La liberté est parfois difficile à atteindre | Bear

Les cernes sous les yeux ne cachent pas que la nuit a été difficile. Nuit blanche, pas la première, pas la dernière. Un boulot, une connerie qu’il devait faire. Il ferait bien d’aller dormir mais il n’a pas le sommeil. Si seulement il arrivait à fermer le moindre œil, il serait capable de faire facilement le tour de l’horloge. Trop de choses en tête se basculent dans sa tête pour qu’il parvienne à ne serait-ce que songer à aller se coucher. Présent dans ce bar depuis l’aube, il ne quitte pas ce tabouret. Pas là pour noyer son chagrin ou tout autre pensée dans l’alcool. Etant donné le nombre d’heure passé ici depuis tout à l’heure, le barman s’étonne de ne le voir tourner qu’au soda. Des boissons assez caféinéees car de toute façon il sait pertinemment qu’il va continuer sa journée comme si de rien n’était, accoudé à la table devant lui il attend simplement de prendre des forces. Il n’a pas envie de ressembler à un zombie pour le reste de la journée. Si seulement il se maquillait, il pourrait dissimuler ses putains de cernes contre qui il a pesté en se regardant dans le miroir en allant aux toilettes. Il devrait pourtant y être habitué à celles-ci, mais il ne s’y fait jamais. Regardant l’heure sur son téléphone, il serait peut-être temps qu’il quitte sa chaise mais s’il se lève de cette dernière, ce n’est que pour aller s’appuyer contre le bar et demander un autre soda ainsi qu’un cendrier. Bar non-fumeur qui qui déroge bien à la règle et l’envie de la nicotine est trop forte. S’il peut éviter de sortir même si le temps est doux, il ne dit pas non. En retournant à sa place, ses yeux se placent directement sur un gars pas loin qu’il connait bien.
Qu’il connaissait bien. Des mois à devoir partager la même cellule, forcément, on oublie difficilement. Sortis plus ou moins au même moment, ils ne s’étaient jamais recroisés. Et Denzel pensait ne jamais le refaire. Non pas par envie mais lorsqu’on retrouve la liberté on a pas vraiment d’attache à la vie passée là-bas. Mais Denzel n’est pas du genre à ignorer les gens, à moins d’avoir quelque chose à reprocher à la personne. Alors quand leurs regards se croisent, il lui fait un signe de tête, pour le saluer avant de s’approcher vers lui, Bear, camarade de prison. Pas sûr que l’un comme l’autre assume de où ils se connaissent. « Salut, ça fait longtemps ! » Si longtemps et pourtant, Denzel a parfois l’impression de toujours y être en prison. Pas certain d’avoir retrouvé sa liberté. Pas besoin de barreaux parfois pour se sentir enfermé quelque part.