J'me socialise j'improvise - Phoenix

01/Gosse qui vient du pays imaginaire. Gosse qui pensait vivre l’american dream, vous savez, comme dans ces séries où les enfants sont presque pourris gâtés ? Où les parents vivent dans une baraque de luxe. Eh bah toi, tu viens des quartiers qui craignent. Quartiers gris, quartiers laissés pour compte.02/Gamine de la street. Née dans un hôpital où y’a plus de seringues pour drogués que pour soigner les gens. Hosto délabrée, un peu comme dans les jeux vidéos d’survie. Gamine née d’une mère qui a l’nez dans la poudreuse trop souvent. À s’demander comment elle a fait pour se sevrer pendant sa grossesse. Enfin de toute façon tu t’en bas les reins, vu que t’as jamais vraiment vécu avec elle.. 03/ Enfant rêveuse. Enfance horrible. T’as été baladée d’famille d’accueil en famille d’accueil. Parfois battue. Parfois pas d’chance. Parfois tu tombais dans ses familles de séries télévisées, qui vivent dans des maisons ultra luxueuses. Baladée. Foutue à la porte aussi. Ça a duré jusqu’à tes dix-huit ans à peu près. Jusqu’à c’que t’en aies marre, marre d’espérer d’pouvoir vivre heureuse. 04/Survivor. Survivre. Survivre chaque jour, dans les rues d’la ville où t’es née, ville dont tu ne veux pas reparler aujourd’hui, ville renommée X par toi, parce que c’était l’horreur. Ville où les gens ne te donnaient pas un centime, alors que tu faisais tristement la manche. Parfois. Pas souvent. Parce qu’en tant que gamine de la rue, bah parfois tu faisais les poches des touristes. Oui, c’était une ville à touristes. Les chinois en général.
Tu faisais les poches, pickpocket professionnelle avec le temps. Douées avec tes doigts.
Puis tu l’as rencontrée. Celle qui est devenue ta seule amie pendant que t’étais là-bas.

05/ Ensemble, vous faisiez les 400 coups dans les rues. Casses-cou, perturbatrices, souvent coursées par les flics d’la ville. Mais vous étiez rapides. Unstoppable comme elle dit Sia dans sa chanson. Rapides. Dangereuses même parfois. Puis ta pote, elle avait d’bonnes combines. Squatter les villas des riches pendant qu’ils partaient en vacances, parce qu’elle était chargée d’y faire le ménage. Elle était plus âgée. Elle était belle. C’est même elle qui t’as conseillé d’changer ton nom d’famille. D’en choisir un au hasard dans un roman policier. 06/ Vous en avez fait des fêtes dans ces villas. C’est même dans l’une d’entre elle que t’as perdu ta virginité avec un mec. Il était beau, gosse de riche, et vous faisiez croire que vous étiez sœurs, que vos parents étaient partis en vous laissant la villa pendant les vacances. Ça commençait comme ça. Et les problèmes sont venus peu après.07/ Ta pote, elle avait un autre plan.
Braquer des villas. Charmes les hommes riches, les endormir avec une drogue et voler leur objets de luxe. Leur frics gentiment planqués dans un coffre. Montres, fric... ça s’passait bien au début. Perruque, maquillage, vêtements de luxe, ça passait, tu passais pour une fille majeure adulte, alors que t’avais que dix-neuf ans.
Les flics vous sont tombés dessus.
Ta pote, elle est partie en prison.
Toi en centre de redressement pour mineurs.
T’as été placée sous la garde d’un tuteur légal, un parfait inconnu.
T’y es restée pendant deux ans, jusqu’à ta majorité, parce qu’à chaque fois tu faisais une connerie et tu retardais ta sortie. 08/ Tu t’es battue. Alors on t’as foutu ailleurs, deux trois fois, jusqu’à c’que tu finisses à New York, enfin en dehors, pas loin du Queens. C’qui t’as fait changer, c’est d’avoir été foutue en cuisine, parce que tu devais filer un coup d’main au chef cuistot du centre de redressement. Ça t’as sauvé la vie la cuisine. T’y as pris goût. T’es même tombée sous l’charme du cuistot, il avait 23 ans et toi 20.

T’as plus eu d’nouvelles de ta meilleure pote.
Puis t’es sortie la veille de tes 21 ans.09/ T’es sortie. Et comme la cuisine c’était devenu ta passion, le chef cuistot, il a tout fait pour que tu trouves un boulot, histoire de survivre dans l’Queens. Mais il était malade. Cancer en phase terminale, il t’en avait jamais parlé. Il t’as prise sous son aile et t’as laissé toute sa fortune. Fils de bonne famille. Grâce à ça, grâce à lui, t’as pu t’offrir un food-truck, pour faire connaître sa cuisine aux paumés d’la société, à ceux qui n’ont pas vraiment les moyens d’aller dans de bons restos.
Quand il est mort, l’amour de ta vie, t’as cru que t’allais partir en couilles. Que toi aussi t’allais foutre en l’air ta vie pour l’rejoindre en enfer ou ailleurs.  10/
Mais la cuisine, sa cuisine, tu continues d’la faire, d’la partager avec les quelques sdf qui traînent dans l’coin, parce que toi aussi, t’aurais apprécié qu’on te tende la main plutôt que de t’ignorer.