the end of us. (nan)

Faire confiance est un risque à prendre. S’approcher du bord de la falaise et prendre la décision de sauter ou non. Azhar saute rarement, et quand il saute, il le fait avec difficulté. Parce qu’il a grandement conscience des risques que cela représente. Il est resté sur le bord bien plus de fois qu’il n’a sauté. Et avec Nan, son saut lui a coûté beaucoup. Il s’est écrasé la gueule contre le bitume, Az. Il est défiguré, littéralement. Il a le goût du sang sur les lèvres. Ça fait mal. Parce que Nan, il la considérait comme une amie. Une amie très proche à laquelle il a beaucoup appris. Pour laquelle il aurait tout donné. Mais elle, elle n’a été foutu que de le trahir. De le voler. D’usurper son identité. Leur amitié est réduite au néant et jamais elle ne reprendra vie, ça Azhar en est persuadé. S’il a du mal à faire confiance, il a encore plus de mal à pardonner. Surtout après une trahison. Son téléphone entre les doigts, Azhar lit et relit le texto qu’elle vient de lui envoyer. « J’ai vendu ton deuxième tableau. », qu’elle lui a écrit. Nan est faussaire, il l’a toujours su. Il l’a d’ailleurs aidée à comprendre certains peintres afin de mieux reproduire leurs oeuvres. Mais jamais il n’aurait pensé qu’elle le reproduirait lui. Il se sent violé. Sa colère est immense, son coeur est gonflé de rage. Le soleil, Azhar ne le voit plus. Il est plongé dans des nuages grisonnants, amenant avec eux la tempête. Vent et orage, voilà ce qui attend Nan. « Laissez-moi là. », demande-t’il au chauffeur de son taxi. Il arrive chez Nan. Il arrive chez Nan et il n’est pas improbable qu’il casse quelque chose. Sa porte d’entrée, un mur, de la vaisselle. Il peut se mettre dans des états horrifiques sous le coup de la colère. Il frappe à la porte, un peu trop fort. Il frappe à la porte et il attend. Elle apparaît enfin, peut-être ne s’attendait-elle pas à le voir débarquer aussi vite. Sans doute ne s’attend-elle pas à le voir se mettre dans une colère pareil. Il pousse la porte et entre, la bousculant sur son passage. Son coeur bat vite, son coeur bat fort, la chaleur lui monte aux joues. Il se retourne alors pour lui faire face. « À quoi tu joues putain ? Ça fait combien de temps que tu te fous de ma gueule ? », il demande, la voix forte et grave. Sa mâchoire se serre et son regard s’intensifie. « J’aurais dû m’en douter. » Silence. « T’es un requin Nan. Et encore, les requins ont sans doute plus de coeur que toi. » Il s’approche d’elle et appuie son index sur l’épaule de la brune. « Je veux plus te voir. Tu piges ? T’existes plus. C’est fini. »

