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 NYC / méphitique — Carmin

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Message Sujet: NYC / méphitique — Carmin   NYC / méphitique — Carmin Empty Lun 10 Mai - 14:30


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Trois semaines après l'agression.

De blanc, de gris et de vert délavé sont revêtus les lieux. Ça empeste la maladie, les médicaments et les substances désinfectantes, les tourbillons des visiteurs et patients lui donnant déjà le tournis, avachie dans sa chaise grinçante, la pointe de son pied couvert de vieilles bottines tapant régulièrement le sol, nerveuse et l’envie de déguerpir qui ne semble pas vouloir s’échapper. Voilà des semaines qu’elle erre dans les murs blancs de sa propre chambre, quelques pans peints en noirs pour laisser ressortir les horreurs achetées sur le net, des Murderabillia, œuvres de tueurs en séries qui exposent l’ignominie de ce qui se trame sous leurs caboches, comme une provocation pour la mère qui entre parfois dans son antre comme pour les rares invités qui osent pénétrer le pas de la porte. C’est un lieu de cauchemar, chambre d’ado qu’elle empeste de la fumée d’encens à celle des clopes enchaînés, malgré les nausées, malgré les premiers avertissements d’un châtiment qu’elle a créé dans le marbre du mensonge. Il ne devait rien n’exister entre eux que les cendres d’un lien passé et périmé. Ils sont désormais, l’un et l’autre, deux étrangers s’étant trop heurtés l’un à l’autre. Elle n’a pu croire à ce qui s’est dévoilé sous ses yeux quelques semaines plus tôt. Un pauvre test de grossesse, comme pour s’assurer que le mensonge n’avait pas pris vie en ses viscères noircies de vices. Elle se rappelle n’avoir pu que s’effondrer face à la nouvelle qui s’est affichée, avoir racheté tant de tests qui sont tous demeurés positifs, comme lui annonçant qu’elle était atteinte de la pire des maladies et qu’il ne lui restait désormais plus que neuf mois à vivre. A périr, le ventre épris par la vie.

Elle n’a pas su se résoudre à l’annoncer à sa mère qui ne l'a pas encore refoutu à la rue et aux abois de la jungle new-yorkaise, la crainte de la voir la prendre sous sa coupe, l’étrangler d’abord de ses sermons pour ensuite lui faire cracher le genre du bébé lorsque cela serait possible. Il est impensable qu’une St-Clair mette au monde un autre garçon qu’Amos qui est l’heureux malchanceux a ne pas avoir été ni égorgé, ni pris dans les mailles d’un cocon où il aurait été déposé dans une benne ou même sur le perron d’une église, peu importe. Personne à qui elle n’a pu confier son fardeau qu’elle porte désormais dans la plus sombre solitude depuis des jours, ne pouvant se résoudre à pleurer encore, le teint pourtant plus pâle, ne cherchant pas à s’empêcher de s’enivrer malgré les avertissements de la gynécologue qu’elle a choisi. Vieille femme aux cheveux grisés mais au regard bien doux, elle a perçut sa crainte, lui a demandé le nom du père et cette fois, Imra a bien failli lâcher un cri, ce semblant de plainte animale qu’elle avait laissé s’échapper dans la cage d’escalier en fuyant son bourreau. Elle ne pouvait se résoudre à croire que l’infant a pu être conçu lors d’une étreinte non voulue, qu’il puisse être le fruit pourri et véreux d’un viol qui hante ses nuits, qui l’empêche de fermer totalement les paupières, de jour comme de nuit. « Il vous faut du repos. » répète sans cesse cette femme qui semble vouloir prendre sous son aile une énième mère qui n’est pas prête, qui lui a présenté tous les papiers qui pourraient la mener à l’avortement. Il ne peut en être autrement. Le souffle court, elle s’est levée le matin-même avec le besoin de se faire arracher cet embryon du ventre, de ne plus jamais en entendre parler, presque décider à se faire ligaturer les trompes pour que rien ne revienne s’inviter en elle par la semence d’un homme, qu’il soit chanté par son cœur ou non. Ses phalanges traversent la mer noire de ses cheveux alors qu’elle se penche entre ses cuisses, inspirant l’air vicié, raclant nerveusement le cuir chevelu de ses ongles courts ou longs, ne ressemblant plus qu’à un spectre dans sa longue robe noire semblable à celle qu’elle portait quand Dris est mort, quand elle se fit interroger par ce lieutenant dont elle éplucha les nerfs de son silence et son regard vide. Il lui semble presque vouloir revenir à cet instant où tout était plus simple, où son corps n’était pas épris ni d’un homme qui osa la prendre de force, ni même d’une seconde vie qui croit bon de la choisir, elle, sorcière à l’âme bien laide, pour mère. Fermer les yeux, juste un instant. Inspirer et souffler pour ne pas gerber ici, au milieu d’autres convives au ventre bien rond, le sien encore plat, n’ayant pas eu le temps de voir prendre forme quoi que ce soit. Elle serait prête à se poignarder en voyant la moindre forme ronde venir sculpter son nombril, comme si elle allait éclater, la peau craquelant parce que bien sensible, peu habituée à bouger car maigrir est bien facile pour elle qui ne se nourrit que de colère et de chagrin mais elle n’a jamais pu prendre plus de quelques grammes, voyant ses côtes dans les périodes les plus sombres.

