teach me (sloan)

onze semaines après sa libération. ☾ ayant sympathisé avec le propriétaire du bar dans lequel elle se rend, sloan décide de passer par la porte de derrière afin éviter la foule qui s'agglutine devant l'établissement - leur verre à la main. le brouhaha des étudiants qui rient à s'en décrocher la mâchoire, trop peu pour elle. prenant place au comptoir, elle fait signe au barman pour qu'il lui apporte sa boisson favorite. elle n’a pas à prononcer mot, il sait ce qu'elle aime. un peu trop sans doute. parce que ce n'est pas la première fois qu'elle fois qu'elle vient étancher sa soif ici, bien au contraire. on pourrait, pour un peu, l'appeler une habituée. à vrai dire, la seule chose qui l'empêche d'être affublée de ce titre est son vif attrait pour la versatilité. depuis qu'elle est sortie de taule, elle apprécie plus que jamais les divers possibilités qui s'offrent à elle. l'idée de rester enfermée dans un même espace de façon régulière - étroit qui plus est - l'écoeure au plus haut point. elle aime avoir la faculté de changer, de bouger. une heure passe et elle repose son verre brutalement avant de passer le dos de sa main sur sa bouche. les yeux vitreux, elle pivote sur son tabouret pour faire face à l'homme qui s'adresse à elle. il veut la ramener chez elle, comme c'est surprenant... et il insiste. lourdement. la patience de sloan s'égraine rapidement devant l'irrespect dont son interlocuteur fait preuve ; elle finit par lui saisir le bras pour brutalement l'immobiliser lorsqu'il dépasse les bornes. la face contre le métal froid du bar, il perd tout de sa superbe et s'éloigne en un instant une fois relâché. ses méthodes semblent surprendre ceux qui l'entourent, certains paraissent même impressionnés. ils rient, forts. elle, elle ne leur prête pas attention. à quoi bon ? oui la pauvre petite fille a réussie à maitriser le méchant loup et alors ? elle a grandi à south jamaica sloan et elle a passé près d'une décennie en prison, ça n'a rien de surprenant qu'elle puisse se défendre. encore heureux d'ailleurs, si elle n'en était pas capable, elle ne serait sans doute pas en un seul morceau à l'heure qu'il est. la vie qui est la sienne l'a forcé à se forger une carapace. solide. impénétrable. sloan n'est pas une tendre, elle ne l'a jamais été et ça personne ne peut le nier. dans le temps, avant qu'on ne l'envoie à l'ombre, on la qualifiait bien plus facilement de terrible emmerdeuse que d'ange innocent. et elle doit bien l'admette, c'était tout à fait mérité. elle a toujours aimé jouer la forte tête, c'est dans sa nature. elle est d'avis qu'il y a deux types de personnes en ce monde : les loups et les agneaux. les premiers ont bien sûr l'ascendant sur les seconds et elle tient à faire parti du groupe gagnant parce qu'elle ne peut accepter l'idée d'être faible, ne serait-ce qu'un seul instant. jamais elle ne se laissera marcher sur les pieds, peu importe ce qu'il en coûte. et oui, elle lui est arrivé de mettre sa morale de côté pour ce faire mais honnêtement, elle n'en a jamais perdu le sommeil. il faut se méfier de son courroux, ne jamais le sous-estimer. parce qu'elle ne recule devant rien sloan, jamais. c'est en partie pour ça qu'elle est là où elle est aujourd'hui. "bonsoir, excusez-moi" perdue dans ses pensées et un brin ébranlée par l'alcool qu'elle a consommé, elle met un certain temps à se rendre compte qu'on s'adresse à elle. décidément elle en a du succès ce soir. pour son plus grand malheur parce que sloan, elle ne demande qu'à être seule, elle ne veut pas être importunée, pas aujourd'hui. "comment vous avez fait ça ? j'veux dire, vous avez appris où à faire ça ? vous prenez des cours ?" sloan daigne jeter un oeil à la femme qui est venue la trouver. à madame je pause trente-six mille questions. elle parle fort pour se faire entendre mais son timbre de voix parait toujours frêle. en fait, elle a la parfaite allure de la femme enfant, mignonne à souhait. et c'est pas avec ce type de personne avec qui sloan s'entend le mieux, c'est même tout le contraire. elle songe ainsi à l'ignorer mais un élan de gentillesse - qui lui est pourtant normalement étranger - la pousse à échanger quelques mots avec elle. aussi brefs soient-ils. "quand on te marave la tronche deux-trois fois, tu finis par apprendre quelques trucs." sloan, c'est pas une héroïne aux multiples talents ou une championne d'arts martiaux, non. elle a appris à se défendre comme elle le pouvait parce qu'elle le devait. sloan, elle a pris des coups - et pas qu'un peu - jusqu'à ce qu'elle décide de riposter. sa rage l'a guidé à l'époque et le fait encore aujourd'hui. c'est ce qui lui permet de continuer et d'avancer, même si ce n'est pas forcément dans la bonne direction. on est bien loin du personnage de nikita, téméraire et talentueuse. on en est même très loin. ainsi, sans rien ajouter de plus, elle tapote avec force le bar pour qu'on lui re-serve un verre, quelque chose lui dit qu'elle en aura besoin.

