Elle ouvre son sac à main, à la recherche des clefs du magasin. Elle met deux bonnes minutes à les trouver parmi tout ce bazar. Puis, elle ouvre enfin la porte, laissant Nikolaï passer le premier. Elle entre à son tour et pose son sac sur le comptoir, seule zone totalement dégagée dans ce chantier. – Alors, t’aimes bien ? T’en penses quoi ? Sans vraiment attendre sa réponse, elle approche de l’un des murs tout en reprenant aussi vite la parole. – Et la peinture, tu crois que ça va aller ? C’est Bailey qui m’a aidée, heureusement, mais je me demande s’il ne faudrait pas une couche supplémentaire ? Il ne l’arrête plus. Elle est épuisante, Cassey. Le pire, c’est qu’elle ne s’en rend même pas compte. Puis, elle est beaucoup trop excitée d’ouvrir – bientôt – sa boutique ici. Elle a juste un nombre incalculable de détails à régler avant. 

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Il y a certaines choses qui ne changeront jamais. Les retards de Cassey en font partie, les remontrances de son frère encore plus. C’est presque une sorte de tradition tacite, une mauvaise habitude dont elle serait incapable de se détacher. Pourtant, lorsqu’il le faut réellement, elle sait être ponctuelle… Mais jamais avec lui. Peut-être parce qu’elle sait au fond d’elle que, quoi qu’elle fasse, il sera toujours là, Nikolaï. Ce n’est vraiment pas de chance pour lui le pauvre. Il a toujours été présent pour elle et, dans sa tête, il le sera jusqu’à la fin de leurs vies. La preuve étant que, malgré ses trente minutes de retard, l’enquêteur de police est toujours là, devant sa future boutique à l’attendre non sans impatience. En arrivant à sa hauteur, la jolie blonde vient jouer à merveille les innocentes, sauf qu’il n’est pas dupe. Il ne prend même pas la peine de la saluer à son tour qu’il commence déjà à l’engueuler. Et, toujours aussi innocemment, Cassey lui retourne la faute dessus. Mais il la connaît trop bien. Il affirme même avoir gardé la preuve écrite de leur rendez-vous tout en la désignant du doigt, elle, la coupable parfaite. À sa remarque, elle ne peut s’empêcher de rire avec légèreté. – J’vois que t’as déjà repris les bonnes habitudes du travail. Alors, comment ça se passe ? lui demande-t-elle au sujet du boulot qu’il a recommencé assez récemment. Comme un chat, elle sait retomber sur ses pattes en déviant totalement le sujet. Mais elle s’intéresse aussi à sa vie comme la petite sœur qu’elle est. Enfin munie de ses clefs, elle ouvre la boutique pour l’inviter à entrer et faire de même, déjà impatiente de connaître son avis sur les lieux. Il semble plutôt approuver bien que les travaux soient loin d’être avancés. – C’est vrai, tu trouves ? l’interroge-t-elle, beau sourire sur les lèvres. Peut-être qu’elle ne sait pas toujours lui montrer sa reconnaissance, Cassey, mais son avis est primordial pour elle, depuis qu’elle est enfant. Toujours avec entrain, elle désigne les murs peints récemment par elle-même avec l’aide généreuse d’un ami. Il confirme rapidement qu’il faudra peut-être effectivement une couche de peinture supplémentaire. – Hum, tu crois que tu pourrais me donner un coup de main, du coup ? lui dit-elle en lui faisant son regard de cocker. Le même qu’elle lui faisait quand elle était plus petite pour qu’il accepte tout ce qu’elle voulait. – Puis, j’aimerais bien que tu regardes si tout est aux normes, tu sais, les prises, les éclairages, les trucs de mecs quoi. Pas de chance pour lui, il est le seul homme de sa vie. S’il pensait qu’elle voulait simplement lui montrer la boutique, il va sans doute vite déchanter. Mais elle a besoin de lui, Cassey. Elle a toujours eu trop besoin de lui.