Un nom est appelé et elle sursaute lorsqu’une main se dépose contre son épaule, levant la tête vers celle de cette femme qui lui offre un doux sourire auquel elle est bien incapable de répondre. Est-elle même sûre de vouloir faire cela ? Est-elle certaine de ne pas vouloir en parler au géniteur, à ce donneur de semence qui pense que son nom est allié au sien ? Dégoût et passion s’affrontent dans un imbroglio déroutant qui la pousse à se redresser lentement, mirant les yeux gris de cette femme prête à l’aider à se débarrasser de qui pourrait passer entre ses cuisses, par filet de sang ou par les premiers sanglots d’un nourrisson. La panique l’assaille, la noie alors qu’elle repousse la main bienveillante, se retrouve dans un maelström qui l’empêche d’y voir réellement clair, passant de couloirs en couloirs, les papiers remplis par sa main serrés contre sa frêle poitrine, ses cheveux noirs ondulant autour de son visage blême, presque gris sous les néons, une morte-vivante marchant, sans le savoir vers l’inévitable, ne croisant pas la silhouette du maudit dont elle rencontra le regard des années plus tôt, ne voyant pas alors que le cafard qu’elle est a été pris au piège de l’attention aiguisé d’un prédateur qui ne la laissera pas s’enfuir des locaux avant d’avoir eu ses réponses, échouant contre un pan de mur où la lumière se fait moins vive, sa main frémissante se déposant contre sa gorge alors que lentement, elle glisse, tentant de retenir la crise qui pourrait la faire suffoquer, la noyer ainsi sans que personne ne perçoive rien, son jupon s’étalant en une corolle de dahlia noir autour d’elle, comme une flaque de goudron gondolé de dentelles, les tests positifs de sa grossesse s’étalant devant elle sans qu’elle ne parvienne encore à y croire.

Imra St-Clair, fille de la mort, qui s’était promis de ne jamais donner vie,
Maudite et égoïste, contrôlant tout de sa vie pourtant chaotique,
La voilà bien coite face aux tours menaçants que peut jouer la vie,
Que l’on joue avec le Destin du bout des doigts ou non,
On ne finit jamais réellement épargnés.



(c) corvidae


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Message Sujet: Re: NYC / méphitique — Carmin   NYC / méphitique — Carmin Empty Lun 10 Mai - 16:48


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Souffrance acerbe que celle d'un monstre. Il n'est pas permis aux inhumains d'éprouver les sentiments qui sont du ressort des mortels. Mais mortel, ça... Carmin l'est. Il l'est pour lui comme pour elle. Comme pour tous ceux qui osent croiser son chemin. Et il vit dans la pénombre du coeur depuis plusieurs semaines, se fustigeant et rageant contre ses pauvres choix. Mais il ne fait rien pour redresser une situation qui ne peut être redressée. Car le cruel sait quand il a merdé. Et pour atténuer cette peine sans nom, une seule solution. Elle s'appelle Vodka. Et avec elle, sa petite soeur russe elle aussi : Ivana. Une fille de joie aux cheveux noirs qui ressemble de loin à Imra. Cette catin ne le comble pas. Carmin ne couche d'ailleurs pas avec elle. La pauvre femme se dévêtit devant lui, s'assied en tailleur sur son lit et attend qu'il se décide. Mais depuis trois semaines, rien ne se passe. Il ne fait que l'appeler et la payer pour des heures à la regarder en consommant plus que de raison. Et il souffre de ne pas avoir envie de la toucher. C'est là son nouveau démon. Autrefois, il n'aurait peut-être pas approché la gamine pour des raisons éthiques. Parce qu'un prêtre et une prostituée, cela fait cliché. Mais désormais, il se retient parce qu'il n'y arrive pas. Parce que Carmin, il a déjà trouvé une autre pute à souiller. Et cette pensée l'entraîne dans les décombres de la pensée, le force à boire jusqu'à tout oublier.

