we wish you a happy banquet (LIBRE)

c'est horrible d'être le centre du monde lorsque vous êtes intimidé. mais ça l'est encore plus lorsqu'il est question d’involonté. moi, je pourrai faire partie de l'une de ces deux catégories si je n'aimais pas avoir tous ces regards braqués sur le rouge flamboyant et la grâce que je portai. seulement, je dois vous avouer rentrer dans la dernière case en cette soirée ; je hais que les inconnus analysent la personne, la gamine des edwards, la jeune femme que je suis devenue. ils prétendent par des messe-basses en connaître un rayon sur toi ; ils ont la fâcheuse tendance de te coller une étiquette qui n'est pas ton nom mais celui d'une autre. en l’occurrence, la mienne est souvent péjorative : p'tite peste du quartier d'bourge qu'on n'ose pas trop fréquenter, p'tite fille à son papa qui réclame des liasses d'billets comme elle réclamait des sucettes à la craie, p'tite catin qui élargit ses lèvres faussement pulpeuses pour attirer les guêpes. mais ce soir, je trouve que les invités font beaucoup preuve d'imagination.
mes talons dessinent sur le parquet un chemin à travers la foule, en même temps que j'attrape à la volée l'une de ces coupes de champagnes qu'mon «papounet» à payer une fortune pour satisfaire les mal-élevés. certains ducs & duchesses me saluent, affichant un rictus en coin – ils ont l'air de savoir que leur présence m'importe peu. d'autres encore tentent de sociabiliser : je réponds par un hochet de tête, peu intéressée par leur bla-bla du dimanche avant de vite avancer. mais on finit bientôt par à nouveau m'accoster. alors comment tu tiens ces événements? on se croirait plus dans hunger games qu'une réelle réception de noël., et dire que je comptais m'ennuyer. je fais volte-face avant que mon champs visuel n'oublie complètement cette voix masculine que je juge très audacieuse d'énoncer de telles paroles, pour tomber sur un visage qui pourrait bien m'être – très – familier. mon regard jusqu'ici impassible se pose sur cet homme d'une tête plus haute que moi, et bien évidemment – légèrement –  plus âgé. – on peut dire que ce n'est pas exactement ça, oui. mais de là à énoncer ce film dystopique, je n'en suis pas certaine. il ne représente pas à l'évidence assez bien cette fête aussi misérable et inutile, voir hypocrite qu'est-elle. et pour la première fois, le coin de mes lèvres esquisse un sourire amusé avant qu'elles ne viennent tremper l'alcool de mon verre à coupe. – quel est ton prénom ? autant le tutoyer. ton faciès me dit bien quelque chose. liam masson. je te gardais parfois. t'étais une enfant super drôle. mes joues finissent par se colorer elles-même avant que je ne me rends compte de l'image que je pouvais éventuellement renvoyer à mes vingt-et-un an – ne pensai-je pas il y a à peine quelques minutes, pouvoir me la jouer m'en foutiste sur les stéréotypes ?. dans mes lointains souvenirs, cet homme était un adolescent aux parents aussi riches que les miens – pas étonnant qu'il est réussi à faire du baby-sitting chez nous. ma mère l'appréciait plutôt bien, c'était le seul qui n'avait pas abandonné la p'tite crapule que j'étais – et que je suis toujours – ainsi que mes p'tits coups d'folie. je savais aussi qu'il avait un frère tout aussi indépendant que lui. est-ce qu'il est ici ? son père ne doit pas être loin. d'ailleurs, il n'a pas l'air d'être accompagné par une femme. j'avais entendu une rumeur à son sujet : il me semble qu'elle l'ait quitté ? tout est très vague, depuis ces temps-ci. – inutile que je me présente à mon tour, dans ce cas., je remarque très rapidement une odeur infâme qui exerçait aveuglement des spirales autour de mes narines. est-ce qu'il a – déjà – trop bu ? l'un de mes sourcils s’arque en même temps que j'incline la tête. – où est ta femme ? je crains que tu t'es un peu trop penché sur le champagne. je ne savais pas qu'il était aussi bon que ça. m'enfin bon comme on dit chez hunger games, puisse le sort vous être favorable. et ainsi, l'intelligence de mes mots déclencherait une humeur candide et presque maladroite chez ma dernière gorgée.   

