All endings are also beginnings. We just don’t know it at the time. B & T
- Je sais, répliqua-t-il lorsqu’elle lui fit la remarque sur l’aspirante vestale qui le dévorait du regard depuis qu’il s’était installé là. Personne n’aurait pu être dupe, ses yeux communiquaient une chaleur qui avaient aussitôt embrasé sa nuque à l’instant où ils s’étaient perdus sur lui ; il ricana et porta son nouveau verre à ses lèvres, c’était un jeu. Tout n’était qu’un fatras informe de règles et de mises ; les cartes entre ses mains révélaient tant de zones d’ombre, tant de risques. Audacieux, il était prêt à tous les prendre au collet, ces maudits risques. Bonnie Weaver, aussi. - Je ne suis sorti qu’avec ce genre de femme : parfaite en apparence, gageant pleins de névroses, j’ai déjà donné. Le visage d’Athenais se superposa furtivement à celui de Bonnie, au même instant, son coeur rata quelques battements, les chevaux qui y cavalaient hennirent et il crut son noble organe au bord de l’expulsion. - Je préfère les femmes qui savent s’entourer de mystères. Il se revit dans un club, à fixer d’un regard intense la piste de danse, surtout la belle plante qui s’y déhanchait, un arc en ciel émis par des néons réverbérant ses plus belles couleurs sur elle ; divine apparition. Pendant quelques instants, trop vifs, il s’était cru à genoux dans une cathédrale. Mais, l’image fut vite chassée par les doux traits de Bonnie. Ses lèvres pleines , exquises et ses yeux mandorles, son grain de peau velouté. Il aurait voulu voyager, avec elle, en elle. C’était une de ces invitations silencieuses, que seuls les plus foutus percevaient. Et, à ne pas douter, Taj Stein était perdu. - Elle n’a absolument rien de plus que toi, fit-il, désignant la nana d’un léger mouvement de tête, ne se départant aucunement de son sourire, des vérités qu’il semblait souligner. Sourire était alcoolisé mais, ses paroles, pas encore. Pas, encore. Alors, tout ce qui sortait de la bouche du jeune homme aurait pu être pris pour argent comptant. A bien des égards, tu es plus intéressante. Elle en révèle trop, par sa posture, par son accoutrement. Par son attitude. A la longue, n’importe quel mec se rêverait plutôt aux côtés d’une femme comme toi. Femme, pas fille. Elle n’avait rien d’une fille, dans sa manière de le fixer, de se tenir lèvres pendues dans sa direction. Putain de pacte à la con. - Tu peux chercher les caméras, tu n’en trouveras aucune. Il l’imita et se mit à parcourir des billes les environs ; l’endroit était fréquenté par l’élite intellectuelle, il grouillait de conversations et d’opportunités. N’importe qui aurait pu le remarquer, Bonnie Weaver pouvait. Des opportunités, avec des bras, des mains, des jambes, des lèvres. Il ne fallait pas plus pour obtenir quelque chose. Fabriquer. Apprecier. - On n’a qu’à commencer par la première leçon – il lui jeta une œillade amusée- : Oser. Choisis n’importe qui dans l’assistance et aborde le C’était facile à dire, pour quelqu’un qui n’avait plus rien à craindre, qui avait fait ses preuves dans un domaine aussi aléatoire. Draguer, les parades. Fatigants. Il y avait quelque chose dans leurs interactions, évocatrice des légendes grecques. Il était Pygmalion face à sa Galatée. Sans amour. Un semblant d'intérêt, peut-être. Un soupçon de ras le bol. Beaucoup de solitude. De regrets. D'amertume. D'incertitudes. - C'est moins difficile que ça en a l'air - peut-être que c'était encore plus difficile que ça en avait l'air, au contraire. Surtout pour celle qui s'était livrée, dans un calepin, comme l'aurait fait une gamine. Qui faisait encore cela, à l'ère du blog ? Qui? Des Bonnie Weaver. - Ou peut-être qu'il serait plus judicieux de procéder par étapes. Comme s'il avait quoi que ce soit à lui apprendre, lui, celui qui en amour se comportait comme un salopard. Lui qui professionnellement s'enlisait. S'ennuyait ferme. Qui se retrouvait, à vingt et une heure, à boire, en compagnie d'une totale inconnue, en lui déblatérant des conneries - pour se donner quoi ? Un genre ? De l'importance ? C'était assez pathétique. Putain de drama queen. - Je ne vais pas pouvoir traîner longtemps, le tournage commence aux aurores- constata-t-il, jetant un œil à la montre qui ornait son poignet. Il avait soigné son entrée, il comptait en faire de même avec sa sortie. Comme, justement, sortie de nulle part cette envie de couper court. De laisser les éventualités en suspens. De se donner une chance.