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C’est dingue comme elle a l’impression que rien ne change jamais entre eux. Elle est amusée de la situation, Cassey. Elle sourit, même, alors que son frère la regarde avec ce petit air bougon qu’elle lui connaît trop bien. Bien évidemment, elle ne compte pas s’excuser pour son retard, elle n’aime pas s’excuser. Puis, il la connaît tout de même. Il sait que l’heure, pour elle, c’est une donnée approximative. Au fond, elle a la sensation de l’avoir totalement retrouvé. C’est pour ça qu’elle sourit. Pour ça, et parce que c’est vraiment trop drôle de l’embêter. Elle, changer de sujet ? Non, jamais. – Excuse-moi de m’intéresser à ta vie ! assure-t-elle avec tout son aplomb, sourire espiègle toujours présent sur le coin de ses lèvres. Et, enfin, il semble oublier son retard pour répondre à ses interrogations au sujet de son travail. Elle est heureuse d’entendre que tout se passe bien pour lui. Mais cela ne la surprend pas de la part de son grand frère. Il est la personne la plus forte qu’elle connaisse. – Tu m’étonnes ! Tu peux aller sur le terrain comme avant du coup ou pas encore ? lui demande-t-elle tout en ouvrant finalement sa boutique. Cette fois, c’est à lui de découvrir un peu mieux l’avenir professionnel de sa cadette. Les yeux rivés sur lui alors qu’il observe les lieux, celle-ci ne veut pas manquer une miette de ses réactions. Il remarque sans mal tout le travail qu’il y a encore à faire mais il approuve. Et cela lui fait plaisir indéniablement. Maintenant qu’elle a son approbation, elle a besoin qu’il fasse ce pourquoi il est vraiment venu. Elle a besoin d’un coup de main, Cassey. Elle est débrouillarde, elle sait aussi très facilement se créer des amis. Mais celui qui peut le mieux l’aider, c’est bien Nikolaï. Tout de suite, il comprend où elle veut en venir, rien qu’à son regard. Elle se met à sourire malicieusement alors qu’elle le voit déjà retirer sa veste pour prendre les choses en mains. – Ouais, et comme t’es le plus fort et le meilleur du monde, j’ai pensé à toi. le flatte-t-elle volontairement. Au fond, elle est sûre qu’il aime ça. Quoiqu’elle est parfois extrêmement pénible. Parce qu’elle est perfectionniste en plus, Cassey. Et elle ne s’arrête jamais. Quand il affirme immédiatement qu’il va l’aider, elle lui sourit, satisfaite. – Merci, j’te laisse gérer, j’y connais rien. Sans attendre, elle s’approche du comptoir pour grimper dessus. Une fois assise, elle attrape son téléphone, constatant le nombre impressionnant de messages laissés par son frangin dessus. Elle les supprime un à un sans prendre la peine de les écouter, sans scrupule, alors que, sans décrocher son regard du portable, elle reprend la parole. – Alors, tu me demandes pas ce que j’ai pensé de la nouvelle femme de ta vie ? Il n’est pas impatient ? Parce qu’elle le serait, elle, à sa place.

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Il est agaçant, agaçant parce qu’il la connaît trop bien. Il anticipe ses réparties, il devine ses ripostes, avant même qu’elle ne les sache elle-même. Et lorsqu’elle fait mine de s’intéresser à son travail, il comprend tout de suite qu’elle essaie uniquement de changer de sujet. Enfin, pas uniquement, elle est intéressée par la vie de son frère, quand même. C’était un bon moyen de faire d’une pierre deux coups. – J’ai passé l’âge que tu m’engueules, j’ai trente-six ans, j’te signale ! s’exclame-t-elle, presque comme si elle lui en voulait. Elle essaie surtout de retourner la situation comme elle sait si bien le faire. Mais, par chance pour elle, Nikolaï cesse de jouer les flics pour lui raconter ce qu’il fait de ses journées… De flic, justement. Elle imagine sans mal à quel point rester enfermé dans un bureau, à s’occuper de l’administratif, devait le rendre dingue. Ils se ressemblent beaucoup sur ce point, aussi difficiles à tenir en place l’un que l’autre. – J’suis contente pour toi grand frère. Ça va venir aussi. lui répond-elle avec un sourire confiant. Mais trêve de discussions, les voilà dans la future boutique de la demoiselle. Si les lieux promettent un bel espace à venir, il y a encore beaucoup de choses à faire pour y parvenir. Et elle compte sur son grand frère pour lui donner un coup de main. Le jeune homme n’a même pas l’air surpris. Elle a tout juste terminé sa demande qu’il est déjà en train de retirer sa veste, signe