et embrasse-moi encore, à nouveau (gabin)

01/ famille sans histoire, famille comme on en croise à la pelle dans les quartiers familiaux d'ottawa. quatre gosses, une paire de jumeaux dans le lot. c'est toi le premier-né de cette paire. et vous deux, avec elisa, vous êtes au milieu. une famille sans trop de vécu, pas de grandes histoires ou de grandes traditions qu'on découvre ou redécouvre à chaque repas du dimanche. un père canadien, une mère américaine, des enfants qui sont un peu des deux, qui maîtrisent un français venu des frontières québécoises et qui parlent un anglais tout à fait convenable. toi, t'as toujours eu un petit accent au bord des lèvres, sans que tu ne saches trop d'où il te vienne. peut-être bien de ces frontières francophones pas si lointaines que ça. tu as quitté ottawa avec le reste de ta famille peu de temps avant la naissance de son dernier membre, à new york.

02/ tu as toujours été extrêmement fusionnel avec elisa, ta sœur jumelle. plus qu'avec quiconque de ta famille. elle est ta sœur, ta moitié, un bout de ta vie. c'est tout. tu peux pas vivre sans elle. et malgré ça, malgré ce lien qui vous unit, vous êtes deux opposés. personne ne peut le nier. ta frangine, elle croit au surnaturel, elle pense que votre ancienne maison était hantée, habitée par des fantômes. t'as jamais été convaincu par tout ça, t'as jamais été de ceux qui croient à ces histoires. mais c'est pas grave. vous n'êtes pas deux exemplaires identiqus, mais vos âmes sont étroitement liées. pour preuve que vous habitez ensemble alors que vous avez tous les deux vingt-huit ans, que vous avez passer l'âge d'habiter ensembles. mais tu t'en sens pas capable, de t'éloigner un peu trop d'elisa. et quand vous ne partagiez pas le même appartement, quand tu étais en couple, et bien, il était impensable de passer une journée sans vous voir ou vous avoir au téléphone.

03/ ton adolescence n'a pas été la période la plus calme, ni la plus propice pour le développement de ta confiance en toi-même. ouai, compliqué, c'est un mot que tu aimes bien utiliser pour cette période de ta vie. trop compliquée, quand on y pense bien. ça a définitivement été une période ou avec elisa, vous avez du apprendre à être deux personnes distinctes, être deux êtres vivants en dehors de votre gémellité. et puis toi, t'as fais face à tout ces changement dans ta vie. corporels. puberté un peu merdique. attirance pour les autres garçons, pas pour les filles. ouai, t'as eu du mal à t'y faire totalement, tu voulais juste être un gamin normal à l'époque. peur de l'avouer à tes parents, au reste de ta fratrie. et tu as eu de la chance. ouai, que ça se passe bien, que tes parents préfèrent te voir heureux avec un homme que malheureux avec une femme. tu ne les remercieras jamais assez pour ça.

04/ mais ce qui a été compliqué, et violent, c'est sans aucune doute la période suivant ta puberté. la fin de ton adolescence. coming-out auprès de quelques amis, de quelques personnes de confiance. mais ça termine toujours par s'ébruiter, d'une manière ou d'une autre. entrée à l'université, la découverte de quelque chose de nouveau. tu aurais aimé que cette année se passe bien, comme pour la plupart des jeunes de ton âge. et pourtant, cette année, elle a été marquée par cette soirée ou t'as terminé par terre, crachant du sang et des hématomes un peu partout sur le corps, avec comme simple justification à cette agression, ton homosexualité. et ouai, après ça, t'avais plus envie de rien. plus envie de te battre, plus envie de vivre. c'est grâce à elisa que t'as finalement retrouvé le sourire, après des jours et des semaines à rester enfermé dans ta chambre. grâce à ta jumelle et à lui, aussi.

05/ c'était un mec sortit de nul part, qui est venu foutre un coup de pied au cul des deux mecs qui ont trouvés ça drôle d'en tabasser un troisième une fois la nuit tombée. pas arrivé assez tôt pour empêcher ton corps d'être marqué pour des semaines, mais arrivé assez tôt pour les empêcher de commettre un truc vraiment irréparable. et son nom, t'as pas réussis à l'avoir de suite. c'est seulement quand il a réussi à te retrouver grâce aux réseaux sociaux et quand il t'a envoyé un message que t'as su son prénom. que t'as eue envie de le rencontrer, de le remercier, aussi. ça aurait pu être pire sans son intervention. et tu pensais pas pouvoir t'attacher autant à quelqu'un. tu pensais pas que t'allais tomber amoureux, tout simplement. histoire qui a duré quelques années, avant qu'il ne doive quitter la ville. t'as été compréhensif. mais tu peux pas nier qu'encore aujourd'hui, il te manque. beaucoup trop.