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Je ne savais pas à quoi il jouait. Il me perdait. A chaque fois que je croyais avoir compris quelque chose, il me prouvait le contraire. C’était quoi son problème ? Ou mon problème en l’occurrence. J’étais gênée de son regard insistant, à elle, à cette fille derrière Taj. Elle le dévorait tellement du regard que ça en était presque déstabilisant.. Embarrassant. Elle devait me détester, m’insulter dans sa tête, me critiquer, me rabaisser. Du style « cette pauvre gamine, elle fout quoi avec un pareil homme ? » Bah elle aurait raison de se demander ça... J’me le demandais déjà à moi-même. Je me sentais de trop, pas à ma place, j’me trouvais ridicule même. Pourtant il ne m’avait pas forcé et j’étais là. A siroter mon cocktail qui était quasiment vide désormais... Je le buvais trop rapidement jusqu’à le poser d’un geste nonchalant sur le comptoir. Je voyais un peu flou, j’avais chaud. Mais c’était... Agréable. J’me sentais plus joyeuse et je pensais pas autant qu’au début. Je souriais gaiment en dévorant presque Taj du regard, presque de façon aussi malsaine que la fille de derrière. Je devais être ridicule au possible avec ce sourire, mon visage un peu gonflé ou rougi. Enfin, si on pouvait distinguer cette couleur sur mes joues rebondies. Sauf que ses propos redevinrent vite sérieux. Je soufflais... Comment mon frère pouvait me prendre au sérieux si je me comportais comme une gamine de 14 ans ? Par rapport à Taj, il y avait un monde aussi. Il avait de l’expérience, du vécu, un passé... Moi mon étape la plus dure dans ma vie avait été de rentrer le soir dans mon quartier qui craignait. Mes parents comme mon frère m’avaient toujours surprotégé. Il commença à me décrire ses exs, mes yeux étaient plantés dans les siens, j’appuyais ma tête sur ma main, qui elle tenait tant bien que mal grâce à mon coude tremblant sur le comptoir et je le regardais, sans bouger, sans dire quoique ce soit. J’analysais son verre encore rempli, ses mains encore qui m’envoûtaient, son regard azur profond, son parfum qui m’enivrait aussi jusqu’à qu’ils disent que les femmes qui l’attiraient le plus étaient les « mystérieuses ». Ah bah là c’était raté... Il connaissait toute ma vie.
- Avec moi c’est raté non ? Tu me connais mieux que mon frère grâce au carnet que tu n’as pu t’empêcher de feuilleter.
Je le voyais perdu, lui aussi. Il n’avait pas répondu à ma question. Il avait des questions à son égard me disait-il et il n’en avait posé aucune. Il voulait tout savoir sur moi mais sans rien dévoiler. C’était ça le jeu dont il me parlait ? Tout savoir à mon égard mais moi je devais me taire et ne rien demander en retour ? Je fronçais les sourcils, il me perdait ouais... Il était... Bizarre. S’il voulait juste coucher avec moi, pourquoi ne pas me faire boire davantage et abuser de moi dans les toilettes ? Après tous les garçons étaient connus pour ça, non ? Tous des mecs faciles qui couchent en voyant un millimètre de peau ? Je soufflais, je m’épuisais. Je m’apprêtais à relever mon bras pour redemander un autre cocktail mais ses mots m’interrompirent une nouvelle fois.
- Dis pas n’importe quoi. Elle, elle rentre en boîte facilement, moi j’ai pas son corps ou sa dégaine.
Mais la suite me fit tomber de haut, de très haut. « N’importe quel mec se rêverait plutôt aux côtés d’une femme comme toi. » Que voulait-il dire par là ? Surtout le terme « femme » employé. Jax ne m’avait jamais désigné ainsi. Gênée, je baissais les yeux. Je ne savais pas quoi répondre à ses mots. Etait-ce une autre avance pour accomplir la « to do list » ou était-il sincère ?
- Je... Euh... Merci. Mais comme tu as pu le voir sur mon carnet, je ne suis pas très intéressante. Assez ennuyeuse même. Je connais rien. Qui voudrait rester avec moi me découvrir alors que ma culture s’arrête aux livres universitaires et au web ? Je ne suis même jamais partie en vacance entre « amis ». Je n’ai même pas assez d’amis pour faire ça. Je ne suis pas comme mon frère. Lui il est comme toi... Cool... Sexy, populaire.
Etait-ce ma manière de le complimenter en passant par le biais de mon frère ? Sans doute. Maladroit, mais le compliment était là. L’alcool devait un peu parler à ma place sans doute. Je devais être juste un peu « pompette ». Je me redressais, je frottais mon visage en suivant le regard de Taj. Il fixait la salle toute entière, en évoquant les stupides caméras que je cherchais depuis bien trop de temps sans relâche. Mais la suite, alors là, non, je ne m’y étais pas attendue. Une leçon ? Je clignais à plusieurs reprises en ayant du mal à comprendre ses dires. Oser aborder un inconnu ? Mais LUI était l’inconnu. Je ne comprenais pas. Alors sans gêne, je le regardais lui, je le fixais. Je me fichais pas mal des autres. Je n’étais pas venue ici avec un inconnu pour repartir avec un autre inconnu et ainsi de suite.
- Je l’ai trouvé.
Me contentais-je de dire en le fixant. Mais je devais faire quoi désormais ? L’inviter à boire un verre ? Mais il buvait déjà. C’était stupide. Il parla enfin d’y aller par étape plutôt, je préférais. Même si j’ignorais c’était quoi par étape.
- Étape 1, lui offrir un verre, d’accord.
Comme il avait fait avec moi.
- Le même pour Taj s’il vous plaît et un autre cocktail pour moi.
J’avais à peine attendu son dernier phrasé. Partir ? Déjà ? Je ne comprenais pas. Il voulait coucher avec moi ou juste m’amener à l’autre bout de la ville pour que je reste sans défense ?
- Je croyais que tu étais du genre rebelle et un peu monsieur s’en fout de tout... Tu veux aller au lit avant 22h pour être près à 6h du matin ? Tu devais pas me montrer l’exemple ? Là t’agis comme si c’était moi. Je sais que tu n’as plus 20 ans, mais quand même.
Non je ne savais pas son âge. 30 ans ? 25 ans ? Plus ? Moins ? Le barman nous servit rapidement nos boissons alors qu’il n’avait même pas fini son premier verre encore.
- C’est quoi la deuxième étape après avoir offert un verre à notre cible ?
Je souriais, je le fixais, je me taisais, j’attendais d’apprendre.
