☾ blood red. (elio)

@elio feels

insomnie méchante, insomnie vicieuse. la même histoire qui s’répète. encore et toujours. toutes ces heures perdues, condamné à errer dans l’abysse du temps, à traîner ta dépouille dans les ruelles glauques du queens. l’impression d’connaître déjà la chanson, fredonnant chaque paroles par cœur, chaque mots gravés dans ton crâne à l’aide d’la fine lame d’un couteau. l’préambule reste toujours le même; sommeil qui s’dérobe, pensées qui s’fracassent, souvenirs en désaccord, palpitant qui s’déchire, crève-cœur.

i just want to get lost in my dreams
instead of my thoughts

rêver… t’en rêves éveillé. onirisme séducteur sur lequel il t’arrive encore d’fantasmer, d’le désirer à un tel point qu’tu pourrais t’en rendre malade, rien qu’pour passer une nuitée à ses côtés, dans ses bras analgésiques. t’perdre dans ses ébauches utopiques aux silhouettes burlesques griffonné à l’encre temporel. mais, il y a qu’la lune qui t’esquisse son plus effroyable sourire, heureux d’être accompagné par ton silence glacial, lippes cousues par un fil imaginaire. y a qu’tes songes qui cessent pas d’beugler.

i’m a mess of
unfinished thoughts

phares qui captent ton attention, tes paupières qui s’plissent machinalement pour protéger tes iris de l’agression flamboyante. tu t’en approches, hypnotisé par les vaisseaux lumineux qui menacent d’transpercer ta maigre carcasse. au sol jonche quelques détritus métalliques et éclats d’verres, décombres d’un triste événement. entre taule froissé et panorama lugubre, tu t’perds, gamin au palpitant déficient. toi, qui s’fond davantage dans c’décors macabre qu’parmi la foule des centres d’achats sous la fausse clarté des néons hypocrites.

« y a quelqu’un?
faites du bruit si vous pouvez pas parler… »

écho d’ton chant effaré qu’embrasse la brise crépusculaire, l’emportant avec elle entre ses lèvres sibyllines. portable qu’tu agrippes en reculant d’un pas, doigts qui pianotent l’écran pour contacter les urgences. tu t’tiens à distance de l’incident, évitant d’brouiller les pistes s’il s’agit d’une scène de crime. bruit léger, presque imperceptible qui t’caresse les tympans lorsqu’tu raccroches. tête qui s’incline sur l’côté pour t’permettre d’analyser la scène dans son intégralité, mais t’es paralysé, miki. ton inconscient t’empêche d’t’aventurer davantage dans les débris. t’as peur, gamin. t’as peur d’retrouver tes souvenirs… t’as peur d’redevenir l’mioche enfermé dans c’placard. l’rouge. t’as horreur du rouge. rouge sang. ☽

La nuit la plus sombre a toujours une fin lumineuse.

il est tard. et pourtant, il est encore sur la route. la musique est plus élevée, simplement parce qu'il a besoin de trouver une méthode pour ne pas s'endormir au volant. lui, qui a pris la voiture simplement parce qu'il lui était impossible de dormir, de fermer les yeux, l'voilà en train de lutter contre morphée en plein virage. ça l'épuise. ne pas réussir à contrôler son corps l'épuise encore plus. prendre ce nouveau traitement, ça a fini par l'achever ceci-dit. c'est une galère. elio cherche son paquet d'clopes, il arrive bientôt au centre ville, ouais, bientôt il retrouvera son lit. et peut-être que cette fois-ci, il fermera les yeux pendant plus d'une heure. peut-être qu'il va passer une véritable nuit, pour une fois.

et il est distrait. il veut fumer. il en crève d'envie à l'heure précis alors que c'est pas forcément un accro à la nicotine. mais de temps en temps, dans certains cas, ouais il a envie. il a un paquet. dans la boite à gant. c'est même le seul qu'il a, qu'il garde ici précisément pour des cas comme ça. pour des nuits comme ça bordel. puis au moins, ça va le maintenir réveiller. c'est le temps de quelques secondes. le temps qu'il se laisse distraire en fouillant dans sa boite à gant, en se tordant le bras. c'le temps de bouger le visage et d'pas voir l'animal lui fonçait d'ssus. en toute honnêteté, il sait pas trop c'qu'il s'est pris. ça a été fort. heureusement qu'il connaît sa voiture. sa tête tape fort, contre il ne sait quoi. il est un peu sonné, la voiture s'est arrêté sans qu'il ne sache vraiment comment. y'a l'adrénaline. il le sent. et encore, heureusement qu'il prend ses médicaments. l'coeur bat pas trop fort. ça encore, ça va.