dans le creux de ton estomac a fleuri une impression de solitude dès le jour de ta naissance. elle a toujours été là, dans le fin fond de toi telle une amie, une amante ou une dame qui choisit d'te tenir la porte lorsque t'as les bras plus chargés que la terre. pendant longtemps, t'as cru que le problème venait des autres. ces autres trop sélectifs, trop compliqués, trop expansifs. mais depuis quelques jours, tu t'dis que le problème - le vrai problème - vient de toi. sinon, pourquoi t'aurais fait ça ? pourquoi t'aurais aiguisé lentement cette lame acrylique pour la planter dans l'coeur d'azhar ? pourquoi ? pourquoi ? et ça revient en boucle dans ta tête depuis que t'as émergé de la nuit. il y avait ce faux d'azhar traînant dans ta chambre depuis des semaines. puis est arrivé le whisky. et ensuite l'appel à ce type qui connaissait un autre type et qui te devait encore un service ou deux. c'est parti de rien cette histoire si ce n'est d'une toute petite peur ; parce que t'es seule, parce que tu l'as toujours été, parce que tu ne sais pas faire autrement. et puis de toute façon, les amitiés se brisent toujours en éclats de verres plantés dans le thorax. et aujourd'hui, en voyant ton thorax est troué de partout, tu t'dis que c'est vrai, t'as raison depuis le début. il y a deux jours, ton cerveau a choisi la sûreté et toi t'as acquiescé. t'aurais pu te battre, défendre azhar et brûler ta copie mais pourquoi au fond ? t'es une faussaire à présent. t'as plus qu'ça. tu n'es plus que ça. pourtant, alors que tu l'vois te regarder avec rage, tu te dis que, merde, le goût de la culpabilité est trop amer pour toi. et tu laisses azhar entrer, te détester, te vilipender. tu le regardes marcher sur les cendres de votre amitié. t'as toujours aimé jouer avec le feu krim, depuis toute gosse. aujourd'hui, tu t'es cramée. t'as tout fait flamber sous l'coup de tes rêves brisés. mais azhar aurait dû l'savoir. il aurait dû savoir qu'on ne fabrique rien avec un tas de rêves en poussières. les autres l'ont bien compris. mais pas azhar. pas azhar. alors t'encaisses tous ses mots qui se mettent à tourbillonner rapidement dans ton esprit. requin. cœur. putain. requin. c'est fini. et toi ? qu'est-ce que tu peux encore répondre à tout ça ? qu'tu serais prête à donner l'fric que t'as gagné pour revenir en arrière ? tu ne te leurres pas, une trahison ça se rachète pas. ta main se crispe sur le verre de whisky que t'as pas eu l'temps de poser. tu le bois cul sec. ta gorge brûle. ton cœur aussi. j'ai pas d'excuses. tu soupires, le cerveau en vrille. je voulais savoir... mais tu ne finis pas ta phrase. tu t'éloignes juste. juste assez pour ne pas qu'azhar puisse voir cette larme rouler sur ta joue pour aller se briser sur le parquet usé.

Son coeur bat vite. Il frappe fort contre sa cage thoracique puisqu’il ne peut frapper nulle part ailleurs. Azhar lui, pourrait frapper. Il a les poings qui le démangent. Mais il ne bouge pas. Il essaie de se contenir. De faire abstraction du sang qui brûle dans ses veines. Putain Nan, comment t’as pu me faire ça ? T’étais mon amie, j’aurais tout fait pour toi. Et toi, t’as fait quoi pour moi hein ? T’as fait quoi Nan… La brune avale son verre cul sec. Azhar l’ignore. Il ne sait pas ce qu’il fout encore là, dans cet appartement. Il devrait partir. Ne jamais revenir. Il devrait la quitter, pour toujours. « J’ai pas d'excuses. » « Sans déconner. », qu’il murmure. « Je voulais savoir... » Il se retourne vers elle, soudainement, les yeux écarquillés. Il attend qu’elle finisse sa phrase. Mais elle s’éloigne. Elle s’éloigne et il se retrouve con, à attendre la suite. À attendre une justification, peut-être. Mais aucune justification ne sera assez bonne. Aucune. Alors après deux minutes d’attente, il réduit la distance qu’elle a installé entre eux. Et il reprend, brutalement. « Tu voulais savoir quoi, hein Nan ? » Sa mâchoire se serre, ses poings aussi. « Tu voulais savoir quoi ? », qu’il répète en hurlant presque. « Tu voulais savoir c’que ça fait d’trahir un ami ? » Il la fusille du regard. « Alors dis-moi, ça fait quoi ? » Y’a un tas d’injures qui se bousculent dans son esprit. Un tas de violence, de trucs dégueulasses. Des trucs qui feraient de lui un monstre. Mais peut-être qu’elle l’a réveillé, le monstre. « Tu sais ce que je veux savoir moi ? » Il l’interroge du regard. Question rhétorique. « Je veux savoir c’que ça fait de t’savoir croupir en taule. De t’savoir perdre des années d’ta vie. » Il avoue, l’air méchant. « Oh, ça serait du gâchis c’est sûr. Mais ça n’a plus d’importance pour moi. Tu n’as plus d’importance pour moi. »