Locked out of heaven (Kenan & Shabh)

Le monde nous rend fous

Dernière commande. Dernière de la soirée. Histoire d'avoir assez de fric pour prendre une chambre d’hôtel minable et un sandwich premier prix. Une nuit. Rien qu'une seule dans un lit. Un vrai lit. Déjà une semaine que j'me trimbale un matelas dans les rues du queens. Le vent arrive. L'hiver avec. Ca m'glace le sang rien qu'd'y penser. Plus qu'une commande et je pourrais dormir.

Douche rapide prise chez le fournisseur. L'eau chaude me fait frissonner de plaisir. Puis le manège commence.
Passer dessus la barrière. Metro. Descendre. Changer. Metro. Marcher. Capuche un peu relevé. Et vérifier que les flics sont pas dans le coin. Manquerait plus qu'les chiens pour vérifier ma petite sacoche. Aller retour case prison, vous avez perdu la partie.
Quoi que là bas un repas chaud et un lit de fer m'attend.

Grand immeuble. Building expression du pouvoir et de la force. J'me sens déjà écrasé. C'est donc un trader en manque de coke ce soir. J'l'avais déjà deviné. Il est presque une heure. Les gens quittent le lieux, lèvent leur bras pour un taxi. Les mallettes s'entrechoc, tous rentrent embrasser leurs époux.ses, poser leur tête grasse sur leur oreiller douillet pour recommencer la routine encore et toujours. Une heure du matin. Il est à quelques étages. Vingt trois il me semble. Attendant sagement sa coke pour finir sa soirée de boulot. Un petit jeune à mon avis. J'rentre dans le building, la sécurité ne se peine pas à m'fouiller ni à vérifier qui je suis. Jeune femme à la tête d'un voyou raté. Inoffensive. J'prend l’ascenseur le plus éloigné d'l'entrée. Un homme attend devant. J'crois l'avoir déjà vu quelque part. j'sais plus trop où. Ding. Cinq descende et nous fonce dessus pour sortir précipitamment. Hâte de rentrer finir le bœuf bourguignon du soir et tirer un coup rapide. Il m'laisse passer, pas la force de le remercier. Et j'vois qu'il tâte devant lui pour rentrer, qu'il vérifie ses appuies. J'sais pas trop si j'dois l'aider. Il entre. Les portes se ferme. Vingt trois étages. Musique d’ascenseur.


Silence brusque. Noir complet. arrêt immédiat. voyant rouge qui clignote...

Et merde.

camo015

Le monde nous rend fous

Un tas de merde. La sensation de n’être plus rien qu’un chiffon qu’on place et déplace là où les gens le veulent, car toi tu ne sais pas où tu vas, tu ne sais plus rien. Lily qui bosse, Kelvin et Tara qui n’osent plus te parler. Ils se sentent coupable, mais t’es le seul con dans l’histoire, le seul à avoir choisi la facilité, tu l’avais caché, tu n’avais rien dit, rien. Même Lily, elle ne savait que quelques petites choses, rien d’autre. Elle savait que tu vendais de la drogue à l’université, mais maintenant t’as plus rien, tu n’es plus rien, voilà tout. Alors, que ça fait trois mois que tu es coincé dans cette prison d’obscurité, tu as décidé de demander un chauffeur à Honor. Un rendez-vous pour pouvoir parler de ce que tu dois faire pour être un bon nez. Elle ne t’a pas vu depuis que tu as perdu la vue, que tu es devenu un aveugle total, en une seconde top chrono ta vie avait changé. Tout ça pour un règlement de compte. Le karma. T’es pas le style à y croire, mais pour le coup, tu as envie de le faire.

T’es devant l’ascenseur, tu attends le bruit de la sonnette qui t’annoncera qu’il est là, espérant qu’il n’y est pas milles personne qui en sorte, car tu seras forcément bousculé de partout. Tu te sens mal à l’aise, t’as jamais été aussi mal à l’aise avec le fait d’être là planté devant une porte d’ascenseur, après avoir traversé ce grand couloir digne d’un accueil de ce type de building. T’as déjà mis les pieds dans le coin, avant, bien avant que ta mère ne tente de tuer les jumeaux vu que toi tu n’étais pas là, la victime de choix. C’était avant, maintenant c’est un nouveau maintenant. Du gosse de riche, jusqu’au petit battant, jusqu’à l’aveugle. Tu auras eu trois vie, jamais deux sans trois comme on dit. Alors, quoi tu espères une quatrième vie ? Pas vraiment. La sonnerie retentit, puis tu attends sentant des courants d’air te passer près de toi, puis tu hésites, un pas après un autre, c’est toujours complexe, toujours l’impression de marcher dans le vide, comme-si ce noir n’était qu’un vide qui te laisser une chance de ne pas tomber dans un gouffre impossible.

camo015

Le monde nous rend fous

J'vois plus rien. La seule petite lumière rouge qui clignote nous éclaire d'un flash. Rapidité épileptique. Ca commence à m'agacer. Ce silence. Cette lumière et cette angoisse montante. J'ai envie de cogner mon poing contre le voyant rouge et rester plonger dans le noir à attendre le néant. Mais il y en a un à côté de moi. Y'a un mec. Qui ne bouge pas. De ce que j'ai compris il ne voit pas alors qu'on soit plongé dans le noir ou non il devrait pas voir la différence.
Ce mec m’empêche de m’asseoir, fumer un pétard, prendre un peu de poudre de la commande quelques étages au dessus et d'attendre. Ce mec me pousse à agir en bon citoyen. Je râle.

On est bloqué. L’ascenseur déconne. J'sais pas c'quil s'passe.

J'lui balance en avançant vers la lumière rouge et tâtonner les boutons. Aucune réponse. Aucun bruit. Silence et nos deux respirations qui s’accélèrent lentement. Mécaniquement. J'repère maladroitement le bouton au dessous d'une cloche d'alarme. j'appuie. Rien. J'rappuie. Rien. PUTAIN DE MERDE. J'rappuire...rien.
J'mate le portable à dix balles qu'on m'a fournis. Pas d'reseau. Etonnant.
Fais chier !! Pas d'reseau. J'pense qu'on va attendre là un petit moment. J'déconne doucement. M'laisse tomber contre les murs étroits et fouille dans ma sacoche. Rien à foutre de ce mec. J'le reverrais surement jamais. J'commence à rouler. Petits morceaux parsemé, langue qui colle et joint en bouche prêt à être allumé. J'm'arrête. Le voyant rouge l'éclaire rapidement, j'le regarde. T'es pas flic rassure moi?
Manquerait plus qu'passer les prochaines heures avec ça.

camo015