déchéance. (gregor)

moira fusille du regard les deux cartons qui viennent d'être livrés au manoir de long island, comme s'ils étaient responsables de ses maux. elle n'a pas besoin de les ouvrir, elle sait déjà de quoi il s'agit, le tampon de l'envoyeur trahissant la provenance française. ce sont les bouteilles de Côte de Nuits promises à james. contrepartie pour les renseignements qu'il lui avait donné sur river hastings, plaisanterie faite par messages interposés plusieurs jours avant les attaques : les infos contre des bouteilles identiques à celles qu'elle avait piqué dans la cave de l'aîné. mais il n'est plus là pour en profiter.

james est mort.

la douleur est insupportable dans la poitrine de la gamine. son frère n'est plus là. mort. elle a perdu la seule figure masculine qu'elle a toujours eu, celui qui, en plus d'être un frère, avait endossé le rôle de père. elle a perdu celui qui l'a bercé tant de nuits, celui qui a chassé les monstres, celui qui lui avait promis qu'il veillerait toujours sur elle. elle avait cru, moira, qu'il était invincible. mais il est mort. la gorge se serre douloureusement. elle aimerait oublier. oublier ces derniers jours. oublier la douleur. oublier qu'elle a perdu son principal repère. oublier qu'ils ne partageront pas l'une des ces bouteilles de vin rouge hors de prix.

elle veut oublier.
alors ses doigts habiles attrapent le smartphone prêté par un employé, parce que le sien a été perdu dans les décombres de la bâtisse ferreira. elle compose le numéro qu'elle a mémorisé il n'y a pas si longtemps, tape sur l'écran tactile. Cinq lettres.

Citation :

viens.

ça sonne comme un ordre sans en être un.
simple mot qui veut pourtant dire beaucoup.
viens partager ma peine.
viens me serrer dans tes bras.
viens parce que rien ne va.
viens, j'ai besoin de toi.

et sans plus attendre elle ouvre rageusement l'un des deux cartons. elle observe les bouteilles sombres un instant avant d'en saisir une sans délicatesse. elle se précipite d'un pas décidé vers le bar trônant dans l'immense salon, la débouchonne et se sert un verre. alcool rouge à ras bord qu'elle avale d'une traite. elle entend james râler, lui dire qu'elle devrait déguster. la voix fantôme raisonne dans la tête, et elle veut la faire taire. elle démarre urgemment la musique qui tonne dans la demeure, qui bousille les tympans. tout pour ne plus l'entendre. tout pour ne plus pouvoir réfléchir.

elle n'entend pas gregor arriver, pénétrer l'endroit qui lui été inconnu quelques jours plus tôt. qui lui était interdit, aussi. mais elle s'en fiche maintenant, moira. parce que james n'est plus là pour dire quoi que ce soit.

Citation :

viens.

Il ignore les demandes répétées de sa propre fiancée. Il ignore celle qui devrait l'épauler et qui pourtant est volontairement écartée de son coeur et de son deuil. Mais quand Moira lui envoie ce message lacunaire, il ne cherche pas à l'éviter. Il ne cherche pas à comprendre non plus, car il comprend. Il sait. Il se lève, quitte son canapé en titubant. Cela fait plusieurs heures qu'il stagne ainsi sans bouger. Il a besoin d'air frais mais encore plus de quelqu'un pour partager sa peine, pour la ressentir, pour l'éprouver. Alors il prend une paire de clés et s'en va jusqu'au manoir sans demander qu'on ne l'y emmène, sans demander à être assisté.

La dernière fois qu'il a rejoint Moira ici, il risquait de se faire décapiter. Aujourd'hui, il paierait cher pour à nouveau encourir ce risque. Mais celui qui veillait tel un dragon sur la jeune Marlowe n'est désormais plus là pour cracher son feu sur les prétendants.

Je t'ai même pas dit que je couchais avec ta soeur.

C'est probablement mieux ainsi. Et pourtant, lors de leur dernière rencontre, y avait quelque chose de plus doux entre eux. Ils étaient deux chefs de clan qui comprenaient l'importance et l'enjeu de ce qui se tramait sous leurs yeux et dans leur dos.