Bois.
Bois.
Jusqu'au fond.
Encore une.
Bois.


Et il se réveille dans sa gerbe, tel un déchet humain ou inhumain. Il se réveille dans une odeur de sueur intense et seul. La gamine s'est barrée. Un rire odieux le force à tousser. Il a encore du vomi en travers de la gorge. Puis en se redressant, une douleur intense dans le corps le force à se recoucher. C'est son âme qui se morcelle, son enveloppe corporelle qui lâche. Entraîné par des médecins à l'hôpital, il y est interné. Et trois jours plus tard, on lui apprend qu'il a une inflammation du foie et qu'on doit lui prélever un bout pour s'assurer qu'il n'a pas fait de cancer ou encore qu'il ne risque pas une cirrhose. L'hépatite a été écartée, fort heureusement. Mais le prêtre n'en est pas soulagé. Il regarde les murs désuets et se demande si le clergé a été prévenu des raisons de son absence. Il prie pour qu'ils sachent tout et qu'il soit mis à la porte. Cela serait plus facile que de continuer cette triste comédie.

Alors qu'il fouine dans le meuble près de son lit à la recherche de son portable, il voit passer un fantôme dans les couloirs. C'est une apparition étrange. Mais depuis qu'il a engagé Ivana pour venir écarter les jambes devant lui, chaque femme semble ressembler à Imra. Mais aucune n'est elle. Alors il ne bouge pas. Il enfile un jean et un t-shirt blanc. Qui lui a amené tout ça? Un haut le coeur en voyant les fleurs dans le vase. Maman. Qui d'autre après tout? Il soupire et s'assied sur son lit d'hôpital, à bout de souffle. Puis, il voit passer à nouveau cette silhouette fantomatique. Il sait qu'il hallucine mais cette fois, il ne peut s'empêcher de se lever et de sortir dans les couloirs pour la poursuivre. Au détour d'une allée, il voit celle qu'il désire et qu'il veut oublier s'asseoir dans une salle d'attente, contre un mur. Le fantasme de la pensée semble trop réel mais il ne veut pas y croire. A distance, il scrute les cheveux noirs bien attachés et la robe qui leur fait reflet éparpillée au sol autour de la dame dévastée.

Ce n'est pas elle.
C'est ton esprit qui te joue des tours.
Ce n'est pas elle.
Rentre dans ta chambre, c'est un point de non retour.


Mais il est obnubilé par cette apparition et ne peut s'empêcher de s'en approcher alors que chaque muscle de son corps lui dicte de s'en aller. Il fait un pas supplémentaire dans l'allée et absorbé par cette vision comme par un rêve sacré, il souffle son prénom comme pour l'invoquer. «  Imra.   » Sa voix vient d'outre-tombe. Mais elle ne peut l'entendre, elle est encore loin de lui, protégée par les vitres de la salle d'attente où elle s'est engouffrée. Alors l'homme perturbé regarde cette porte qui les sépare et voit "obstétrique" inscrit en lettres noires sur la vitre. Son coeur se soulève à la pensée qu'il a pu causer quelque dommage dans son corps, qu'il a pu la briser. Au bout d'un moment, une femme vient chercher la femme qui le fascine tant et il la voit en proie à un trouble immense. Imra se sauve et Carmin la suit sans savoir pourquoi. Il la suit comme un traqueur, comme un chasseur qui pourchasse sa proie. Dans les allées, elle-même semble chercher à lui échapper alors qu'elle ne sait pas qu'il est à ses trousses. Puis l'animal blessé s'effondre au sol, contre un mur, tenant dans ses mains des papiers que le blond ne parvient pas à identifier.

