nuit noire. (joslyn)

tinder. t'avais téléchargé l'application sans grande conviction, sous le regard affûté de ta sœur, pressée de pouvoir jouer avec toi au nouveau jeu en vogue. tu vois, c'est facile ! avait-elle affirmé en t’arrachant le portable des mains, on prend une belle photo de toi. fais pas la gueule. tu devenais instantanément son mannequin. t'as de la chance de pas être trop dégueu de base. si t’enlevais ton t-shirt ça serait peut-être mieux. ce n'est que ta face que tu lui as offert ce jour là, photos postés, c'est elle qui prenait les commandes. le pouce déjà trop habitué. au bout de quelques minutes seulement les messages s'entassaient, et t'avais déjà l'air grincheux. j'peux pas brancher une nana dans un bar, comme d'habitude ? ou juste attendre que tu me présentes une de tes copines ? sérieusement ... ça me casse déjà les couilles ton truc. s'en était suivie une longue conversation sur le pourquoi du comment les choses fonctionnaient ainsi maintenant. qu'il s'agissait sans aucun doute, selon ta sœur, du meilleur moyen pour tirer son coup.
tu t'es laissé prendre au jeu. t’intéressant cependant à une seule de tes conversations, sortant du lot par votre incapacité mutuelle à vous faire à ce genre d'application. t'as laissé passé une semaine, peut-être moins avant de lui proposé de lui payer un verre. ce qu'elle a accepté, sans la moindre hésitation -du moins tu présumes.
le jour-j on va dire que tu n'as pas fait d'efforts particuliers. t'as enfilé un t-shirt blanc, un jean, et t'es monté à vitesse grand v dans ton aston martin -un cadeau de ta mère. t'as roulé comme un détraqué, en retard comme à ton habitude. t'as garé ta caisse comme tu as pu, entre deux bagnoles trop abîmées. et t'as presque couru jusqu'au bar. t'as la gueule de travers quand tu aperçois l'endroit. un repère de bikers. tu pousses la porte, y'a que ta veste en cuir qui pourrait te donner la même allure que les types qui te toisent. tu cherches la femme du regard, tu ne tardes pas à la trouver. assise toute seule au bar, la seule touche de douceur au milieu des gros bras. tu t'avances, un grand sourire sur les lèvres. il faut trancher avec le décor pathétique. je vois que mon plan n'a pas marché, j'pensais que tu te serais enfuie rien qu'en voyant l'endroit. que tu lâches taquin, après avoir retiré ta veste tu t’assois sur le tabouret libre à côté d'elle. tes yeux bleus prennent enfin le temps de l'observer, de ses jambes jusqu'à ses yeux sombres, en passant par sa fossette. ravi, tu es ravi, les photos ne lui rendaient pas l'hommage qu'elle mériterait. mon retard devait te laissé le temps, mais visiblement je suis arrivé trop vite... non vraiment, je suis désolée joslyn, pour mon retard et pour ... tu regardes autour de vous, écartant tes bras. ça. un rire t'échappe, et tu arrêtes le barman en lui commandant deux verres de whisky. une femme dans ton genre doit aimer le whisky, non ? une femme ayant dépassé la trentaine n'a plus besoin de se la jouer midinette, c'est ce que tu t'es toujours dit.