Greg pénètre la demeure sans frapper. Inutile de réveiller les morts. Et puis, Moira l'attend. Il entre comme auparavant et la cherche jusqu'à la trouver. "Salut toi." Sa voix est morne. Il ne sourit pas mais s'approche d'elle et l'enlace, la serre contre lui et soupire. Cela lui fait du bien d'être auprès d'une personne qui sait. Puis il chasse les mèches de son visage et la regarde. Ses yeux posent la question pour lui. A quel point t'es mal? Parce que demander comment ça va, c'est ridicule, c'est une insulte. Mais il sonde ce corps vivant et pourtant sans vie en ce moment.

elle ne l'entend pas arriver, entrer dans la demeure, ni la rejoindre dans le salon. trop occupée à contempler le néant en vidant son verre de vin alors que la musique l'empêche de réfléchir. tout pour ne pas penser à ce qui lui fait du mal. tout pour ne pas avoir à supporter encore la douleur qui l'éteint lentement. elle ne s'aperçoit de sa présence que lorsqu'il s'approche d'elle, que sa voix morne et grave surplombe les notes qui raisonnent entre les murs. il la sert contre lui, et moira ne réagit pas immédiatement. elle le laisse faire, vide, sans aucune force. et puis, lentement, ses bras fins l'enlace à son tour. la gamine se blottie contre celui qui fait partie de sa vie depuis des années, qui peut comprendre ce qu'elle ressent pour vivre la même chose au même moment. elle se demande, moira, comment il fait pour survivre à ça, à la mort de milo, à la disparition d'alix, à l'hospitalisation de trejan. parce que la mort de james seule la fait déjà bien trop souffrir. elle enfouie son visage dans son cou un instant, sans rien dire. elle a besoin de ça, de sa présence, d'eux, pour ne pas totalement sombrer. puis elle relève enfin la tête, les regards se croisent, et elle sait qu'il comprend. il comprend tout, tout ce que les autres ne peuvent qu'imaginer. les yeux bleus sont gonflés mais aucune larme n'en coule, elle les a toutes déjà usé. moira, elle n'a rien à voir avec ce qu'elle est d'habitude. elle est loin la cadette marlowe tirée à quatre épingles, parfaite. les cernes tâchent d'une nuance violacée le dessous de ses yeux tout comme les bleus sur la peau nue de ses jambes, les joues sont creusées, la longue chevelure mal peignées. la gamine d'ordinaire si lumineuse irradie la tristesse. elle ne parvient pas à se remettre de la mort de son frère. j'ai l'impression de couler. je veux que ça s'arrête. la douleur, la colère, la violence de leur existence. elle veut oublier tout ce qu'elle ressent. elle sait que ça sera possible avec lui. elle recule d'un pas, séparant leurs corps et brisant le réconfort de l'étreinte. elle glisse sa main dans celle du ferreira et l'attire vers le bar et les cartons de vin. elle remplie de nouveau son verre, trop. whisky ? vin ? c'était le préféré de james mais il n'aura pas l'occasion de le boire. cette dernière phrase fait mal. alors elle boit pour oublier, pour dompter la douleur qu'elle en veut plus ressentir. elle pousse au vice, la douce moira.

Je veux que ça s'arrête.

Il sourit, la mort dans l'âme. Il ne connaît qu'une manière pour que tout s'arrête. Cette échappée belle, ce sont leurs frères et leurs soeurs qui l'ont prise. Il suffit d'arrêter de faire battre leur coeur. Roméo et Juliette des temps modernes, ils étaient déjà condamnés de par leur aventure traîtresse à leurs noms et à leurs sermons. Mais voilà que leur idylle secrète s'envole vers la même fin tragique que celle des amants de Shakespeare. "Moi aussi je le veux. Mais on a encore des trucs à régler ici. On ne peut pas... " Elle n'a pas proposé la mort. Elle ne l'a même probablement pas suggérée. Mais lui, il n'entend que ça. Son quotidien en est tellement empli. Alix n'en est pas loin. Trejan l'est en quelques sortes déjà. Il n'y a que ça autour d'eux. Il soupire et la regarde qui pointe du menton des caisses d'alcool.