l'truc, c'est qu'il est sonné. complètement. ça a explosé le côté passager. son rétroviseur a pas tenu. puis d'autres éléments de la voiture, qui eux aussi, se sont abandonnés sur la route. il est tout seul. personne ne passe. pas à une heure aussi tardive putain. faut qu'il se ressaisisse. y'a du sang. au fond c'est vraiment rien, c'est pas grand chose. c'est son arcade sourcilière. quelques hématomes, mais il en sort bien. il est juste, vraiment, vraiment sous l'choc. il voulait juste fumer. et y'a une voix. y'a un type. il voit une ombre se rapprocher de lui. il plisse les yeux, il a une douleur au crâne assez désagréable. mais ça va.

il arrive à s'détacher. il se tient le front, ça saigne, mais ça va. il vit pire. ça va. c'est c'qu'il se répète depuis cinq minutes. il ouvre la portière. s'tire dehors. il fait froid. il fait chaud. il sait pas trop. j'vais bien, j'crois. il sait son prénom. il sait où il est. il sait quel jour il est. il est conscient. j'me suis pris quelque chose. et à en voir les débris, ça craint déjà pour les réparations. il a déjà assez à payer avec son traitement de merde, il avait pas b'soin de ça putain.    

@elio feels

dépouille inanimé. miki l’macchabée, incapable d’te dégager d’cette catalepsie dominatrice, celle qui t’cloue au sol tel un piquet. membres qui refusent d’obéir à tes suppliques muettes, qu’envoient valser les dernières miettes d’courage que t’avais accumulé jusqu’ici. la peur d’foncer tout droit vers l’inconnu, sans doute. ou, plutôt, d’t’heurter à nouveau aux stigmates qu’tu tentes, en vain, d’calfeutrer depuis des lustres. murmure éraillé qui s’emmêle au friselis des feuilles bercé par l’souffle frais du crépuscule  alors qu’t’aiguises ton ouïe pour discerner chaque lexie qui s’éclipse aussitôt exhalé.

« j'vais bien, j'crois.
j'me suis pris quelque chose. »

éclats d’verre qui craquent sous ton poids lorsqu’tu déracines ta carcasse du bitume, toi, l’enfant de l’asphalte. l’gosse qu’occire plus de temps à arpenter les rues qu’a dégoiser des insanités comme la pluralité des juvéniles d’son acabit. t’as préféré user la s’melle d’tes baskets au lieu d’effriter tes sentiments sur une fraternité éphémère, celle qu’aurait clamsé à la première bisbille insipide, dénué d’contenu. entre billevesées débités et fadaises piaulés, c’est contre la solitude qu’t’as choisi d’te blottir, sous l’regard pétillant d’la voûte céleste.

« bougez surtout pas,
j’arrive. »

défroque qui s’mouve lestement, qui slalom entre les bribes métalliques d’une querelle nocturne. gamin qui déferle jusqu’à l’exuvie de l’accidenté, échoué contre l’plancher goudronné avant d’le surplomber et d’t’accroupir pour analyser les dégâts. tu dissèques avec méticulosité son épiderme constellé d’lésions épisodiques, c’est qu’sur son faciès qu’tes opales s’cristallisent, butant sur la vilaine balafre qui déforme son arcade sourcilière. grimace qu’t’affubles d’un léger froncement d’sourcil, tes lèvres qui s’pincent pour peaufiner ta mimique fallacieuse.

« j’ai appelé les secours, ils devraient pas tarder.
avez-vous vu c’que c’était? »

carcasse bestiale ou humanoïde? interrogation qui s’coince dans ton gosier, qu’tu ravales pour éviter d’t’étrangler. syntagme superflu qui risque d’élucubrer un désordre émotionnel si t’oses l’articuler à voix haute. tes iris quittent pourtant l’jeune homme pour étudier la fresque chaotique, à la recherche d’un corps étranger qu’exhiberait les vestiges d’un impact charnel. il y a qu’une bourrasque inopinée qui s’dresse entre toi et l’panorama abstrait, plongé dans la nébulosité d’tes pensées qui cessent de t’hanter, les bribes de souvenirs d’un passé trouble. mémoire défaillante, empreintes falsifiés. ☽

La nuit la plus sombre a toujours une fin lumineuse.

il va bien.
il croit.
pour tout dire, elio est clairement déboussolé. il connaît son prénom. il connaît la date d'aujourd'hui. il sait qui il est. ça devrait le faire. c'est juste le coup, l'accident. il avait simplement besoin d'essayer de se changer les idées, pas d'se prendre un animal. la bête n'est plus là, elle a dû se sauver. lui aussi va bien. mais les débris au sol sont impressionnants. puis cette voix. il se sent moins seul, parce qu'il aurait fini par bien trop paniquer, elio.