Debout, devant elle, il regarde le visage en peine se lever pour le découvrir et il est soudain frappé par la vérité. C'est bien elle. Ce n'est pas un cauchemar, pas un rêve, pas un mirage. C'est elle. Il s'accroupit pour se mettre à son niveau alors qu'il sait qu'il devrait faire demi-tour et éviter de s'imposer à la belle qu'il a dénaturée. «  Imra, qu'est-ce que...  » Ses yeux se posent sur les papiers et il voit l'en-tête ainsi que les mots "consentement pour une procédure d'interruption volontaire..." le dernier mot est caché sous la main de la jeune femme mais le coeur de Carmin fait un saut. Les indices se mettent tous seuls en place. Il a un haut le coeur à nouveau et sent ses tripes qui se tordent comme jamais. «  Merde.   » Il se relève et s'en va près d'une poubelle où il lâche sa bile pendant de longues secondes. Puis, le prêtre revient près d'Imra et lui demande avec un tremblement dans la voix «   Tu crois que tu me pardonneras un jour?  » Cette question n'a pas sa place entre eux. Mais il se consume depuis trois semaines, il se fout en l'air pour se punir de ce qu'il a fait. Cependant, il sait qu'il a besoin d'elle. Qu'elle le pardonne ou non, c'est devenu une évidence. Elle est le venin qui agite ses veines, le seul qui le maintient en vie.



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Message Sujet: Re: NYC / méphitique — Carmin   NYC / méphitique — Carmin Empty Mar 11 Mai - 1:20


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Dans le noir elle voit rouge, elle respire le rouge, celui du sang qui pourrait couler d’entre ses cuisses souillées comme des plaies du myocarde. Elle pourrait crever ainsi, retrouver par une infirmière ou un médecin traçant son bout de chemin par là où les lumière sont faiblardes et grésillent, étouffant le capharnaüm de l’accueil plus loin, les bruits de métaux et de machineries qui laissent à penser à une mort certaine, laissant planer sur son visage et sur les lieux où un brancard dort tout près d’elle contre un mur, une atmosphère bien glauque. Ses doigts froissent le papier sous l’impulsion de la rage et elle aimerait se laisser faner ici, ne plus se relever et attendre que même le bourgeon en elle finisse par se flétrit de lui-même sous les assauts d’émotions trop fortes, comme des tempêtes sableuses écraseraient les débuts des racines pour qu’il ne demeure rien ensuite. Une catastrophe interne qui ferait office de vague et ne laisserait que les débris de son âme flotter par-dessus l’eau noire qui engorgerait sa carcasse. Elle pâlit, tentant de reprendre sa respiration dans un sifflement bruyant, son crâne rencontrant le mur alors qu’elle se sent prête à vomir, ne comprenant pas ce qui l’a poussé à partir si vite, à faire une scène, aime qui aime la provocation mais pas tant l’attention qu’elle peut laisser porter sur elle. Femme de l’ombre avant tout, elle aime se fondre dans le décor, qu’on ne la remarque qu’à peine car elle ne mérite pas les minutes que l’on peut perdre à la regarder trop longtemps, car l’on a peur de se noyer dans les lacs noirs de ses yeux qui divaguent.

Elle n’entend pas les pas, elle n’entend pas le loup dériver et s’abattre alors sur son chemin. Elle ne perçoit d’abord que l’odeur que n’importe quelle effluve âpre ou médicale ne pourrait cacher. Son corps entier se fige et elle n’a qu’à peine le temps de bouger, de s’élever dans l’impulsion de fuite qu’elle voit le visage de son bourreau se découvrir sous la lucarne à la lueur qui se flingue doucement. Sa mine l’effraie, voyant là l’étendu des dégâts qui se creusent sous les yeux, la barbe mal rasée, le faciès exposant sa détresse et sa culpabilité. Son corps réagit bien à sa place, des millions de frissons courant le long de son corps alors qu’elle se recroqueville contre le mur comme pour s’y fondre, refusant de le voir, croyant un instant à un mirage que le manque lui fait voir. Car là est son désastre : il lui manque, comme une dose de douleur qu’il faudrait reprendre, comme une envie de se faire mal bien davantage, malgré l’impression de traverser un nuage cotonneux, d’observer son corps sans réaliser que c’est à ce corps qu’il est arrivé une telle immondice, que la violence vécu a laissé sous les replis de son ventre, un ver que la pomme pourrie qu’elle est ne peut mettre au monde. Secouant la tête, ses cheveux couvrant son faciès, elle se détourne, écarquillant pourtant les yeux lorsque sa voix émerge entre eux, rocailleuse, comme attaquée par quelque chose d’acide. Son menton tremble sous l’envie de hurler à sa gueule, pour qu’il n’ose même pas lui parler ni approcher davantage, le souffle plus court mais ne faisant pas mine de lui cacher l’évidence. Elle n’a pas cru bon de le prévenir de ses doutes, pas cru bon de ne lui envoyer ne serait-ce qu’un message. Ils ne sont pas ensemble, il n’y a rien à annoncer ni à célébrer. C’est un déchaînement désastreux qui s’abat sur elle et il ne semble pas avoir été épargné par la foudre de la misère qui l’anime. Le démon en lui ressort plus que jamais en cet instant et il pourrait faire grimacer de dégoût bien des femmes mais elle ne peut se voir écœurer par son faciès, le voit tel qu’il est depuis des années, connait tout de ses moindres odeurs, de la salissure qui semble vouloir remonter de sa trachée lorsqu’elle comprend qu’il comprend. Elle n’est pas là pour une simple visite médicale. Elle est ici pour faire cesser ce qui n’aurait jamais dû être. Tuer avant de ne se tuer elle-même.