Toi mon frère. Toi pour qui je sortais des bouteilles d'âge quand tu venais me menacer au Baudelaire. Toi pour qui j'aurais vidé ma cave. Toi, je vais vider tes précieuses... pour toi.

"Whisky." dit-il en se penchant pour saisir la bouteille dont il connaît trop bien l'étiquette. Irène les engueulaient quand ils étaient jeunes et qu'ils sifflaient sa cuvée personnelle. Vous êtes jeunes et idiots, s'emportait-elle. Et les gamins partaient en courant, riant de la colère maternelle. Il débouchonne la bouteille et hume le parfum de l'alcool préféré de James. " Il me manque." Y a que elle pour comprendre. "Sur la fin, on se détestait presque. Mais c'était ce genre de haine fraternelle, tu sais. Le genre qui passe quand on a besoin l'un de l'autre. " Le genre qu'ils avaient toujours partagé. Il met la bouteille à ses lèvres et absorbe une bonne gorgée. James aurait ri de le voir aussi chagriné par sa perte. Son fantôme se moquerait d'eux. "J'ai besoin d'oublier Mo'. T'as pas besoin d'oublier? " Il s'était assis mais se relève. Il regarde autour de lui comme un chien furieux. Il a couché avec Leonide plus tôt dans la journée mais le sexe ne change rien à ses maux, il n'a même pas pu terminer. Non, il a besoin d'un électrochoc. "Viens, on prend des bouteilles et on sort, on va vivre. C'est ça qu'il aurait aimé! " Ca semble une évidence soudain. James voudrait les voir profiter. Mais Gregor n'a pas vraiment la vie en tête. Ce qu'il veut, c'est se pousser à bout. Et en entraînant la cadette avec lui, il déplairait sûrement au défunt. Mais tous les deux ont besoin de se changer les idées.

elle n'y avait pas pensé, à totalement abandonner. l'idée ne lui avait même pas traversé l'esprit. parce que malgré la douleur, la gamine a soif de vivre, peut-être même plus que jamais. elle veut profiter avant que la mort ne l'appelle à son tour. vivre pour elle-même, réaliser tous ces rêves qui se bousculent dans sa tête. pourtant il va falloir s'adapter à cette vie nouvelle. dire au revoir à l'innocence et à la candeur, assumer les devoirs et sa place au sein des marlowe. être un peu moins elle-même, un peu plus celle qu'on a toujours voulu qu'elle devienne. je ne sais pas si j'ai les épaules pour régler toutes ces choses. et toi ? penses-tu être prêt à diriger une dynastie en solo ? au fond il est le plus à plaindre dans l'histoire. il est seul, elles sont deux plus la matriarche. elle le regarde avec peine, avec peur. peur de ce qu'il va se passer ensuite dans leurs vies, peur qu'il décide d'abandonner en la laissant seule ici. parce que malgré médée, malgré irène, il est celui qui la comprend le mieux.