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Ses attaques étaient frontales. Un seul coup de coude de son meilleur pote, dans l’estomac, avait suffi à allumer les propulseurs. Il s’était lancé des « fuck tous ces mecs de merde », « aucun ne m’arrive à la cheville », « elle mérite mieux », « elle me mérite moi ». Et c’est avec présomption qu’il s’était avancé vers son ex, un énorme sourire aux lèvres ; avec ce même sourire qu’il lui avait déblatéré des paroles incensées, avec la conviction du fou. - Laisse tomber tous ces gars, ça y est, je suis là maintenant. Et c’était cette exacte phrase qui s’était rappellée à lui, à l’instant où ses yeux avaient parcouru les écrits de la mulatresse. ((Laisse tomber tous ces gars, Bonnie Weaver)).
***
- Je te demande de choisir n’importe qui et , toi, tu décides de m’offrir un verre ? - répliqua-t-il, halluciné : elle avait des tripes, cette Bonnie. Derrière ses airs, elle avait également une attitude. Profondément différente de celle de l’aspirante kardashian qui insistait toujours depuis sa table, à siroter son cocktail à l’aide d’une paille qu’elle semblait prendre pour une bite. Fut un temps où toute cette attention aurait pu lui faire monter le rouge aux oreilles, on avait bien du mal à croire que le loup n’avait quelques années auparavant absolument aucun croc d’envergure. Mais, depuis, il s’était fait les dents, sur la moitié des individus de sexe féminin de la ville. Il dévorait ses proies en commençant par le coeur, pas le prédateur « basique » que l’on aurait pu attendre, non, Taj trouvait toujours un moyen de se distinguer, sans faire de boucan, en se réappropriant le magnétisme d’une pièce pour que tous les flux pointent dans sa direction : hello. - Tu espères me saouler pour me mettre dans ton lit ? Il allait conduire une moto et il avait une jeune femme à raccompagner. Cette notion lui avait échappé, et il s’en était souvenu au second verre. Puis, il avait caressé l’idée d’envoyer bouler toutes les raisons qui le poussaient à vouloir se comporter avec plus de considération, moins d’inconscience, avec maturiré. Le patron de ce bar allait prendre soin de sa bécane, il reviendrait la récupérer un jour – c’était moins contraignant d’être friqué, il avait une alternative (son coupé cabriolet). Il ricana, il avait vingt cinq ans. Et des responsabilités. La gamine étudiait encore, le pire qu’il aurait pu lui arriver était de rater un de ses cours, alors, leurs situations étaient-elles comparables ? Les risques étaient-ils les mêmes ? Avec le temps, il avait appris à donner raison à la vieille expression : chaque chose a son temps. L’alcool avait son temps. Le sexe avait son temps (tous les jours, plusieurs fois de préférence) Les nuits blanches, aussi. L’ambiguité chez lui résidait dans le duel constant entre ses désirs et ses obligations. La frontière entre les deux était si fine. - La deuxième étape consiste à s’introduire. J’adore cette expression parce qu’elle laisse sous entendre que tu vas au-delà des simples « « présentations » » mais que tu t’imisces quelque part, t’sais pas où : l’esprit, le coeur. Quelque part. Tu t’introduis et tu deviens une entité, une pensée, une envie. Et c’est tout, t’attends d’être cueilli.e ((- Laisse tomber tous ces gars, ça y est, je suis là maintenant.. Taj Stein, future Madame Stein, je présume ? Il détestait le son qui passait à ce moment là mais il ne pouvait désormais plus se souvenir de leur rencontre sans l’associer au titre le plus pourri qu’un DJ français avait un jour mixé.)) - Mais, c’est pas sur moi que tu devrais t’entrainer. Et, si ça doit se passer, ça ne se passera pas aujourd’hui. Je bosse demain et question taff y’a pas plus sérieux que moi. Il fallait bien qu’un domaine ne soit pas lesé par sa délétère personnalité. Au moins un point d’accord avec tous ceux qui avaient le malheur de le connaître. Il se saisit de son téléphone cellulaire et s’éloigna en direction de son ami, afin de le saluer. Laissant la jeune femme seule. Lorsqu’il revint, quelques minutes s’étaient écoulées. - Un uber nous attend dehors. Ma moto ne risque rien, tout est réglé. Il lui désigna d'un mouvement de tête le véhicule visible à travers la vitre du bar, un sourire en coin de lèvres. Ce sourire.
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Il semblait étonné de ma démarche, il s’attendait à quoi exactement ? Que je le quitte pour aller vers un autre homme dans l’assemblée (le bar) et que je reste seule ici sans savoir comment revenir chez moi ? Non, je me mentais à moi-même. Ce n’était pas ça la véritable raison. Je l’avais choisi malgré moi, lui, Taj. Mon carnet l’avait choisi, il n’était pas obligé de me le rendre. Ca pouvait avoir un côté dangereux, pervers, mais l’alcool parlait à ma place. J’étais « pompette » et j’en oubliais mes craintes et mes complexes au fil des gorgées.
- Comme quoi je n’écoute pas toujours quand on me donne des ordres, c’est mal Monsieur ?
Gloussais-je comme une imbécile avant de m’emparer de cette paille que je ne cessais de mordre. Je ne savais même pas pourquoi, ça n’avait rien de pratique, l’alcool avait du mal à passer à force d’aplatir l’embout de cette dernière. Sauf qu’à la réplique de mon hôte je manquais de m’étouffer tant ses dires étaient ironiques.
- C’est toi qui veux prendre ma virginité je te signale et c’toi qui m’a fait venir ici donc techniquement, on pourrait presque croire que tu m’as fait venir ici pour boire et après abuser de mon pauvre petit corps dans un quartier sombre de Brooklyn, loin de la maison et de mon frère. C’bien calculé.