Les bruits de régurgitations ne la font même pas ciller, la haine maniant ses mâchoires, les molaires se serrant en ne supportant qu’il puisse être là. C’est lorsqu’il revient près d’elle que dans un mouvement lent né de l’interdit qui marque ses traits qu’elle redresse la tête vers lui, l’Enfer ployant sous ses iris, ses paupières battant doucement quelques instants figés dans le sable du temps, ses cheveux s'étendant en rideaux noirs sur l'une de ses joues. « Te pardonner ? » Le ton est grave, mort, aussi mort qu’il le fut il y a trois semaines. Elle ne peut même pas en rire, le fixant comme s’il était plus fou qu’elle encore avant d’élever d’une main tremblante les papelards remplis « T’sais c’que c’est ça ? Tu sais hein ? » Elle parvient à se redresser pour ne pas être en position de faiblesse, la folie plein le regard. Elle ne sera jamais le cafard que tenteront d’écraser les hommes sous leurs poignes. Plus jamais. « J’suis enceinte. J’suis enceinte à cause de toi, enfoiré d’mes deux ! » Le cri résonne mais n’attire personne alors qu’elle s’approche, se fichant de l’odeur rance qu’il dégage, sa main saisissant son col « J’aurais dû t’buter ce soir-là mais t’as l’air d’t’en sortir tout seul, hm ? Ça prend juste un peu plus de temps. Tu nous fais quoi hein ? Une indigestion à ta bêtise ? » Comme si l’assaut qu’il lui avait fait subir pouvait être qualifier ainsi. Sa lèvre supérieur se relève, lui crachant son dégoût de son expression la plus amère « Je te hais. Jamais. Jamais je ne te pardonnerai ce que tu as fais. Et surtout… » Son visage décide de s’avancer vers le sien, deux gueules éprises de fatigue, de misérables sentiments qui se lorgnent pendant un instant dans la pénombre « … J’vais avorter pour qu’il ne reste rien de toi en moi. Plus rien. Et ose même pas te donner ton avis, j'en ai rien à foutre. » Sa main se desserre et se déploie là où elle sait que la lame du couteau s’est planté, y déposant ses serres de corbeau pour l’empoigner, faire mal à tout prix, qu’il tombe à genoux s’il le faut. « T’aurais dû réfléchir, Carmin, avant de croire que j’étais ta pute. Tu deviendras la mienne. Tu vas ramper jusqu’à ce que j’me dise que tu es même digne de me regarder. » Les mots lui font mal. Il était son seul repère dans un monde infernal, un repère sombre et sanglant mais son premier et unique repère, celui qui la tint dans ses bras à l’orée de la forêt de la mort, où les frondaisons des arbres laissaient percevoir le monde spectrale dans lequel elle allait sombrer. Il l’aurait tenu, tendrement, jusqu’à la fin. Et il n’est plus cet homme sous ses paupières. Tout ce qu’elle peut percevoir est cet instant figé contre la porte de son appartement, ce moment où le bateau a coulé et où ils se sont noyés ensemble. « Il t’arrive quoi ? J’avais dit d’te soigner à c’que j’sache. » Une dernière sentence de sa voix qui grésille, qui grommelle et elle le fixe, penchant à peine la tête, tanguant sur ses propres pieds comme un roseau qui ploiera bientôt sous le vent qu’elle est seule à sentir, voulant lui confier qu’elle a peur, qu’elle n’est pas prête à faire mourir quiconque, pas même un petit pois dans une couche de chair.