la gamine boit. deuxième verre avalé à une vitesse impressionnante. elle qui est d'ordinaire si responsable, plus que les deux aînés. elle qui veille toujours à ne pas abuser, à garder le contrôle. elle qui a toujours cherché à préserver cette allure d'enfant sage, de perfection personnifiée. il n'en est rien ce soir. elle laisse gregor se servir, consommer le précieux alcool dont elle n'avait pas le droit de toucher. et elle l'écoute, le myocarde comprimé. je sais. elle sait. tout. elle comprend. je ne te l'ai pas dit mais il m'a avoué que tu lui manquais il y a quelques jours. elle sourit un peu, brièvement, en se ressassant la conversation qu'ils avaient eu alors qu'il était totalement ivre, les aveux à demi-mots, le comportement presque enfantin de l'aîné. elle aurait pu lui dire, pour elle et greg. ou alors c'est peut-être mieux qu'il ne sache pas. elle n'aurait pas supporté de l'avoir déçu sans avoir eu le temps de se rattraper. elle aurait aimé lui montrer qu'elle est plus forte qu'il ne le pensait. elle aurait voulu pouvoir passer plus de temps avec lui. tu proposes quoi ? comment pourrions-nous oublier la tragédie qui se déroule sous nos yeux ? et la réponse lui fait arquer un sourcil. on va vivre. elle n'a jamais pu vivre comme ça, moira. aucun coup de tête, insouciance refoulée par le frère et par la sœur. elle hésite, juste une seconde, regarde par dessus son épaule comme pour s'assurer que médée ne l'empêche pas de répondre. je ne pense pas que c'est ce qu'il aurait voulu. mais il n'a plus son mot à dire. je veux sortir, vivre, oublier. n'est-ce pas tout ce dont elle a toujours voulu ? elle en a besoin. pour ne plus souffrir, au moins momentanément. elle attrape la bouteille de rouge entamée, puis une autre. puis elle tourne déjà les talons vers la porte. elle se fiche de sa tenue, un sweatshirt griffé vintage trop grand, juste ça. elle glisse ses pieds dans des baskets qu'elle ne porte jamais, et se tourne vers gregor. on y va ? viens avant que le destin nous en empêche.

Au lieu de s'arrêter, ils font le contraire. Ils prolongent le supplice en lui donnant vie, en le goûtant ensemble. Ces bouteilles qui rappellent le souvenir de James. Ces bouteilles qui rappellent comme il était bon de passer les étés ensemble, insouciants. A l'époque, Moira n'était qu'une gamine amourachée du grand frère. A l'époque, elle ne comprenait pas tout ce qui se tramait sous son toit. Et encore aujourd'hui, il est facile de deviner que ses aînés ne l'ont jamais vraiment conviée aux choix cruciaux qui se faisaient pour la dynastie Marlowe.  " Moi, j'ai jamais vraiment eu le choix. " Réponse limpide. Aîné de sa fratrie, propulsé au stade de chef alors qu'il n'était pas encore prêt, il a volé le trôné à son père sans même le faire exprès. Il est devenu le dragon, le boss du Baudelaire, celui qu'on redoute et que parfois... on espère. Plus clément que ses semblables, il règne d'une poigne juste et droite. Mais aujourd'hui, le poids de ses responsabilités est trop lourd à porter.

Moira lui confesse que James pensait encore à leur amitié avec nostalgie. Et cette révélation poignarde Gregor encore plus fort. Le manque de son ami se ressentait déjà quand il était en vie. Et maintenant qu'il n'est plus, il n'y a que douleur à savoir que cette relation absente les avaient tous les deux privés. " Ne parlons pas de ça tu veux? Je n'en suis pas capable. " Pourtant, c'est tout ce dont il a besoin. C'est de l'amour de ceux qui ne sont plus là. Il rêve des bras d'Alix et de pleurer près d'elle. Il rêve de relâcher la pression et de ne plus devoir être fort. Aujourd'hui, il n'a plus pour qui être fort. Ils se sont tous éteints. Tous, sauf elle. Moira, membre délicat de sa famille. C'est là la tristesse de leur lien physique car avant ça, il était fraternel. A la limite de l'inceste, ils ont joué avec la morale en se rapprochant comme ils l'ont fait. Mais qui le leur reprochera aujourd'hui ? Plus personne. Médée peut-être. Mais Médée a bien trop de choses à gérer pour se soucier d'eux pour le moment.