Je me mis à rire. C’était ça donc l’effet de l’alcool sur le corps humain ? La connerie ? L’innocence ? Le franc parlé ? Non, la connerie tout court suffisait à expliquer mes propos. Alors quand ma main vint donner un coup dans son épaule, inconsciemment mes doigts restèrent sur son bras pour glisser jusqu’à son avant-bras. J’avais l’impression de caresser une espèce terrestre encore méconnue pour la misérable aventurière que j’étais. Je n’avais jamais vu d’homme nu, et le seul que je « touchais » et m’enlaçait était mon frère. Mais là aussi, il y avait proscription, car « c’était mon frère » et l’inceste en 2018 c’était mal vu. Non, c’était mal Bonnie, très mal. Pas bien. Ou pas?
Pendant quelques secondes ma main resta sur son avant-bras jusqu’à que mon cerveau imprime l’information. Gênée je la retirais aussitôt, presque sous la forme d’un « dégoût » alors que ce maigre contact m’avait plu, j’en voulais plus. Comme tout à l’heure sur la moto, où je pouvais humer son parfum au gré du vent... Non. Je secouais ma tête en revenant boire mon cocktail. Je devais arrêter de penser ça, je ne voulais pas lui donner raison et mes mots et mes gestes étaient tout le contraire de mes pensées. L’alcool aussi ? La connerie ? L’alcoolerie ? Ouais. Un mixte des deux.
Cet énième verre partit rapidement sous mes yeux, sous nos yeux. Ma vision était un peu troublée mais je me sentais bien, j’étais... Heureuse, le sourire aux lèvres. J’avais envie de rire pour un rien et de me rapprocher de lui.* Cet homme inconnu, peut-être dangereux. Le genre d’homme qui devait enchaîner les conquêtes, ne sortant qu’avec des pom-pom girls populaires avec des jambes mesurant deux mètres, oui, il l’avait avoué tout à l’heure. C’était un jeu pour lui, ça se voyait, ça se sentait. Il s’ennuyait, j’étais sa nouvelle occupation et j’aimais ça. C’était quoi mon problème ? Si des féministes étaient dans mon cerveau, elles me tueraient une à une tant ces pensées refoulées étaient horriblement ridicules.
- C’est comme ça que tu as eu toutes tes copines ou plan cul ? En étant une entité ? C’est pas mal comme tactique, ça marche bien donc ?
Oui ça marchait. Il le savait très bien. Je ne serais pas là si ça ne marchait pas. Il avait trouvé mon point faible et en abusait. Sauf qu’il semblait être vraiment sérieux lorsqu’il parlait de partir, du moins, à en juger ses dernières paroles. Il travaillait, c’était fini. Mais que voulait-il dire par « si un jour ça devait arriver, ça n’arriverait pas ici », était-ce une affirmation cachée ? Etait-il aussi sûr de m’avoir ou alors mon corps parlait trop pour moi ? Oui... Sans m’en rendre compte, je m’étais entièrement retournée sur mon haut tabouret pour que ma poitrine pointe vers lui, que mes genoux frôlent son corps et mes yeux devaient horriblement me trahir et me jouer des tours. Je le laissais alors partir, je ne sais où... Il avait un coup de téléphone à donner. Je me ressaisissais, j’avalais ma salive et je finissais mon cocktail encore plus rapidement que les verres précédents. Je ne comptais pas rester seule ici, je voulais juste retrouver mon lit et oublier cet étrange passage de ma vie. Ou peut-être était-ce un rêve depuis le début ? Je me mis à rire seule, le serveur me regardait d’un drôle d’oeil avant de débarrasser tous les verres sur le comptoir.
J’avais perdu Taj de vu, j’avais vraiment peur qu’il me laisse ici comme une mal propre. Tremblante et la vision un peu égarée, je pris mon téléphone. Mon frère m’avait écrit dix messages et m’avait appelé deux fois. Il ne comprenait pas pourquoi je le laissais à la dernière minute, et que je me tuais « pour un stage » trop mal rémunéré pour le boulot fait. J’avais commencé à écrire mais le T9 avait décidé de n’en faire qu’à sa tête alors pour ma sûreté, j’oubliais rapidement cette idée de lui « répondre ».
- Hein ?
Je n’avais pas vu Taj revenir, j’avais surtout entendu sa voix grave raisonner au creux de mes oreilles.
- Un Uber ? Ca doit coûter cher à cette heure-ci non ? Je n’aurais pas l’argent sur moi pour te rembourser la course, ça doit être tarif double vu la forte demande.
Je descendais du tabouret et je perdis un peu l’équilibre en me rattrapant au t-shirt de Taj avant de rire de ma maladresse. Pompette oui, mais mes jambes me lâchaient. C’était assez drôle comme effet à vrai dire.
- Je veux pas que tu aies mon adresse, tu risquerais de venir me violer puis me tuer. C’est pas cool. Au revoir Monsieur !
Disais-je d’un large sourire au barman avant de prendre la direction de la sortie. Il faisait nuit désormais, il faisait frais et il y avait du vent. Ca faisait du bien, je commençais à avoir chaud à l’intérieur. Je me mis au niveau du parking sans réellement attendre Taj. Je savais qu’il allait me suivre dans tous les cas.
- Il est où ton Uber ? Y’a trop de voitures.
Ou alors il devait arriver dans « deux minutes » mais connaissant les Uber, « deux minutes » pouvait rimer avec dix minutes. Je laissais le vent jouer avec mes mèches rebelles, mes mèches bouclées, mes mèches qui devaient un peu sentir l’alcool vu l’alcool environnant de ce bar.