noël est une fête à partager en famille, amis, et couple ; en général tout le monde aime être entouré de people adoré. et pourtant je ne me sens pas de la partie : je hais par dessus les cérémonies où l'on rend le principe commercial. et à en voir le visage ébloui, les rires, et sourires des invités, je doute fort qu'ils soient du même avis que moi. mais en ce début de soirée aussi ridicule était-elle, j'ai la certitude – pour une fois – de ne pas être seule. liam a l'air de partager l'oppression de tous ces louanges hypocrites que s'échangent les plus riches – peut-être que l'alcool y a contribué un peu.
mon visage faussement angélique pivote au même moment que son regard se pose sur l'un des fortunés. lui, par exemple, doit être ici pour élargir sa clientèle. je ne vais pas mentir : il y a de fortes chances pour qu'on assiste à une vente aux enchères. qui sera la famille parfaite ? qui obtiendra le plus de gains après ce banquet ? je vous en prie, placez vos billets pour payer votre mensonge en une vérité – et peut-être vous rachetez une personnalité humble.
– tu as raison, dis-je en reposant toute mon attention sur chaque gestes qu'il tentait d'effectuer en buvant sa coupe, encore une fois. je ne veux pas finir comme eux à se marcher dessus pour grimper en haut d'une pyramide qui ne vaudra même pas tout le boulot fourni pour avoir été le plus ridicule. nous arriverons seuls à construire notre propre monde, d'une manière plus intelligente. et cette fois-ci, nous ne jouerons pas les faux alcoolos du film, je glisse mes doigts sur le verre de son champagne pour lui saisir afin d'y déposer avec audace mes lèvres. je termine ma gorgée, avant de la lui rendre dans sa paume de main. mais bien les vrais. après tout l'indifférence a toujours été ma tasse de thé. comment voulez-vous que je continue d'arborer un air tout aussi sage qu'un nouveau-né si on m'entoure dès ma naissance d'oncles, tantes, cousin, cousines et parents profiteurs ? je peux vous dire que ça en fait un paquet à supporter pour une toute jeune edwards.
son ricanement me sort presque innocentement de mes pensées pour me forcer à à nouveau me concentrer sur ses paroles – l'champagne de papa qui commençait déjà à s'mêler au sang d'mes veines. désolé pour l'odeur. ma femme, enfin ma fiancée n'est pas là. elle a brûlé avec mon appartement. d'après les flics c'était un suicide. je suis restée durant un moment silencieuse, réfléchissant au sens – peut-être les métaphores camouflées – de ses phrases. pour finalement me contenter d'un simple – oh. je vois. que pouvais-je dire de plus ? d'autres se seraient sans doute déjà chargés de lui offrir comme cadeaux toutes leurs pitiés, pleures, et grimaces tristes. je préfère ne pas aller chercher une pelle pour creuser un peu plus loin une douleur du passé qui ne veut être déterrée – je suis d'humeur à faire des jeux de mots, je sais. excuse moi c'était un peu violent. j'essaie d'm'habituer à tout ça. mes parents parlent "d'accident" et ils ont le don de... j'ai comme l'impression que le premier point commun est d'avoir une mère et un père aussi barbants que ceux qu'on retrouve pixelisé dans un cartoon. loin d'ignorer l'annonce tragique qui venait de me faire, je décide de poursuivre sa phrase : – mentir, manipuler ? d'être énervants voir pénibles ? d'être déshumanisés de camoufler une fin tragique par un simple "accident" ? j'ai les mêmes, liam. et moi aussi, je trinque une nouvelle fois. – à une vie d'chien ! nos champagnes s'entrechoquent, annonçant le début d'une soirée déguisée qui risque de rapidement passer aux coups d'ivresse.