" De l'alcool et la ville. Le reste, on avisera. " Elle saisit la main qu'il lui tend, accepte cette offre dangereuse. Vêtue de trois fois rien, il hésite à lui dire d'enfiler un dessous mais il n'est pas son père, pas son frère, juste son amant. Alors il sourit, se destituant complètement du rôle de moralisateur et embrassant celui de profiteur. Il compte profiter de cette soirée de liberté. " On y va!  " Une fois sorti du manoir, Gregor fouille dans ses poches à la recherche de ses clés. Celle qu'il cherche est toujours là : la vieille clé du garage des Marlowe. Il sourit et s'enfonce rapidement dans la demeure pour en ressortir avec la bécane de son frère de coeur. " Il ne la prêtait jamais. Mais on sait tous qu'il aurait détesté qu'elle s'encroûte là pendant des années. " Il monte dessus et aide Moira à le rejoindre, conscient que cette position va faire remonter son t-shirt sur ses cuisses et quasiment la dénuder. Le moteur vrombit et la route défile derrière eux tandis que la nuit devient plus noire. Gregor s'arrête à la périphérie de la ville, devant un bar de motards. " Ca te fait pas peur? " Dernier avertissement, dernière chance pour elle de faire marche arrière avant de rentrer là, à la recherche des troubles et des déboires.

la réponse de gregor fait écho à leur dernière conversation, celle qu'ils avaient eu lorsqu'il s'était aventuré au manoir en cachette et qu'ils avaient un peu discuté, allongés sur son lit. Je sais. elle sait qu'il n'a pas d'autre choix que de continuer à diriger, malgré la perte, malgré la peine, malgré l'empire décimé. il se doit d'avoir les épaules solides, contrairement à elle. pourtant elle sait, moira, qu'elle va devoir endosser le rôle qu'elle a toujours fuit. parce que médée va avoir besoin d'elle pour combler la disparition de james, pour maintenir les affaires à flot. et elle n'est pas sûre d'être prête, parce qu'elle n'a jamais eu besoin de s'immiscer dans les affaires de ses aînés auparavant. elle a toujours renié les manigances, l'illégalité des activités, la violences de négociations. ce n'est pas une place pour elle qui rêve d'ailleurs.

elle aurait aimé que les choses se passent autrement. que james et gregor retrouvent leur amitié d'antan. elle sait qu'elle aurait pu aider aux retrouvailles, avec un peu plus de temps. mais james n'est plus là, et la gamine se retrouve seule avec gregor. seule figure masculine, quasi fraternelle, qu'il lui reste après avoir perdu le père et le frère. parce que le ferreira fait partie de sa vie depuis longtemps, trop pour qu'elle puisse aujourd'hui envisager de vivre sans lui. et c'est pour ça que leur relation est malsaine, le presque frère ne devrait pas partager ses draps. ça finira forcément mal. mais elle préfère oublier ce détail ce soir encore, ne pas écouter la raison, profiter de l'évasion qu'il lui offre une fois encore. avant il lui permettait de ne pas être seule, ce soir il l'aidera à oublier la douleur.

La proposition est dangereuse, elle le sait, pourtant elle n'hésite pas à le suivre. confiance aveugle envers celui qui ne le mérite pas. ils sortent du manoir et elle l'observent curieusement chercher quelque chose dans ses poches. elle est surprise de voir ce qu'il en sort. tu as gardé ton double de clés. celui que james avait dû lui donner il y a longtemps, quand gregor se pointait à n'importe quel moment. il faisait partie de la famille, ça a toujours été le cas. elle le voit entrer dans le garage où sont stockées les plus belles pièces des marlowe et elle se demande ce qu'il a en tête. du coin de l'oeil elle voit Louis, le chauffeur de james, s'approcher d'elle. elle se doute qu'il doit se sentir responsable d'elles depuis le décès de l'aîné, alors elle le rassure d'un maigre sourire. tout ira bien elle lui intime silencieusement avant le retour de gregor avec la moto de james. il ne m'a jamais laissé monter dessus. grand frère trop protecteur. il nous tuerait s'il nous voyait ouais. un sourire s'étire au coin de ses lèvres alors qu'elle s'installe derrière lui et passe ses bras autour de sa taille. et les voilà qui filent, bravant l'interdit.

