Coffee Place, Manhattan 6.30pm - Jac&Ash

Ca fait un moment que tu bosses au dinner. Trois mois. C’est pas le meilleur job, mais c’est celui que tu peux prendre et quitter sans préavis, alors tu ne fais pas la fine bouche. Mais du coup, tu sautes sur tous les castings possible et inimaginable. Juste histoire d’avoir un pied dans le showbiz plutôt que dans le dinner. Même si ce n’est pas du côté des comédies musicales, tu te lances. Là, l’endroit où tu te rends, y’a du monde. Tu sens que tu vas y passer des heures, jusqu’à ce que t’apprennes qu’il y a plusieurs auditions en parallèles et que donc tout ce people n’est pas là pour la même chose. Ouf.

T’as trouvé cette annonce sur internet. Généralement les bons filons, tu les as par le bouche à oreille, donc tu ne t’attends pas à grand chose. Il ne s’agit que d’une audition pour une publicité lié à la coupe du monde qui arrive à grands pas. Ton profil entre dans plusieurs critères recherchés, donc tu te dis que y’a des chances que ça passe. Ca fera toujours ça de plus sur ton CV et dans tes expériences.

Y’a un mec qui te reluque grave pendant l’audition. Un mec qui est là pour te juger. T’aurais bien envie de lui faire des propositions indécentes mais tu n’as pas d’opportunité. Tu donnes ton max quand tu passes pour ta prestation. T’es pas le meilleur acteur, mais t’es pas trop mal non plus. T’es même carrément crédible. En quittant la pièce tu te lèches les lèvres en fixant le mec des yeux, tentant de lui faire passer un message subliminale mais t’as pas l’impression qu’il te capte. Dommage. Et puis finalement c’est peut être pas plus mal, autant coucher quand ça vaut vraiment le coup. Là ce n’est qu’un rôle dans un spot publicitaire.

Tu sors de l’immeuble, il y a un café juste en face de la rue. Tu traverses et t’y entre pour te poser. Tu gardes quand même ton idée de tirer un coup avec le mec dans un coin de ta tête. C’est pour ça que tu restes dans les environs. Tu te mets dans la file d’attente et une chevelure rousse est sous ton nez. Vue la taille… Les fringues… Tu t’approches un peu plus pour voir le visage de la personne et tu souris bien largement quand tu vois qu’il s’agit de Jac.

« Un café pour décompresser après l’audition c’est ça ? »

