is this what you wanted / kaz.

Tout
s’effondre.

Kaz au sol. Mimi et les larmes brûlantes aux yeux. Elle aurait envie de sangloter, de se briser au sol elle aussi, de lui dire, je suis désolée, je suis désolée, assez de fois pour s’en écorcher la gorge. Elle s’embourbe dans des explications à deux sous, des trucs que Kaz ne veut sûrement pas entendre, pas vraiment. Elle lui a livré le coup fatal et voilà que c’est elle qui regarde les ravages. Elle qui porte le couteau ensanglanté, elle qui se tient au-dessus du cadavre. Tout ce qui reste de Kaz, après la trahison et la douleur. Après le poignard en plein coeur et la solitude qui écrase. Mimi se tient là, épargnée, ou presque. Toujours à survivre, vous les Wilkes, vous les parasites. Bestioles qui se faufilent dans les craques, qui sèment le chaos et qui survivent pour regarder le reste brûler. Ander, il le vit bien, il le vit mieux. Mimi, elle est pas aussi solide, elle reconnaît trop les déchirures et ça lui rappelle les siennes. Elle se laisse retomber aux côtés de Kaz, les cheveux devant son visage, tignasse épaisse qui la protège, qui la dissimule. Elle voudrait qu’il soit capable de se relever, d’être assez fort pour affronter, qu’il retrouve la flamme qu’il avait eu quelques secondes auparavant, c’était mieux que ça, mieux que de le voir crever à petit feu.

Elle regarde les larmes couler sur ses joues, et elle reste juste là à ses côtés. Les débris partout autour, et Kaz et Mimi, qui se fondent presque parmi eux. « C’est elle qui te l’a dit ? » Les doigts qui tremblent, la voix tout autant, et Mimi lève les yeux vers lui. À peine capable de regarder son visage. Elle renifle, elle aussi. Acquiesce simplement, même s’il ne peut pas la voir. Alors elle se racle la gorge. « Oui. » Elle se rappelle du visage d’Eden, de son sourire, des étoiles dans ses yeux. J’vais me marier Mimi. Me marier. Et elles avaient rigolé et elles avaient gloussées comme des gamines. Mimi n’avait pas pensé à Kaz. Mais quand est-ce que tu penses aux autres, Mimi ? « Pourquoi t’étais au courant et pas moi, Mimi ? » Et elle hausse les épaules. Renifle, la nuit qui les enveloppe. Le silence qui semble retomber, après le chaos. Même si y’a que la douleur pour rester, elle est tranquille. Le genre de douleur qui fait le plus mal, silencieuse et sournoise, qui s’infiltre dans les veines et se faufile directement dans le coeur. « J’en sais rien, Kaz. » Qu’elle dit doucement. Le sourire un peu amer, qui se glisse sur ses lèvres. Et instinctivement, elle tend la main. Attrape une larme sur le visage de Kaz, qui allait se glisser sur le côté. L’essuie, du bout du pouce. « J’en sais rien. »

Le soupir tremblant qui passe ses lèvres. Elle ne veut pas le laisser là. Ne peut pas le laisser là. « Reste pas par terre. S’te plaît. » Elle attrape sa manche, un peu. Le secoue, comme pour le relever. « Viens. T’as pas à être tout seul ce soir. Tu - tu veux venir dormir chez moi ? » Elle sait que c’est délicat, que chez elle c’est chez Eden aussi, que c’est sans doute trop récent pour faire ça, mais elle va s’inquiéter toute la nuit pour lui si elle ne reste pas. « Ou on peut aller manger une pizza, si tu veux. » Ça ne sert probablement à rien. Kaz ne voudra probablement rien savoir d’elle. Voudra être seul - ne voudra pas d’elle. Mais elle veut essayer, Mimi. Au moins essayer. « Je... J'suis désolée. » Qu'elle lâche finalement. Épaules affaissées. Des mots qui ne sortent pas souvent de ses lèvres, à Mimi. Des mots qu'elle n'aime pas avouer, des mots qui sont trop souvent faux. Mais pas cette fois. « Tu l'aimes, hein ? » Qu'elle articule finalement, en regardant Kaz. Son visage dévasté. Presque à voir les morceaux de son coeur se mêler aux morceaux de verre. Je sais, Kaz. J'le vois dans tes yeux.