qu’il est prêt à s’y coller. Mais elle n’est pas réellement étonnée, Cassey. Aussi loin qu’elle s’en souvienne, à chaque fois qu’elle lui a demandé son aide, il a toujours accouru. Elle lui lance un regard amusé quand elle l’entend affirmer qu’il pourrait très bien la rembarrer. Il pourrait, oui, mais il ne le ferait jamais. – Tu ne serais pas mon héros si tu faisais ça. Elle sait bien s’y prendre, n’est-ce pas ? Elle a parfaitement conscience que c’est exactement le genre de flatteries qui l’adoucissent. Puis, quelque part, ce n’est pas une flatterie. Il est un peu son héros, Nikolaï. Ce qui ne l’empêche pas d’effacer sans scrupule tous les messages laissés par ledit héros pendant qu’il s’attelle à la tâche. Elle ne sait pas trop ce qu’il fait, d’ailleurs, mais elle lui ferait confiance les yeux fermés. Reprenant la parole au sujet de l’élue de son cœur, la jeune femme se met à rire quand elle entend la réponse de Nick. – Ce n’est même pas vrai ! J’suis pas comme toi. dit-elle avant de lui tirer la langue. Mais il a raison. Elle meurt d’envie de débriefer sur cette chère Isabella. – Elle est vraiment belle. Elle fait très… Classe. J’pensais pas que c’était ton genre. commente-t-elle d’abord. Elle termine la suppression de ses messages, puis repose enfin le téléphone pour reprendre la parole. – Par contre, elle est vachement réservée. Tu crois que je lui faisais peur ? l’interroge-t-elle, affichant un sourire malicieux sur ses lèvres. Elle plaisante un peu, elle est loin d’être effrayante. Peut-être un peu exubérante. Mais elle ne connaît pas cette femme, il est aussi possible qu’elle soit ainsi de nature. Tout compte fait, elle a l’impression d’en savoir encore moins maintenant qu’elle l’a rencontrée, Cassey, c’est plutôt déroutant.

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Un petit rire amusé s’échappe de ses lèvres face à la fausse question de son frère. Elle ne répond pas, évidemment, il connaît parfaitement son âge. Mais elle se doute sans mal qu’il a du mal à le concevoir réellement. Il agit encore parfois comme si elle était toujours l’adolescente un peu trop insouciante qu’il fallait surveiller. Et peut-être bien qu’il a raison. Cela ne la dérange pas, Cassey, cela ne l’a jamais embêtée. Elle sait ce qu’elle lui doit. Puis, elle serait culottée de lui reprocher de jouer les grands frères surprotecteurs alors qu’elle l’appelle à la rescousse à la moindre difficulté. C’est précisément ce qu’elle a fait aujourd’hui. Elle lui demande de venir s’occuper des travaux de sa boutique alors que ce n’est pas son rôle, au fond, de faire une chose pareille. Elle devrait pouvoir se débrouiller toute seule. Mais cela fait des mois qu’elle se débrouille seule, des mois qu’elle n’assure pas. Se reposer sur Nikolaï, juste un peu, ça lui fait du bien. Et à lui aussi, visiblement. – Je sais. C’est pour te faire plaisir que je te le demande en fait. le taquine-t-elle ensuite, un sourire malicieux sur les lèvres. Mais elle l’a assez embêté, du moins pour le moment. Elle veut parler de sa rencontre avec la petite-amie du jeune homme. Elle lui a semblé gentille, Isabella, un brin trop calme pour elle, mais la lueur dans ses yeux quand elle regardait Nick ne lui a pas échappé. Elle a l’air très amoureuse de lui. Et cela lui suffit, à Cassey. Elle n’a pas besoin de plus, contrairement à son frère avec ses propres petits-amis. Mais il lui assure pourtant, presque choqué par ses paroles, qu’elle est lui au féminin. – Alors là, j’vois pas de quoi tu parles. Je n’ai jamais fait fuir l’une de tes copines, moi ! Et c’est reparti. Il n’en faut pas beaucoup pour qu’ils retrouvent leurs chamailleries tous les deux. Elle se met à rire quand il lui fait une grimace mais retrouve son sérieux quand il lui parle de la jeune femme. – Et comment ça a changé ? lui demande-t-elle, curieuse de comprendre. Curieuse de savoir comment il a dépassé cette frontière. Il lui confirme, d’ailleurs, l’impression qu’elle a eu très rapidement. La blondinette se met à sourire en apprenant qu’Isabella s’inquiétait de la rencontrer. Ça, ça lui plaît. Elle doit se sentir rassurée, maintenant qu’elle la connaît. Elle n’a rien de bien impressionnant, Cassey. – Tu peux la rassurer. Je la trouve très bien. Tout ce qui compte, pour moi, c’est qu’elle te rende heureux. confie-t-elle à son frère, le plus sincèrement du monde, heureuse de le voir si heureux.