(moon flower) [délai : 02/01]

01/ famille unie, famille brisée. un accident domestique, le genre qui marque, qui fissure la porcelaine parfaite et lisse. elles étaient quatre, à l'époque. leurs et elles, les deux têtes rousses, les yeux malicieux et les sourires enfantins. un portrait de famille parfait, pour une famille aisée et influente. beth était l'aînée. puis elle s'est étouffée. la pièce d'un jouet trop gros, qu'elle a avalé, qui est resté coincé dans sa gorge trop étroite. elle était bleue, ils disent. bleue, comme le ciel qu'elle a rejoint. elle ne s'en souvient pas, cece. elle n'avait que deux ans, la tête remplie de rêves cristallins. 02/ elle est partie, le regard lourd, vitreux. l'alcool coulait dans ses veines comme un poison. elle avait changé, sa mère, après beth. une part d'elle était morte, ce jour là. un bout de son âme, de son coeur. un trou béant que la cadette ne suffisait plus à combler. elle le voyait, cece. elle sentait l'alcool qui embaumait son haleine. ses gestes étaient maladroits, sa voix tremblaient. son père criait, parfois. il lui en voulait. et juste comme ça, un matin, elle s'est échappée par la porte, la chevelure rousse, flamboyante à travers les buildings de la ville. 03/ ils n'étaient plus que deux, maintenant. les photos de famille avaient disparu des murs, remplacés par de nouveaux souvenirs. il l'aime, son père. plus que tout, plus que n'importe qui. il l'enveloppe dans une étreinte moelleuse, pour la protéger, pour la chérir sans jamais la blesser. il l'aime pour deux, pour trois. il l'aime comme un père, comme une mère. son coeur bienveillant brille dans ses prunelles, et cece l'admire. sa force l'impressionne, et la forge, aussi. un modèle indélébile, qui gonfle sa poitrine avec fierté. 04/ ses prunelles scintillent, tâchées par les bouquets colorés. elle déambule, sans but, dans le jardin botanique. ses doigts caresses les pétales, son esprit s'émerveille. elle aime les fleurs, cece. l'appartement familial en était rempli. des roses, du lys, des pivoines. des fleurs plus rares ou plus communes. des bouquets, dans des vases en cristal, qu'elle préférait parfois aux humains. une passion qui l'anime depuis toute petite.  un jour, elle aura sa propre boutique, avec une devanture qui portera son nom. un jour, elle vivra de sa passion. 05/ elle est naïve, parfois, dans sa bienveillance. elle fait confiance, les yeux fermés à tous ceux qui lui sourient. son sourire l'avait ébloui. blanc, majestueux. il avait la carrure d'un athlète, la chevelure d'un acteur de télévision. et c'est sur elle qu'il avait jeté son dévolu. son premier amour, le vrai. celui qui faisait battre son palpitant plus fort, celui qui provoquait les papillons stupides au creux de son ventre. ethan, et ses yeux bleus. ethan, ethan, doux ethan. elle lui faisait confiance, cece. aveuglément. parce qu'elle l'aimait. mais il avait bu un verre de trop. cece l'avait cru quand il disait qu'il était capable de conduire, que la route était droite comme une ligne parfaite. sauf qu'elle ne l'était pas. c'était une courbe, avec des virages. et lui, il n'avait pas tourné assez vite. elle était attaché, mais pas lui. bon sang, pas lui. depuis, elle détourne le regard, quand on lui sourit. elle ferme les yeux, et n'accorde plus sa confiance. 06/ elle est solaire, cece. une force, qu'elle tient de son père. un optimisme parfois agaçant, qui lui permet d'avancer, de surmonter les épreuves que la vie met sur son chemin. mais elle lui manque, parfois. cette mère, dont le visage flou tatoue ses paupières. il paraît qu'elle lui ressemble, qu'elles partagent ces lèvres pulpeuses, cette chevelure de feu. elle voit la tristesse, parfois, dans les iris de son père. pourtant, malgré le vide qu'elle a laissé, cece n'a jamais voulu la retrouver. 07/ de la reconnaissance. c'est ce qu'elle se dit, que ce n'est que ça, que de la reconnaissance qui la pousse à vouloir garder contact avec lui. miles. milo. il lui a sauvé la vie. elle était stupide, imprudente. les petites pilules blanches avaient glissé le long de sa gorge, comme une poignée de bonbons. elle avait failli mourir, et tel un preux chevalier, il l'avait secouru. seulement de la reconnaissance. pourtant, il l'hypnotise, avec ses prunelles. il lui décroche des sourires. et elle lui fait confiance. tellement confiance. puis son palpitant, il tambourine un peu trop fort quand il est là. mais elle continue de se dire que ce n'est seulement que de la reconnaissance.