- Mon frère va clairement me défoncer quand il va voir mon état. Il a le flair pour sentir la moindre goutte d’alcool émergeant des corps des gens. Ou alors tu vas m’emmener chez toi ? Ca pourrait être cliché un peu, non ? Genre Monsieur qui fait boire la brebis en détresse pour ensuite devenir son « héros » ?
Je levais les yeux au ciel, je voulais qu’il le devienne mais non, fierté, je ne voulais pas... je voulais ? Je ne voulais pas ? Je ne savais plus. Puis là, sans trop savoir pourquoi je me rapprochais de lui et j’appuyais ma tête contre son épaule, comme s’il était le poteau qui me maintenait un chouilla en équilibre.
- Au moins t’es confortable. Effrayant mais confortable.
Affreusement horriblement confortable à souhait, oui.
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En quelques verres, l’ingénue était déjà torchée. Elle s’était agrippée à son t-shirt, en menaçant l’intégrité et, il n’avait rien trouvé de mieux que de se laisser faire ; pantin sous la pogne de celle qui n’avait pas l’air de se faire une idée propre de ce qu’elle était en train de faire, de ses effets sur ce corps qui n’avait pas vu un vagin depuis quelques semaines. Il attrapa son coude, y fit pression suffisamment pour qu’elle n’aille pas flirter avec le sol crade et saluer les colonies bactériennes qui y pullulaient sans que la moindre serpillière n’ait eu l’intention d’en décimer la suffisance. Un mouvement de tête au propriétaire, l’accord fut scellé d’une oeillade silencieuse et les deux nouvelles accointances se mirent en branle. Elle quitta son étreinte, d’un pas mal assuré, se fraya un chemin jusqu’à ce qu’elle atteigne l’asphalte, que les discrètes conversations laissent place au bruit infernal mélange de coups de klaxons, de freinages in extremis et beuglantes d’ivrognes. Cette partie de la ville n’était, à bien y réfléchir, pas la St Jacques de Compostelle des filles dans son genre. Parce qu’elle avait beau vouloir se planquer dans la masse, préférant ne pas se faire remarquer, Bonnie avait ce truc un peu sauvage qui la mettait beaucoup trop en perspective. Il cligna paresseusement des paupières et se décida à la rejoindre. Faisant signe au conducteur qui avait répondu à sa demande de s’avancer vers eux. - T’enmener chez moi ? Pour que tu découches et que ton frère ,qui vu ce que tu m’en as dit aurait pu à l’époque bosser pour la Gestapo, se fasse un sang d’encre et finisse par rameuter tous les agences gouvernementales ? Même pas en rêve. Il arqua un sourcil, désinhibée comme ça, elle possédait les principales caractéristiques d’une peinture d’art contemporain, des couleurs vives, des coups de pinceaux qui donnaient clairement une texture plus énergique au canevas sur lequel il avait posé les yeux quelques heures auparavant. La magie des cocktails ingurgités s’était chargée de décaper les couches de retenue, dans ses prunelles ambrées s’ouvrait l’éventail des possibles et, Taj, dont la conscience de ses organes fut de plus en plus accrue, se demanda si l’idée lancée par la jeune femme n’était pas si mauvaise – lui aussi, soumis à une magie d’un autre genre. Un genre que l’on taisait, qui choquait, s’apparentait à un bruit de couloir. Le loup faillit découvrir ses crocs. - Ce serait trop simple, tu sais. Il avança son visage, si près du sien, pourtant loin de suggérer que la moindre distance ne soit rompue par une pulsion. Puis, à nouveau, il se saisit de son coude, sa main glissa vers son poignet et vite, avec une délicatesse qu’il avait presque renié chez lui, il aida la mulâtresse à pénétrer dans l’habitacle de la Prius qui attendait. Il salua le chauffeur, qui lui tendit une bouteille d’eau et il l’en remercia, non sans se montrer particulièrement avare en palabres. Un regard suffit à exprimer sa gratitude. Il ouvrit le bouchon et entreprit de faire boire la jeune femme. Il fallait qu’elle s’hydrate, son foie peu habitué allait certainement lui en faire voire de toutes les couleurs. Tout à coup, il ne parut plus si amusé, plus si sûr de ce qu’ils venaient de faire. Qu’est-ce qu’elle avait dit, déjà, à propos de son frère ? Qu’il allait la défoncer ? Qu’on soit clairs, ça n’était clairement pas le genre de Stein d’en avoir quoi que ce soit à cogner des frangins des unes et des autres – mais, tout ça, ça n’avait absolument rien d’habituel. Bonnie n’avait absolument rien d’habituel. - Tu as bien une amie qui accepterait de t’accueillir chez elle pour la nuit, non ? - il songea à s’emparer du téléphone de la belle mais il se souvint qu’il était fort probable qu’elle en ait verrouillé l’accès à l’aide d’un code. Et, cette dernière était bien trop futée pour qu’il soit à quatre zéros. Il murmura un « Queens » au chauffeur qui accepta la requête, non sans écarquiller les yeux. Taj allait bien réussir à obtenir l’adresse de la jeune femme, dans les minutes qui suivraient. - Je te préviens, il est hors de questions que tu viennes chez moi ; si ton frère serait capable de te défoncer pour quelques verres d’alcool, je n’imagine même pas ce qui risquerait de te tomber sur le coin de la gueule si tu ne rentrais pas de la nuit. Il la fixa alors, d’un air grave, le temps qu’elle se décide. Il était assez doué pour avoir le dernier mot.