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Message Sujet: Re: NYC / méphitique — Carmin   NYC / méphitique — Carmin Empty Mar 11 Mai - 14:17


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Elle avait tant demandé son amour. Elle avait supplié des mots de la part d'un homme qui n'avait pas ça dans le sang. Elle avait été rongée par le besoin humain d'appartenir à quelqu'un et voilà qu'il avait marqué son territoire sans lui offrir la paix demandée. Telle une femme battue, elle viendrait redemander son reste à un moment donné. Et Carmin, violeur malgré lui, bête sauvage ramenée à sa condition primaire, savait qu'il ne pouvait faire face à la laideur de leur dernier ébat. Il le savait. C'est pourquoi le silence s'était abattu entre eux. Carmin s'attendait à ce qu'à tout moment, la noire beauté surgisse chez lui et lui enfonce ses ongles dans le cou avant de le forcer à l'aimer encore... même si c'était mal. Parce que c'était tout ce qu'ils connaissaient tous les deux. Et de peur qu'elle ne parvienne à le faire céder, de peur que les souvenirs ne reviennent le hanter, il cuvait son désespoir dans des bouteilles toujours plus nombreuses, toujours pas assez assassines.

Et là, tu cries.
Là, tu m'en veux.
Là, tu as raison.
Là, c'est pour de bon.
Femme battue.
Femme violée.
Femme volée.
Je n'ai rien à te donner.


Il ne lui en veut pas. Cet épisode entre eux a changé quelque chose dans le plus profond de son être. Il n'est plus en rage contre elle, il s'en veut à lui. Mais une part de Carmin Fletcher demeure. Et que celle qui porte la vie, la vie pourrie de leur union, le repousse ainsi... cela le blesse. Il n'a pas le droit de s'indigner et pourtant l'homme ne peut s'en empêcher.

Péniblement, il ravale sa rage et la laisse s'en prendre à lui. Il a forcé son propre dégoût d'elle en elle l'autre jour. Il s'est imposé comme jamais auparavant, ne lui demandant pas si elle voulait subir sa colère comme elle l'a fait. Alors c'est son tour de se prendre en plein visage cette particule infime de ce qu'elle ressent. Pourtant, bien qu'il sache qu'elle est en droit de hurler, il a aussi le désir de la gifler. Il voudrait que l'hystérie s'arrête et qu'elle reconnaisse ses propres torts. Il voudrait surtout que l'épisode soit effacé de leurs mémoires et qu'il puisse redevenir deux chiens vagabonds qui se grognent au nez et qui se pissent sur les pattes pour s'agacer. Mais c'est un espoir sans fond, alors il se contente de laisser le mal se déverser jusqu'à ce qu'elle semble marquer une trève momentanée dans son discours plein de poison.

