fall far from grace _ sadie

traits de caractère / the beautiful & damned ; Lunatique. Double. Vacillante. Jolie flamme qu'elle laisse brûler sous sa corde raide. Les fils qui se détachent par lambeau ça la fascine, ça la fait rire. Entre petits sifflements et grands éclats qui fendillent le visage parfait de la poupée. Les acteurs de sa vie d'avant se demandent où est passée la raisonnable, la constante Grace. Ils se demandent si l'instabilité a toujours été là, habilement dissimulée derrière un masque. Sadie elle, elle se pose pas la question. Elle ne veut pas se la poser. Elle voudrait juste qu'ils se cassent.  nevertheless, she persisted ; Perfectionniste. Déterminée en toute chose. à rendre papa et maman fiers. à réussir ses études. à se détruire. Les premiers points n'ont plus d'importance, alors elle excelle dans le dernier. Elle tend son majeur au destin et décide du chemin à suivre. Personne ne l'en fera dévier. Elle demeure seule maîtresse à bord.   Deadcrush ; Autodestructrice. Donner la vie, vocation qui lui a tourné le dos. Sur le chemin qui la mène jusqu'à Thanatos, elle la savoure alors à sa manière, la traîtresse. Avec un goût de fer sur les lèvres et des tâches bleues striant sa peau lunaire. Elle imbibe ses sens pour oublier l'illogisme de son raisonnement, pour se consumer plus vite.   she used to be mine ; fragile. éducation formatée. apparence lisse dissimulant une structure bancale. C'est comme une sculpture qui se craquelle de l'intérieur. En partant du cœur. En-dehors de l'exercice de la médecine, c'est toute son assurance qui s'évapore, toutes ses certitudes qui disparaissent. Alors elle s'accroche à ses règles qui l'ont modelée, à défaut de savoir qui elle est vraiment. Peu importe qu'au fond, elle ne soit rien de plus qu'une gamine en mal  d'une chose qu'elle ne connaît pas, tant que la surface reste immuable. C'est comme ça qu'elle a été élevée.   Strangers ; pudique. Enfant, elle trouvait déjà que les gens se touchaient trop. à la moindre occasion. Sans sincérité. Ce n'est pas qu'elle n'aimait pas ça. Pour elle, c'est la signification du geste qui en est lésée. Presque, elle pourrait regretter ces époques où les contacts étaient limités. Où ils gardaient leur caractère intime. Quand elle exerçait encore, toucher revêtait le caractère sacré de la guérison. Aujourd'hui elle se laisserait presque faire par n'importe qui. Imitation de cette plèbe qui noie solitude et mortalité dans une quête effrénée de contacts, aussi éphémères qu'inconsistants.   Angela ; passionnée. Toujours cette petite flamme, avant qu'elle ne soit étouffée sous un monceau de règles et d'interdits. Petite plante portant ses membres avec grâce, perchée sur ses pointes. Délicatesse dans les gestes, précision chirurgicale. Les études deviennent vite sa seule passion autorisée, et elle y met toute son ardeur. Draw ; tatouée. Peau marquée à l'encre. Comme une somatisation des maux qui la rongent depuis toujours. Comme pour sa maladie. Personne ne sait. Personne ne voit. Tenter de se réapproprier ce corps qui lui échappe.

contrôle.
Famille aisée. Naissance programmée sans réellement être désirée. Gamine unique sur qui toute la pression repose, à défaut des espoirs. La progéniture se devra d'être à la hauteur, il ne peut en être autrement. éducation réglée sur du papier à musique. Très vite on glisse ses petits pieds dans des pointes de danseuse, mais pas par choix ou pour son développement personnel. Pour la discipline et la rigueur. Maîtres mots de son éducation. Si la petite fille sent que quelque chose cloche dans son pays loin des merveilles, elle n'a pas assez de volonté pour résister, ou pour tenter de s'affirmer. Alors elle obéit. Sagement. Vainement. Trop fragile pour s'accrocher à cette barre mise bien trop haut. Une barre beaucoup trop bancale.
La graine de la maladie est semée. pas celle qui lui ronge le corps non. Celle qui lui ronge la tête.