ils se garent enfin devant un bar à l'orée de la ville. moira est surprise qu'il l'ait amené dans ce genre d'endroit qui leur ressemble si peu. bien sûr que non. gamine téméraire qui n'a peur de rien. déjà enfant, elle était tête brûlée, mais les désirs d'aventure et d'adrénaline ont été piétinés par sa famille. ils entrent dans l'établissement enfumé et les regards se braquent vers eux. c'est qu'ils détonnent ici, surtout elle. gamine au visage de poupée, trop délicate pour mettre les pieds dans ce genre d'endroit. et sa tenue ne doit pas trop aider non plus. peut-être que j'aurais dû me changer avant de venir. mais au fond elle s'en fiche moira. elle avance vers le bar, tête haute, allure princière. elle regarde la carte, grimace lorsqu'elle découvre l'absence d'alcool plus raffiné que des bières et du vin bon marché. je crois bien qu'on va devoir commencer par quelque chose de fort. des shots, ça te tente ?

Marlowe et Ferreira, c'était l'extension d'un même sentiment familial. Une famille qui avait été unie par l'amitié entre Greg et James. Et puis qui avait été solidifiée par Alix dans les bras du grand Marlowe. Et maintenant, qui était maintenue par le lien du Grand Ferreira avec Moira. Mais dans une famille, on entre comme chez soi. C'est tout naturellement que Greg avait eu une clé à l'époque. Enfin, plutôt, grâce à Jay qui la lui avait remise en secret. Irène n'aurait pas apprécié que le membre d'une autre mafia, quel qu'il soit, possède un moyen de pénétrer sa demeure. Il sourit " Il ne me l'a jamais réclamée. " Après tout, malgré leurs inimités et leurs conflits, ils étaient demeurés frères jusqu'au bout. Et ca rend la trahison de Greg encore plus infâme à ses yeux. M'aurais-tu pardonné d'avoir souillé ta petite soeur? Il n'a plus le choix que de croire que oui.

Ils montent sur la moto et Gregor soupire. " Mais il est mort... " Sous-entendu, désormais, il n'a plus rien à dire. Tous deux payeraient cher pour que James surgisse du coin du jardin et leur crie à tous les deux de descendre de sa bécane. L'image illusoire fait sourire Greg avant d'embrayer et de les guider vers ce bar à motards miteux. Téméraire, la gamine affirme qu'elle n'a pas peur et Greg pose une main possessive dans son dos pour la faire progresser dans le bar. Ce n'est pas judicieux d'exposer ses guiboles à une bande de mâles affamés. Mais il garde l'emprise sur elle et son regard noir exprime qu'il est prêt à tuer si on s'approche de celle qui pourrait être sa petite soeur, pour ce qu'ils en savent. " Tracasse. Je suis là. " Il ne l'a pas été lors des attentats. Mais désormais, il a juré à son frère qu'il veillerait sur Moira coûte que coûte. C'est un serment inviolable, fait à un défunt. Il lui a juré sur sa tombe. Cela ne pardonne rien mais c'est tout ce qu'il peut faire pour rattraper un peu ses torts. " Va pour les shots. Reste ici, je vais les chercher. " Il l'assied derrière une table basse, pour cacher la tentation que ses jambes représentent pour ces affamés et revient en quelques secondes, la serveuse va leur apporter. Dix shots qu'il a demandés. Elle n'a pas sourcillé et s'est contenté d'encaisser. Gregor s'assoit près de Moira et il saisit sa main entre les siennes. " T'es glacée. " Et pour cause, ils viennent de traverser la ville à peine vêtus. " Moira, tu sais ... je suis désolé pour ton frère. Je ne te l'ai pas encore dit mais je suis navré de ne pas être arrivé plus tôt. Et navré de ne pas l'avoir empêché d'y aller. " En faisant ainsi, en échouant à retenir James, il avait condamné l'homme ainsi qu'Alix, sa soeur. Mais cette dernière n'était pas encore morte aux dernières nouvelles. Pas encore.

La serveuse ramène les shots et Greg en pousse 5 devant la demoiselle. " Cul sec? " C'est jouer avec le feu. C'est dangereux. Mais il met sa main sur le premier et la regarde avec des étincelles dans les yeux.