hâtivement, sloan lève son verre en direction de sa mystérieuse interlocutrice et boit d’une traite le reste de son contenu. la mixture lui pique quelque peu la gorge mais elle s’en fiche, ça l’anesthésie et c’est tout ce qu’elle souhaite. "oh. c'est... désolé ?" un rire doucereusement amer lui échappe et elle fixe son verre, désespérément vide. rien d'hostile là-dedans, ses excuses lui semblent simplement cocasses. jamais ceux qui devraient faire amende honorable ne le feront alors qu'elle - aucunement liée à toutes ces histoires - le fasse, ça la fascine. elle trouve ça même hilarement caustique. d'une immense ironie comme elle les aime. "t'excuses pas blondie, ça n'a rien avoir avec toi." un sourire en coin habille son visage alors qu'elle secoue la tête. elle n'a jamais vraiment saisi ce pourquoi certaines personnes s'excusent pour un rien. c'est au delà de son domaine de compréhension. il faut dire que - pour être tout à fait honnête - les mea culpa, c'est pas trop son fort. trop de fierté. trop d'aplomb. tessa, quant à elle, interpelle le barman et surprend sloan en passant commande. "deux bières, s'il te plait." perplexe, elle bascule la tête en arrière, regarde à qui pourrait être destiné cette deuxième bouteille. le groupe d'amies qu'elle vient de quitter semble avoir tout ce qui leur faut et elle doute franchement que blondie fasse offrande au poivrot d'à côté. alors, elle jette un dernier coup d'oeil à la bouteille et demande, flegmatique. "pour moi ?" la tête penchée sur le côté, elle attend sa confirmation sloan et une fois donnée, n'attend pas une seconde de plus pour s'emparer du flacon salvateur. son verre est vide après tout, pourquoi se faire prier ? "trop aimable." le goulot au bord des lèvres, elle lui accorde un bref sourire. bref parce qu'elle n'est pas d'humeur expansive, elle ne l'est jamais vraiment de toute manière. sloan, c'est le genre de personne brisée qui ne peut maintenir un air enjoué sans qu'il ne soit feint, qui a connu de trop nombreuses épreuves pour qu'elle ne se montre pas irrémédiablement distante. "vous avez appris ça toute seule ? j'voulais pas m'imposer comme ça c'est juste que j'ai vraiment besoin d'apprendre à me défendre en quelque sorte... j'vous demande rien mais si vous avez quelques astuces ou de bonnes adresses..." elle a cette allure qu'ont les petites filles apeurées et ça, sloan le remarque. pire encore, elle reconnaît la douleur qu'elle voit passer dans ses yeux. ça ne change pourtant rien à la situation, elle n'a rien à lui apporter et elle le lui dit sans tarder. "vaut mieux pas que t'apprennes là où j'ai appris." tranchante, elle la regarde droit dans les yeux. "ou comment j'ai appris d'ailleurs." la vie qu'elle a mené ou les expériences qui ont fait d'elle ce qu'elle est aujourd'hui, elle ne les souhaiterait à personne. fréquenter les mauvaises personnes, se mettre en danger tous les jours un peu plus, ça ne peut mener à rien de bon. alors non, elle ne lui fournira aucune adresse, aucun nom. c'est pas comme si elle en avait à donner de toute manière : elle a appris sur le tas, de la plus mauvaise des manières. pourtant, il y a la lueur dans son regard, celle qui la pousse à ne pas la dédaigner directement, à ne pas prendre sa demande comme le caprice d'une petit fille sage. du coup, elle fait quelque chose qui ne lui ressemble pas : elle s'intéresse. "pourquoi ?" l'oeillade perdue que lui lancera sûrement celle qui est venue à sa rencontre la pousse à préciser. "pourquoi t'as besoin d'apprendre à te défendre ? enfin en quelque sorte ?" le sourcil levé, son air ne la laisse pas paraitre plus concernée qu'elle ne l'était au départ. toutefois, elle prend la peine de poser la question et ça, ça veut dire beaucoup. il faut espérer que tessa s'en rende compte. "craches le morceau, peut-être que je t'aiderai." et elle lève sa bouteille vers elle comme pour l'encourager. allez blondie, dis-moi ce qui se cache derrière tes airs de petite fille sage.