contrôle.
Elle a l'air si parfaite cette jeune femme. Comme une mélodie qui sonne juste à l'oreille. Tellement juste qu'on n'en remarque pas les notes pourtant discordantes. gracieuse et bien élevée. Si bien instruite. Mais s'il fallait lui ouvrir le crâne, vous le trouveriez désespérément vide. éthérée, presque transparente. une vraie marionnette aux fils invisibles, presque dépourvue d'opinions ou de goûts personnels. elle est telle qu'ils l'ont modelée, se contentant du minimum pour subsister. Elle se nourrit peu, dort peu. Fréquente qui on lui dit de fréquenter. Ils lui ont appris à effacer qui elle aurait pu être, alors chaque jour qui passe elle tente de se faire de plus en plus petite. En quête d'une approbation qui ne vient jamais, laissant la place libre pour cette certitude de ne pas être à sa place. De ne pas mériter cette vie.
Etrange comme cette dernière a le sens de l'humour. Tignasse flamboyante et peau aux allures de constellation. On peut voir d'ici la moue ironique et satisfaite d'une nature décidée à glisser des bâtons dans sa roue de petit cobaye. Façonnant la matière comme un Pygmalion lui offrant un reflet si atypique pour lui dire regarde qui tu es vraiment. regarde qui tu peux encore devenir.

rééquilibre temporaire.
on ne l'autorise qu'à emprunter les voies royales et c'est la médecine qui a ses faveurs. étonnant pour quelqu'un qui manque autant d'estime de soi. encore plus surprenant quand elle se spécialise en chirurgie cardiaque. elle qui n'a toujours fait que frôler ce monde qui l'entoure, décide de se pencher sur son cœur. lutte métaphorique au sens propre de ce qui lui fait défaut au figuré.
ce n'est pas tant qu'elle y apprend à sauver des vies, qu'elle apprend à observer la vie. comme si elle avait toujours su sa valeur sans jamais vraiment la comprendre. chaque jour elle est spectatrice de souffrances, de chagrin. chaque jour elle rencontre des personnes qui endurent plus qu'ils n'auraient pensé supporter, qui luttent plus qu'ils ne s'en croyaient capables. des émotions qu'on lui a appris à réprimer et qu'elle réapprend à apprivoiser, la faisant se sentir chaque jour un peu plus humaine. terriblement anormale. et incapable de changer réellement.

la chute.
ça commence par une fatigue excessive. Rien d'inhabituel quand les heures de garde viennent supplanter les heures de sommeil. quelques kilos en moins. mais la souris n'a jamais été très épaisse. personne ne s'inquiète, elle la première. puis elle commence à faire des erreurs dans ses diagnostiques. et ça, ça ne lui ressemble pas. avant que qui que ce soit ait le temps de s'inquiéter, c'est une crise d'épilepsie qui la surprend en pleine opération. la sentence est sans appel. tumeur cérébrale. une grenade dégoupillée jetée dans sa petite bulle hermétique. de quoi ébranler des fondations trop fragiles jusqu'à craqueler la surface.

contrôle. perte absolue, quête fatale.
Ils disent que c'est normal, que c'est un symptôme de sa maladie. Le méningiome comprime son cerveau, et c'est ce qui serait à l'origine de ses sautes d'humeur. Ses collègues, sa famille, tous pensent que cette tumeur n'est qu'un interrupteur qu'il faut éteindre pour que la si raisonnable grace revienne. Mais Sadie elle, elle ne veut pas. Elle se moque de savoir s'ils ont raison ou tort. S'ils ont raison, peut-être qu'elle devrait remercier ce foutu destin, cette maladie de merde d'avoir été la goutte d'eau qui lui a enfin ouvert les yeux. Et même si ce qu'elle veut n'est pas ce qu'il lui faut, pour la toute première fois elle a l'impression de contrôler sa vie. Peu importe si ça la détruit. Surtout si ça la détruit.