Dans ce long manteau léopard,
et ce sourire qui ne lâche pas,
toujours la même rengaine.
Des castings à n'en plus finir, qui épuise,
et du café bien chaud pour revigorer ce corps lasse.
Jac, elle pousse la porte du café, le visage toujours marqué d’un sourire exagéré. Explosant sa peau de ridules autours de ses yeux amandés. Jac, toute sa vie, elle n’a pas pu empêcher de sourire. Qu’il pleuve, que le tonnerre s’abatte sur son être, qu’un cataclysme vienne bouleverser sa vie. Jac, sourit. Une façade, qu’elle a pris a créer, par entraînement. Pour cacher ce qu’elle subissait enfant. On supporte les coups, on accepte les insultes. On pleure seule, mais on rit devant cette société naïve et innocente.
Jac, elle pousse la porte du café, emmitouflée dans son giganstesque manteau à la fourure au motif léopard. Que le vent glaciale ou que la chaleur tropicale s’abatte. Manteau qu’elle ne lâchait plus depuis 6 ans, vestige d’une vie de princesse. Princesse de ses biens, paysanne de l’affection. Aristo torturée, dans la tourmante.  Dernier souvenir de boston, où la carte en banque de papa a été chauffée.
Jac, ce rayon de soleil, ce visage lumineux. Pourtant lessivée. Lessivée de
ces boulots à la chaîne, qui l’épuise et éteigne petit à petit la flamme qu’elle tente de maintenir dans un jet superficiel. Et ces castings. Rien de palpitant, rien qui fera d’elle la star internationnale qu’elle fantasme, sans secret. Elle devrait se faire une raison, abandonner. Pourtant jac, elle continue d’espérer, de croire. Qu’elle est faite pour ça, pour la gloire, l’admiration des autres, la comédie. Comme une revanche à toutes ces fois où elle a subit. Dans la cour de recréation, moquant sa crinière incandescante. A la maison, quand sa mère lui tirait les cheveux jusqu’à ce qu’elle s’affesse pour devenir une proie plus facile au coup d’escarpins dans le ventre. Dans la rue, quand on l’insultant de femme sans vertue par ses extravagants accoutrements.
Aujourd’hui jac, c’est le sourire et le doigt d’honneur qui va avec. Bien qu’il n’est pas encore mis aux yeux de tous. Devant cet écran de cinéma, où elle rêve d’apparaitre.
La file est longue. Le café se fait attendre. Sa tête dodeline, ses yeux clignotent, pensant à ce manque de caféine qui atteindra dans quelques minutes ses veines. Quelques clignements plus tard, jac voit un visage qu’elle connait bien, dans ses souvenirs quelques peu lointain. Ash. Elle croit un instant à un mirage, jusqu’à admettre que c’est bel et bien lui qui lui sourit à pleines dents.
Jac, elle est excessive. Elle ne peut s’empêcher de sautiller sur place. Et de le serrer dans ses bras. Comme un ami de longue date. Elle a un moment squatté chez lui, toujours reconnaissante bien qu’ils ont finit par perdre petit à petit contact.
« Toujours les mêmes habitudes. Le casting, le café pour avaler sa défaite. Même rituel pour toi ? »
La file avance petit à petit. Jaclyn balaie sa chevelure de feu derrière sa nuque tout en avançant à taton. Elle se retourne à nouveau vers Ashley, « ça fait longtemps » élude-t-elle simplement, « tu te deviens quoi ? LES NOUVELLES, JE VEUX TOUT SAVOIR » , sa voix porte, ses gestes sont larges, maniérés.

Elle te reconnait aussitôt. Elle te saute dessus. Ca te fait sourire de la voir si enthousiaste. Tu réponds à son étreinte malgré que la fourrure sous tes mains ne te plaise pas. Non pas que tu penses aux animaux qui ont été utilisé pour se faire, s’il s’agit d’un vrai, mais il fait beaucoup trop bon aujourd’hui pour porter ce genre de truc. En ce qui te concerne, tu as une chemise unie sur toi et un pantalon noir. Classe. Tu voulais faire bonne impression au casting.

Jac te fait part de son rituel après ses auditions et tu souris en l’entendant. Tu fais « non » de la tête. Si t’es là, c’est surtout pour garder un oeil à l’entrée du bâtiment d’en face. Celui d’où vous sortez tous les deux. Juste au cas où le mec du jury montre le bout de son nez.

« Juste envie de me poser. »

Tu ne vas pas lui dire la vérité. T’es pas sûre qu’elle soit compréhensive si tu lui dis que tu veux juste tenter de mettre un juge dans ton lit. Oui, tu pensais que c’était pas la peine de se donner autant de mal, mais il était plutôt pas mal. Surtout ses yeux sur toi qui t’ont plu. You’re such a slut. T’avances en même temps que Jac et le reste de la file. Elle se retourne vers toi. T’en attendais pas moins d’elle. Ca fait un baille que vous ne vous vous êtes pas vu. Ca mérite plus qu’une simple étreinte d’une poignée de secondes. Vos esprits ont l’air sur la même longueur d’ondes parce qu’elle fait mention du temps qui est passé. Ca te fait sourire et t’as franchement l’air d’un ange avec ta tête. Elle devient beaucoup plus enthousiaste à l’idée d’avoir de tes nouvelles et tu laisses s’échapper un rire. Elle parle fort. T'es sûr que la moitié du café l'a entendu. Tu réponds un ton plus bas par rapport à elle. Essayant de rester discret un  minimum.