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Avec le recul je le trouvais drôle, je commençais même à l’apprécier. L’alcool et ses merveilles sans doute. Je laissais le vent caresser mon visage, jouer avec mes cheveux ondulés et détachés. Ca faisait du bien... D’oublier. Tout me semblait à des années lumières de la réalité, juste la présence de cet homme appelait « Taj », cet endroit qui m’était encore inconnu, cette heure aussi tardive, enfin il y avait pire... Mais pour moi c’était tard, ce n’était pas dans mes habitudes. J’inspirais et expirais grandement en revenant vers lui, ma tête posée lourdement sur son épaule. A croire qu’après cette légère crise d’euphorie me voilà prête à tomber dans les bras de Morphée.
- Hey beau gosse, keep cool... C’est toi le psychopathe dans l’histoire, pas moi je te signale. Je ne me suis jamais invitée chez toi, c’est toi qui veux absolument connaître où je vis pour peut-être me tuer dans la nuit quand je serais bien endormie. J’aurais trèèèès bien pu rentrer à pied ou en métro.
Mensonge, baliverne, connerie. Je ne savais pas où j’étais alors connaître le métro le plus proche ça pourrait prendre mille ans et revenir jusqu’à chez moi ça prendrait tout autant de temps. Puis le métro new-yorkais seule à une telle heure et un peu pompette... Non merci. Je me redressais, j’arrêtais de m’agripper à lui malgré ma lourde tête. Je regardais l’horizon jusqu’à voir cette Prius arriver. Mes yeux se faisaient petits, j’étais épuisée mais pas spécialement à cause de l’alcool, épuisée de moi tout simplement. Si j’avais été plus cool, j’aurais pu profiter de Taj, coucher avec lui et en finir avec tout ça. Après tout, je comprenais son manège, il m’avait lancé un beau discours pour entrer dans mon esprit et encrer son passage dans ma vie à tout jamais... Et ça avait marché. Il était très doué. Pourquoi m’avait-il amené ici pour boire si c’était juste pour me ramener chez moi sans rien avoir en retour ? Non, c’était fini Bonnie la naïve, celle qui croyait au prince charmant et aux choses merveilleuses.
Mes yeux se perdirent sur cette voiture noire sombre mais quand je tournais ma tête vers Taj, ce dernier avait avancé dangereusement sa tête vers moi. Personne n’avait été aussi proche de ma personne... A part mon frère. Mon coeur manqua un battement et quand il attrapa mon coude pour venir caresser mon avant-bras jusqu’à mon poignet, je n’osais même pas me rebeller. Je le laissais faire. C’était rassurant comme contact mais tout aussi effrayant. Clairement, explicitement, je montais dans une voiture avec un inconnu après avoir bu tout en ayant parlé de « faire la chose » avec ce dernier. N'était-ce pas une situation qu'on osait qualifier "d'ambigue" ? Je tanguais un peu mais je réussissais à rester droite, je n’étais pas bourrée, juste un peu pompette. Je montais en première dans la voiture avant d’aller au siège de gauche pour le laisser monter par la suite. J’eus comme un instant de blanc à cet instant, je regardais le chauffeur, puis Taj. Deux inconnus. Qu’avaient-ils de si différents au fond ? Je ne les connaissais pas. Je savais juste le nom de Taj... En soit. Par la suite, mes yeux restèrent figés sur la vitre tandis que le chauffeur démarra pour sortir du parking mais Taj me fit comprendre qu’il fallait que je boive de l’eau. Pourquoi me faire boire de l’eau désormais ? Il voulait presque m’ouvrir la bouche pour me forcer à boire cette bouteille, mais je pris vite les devants. Je ne voulais pas être assistée, pas cette pauvre malheureuse qui ne résistait pas à l’alcool, même si là... C’était le cas.
- Ca va aller... Merci Taj.
Je pris une longue gorgée... Puis deux. Je mourrais de soif, ma bouche était sèche. Alors en un trait je bus presque l’entiereté de la bouteille. Presque. Il devait rester le quart de celle-ci. Putain que ça faisait du bien. Je séchais ma bouche d’un bref coup de manche mais Taj recommençait à parler de mon frère ou à bien se demander où je vivais, qui pouvait m’héberger etc. Je le laissais parler dans le vide tandis qu’il indiquait le « Queens » au chauffeur en attendant « mon adresse ».
- Arrête d’insinuer que je veux aller chez toi, j’ai jamais rien dit de la sorte et arrête de me parler de mon frère comme si j’étais une brebis galeuse. C’est bon, il va rien te faire mon frère. Tu m’as baisé ? Non. Tu m’as embrassé ? Non. Donc t’es safe.
J'étais devenue crue, trop sans doute. Je ne parlais jamais ainsi habituellement. JAMAIS. Il me regardait d’un air assez grave, voire même inquiet. S’inquiétait-il pour moi ou pour lui ? J’avais du mal à faire la différence vu mon état.
- C’est quoi la troisième étape désormais que tu as la fille dans le taxi ? La sauver du grand méchant loup aka son frère aîné un chouilla protecteur et possessif ?
J’arquais un sourcil. Il était mignon. Il me faisait même rire, un peu. Je finissais le reste de la bouteille avant de garder ce bout de plastique contre mon ventre le temps du trajet.
- Queens effervescent... Laissez-moi en face du supermarché.
