animal sauvage ; blue

C'est curieux, les moyens que la vie déploie parfois pour t'emmener où elle veut. Y avait, franchement, peu de chance pour que Blue finisse chez toi, et, t'as encore du mal à y croire parfois. T'es loin d'avoir le coeur sur la main, t'es même plutôt du genre à laisser les gens dans leur merde. Alors, quand tu y repenses, tu te dis que tu devais être vraiment trop arrachée quand il t'a ramenée en bagnole l'autre soir. Mais, il n'empêche que tu l'as pas fichu à la porte depuis. Blue, c'est un oiseau en pleine tempête. Au fond de ses yeux, t'as deviné une lueur foncièrement gentille. A tel point qu'il t'a marqué, c'gamin, t'as pas voulu le laisser dormir dans sa voiture pourrie. Parce que t'as vite compris en voyant le duvet et quelques boites de conserve sur la plage arrière. C'était pour un soir, et, finalement pour plusieurs. Et, même si l'idée venait de toi, t'étais quand même pas la plus à l'aise en pratique. T'as profité des deals a boucler pour fuir ton appart, et, t'as évité d'y réfléchir jusqu'à n'plus avoir le choix.
Jusqu'à ce midi. C'est un de ces réveils plus agréables que les autres. T'as pas le crâne au bord de l'explosion, et, pour une fois, tu te sens pas trop vaseuse. Pendant quelques secondes, t'as pensé l'appartement vide, avant d'entendre des bruits de ferraille, de poêle et d'assiette. Blue, c'est vrai. Alors, tu t'es levée d'un bond, puis t'as décidé que ce serait le moment, maintenant. T-shirt trop grand, et, short trop petit. La lumière te brûle la rétine alors que tu sors de la chambre.
- salut, ça sent le cramé..
C'est vrai que t'aurais pu être plus chaleureuse, mais t'as presque souris. Ta remarque n'est pas volontairement méchante, tu sais juste pas tellement quoi dire. Tu ne mangeras pas, comme d'hab. T'as filé jusqu'au frigo pour t'enfiler quelques gorgées de jus. Tant pis pour le verre, et, autant qu'il sache dès maintenant que tu as l'habitude de partager tes microbes. Puis, rituel du matin-midi, t'es allé piocher un de tes joints déjà roulés. Cône au bec, coup de flamme, et volutes de fumée blanche. Tu soupires d'aise en venant t'accouder au bar américain. Tu le jauges quelques instants. Il est apaisant avec sa gueule d'ange et son air de garçon parfait.
- tu fumes? souffles-tu en lui tendant le joint.
Y a bien quelques questions que t'as à lui poser, deux ou trois mises au point à faire. Alors, ce serait moins solennel en partageant un spliff.  

It becomes too complicated to be someone.

il a pas dormi. peut-être parce qu'il a mis du temps, avant de redescendre. peut-être parce qu'il a fini tout c'qu'il avait pu s'prendre la veille. avant d'rentrer dans cet endroit qu'il squatte. pas tout le temps, mais c'est vrai qu'il est en train de profiter de l’hospitalité. parce qu'il fait trop chaud. c'est bon, ça passe bien, comme excuse, non ? puis au pire, il s'en fiche. il a b'soin d'être un peu égoïste. l'truc, c'est qu'il dort pas. et que l'alcool redescend. alors forcément, qu'il a faim. que son ventre gronde. il souffle un bon coup, il ouvre les portes sans trop savoir quoi faire. oui, il se gène pas de fouiller, parce que la belle au bois dormant est toujours dans sa chambre. puis après tout. s'il squatte le canapé, il peut bien squatter la gazinière.

l'truc, c'est qu'blue se nourrit de boite de conserve, et d'autres conneries qui n'se font pas cuir. alors même l'étape des pâtes, il arrive à se foirer. il se dépite, quand il se rend compte que l'odeur qu'il sent depuis le début est loin d'être normal. ok, il s'est foiré. des putains de pâtes. blue souffle. est dépité. il se désespère vraiment. il fout la casserole dans l'évier, s'dépêche d'allumer l'eau chaude pour pouvoir nettoyer correctement sans laisser d'marque. ça, au moins, il sait faire. puis, il entend une voix. ça l'fait presque sursauter. peut-être qu'le con, il s'est habitué à être seul pendant de longues heures. p't'être pas.

ouais, désolé, j'me suis foiré. forcément, qu'il s'excuse. ça le gène presque. il pensait pouvoir nettoyer sans qu'on l'voit. sans être pris, la main dans l'sac. mais c'est pas l'cas. et ça l'frustre presque. tant pis. il lâche un sourire désolé, avant d'poser la casserole sur le côté, pour la laisser sécher. puis un joint. y'a les yeux de blue qui brillent. y'a un sourire qui se dessine sur son visage. on va pas dire qu'il était en manque, mais c'est tout comme. il hoche la tête, se rapproche simplement d'elle, s'accoude à son tour contre le bar, face à elle. et j'fais pas que fumer. il récupère le joint qu'elle lui tend. tire dessus. sa gorge brûle. ses poumons s'enflamment. tout c'qu'il aime, bordel. il recrache la fumée. retire, et lui tend l'joint. la nuit a été bonne ? question basique. conversation facile.  