Kaz s'effondre comme un château de cartes balayé par une main maladroite, toutes ses certitudes s'envolant comme les cendres d'un feu de bois sur une plage. Elle n'a eu besoin que de quelques mots, Mimi. Que de quelques syllabes assemblées pour briser sa façade chancelante et révéler l'être fragile qui se cache derrière. Il voulait la blesser, mais si Mimi encaisse les coups sans broncher, lui est incapable de supporter la souffrance réveillée au creux de sa poitrine. Sa rage s'évapore vite, le laissant déboussolé sur le sol terreux de ce chantier où il a tant de fois trouvé refuge. Et pour la première fois depuis sa rencontre avec Mimi, il laisse les larmes glisser le long de ses joues comme l'eau fraîche dans un ruisseau. Kaz baisse les armes et les balance aux pieds de son acolyte, se fichant bien de ce qu'elle de lui une fois ces dernières entre ses mains destructrices. Elle l'a déjà bousillé jusqu'au plus profond de son être sans leur aide, a retourné la situation en sa faveur en utilisant le seul prénom d'Eden et crevant son cœur par la même occasion. Ce n'était peut-être pas volontaire, mais elle l'a fait et il est trop tard pour faire marche arrière. Les mots qui serpentent hors de ses lèvres sont comme lointains, venus d'une terre inconnue par-delà les océans. Ils n'ont pas beaucoup de sens aux oreilles de Kaz – mais au fond, qu'est-ce qu'y en a encore ? Qu'est-ce qu'y en a un jour eu ? – Oui, que Mimi répond à sa question et enfonce le couteau un peu plus profondément sans le vouloir. J'croyais qu'on se disait tout, Eden, mais faut croire que ce n'était que dans un sens. Que l'honnêteté n'est jamais venue que d'moi. J'croyais que tu m'aimais, Eden, mais faut croire que j'n'ai jamais cessé d'être naïf. Que j'paie le prix d'une innocence que j'étais sensé avoir perdu il y a bien des années déjà. La gorge de Kaz est serrée, son cœur presque remonté jusqu'à ses lèvres et prêt à être dégueulé. Ça fait mal. Tout fait mal. S'il pouvait au moins comprendre pourquoi, peut-être que ça apaiserait la douleur qui le tire de partout – ou peut-être pas. Certainement qu'il en souffrirait tout autant, mais au moins, il ne retrouverait en plein milieu de cette forêt labyrinthique qui lui retourne les tripes. Alors il demande à Mimi quelque chose qu'elle n'est pas sensée savoir, conscient que sa réponse ne viendra pas illuminer son chemin vers la sortie. Que si elle est responsable de son état actuel, ce n'est pas elle qui l'en sortira. J’en sais rien, Kaz. J’en sais rien. Bien sûr qu'elle ne sait pas. Bien sûr qu'Eden fait les choses secrètement et sournoisement – parce que c'est Eden et qu'elle n'a jamais su faire que ça. Le toucher de Mimi est une surprise, mais Kaz s'y rattache comme s'il n'avait pas souhaité la trucider quelques minutes plus tôt. J'te déteste, parfois. J't'apprécie un peu trop, le reste du temps. L'ombre d'un rictus passe sur son visage et disparaît aussi vite. Reste pas par terre. S’te plaît. Il ne répond pas, Kaz. Il ne bouge que parce qu'il en est obligé, sentant ses jambes prêtes à le lâcher une fois debout. Viens. T’as pas à être tout seul ce soir. Tu– tu veux venir dormir chez moi ? Le benjamin Zuniga pose finalement son regard sur le visage à peine éclairé de Mimi, fronce les sourcils à l'offre qu'elle lui fait. Mais chez toi, Mimi, c'est chez Eden aussi. Ou on peut aller manger une pizza, si tu veux, que cette dernière ajoute, comprenant visiblement les paroles silencieuses et le conflit intérieur de son interlocuteur. – J'ai pas faim. Parler lui brûle la gorge. Respirer lui coûte toute son énergie. J'crois que j'aurais plus jamais faim. – Je... J'suis désolée. Kaz étouffe un nouveau sanglot, détournant vite ses opales de celles trop honnêtes de Mimi. Ses doigts tremblotants se perdent sur son crâne, puis voyagent jusqu'à son visage qu'ils essuient sans délicatesse. – J'sais, qu'il murmure, la voix aussi tremblante que le reste. J'sais que tu voulais pas m'blesser comme ça. Que si moi, j'me serais pas arrêté, tu l'aurais fait avant d'voir mon être se craqueler devant tes yeux. Parce qu'au fond, Mimi, t'es pas si mauvaise que ça.– Tu l'aimes, hein ? Et encore une fois, Mimi ne reçoit aucune réponse orale de sa part. Ce sont ses bras qui l'entourent et son visage qui se réfugie dans son pull qui répondent pour lui. La respiration saccadée se perd au creux de son épaule, ses larmes tâchant l'épais tissu qui recouvre son corps. – P–Pourquoi, Mimi ? Qu'il crierait presque, le nez toujours collé contre elle. Pourquoi m'faire c–croire qu'elle... qu'elle m'aimait ? Il est incapable de reprendre son souffle, Kaz. Incapable de respirer normalement. Incapable de se vider la tête d'Eden, Eden, Eden, putain d'Eden. Ses doigts s'accrochent à Mimi comme si la lâcher signifiait mourir sur le champ. J'peux pas... J'veux que ça s'arrête, Mimi... J'veux qu'tout s'arrête... Je t'en prie, Mimi, finis le travail et achève-moi. Me laisse pas souffrir comme ça.

@mimi wilkes