J’habitais à trois rues du super marché du quartier. Depuis le début de cette soirée, je disais de façon assez récurrente que Taj « voulait me tuer » mais c'était une idée à prendre en considération. Alors oui le fait de me déposer aux pieds de mon immeuble m’effrayait pour plusieurs raisons : que mon frère nous aperçoive ou bien alors que Taj débarque à ce même endroit pour je ne sais quelle raison aussi. Et là, je ne parlais pas uniquement de l'option "meurtre". Doucement, je regardais Taj dans le blanc des yeux, j’étais comme envoûtée. Je regardais la moindre de ses mimiques, laissant son visage s’illuminer au grès des lampadaires extérieurs qui défilaient sur notre chemin. Ma main était posée près de la sienne sur le siège du milieu encore vide, j’avais envie de la prendre, d’entrelacer mes doigts entre les siens. Pourquoi cette envie tactile ? L’alcool ? Sans doute. Je faisais donc parti de ces gens collants qui voulaient beaucoup d’affection un peu éméchés ? Même si là, j’étais à un bas « niveau ».
- J’aime mon frère, il ne me fera jamais de mal si tu t’inquiètes vraiment de mes mots. Il va juste pas aimer le fait que je boive... Avec toi. Il aime pas que des garçons m’approchent. T’as jamais eu affaire à ce genre de frère avec toutes les petites amies ou sexfriends que tu as eu ?
Je riais doucement en me retournant sur le siège, pour que mon corps soit dirigé vers lui. Puis comme un jeu, je pris cette main qui m’appelait depuis le début. Je ne faisais rien avec, je le regardais, je la regardais en l’occurrence. J’essayais de sentir du bout de mon index les lignes qui traçaient l’intérieur de sa main, ou bien encore tâter l’état de sa peau qui était un peu abimée par rapport à la mienne. Ca devait être à force de s’occuper de sa moto, de porter des gants de protection ou de conduire à même le volant de son engin. Doucement, je reposais sa main sur le siège, je ne voulais pas qu’il croit que désormais c’était moi celle « qui abusait » ou qui pénétrait de force dans sa « zone de confort » même s'il y a quelques minutes, c’était lui qui avait approché dangereusement son visage du mien.
- Tu ne parles pas beaucoup de toi n’est-ce pas ? Tu as dit que tu avais des questions tout à l’heure ou du moins des réponses à trouver mais tu n’en as jamais dit un mot. C’est le côté mystérieux que tu veux « encrer » dans l’esprit des femmes que tu convoites ?
Je riais doucement, une nouvelle fois. Mais j’étais sérieuse. Qui était-il ?
All endings are also beginnings. We just don’t know it at the time. B & T
- La troisième étape, dans ce cas précis, c’est de faire en sorte que la fille arrive chez elle, qu’elle survive à Cerbère qui monte la garde : et ce, histoire que le second protagoniste substantiel de l’histoire puisse reporter le fun à plus tard – attitude drôlement mature, il était à deux phalanges de ne pas se reconnaître, à cet instant là, chevaleresque à vouloir sauver ladite demoiselle en détresse – du moins allait-elle finir par l’être à force de chercher la bestiole ! - d’une fin qui supposait que le plaisir soit remplacé par de la douleur. Douleur. C’était, en y réfléchissant un peu, un bien étrange mot, bien laid, bien saillant. Il se retint de lever les yeux au ciel ; agacé par la tournure, irrité d’être à nouveau celui qui investissait un rôle qui ne lui sied guère : il n’avait rien d’un preux chevalier (sa dégaine hurlait « féroce », son sourire « pernicieux », son attitude toute entière : t’es foutu.e). Pourtant, il se tenait là, assis sur la banquette dégueulasse d’un taxi qui avait hébergé slash transporté slash vu – des dégradés d’idiots depuis qu’il avait été mis sur le marché. Des Taj, des Bonnie. Et comme toujours, revenait sans arrêt la question, celle qui le pointait – d’un doigt accusateur métaphorique - : pourquoi s’inquiétait-il donc pour celle qu’il avait rencontré en forçant un peu sur le hasard - en le faisant céder car à Taj Stein rien ne semblait être impossible. Elle habitait donc le Queens effervescent, il aurait pu le deviner, il l’avait, d’ailleurs, deviné. Tout dans sa façon de se mouvoir le suggérait ; un peu gauche, extravagante, bourrue. Elle n’avait rien des produits de luxe qu’il cotoyait à Manhattan, dans les nouveaux quartiers tendance de Brooklyn, dans les soirées où il se rendait en affichant la mine la plus désolée de l’univers. Ca n’était pas une pouliche Weiss, Rotschild, Cargill-MacMillan – pas de celles qui se baladaient avec le Hermès Birkin ou l’écharpe Burberry pour se donner un genre ultra « haute » (LA haute).Non, son look était déparaillé. Et, tous les deux, sur cette banquette merdique, ils avaient l’air déparaillé. Il ne fit aucune remarque sur le fait qu’elle n’ait pas voulu donner d’adresse précise ; le Queens était l’état le plus étendu de New York et il doutait qu’il n’y ait eu qu’un seul supermarché. Cependant, le conducteur ne sembla pas s’en formaliser et recueillit l’information d’un hochement de tête entendu ; putain, un prodige avait probablement eu lieu à l’intérieur de ce véhicule là sans que personne n’ait eu l’impression de le remarquer songea le brun, en se passant une main sur la barbe. - Les nanas déjà prises sont off-limits, quant aux frères énervés , je pars du principe où du moment que la gonzesse est consentente : fuck le frère, le père et toute la clique masculine. En revanche. C’est alors qu’il reprit la parole, poussant le soupire le plus long de l’histoire, en ne quittant pas une seconde la mulatresse du regard. - Je me soucis de ce qui peut t’arriver, à toi. Parce que contrairement aux autres, t’as pas l’air de savoir gérer quoi que ce soit qui n’entrerait pas dans tes plans. Exactement tout ce qu’il représentait, lui, couille venue caillasser ses plans et ce, à bout portant. Il s’apprêtait à étoffer ses paroles lorsqu’elle lui prit la main, il ne se déroba pas à son geste, il fronça les sourcils et suivit des yeux son regard. Il ne ferma pas les paupières et , c’était cependant ce que lui intima quelque chose – inommable, traitre. Son rire éclata dans l’habitacle alors que le conducteur s’engageait dans une avenue puis, les néons d’un supermarché devinrent visibles depuis là où Stein se tenait. - Et tu crois que je vais tout te dire, en une seule soirée ? Enfin – il prit en compte sa montre – en quelques heures ? Cherchait-il vraiment à entretenir un mystère ? Il n’avait pas l’impression de le vouloir, il n’avait surtout pas l’impression d’être capable de le faire. Il ne jouait aucun rôle mais, à savoir s’il jouait à un jeu… La Prius s’immobilisa, offrant à Taj l’occasion de se soustraire à ce manège. La tête lui tournait, soudain. - Plus tard, d’accord ? Il savait qu'il y aurait un plus tard, et elle aussi.