- ouais, désolé, j'me suis foiré.
Tu arques un sourcil en comprenant. Parce que tu pensais pas qu'il était possible de faire cramer des pâtes. Et, ça te fait franchement rigoler de découvrir qu'il existe une réalité derrière cette légende. T'es obligée de lui accorder le mérite de sa prouesse culinaire. Alors, ton rire est léger, moqueur mais pas foncièrement mauvais. T'es amusée, et, Dieu sait qu'il est rare d'arriver à te faire rire sincèrement dans tes heures de sobriété. Alors tu le regardes s'activer, dans le fond, t'as rien à redire puisqu'il nettoie parfaitement la scène du crime. Persiste une odeur de brûlé que tu camoufles avec les volutes de fumé fruitée. Joint que tu savoures comme d'autres siroteraient leur café au réveil. Les yeux du presque-cuisiner font écho à ta propre satisfaction. Tu captes instantanément la lueur qui éveille soudainement l'iris de ses billes claires. Ca dure quelques instants, puis, tu lui proposes le cône vert.
- j'fais pas que fumer. Et, encore, ça t'amuse. Blue, tu l'imaginais délicat et loin de ton monde. la nuit a été bonne ?
- elles le sont toutes plus ou moins.
Tu hausses les épaules avec un sourire de chat, nageant autour de la question sans y répondre. Tu as autre chose en tête alors que tu récupères bien rapidement ton joint. Nouvelle bouffée. Finalement, ta mine se fait plus sérieuse. Tu prends le temps de réfléchir, la lèvre pincée entre les dents, le spliff à quelques centimètres de ton visage. Tu yeux scrutent Blue, alors que cette récente découverte te donne déjà tout un tas d'idées. Louve, tu ne tournes jamais autour du pot.
- bon, tu te doutes que je vais pas te faire la charité si tu veux continuer d'squatter ici quand t'as besoin.. mais, si t'es débrouillard et que tu connais du monde, on devrait pouvoir s'arranger.
Nouveaux fumeurs, potentiels clients. Nouveaux clients, plus de bénéfices. Il t'en faut pas tellement plus. Si Blue arrive a représenter une entrée d'argent assez intéressante, tu veux bien lui offrir le toit. Dans le fond, t'as le sentiment que c'est un bon deal. Encore que, tu ne l'enverrais pas voir n'importe qui, mais, il pourrait bien te soulager de certaines courses faciles et t'en apporter quelques autres.

It becomes too complicated to be someone.

des pâtes. putain. c'est vraiment un pas doué, blue. la vie d'rue, ça l'aide pas non plus. parce qu'il a plus l'habitude d'essayer d'bouffer d'la merde. il a pas la chance d'avoir une gazinière, c'est pas un camping car sa p'tite voiture de merde. alors tant pis. il va rester l'ventre vide. faut pas trop exagérer, il va pas s'mettre à fouiller les placards. il voulait juste dépanner, et s'nourrir par la même occasion, mais ça aurait empêché louve d's'emmerder. l'repas aurait été prêt. au final, il a finalement l'droit à un foutage d'gueule, et ça s'arrête là. blue, c'est l'genre de type qui parait faible, et au fond, il l'est. mais il est aussi un garçon intelligent, il a aussi d'la gueule quand il ose affronter les gens. et un côté qu'personne ne connaît vraiment. haussant les épaules fasse à la réponse vague d'la jeune femme, il tire sur le joint en fermant les yeux. c'est agréable. ça lui envoie presque des papillons dans l'bide. c'est beaucoup mieux que le reste. il lui rend, blue. et il devrait peut-être se sentir mal-à-l'aise. parce qu'après tout, l'nombre de fois où ça l'gêne d'venir dormir chez des gens qu'il ne connaît pas forcément. mais louve est différente. p't'être parce qu'il n'voit pas d'pitié, dans son regard. il a simplement l'impression d'être normal. et c'est agréable. p't'être qu'il a en plus des autres une odeur désagréable, et une hygiène pas non plus très seine, mais il reste un humain. j'suis pas ici à demander d'la charité. peut-être qu'il est un peu plus froid que ce qu'il voulait. mais c'est hors de question. blue en a marre d'renvoyer cette image aux autres. et j'aurais l'droit à un peu d'bénéfice ? et il est sérieux. parce qu'autant réussir à s'faire vraiment de l'argent d'côté. autant essayer d'faire en sorte qu'il puisse enfin s'prendre un appartement, même l'plus piteux, il en a rien à foutre. j'te vends tes trucs, j't'apporte l'argent, et j'prends un peu d'bénéfices. j'en ai rien à foutre, de dormir sous un toit. par contre, j'dirais pas non à r'cevoir un p'tit salaire. c'est le deal, après tout.