sans savoir où il est. sans savoir comment il va rentrer chez lui. bougez pas. qu'il entend. l'truc, c'est que c'est trop tard. il est déjà sorti de sa voiture, elio, parce qu'il a eu peur. il avait b'soin d'savoir s'il était vraiment vivant. besoin d'savoir s'il pouvait encore marcher sans qu'il ne s'effondre au sol. besoin d'savoir que tout va bien. les mains tremblent, les yeux braqués sur l'peu de luminosité. jusqu'à c'qu'il tombe sur un type.

c'même type qui lui parle depuis quelques minutes. alors c'est vraiment pas une hallucination. il est vivant. un peu cassé, mais vivant. c'est déjà ça. j'crois que c'était une bête. il est un peu hésitant, d'abord. il ferme les yeux pour réfléchir, pour se concentrer. il a un peu l'impression que tout est en train de tourner. c'est sûrement le choc. sûrement l'adrénaline qui est en train de redescendre. ouais, c'était un animal. il en est persuadé, désormais.

il pose ses fesses contre la voiture, s'tient la tête. mais ça a du s'échapper. sa voix est à la fois forte, à la fois tremblante. il ne sait pas comment essayer de s'exprimer. il est un peu épuisé. un peu trop d'sentiments qu'au final, il ne peut pas vraiment expliquer. mais ça va.

il en est presque persuadé.
presque. 

ordre insurgé, squelette qui s’déplie pour défier ton autorité, toi qu’avait revendiqué une seule et unique option ; celle de n’pas bouger.
épiderme qu’tu dissèques lorsque t’arrives à sa hauteur, l’interrogeant sur c’qu’il a heurté après lui mentionner avoir contacté les urgences.
– j'crois que c'était une bête.
il croit.
seulement.
– vous en êtes certain ?
tu persistes pour l’astreindre à approfondir sa réflexion, l’influencer à doguer davantage sur les fragments d’souv’nirs éparpillés sur l’plancher goudronné, ceux qui s’bariolent aux éclats métalliques d’une sombre tragédie lunaire.
toi qu’insiste, palabres muettes pour cornaquer ton r’gard éloquent, persuasif jusqu’à la cime d’tes cils. ses opales qui s’éteignent, paupières qui s’colmatent l’temps d’un axiome qui s’raffine, qui s’façonne jusqu’à s’transformer en certitude.
– ouais, c'était un animal.
dogme qui t’arrache un soupir d’soulagement, celui qui s’déferle d’entre tes pulpes rosées pour s’dissiper contre les alizés de c’te nuitée tempétueuse.
défroque qui s’cabre pour s’affaler contre l’amas d’taule alors qu’tu détailles ton compagnon clandestin d’une œillade dubitative lorsque c’dernier n’semble plus être en mesure d’tolérer son propre crâne.
posture inquiétante.
air patibulaire.
mauvais présage, mauvais augure.
– mais ça a du s'échapper.
apparemment.
– mais ça va.
tu sourcilles, en guerre contre ton envie d’boire ses paroles factices ou d’te fier à la fresque sinistre qu’il ébauche, celle qui s’exprime davantage qu’ses propres mots.
tu dois l’captiver, t’accaparer toute son attention pour éviter qu’il sombre dans un sommeil éternel, lui qui démontre des signes avant-coureurs d’une possible commotion.
t’improvises.
– moi c’est miki.
accent qu’accompagne l’chant des criquets, sérénade qu’exhume les vestiges d’ton enfance. celle qui t’rappelle la barbe à papa qui colle aux doigts, les polaroids placardés aux quatre murs d’ta chambre. celle qui t’rappelle la douceur d’ses lèvres sucrés, vos épopées nocturnes sous la frusque étoilée. celle qui t’rappelle la douleur d’ses au revoir prématurés, vos âmes qui s’fragmentent pour oublier que, jadis, vous n’formiez qu’un.
t’avales d’travers, gorge qui s’serre, étranglé par la corde d’ton passé qui t’maintient à la verticale.
debout par obligation.
à défaut d’pouvoir joncher l’sol.
pour n’pas qu’on piétine l’peu d’prestige qu’il t’reste.
– p’is vous ? vous vous app’lez comment ?
voix qui s’casse, comme l’bruit du verre qu’éclate. rien d’charmant, toi qui s’fond dans c’décors ravagé.
toi qu’es aussi dévasté qu’le paysage esquissé sous tes yeux.