meet me halfway ★ I want you so badly, it's my biggest wish ft. taj
Je me rendais à peine compte de ce qu’il se passait vraiment. J’étais comme dans un rêve à moitié éveillée. J’étais un peu saoule, un peu pompette, dans un taxi avec Taj, cet inconnu rencontré il y a quelques heures à peine car Monsieur avait fouillé dans les méandres de mes pensées intimes via ce carnet indécent que je fournissais de mots plus obscènes les uns que les autres. Je ne savais pas ce que je faisais, là, de suite, l’appel de mon lit me semblait évident. Mes yeux se faisaient lourds même si je sentais mon corps avoir envie de compagnie. Pas juste au sens sexuel, non... Mais j’avais envie de le toucher, de m’enivrer davantage de son parfum qui m’était encore inconnu il y a peu. Je voulais reposer ma tête sur son épaule, sentir ses grandes mains dans mes cheveux pour me consoler, ou sur mon corps pour me faire comprendre que j’étais tout bonnement à son goût et pourtant... La vérité en était loin.
- Ah t’es comme ça toi ? T’es un rebelle en plus d’être mystérieux... Je prends note. C’est quoi le prochain chapitre ?
Je riais un peu en lui donnant un bref coup à l’épaule, même si ce « coup » devait ressembler à une caresse et non à un véritable « coup ». Limite il pourrait avoir peur de mourir de chatouilles à mes côtés, mais pas de réelles « frappes ». Alors quand il commença à dire se soucier de moi je fronçais les sourcils. Il se souciait de moi car à ses yeux je devais être une pauvre brebis galeuse qui fuirait dans la rue face à une méchante araignée. Ce qui au fond... N’était pas faux. Mais j’en avais marre de porter cette étiquette, je voulais la décrocher de mon front et être une fille cool... Fun, dépendante, sexy... Pas cette brebis à consoler à tout va.
- J’ai pas besoin de toi pour prendre soin de moi. Je veux pas que tu me cajoles. J’ai déjà mon frère pour ça. Je t’ai pas suivi pour être ta petite soeur hein.
L’alcool parlait à ma place. Je dévoilais mes envies, mes désirs. Au fond je l’avais suivi car je m’attendais à qu’il me traite autrement qu’une petite fille, mais ne pas abuser d’une nana dans mon état, ça pouvait être compréhensif. Mais c’était lui qui m’avait amené boire non ? Il s’attendait à que je tienne l’alcool autant que lui ? On avait beau dire que les nanas étaient compliquées, les mecs en étaient tout autant. Je reprenais position normale sur ce siège arrière, la tête tournant dans le vide, regardant un coup Taj puis la lumière des lampadaires extérieures jusqu’à apercevoir ce logo de supermarché. Je soufflais longuement. Je ne voulais pas sortir. Pas maintenant. Je ne voulais pas rentrer et me sentir seule dans mon lit. Je frottais mes petits yeux fatigués en revenant défigurer Taj d’un simple regard.
- Toi t’as bien lu toute ma vie en quelques heures sans la moindre gêne et moi je n’ai même pas le droit à un tout petit détail de vie rikiki.
Touché coulé non ? A ce niveau on était déséquilibré. Il connaissait la « Bonnie intérieure » que je taisais et cachais au reste du monde. « La vraie » sans doute, pas celle cachée derrière un sourire angélique et des habits enfantins. Alors que moi... Je connaissais rien de lui à part son prénom, la moitié de son métier, qu’il n’aimait pas les filles sans « âme » et « personnalité » et qu’il préférait « quelqu’un comme moi » même si je n’étais pas sûre de comprendre encore le sens de cette phrase.
Le taxi finit par s’arrêter. Taj ne fit rien, je ne fis rien de même. Aucun claquement de porte, rien. Je restais là à le regarder à et le questionner du regard. « Plus tard ? » Répétais-je dans ma tête. Ca voulait dire quoi ?
- Comment tu vas faire pour me retrouver si t’as même pas mon numéro hein.
Je faisais balader mon téléphone portable dans tous les sens jusqu’à le cogner en riant contre son front. Comme pour lui dire « hey débilos, mon portable est là et y’a pas ton numéro dedans ». Mais je ne me voyais pas lui demander explicitement d’entrer son numéro dans mon répertoire, c’était... Bizarre et pas naturel venant de ma personne.
- Merci Monsieur, c’est bien ici...
Disais-je maladroitement au taxi en me redressant sur cette banquette arrière. Je le remerciais oui, mais j’étais encore là à attendre un geste de Taj, comme si je voulais qu’il me retienne ou entre peut-être un semblant de contact sur mon iPhone. Même une adresse email s’il préférait. Mais est-ce que demain matin je réagirai de la même manière au réveil ?