- j'suis pas ici à demander d'la charité.
- j'sais.
- et j'aurais l'droit à un peu d'bénéfice ?
- quoi ?
- j'te vends tes trucs, j't'apporte l'argent, et j'prends un peu d'bénéfices. j'en ai rien à foutre, de dormir sous un toit. par contre, j'dirais pas non à r'cevoir un p'tit salaire.
- tu veux des fiches de paye aussi?
Grimace amusée qui déforme ton visage. Tu lui demandes pas de bosser en bas des blocs, ni de faire des journées de dix à vingt-deux heures. Et, ça te fait doucement rire la façon qu'il a d'être à côté de la plaque. Si t'avais les moyens d'employer du monde, ça fait belle lurette que t'habiterais plus ici, que t'aurais agrandis ton terrain. Tu lui offres de te rendre service, comme tu le fais pour lui. Et, tu lui reconnais tout de même une certaine audace. Demander un salaire, sans même verser de loyer, c'est une prouesse de confiance en soit. Ou de naïveté. Tu tires longuement sur le joint, avec ces yeux qui disent que tu vas t'expliquer. Pourtant, tu laisses le suspens planer quelques instants. Nuages de fumée blanche.
- j'suis pas escobar, jte propose pas de faire fortune. les seuls bénéfices que tu feras, c'est sur les gens que t'arriveras à entuber. mais, qu'on soit clairs : aucune douille à mes clients. fais ta marge sur tes nouveaux.
C'est pas la lune, mais à son stade, tu supposes qu'il ne crache sur aucun sous. Il aurait tort de le faire. Dans le fond, les horaires sont malléables et l'argent facile. En revanche, tu ne feras pas de plan sur la comète avant de savoir ce que cette association peut valoir. Bouffée de fumée, encore. Tu hausses les épaules et tes paroles suivent le fil de construction de ton esprit.
- on reparlera bénéfices quand je verrai une augmentation des miens. si tu te fichais tellement du toit, tu m'aurais déjà rendu les clefs..
Siffles-tu avec un sourire de chat. Ce n'est peut-être pas chez lui, mais sait trouver refuge sur le canapé quand ça l'arrange. Il sait venir profiter de la douche et de la machine. Tes mots ne sont pas reproches, ils sont arguments. De chaque deal que tu passes, tu cherches toujours à tirer le meilleur. Ton avantage avant celui de n'importe qui.

It becomes too complicated to be someone.

elle a d'la gueule, la femme face à lui. et ça l'fait tellement sourire parce qu'il est content, presque, d'ne pas faire face à quelqu'un qui a simplement d'la peine pour lui. elle s'en fout presque louve, tant qu'il s'bouge derrière, tant qu'il reste pas non plus sur l'sofa d'la brune à s'branler les couilles. d'toute manière, il aurait jamais fait ça. ça l'aurait trop gêné, peu importe les sens du termes. il tente, il espère. s'il peut s'faire d'la thune, putain qu'il hésite pas, le môme. mais la réaction d'louve est forcément pas celle qu'il aurait espéré avoir, au fond. tant pis. qui n'tente rien, n'a rien. il s'met malgré tout à pouffer. peut-être qu'il s'fout un peu d'elle, peut-être que le joint commence déjà à faire son effet. il n'en sait rien. t'en fais pas, j'vais pas pisser sur ton territoire. qu'il confirme. au fond, il sait qu'y'en a un qui va lui en vouloir. le même type qui lui a jeté sa drogue en lui faissant promettre d'plus jamais y r'toucher. il foire encore tout. mais c'est pas sa faute, c'est l'adrénaline d'la chose, c'est cette envie, cette tentation qu'on n'peut pas lui retirer. blue s'permet, d'lui prendre le joint pour tirer dessus. quelques secondes. quelques temps. et comment ça s'passe, alors ? parce qu'au fond, elle a raison, louve. il crachera jamais au moment où on lui propose un toit. au moment où il peut s'doucher, manger à sa faim, c'est vrai qu'il peut pas cracher dessus. il fronce les sourcils, se redresse pour coller son dos contre le réfrégirateur pour lui tendre l'joint, et pour s'allumer une clope de son côté. peut-être qu'il devrait y aller, qu'il devrait la laisser. et surtout, j'commence quand ? un sourire qui se dessine sur les bords de ses lèvres. autant qu'il s'occupe ce soir. ça va l'changer. d'pas rester enfermer dans sa voiture, d'bouger. surtout qu'il a ses idées, surtout qu'il sait où il faut aller voir pour s'faire un minimum d'revenus. il a juste hâte. et tant pis si tad l'sait, s'il l'apprend. peut-être qu'il va comprendre à quel point tout ça est important, au fond, pour blue. même s'il ne gagne pas l'argent et qu'il l'rend, ça lui suffit. ça l'fait bouger. alors tant pis, il attend juste qu'louve lui flotte le drapeau vert pour qu'il s'plonge dans la gueule du loup.