« Faudrait qu’on s’ajoute sur facebook. Histoire de garder contact plus facilement. »

Depuis quelques années tu ajoutes absolument tous les gens que tu rencontres sur facebook. Enfin, plutôt ceux qui acceptent de t’ajouter. T’as compris qu’il fallait avoir un grand réseau personnel pour pouvoir toucher le plus grand nombre quand besoin est. Tu ne postes pas grand chose sur ton facebook. Juste des news des différents shows où t’as joué, histoire de ramener du monde aux représentations.

« Je suis pas encore une super star, malheureusement… »

Tu hausses un peu les épaules et tu reprends.

« J’ai quand même réussi à jouer dans pas mal de comédies musicales sur Broadway. »

Et t’en es pas peu fier. Même si tu n’avais que des rôles secondaires. C’est pas donné à tout le monde d’atteindre les planches de cette avenue immensément connue.

« Là j’ai pas de contrat… Donc je suis de retour à Coppelia. »

Coppelia. Le dinner où tu bosses. T’étais déjà serveur là bas à l’époque où vous avez vécu ensemble tous les deux. T’as même un souvenir de l’avoir vu se pointer un jour et tu lui as offert un milk shake on the house. T’avais pas vraiment le droit mais tu l’as pris.

« J’ai peut être une touche pour un rôle dans le Book of Mormon. J’espère que ça va se faire. »

Ca c’est déjà mieux comme sujet. L’avenir. Et l’avenir plutôt du bon côté car il s’agit d’un show à Broadway. Tu te la pètes peut être légèrement à ce moment précis avec cette info mais avec ta gueule d’enfant sage, ça passe crème.

« Et toi ? Racontes moi tout. Me dis pas que t’as fini pornstar ! »

Tu sais pas pourquoi tu fais cette remarque, juste ça te fait rire. C’est pas très valorisant mais ça t’es venu comme ça. Sûrement parce que t’en connais un de pornstar. Un mec qui voulait être acteur et qui a fini dans un autre genre de milieu beaucoup plus chaud. Tu te dis que personne n’est à l’abris de ce genre de dérive. Après tout, c’est un métier comme un autre.

Jac lance que y’a peu de chances de finir pornstar avec son physique. Glauque ? Elle sait pas que beaucoup de gens sur les sites d’adultes sont à la recherches de trucs un peu limite afin d’attiser leur soif de fantasmes. Elle a l’air beaucoup trop innocente avec sa remarque, alors tu ne vas pas chercher à lui faire entendre le contraire. De toute façon, elle enchaîne, t’as pas le temps d’en placer une. Tu l’écoutes alors que la file avance encore un peu. Tu ris un peu quand elle te sort la réplique qu’elle a eu dans son dernier rôle. Tu hoches la tête quand elle parle de ses petits boulots. Tu sais bien ce que c’est, t’es en plein dedans toi aussi. Vous vous comprenez beaucoup trop bien à ce niveau là. T’apprends qu’elle bosse dans un sex shop. T’avais oublié ce détail, parce qu’apparemment c’est pas nouveau. Elle a l’air un peu las de ces petits boulots, mais ouais il faut ce qu’il faut. T’as pas trop de soucis financiers de ton côté et c’est justement parce que tu gardes une vie simple, dans des appart’ avec des loyers pas très élevé. Les salaires que tu te fais quand t’es à Broadway sont conséquent, du coup t’as pas mal de sous de côté mais tu ne te laisses jamais sans bosser trop longtemps. T’aimes pas ne pas avoir de source de revenu. Ca t’angoisse même.

« Voilà faut avoir un toit sur la tête et de quoi manger. Après le reste c’est du plus. »

T’essaies de lui remonter le moral comme tu peux, pas sûr que ça marche, mais t’as pas trouvé mieux à dire suite à ses paroles. Elle a l’air déjà beaucoup plus rayonnante quand elle parle de Broadway et tes projets. Elle se souvient du milkshake que tu lui avais offert et tu trouves ça cool de sa part que ça l’ait marqué. Comme quoi même si vous avez pas gardé contact tous les deux, y’a un truc entre vous. Un lien certain.

« J’espère ouais. Et toi aussi tu mérites d’avoir un super rôle ! »

Tu vas bien te garder de lui donner ton truc pour choper des parts intéressantes ici ou là. T’as pas honte de ce que tu fais, mais t’as pas non plus envie d’être jugé, parce que oui, les préjugés ça va vite.

C’est à présent votre tour de passer commande et tu demandes un café latte. Tu te tournes vers Jac pour qu’elle dise ce qu’elle veut aussi et voilà que tu sors ta carte bleu.

« C’est moi qui offre. »

Pourquoi ? Tu sais pas, t’as envie. T’as l’impression qu’elle est juste niveau fric et c’est pas ton cas, alors t’es généreux comme ça. Vous filez à l’autre bout du comptoir pour attendre vos boissons. Tu sors ton téléphone de ta poche et tu ouvres facebook.

« C’est comment déjà ton nom de famille ? »

Tu pianotes et tu la trouves en moins de deux. Tu souris, content de l’avoir ajouté.

« Voilà, comme ça je t’ai. »

Tu ranges ton téléphone et tu reprends la parole pour continuer la conversation.

« T’es toujours dans le Queens du coup ? J’ai habité dans la coloc pendant deux ans, après j’en ai trouvé une à Manhattan qui était vraiment parfaite mais le proprio a décidé de vendre du coup fallait que je me trouve autre chose et retrouver un truc abordable à Manhattan c’est mission impossible. J’avais vraiment eu de la veine sur ce coup là. Donc là ça fait quelques jours que je suis de retour dans le Queens. »

Parce que tu te sens bien dans ce quartier, tu le connais déjà.

Ca lui fait du bien de voir Ashley. Un bien fou. Quelqu’un qui la comprend, quelqu’un qui la soutient. Qui a les mots qu’il faut. « Exactement, tant qu’on assouvi nos besoins vitaux, c’est primordial. Et qu’on arrive à se payer un café ! » ria-t-elle, généreusement. Jac sans caféine, ce n’était plus jac. Elle avait besoin de cette dose quotidienne pour tenir, peut-être qu’une impression, qu’une illusion, qu'un effet placebo. Qu’importe. Il l’encourage. « Merci, je continue à croiser les doigts. J’en rêve, tous les jours, de ce rôle. Ce rôle parfait qui fera que je me dirais ‘enfin je n’ai pas rêvé pour rien' ».
Tous les matins, jaclyn, elle se levait, avec cet espoir. Espoir tenace, qui ne la quittait pas. Espoir qui la faisait se lever, vivre, sourire. Elle s’y acrochait, comme une étoile qui pourtant, devenait de plus en plus lointaine dans ses songes. Ca l’a rendait triste, au fond. Mais elle ne voulait pas le montrer. Bien trop fière pour ça.
Ash lui propose de lui offrir le café, jaclyn lui sourit : « Oh merci, prochaine fois c’est moi qui offre alors ! » réponds-elle. Elle répond ensuite qu’elle désire la même chose, un café latte.
Les noms échangés, les contacts enregistrés sur le smartphone, la conversation reprend. Elle écoute Ash, plus silencieuse cette fois, même si cela ne va pas durer longtemps. « Oui toujours dans le queens. J’ai emmenagé dans un appartement un peu pourave avec trois autres colocataires, il y a trois ans maintenant. Pas toujours facile la vie en communauté, il y a des claques qui se perdent mais au final en vérité, je pense que j’aurais du mal à les quitter le jour où ça arrivera. Je m’y plais tellement. Et du coup tu vis seul maintenant ? Ou tu vis encore en coloc ? OU A MOINS QUE T’A TROUVE QUELQU’UN ? »
Jac, elle esperait savoir ashley en couple, ça lui fait toujours plaisir de voir ses amis heureux en ménage, heureux dans le professionnel, heureux dans la vie. Les cafés servi, jac s'empara du sien, s'écartant ensuite du comptoir. "On prend notre café ensemble ? A moins que tu attendais déjà quelqu'un ?"