«  Tu te trompes Imra. C'est mal me connaître. Je ne rampe devant personne.  »  Sa voix est sèche. Il a gardé les yeux baissés pendant toute sa tirade, il les remonte enfin vers elle avec un regard vitreux d'homme qui a subi sa vie au cours des derniers jours. « Je pourrais te dire tout ce que tu veux, rien ne changera ce qui s'est passé et tu le sais très bien. J'accepte ton blâme, j'accepterai même de ne plus te voir si tel est ton désir... » Son estomac se noue à la pensée de la perdre. C'est dans des moments de tragédie pareille qu'on réalise qu'on tient à quelqu'un. « Mais je refuse d'être à ta merci. Je l'ai toujours refusé. Et si tu as un minimum de lucidité, tu te rappeleras que ce jour-là, je t'ai prise à la rue. T'as l'air d'oublier que tu te donnais à des inconnus pour quelques billets! » Il monte dans les tours sans parvenir à se contrôler. Il prend alors sur lui pour contrôler sa colère et redescendre d'un ton. «  Imra, ne me pardonne pas, c'est ton droit. Mais peu importe ce que tu veux te faire comme illusion, dans ce scénario, on était deux. Et tu me connais assez pour savoir... que tu as tout fait pour qu'on en arrive là. Tout. » Elle l'a appelé le jour de son anniversaire, lui a fait savoir qu'elle se prostituait, l'a vouvoyé quand il l'a croisée par hasard, lui a parlé crument et l'a chauffé dans l'ascenseur et dans son appartement. Elle a réveillé l'animal, elle lui a montré de la viande crue sous son nez et l'a appelé pour le titiller, pour le provoquer. Il n'aurait pas dû céder peut-être. Mais elle ne pouvait pas ne pas s'imaginer que c'était un danger qu'elle prenait. «  Sur le moment même, je n'ai même pas réalisé que tu ne voulais pas putain! » Ca sort enfin. Cette erreur grossière qui leur aura tant coûté. Un aveu qui lui coûte tout autant. Dans la rage de leur relation, il pensait que la violence était partagée et qu'elle crevait de ce rapport sec et brutal autant que lui. Carmin n'en dort plus parce qu'il n'a pas imaginé une seule seconde qu'il avait mal interprété leur relation. Cette relation toxique qui n'a jamais eu de logique, jamais. Il se relève et fait un mouvement d'épaules concernant son état. «  Ouais ben je t'avais dit de pas te prostituer aussi, ça ne t'en a pas empêchée. » Amer, il se dirige vers le distributeur de boissons de ce couloir et cherche dans son jean mais c'est un truc fraîchement lavé par sa mère, les poches sont vides. Fuck it. Il tape sur l'appareil, sa bouche est desséchée. Une pompe à eau se trouve au bout du couloir et il s'en va pour se verser un gobelet avant d'en prendre un second au cas ou. Il le ramène à Imra et le dépose près d'elle sans rien dire. Le contact ne doit plus se faire entre eux car il sait qu'elle risque juste de le lui jeter au visage. «  Tu as déjà avorté? » La question le taraude. L'idée que quelque chose germe en elle l'horrifie et l'époustoufle. Imra, mère. Cette pensée est insensée. Comment un quelconque espoir de maternité a-t-il pu s'implanter en elle? Il n'en sait rien. Mais il se demande s'il pourrait assumer ce rôle. Un rictus se dessine sur son visage alors qu'il se projette papa. Non, évidemment que non. Mais pourtant, il espère qu'elle lui dira que le foetus est toujours là. Carmin ne sait pas pourquoi. Il ne se comprend pas. Mais l'espoir germe tout comme le môme. Il prend racine d'une manière inattendue et effrayante. Et si c'était leur seule chance d'avancer, de ne plus être ces chiffons, ces morceaux de déchets abandonnés à la rue avec rien d'autre que la souffrance pour évoluer ?



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Message Sujet: Re: NYC / méphitique — Carmin   NYC / méphitique — Carmin Empty Jeu 13 Mai - 17:37


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Bien sûr, il refuse. Bien sûr, il n’abdique pas. Elle l’observe sans expression, mourant sur le fil des mots qui viennent exploser les derniers grains d’espoirs qu’elle n’avait pas senti germer en elle. Il la frustre en lui enlevant un moyen de le voir ployer à ses pieds. Il n’aurait jamais dû être l’unique homme à avoir su toucher la partie la plus sombre et pure d’elle-même, il n’aurait jamais dû croiser leurs regards, à aucun moment. Elle hait le Destin qui joue bien des tours et surtout les plus mauvais car les St-Clair sont maudites depuis des éons, tant de siècles passés à propager la Peste du malheur chez les hommes qu’elles croisent, voilà que la dernière née devait bien payer pour le mal fait. Elle a payé de sa petite vertu contre le bois usé d’une porte d’entrée, elle l’a payé en pesant désormais le poids de l’acte immonde qui a créé ce qu’elle s’apprête à nommer infanticide. Elle se refuse à avorter, comme si le minuscule germe en son ventre portait déjà la pression d’une vie pleine de plomb et de suie. Une boule de suif qu’elle va devoir désagréger, sans ciller ni pleurer. Jamais. Jamais elle ne sera mère ou ne donnera vie à un moucheron né du cadavre d’un semblant d’étreinte non voulu.

Leurs regards se croisent et elle ne sourcille même pas un pas, le fixe sans bouger, sa main le relâchant lentement en faisant bruire le tissus de son t-shirt contre sa paume et ses phalanges usées, sa mine défaite exposant à la lueur faiblarde sa hargne lorsqu’elle macule le silence d’une réponse venimeuse « J’devrais t’remercier peut-être ? » Un crachat qu’elle expulse sans se contrôler. Depuis ses 16 ans, elle s’est vu exposer aux yeux hagards des hommes voulant bien des putains qui arpentent les trottoirs sans ciller, la moue boudeuse ou mutine et elle, faisant toujours bien tache dans ce décor morbide, n’arborant pas la moindre grimace, ni le moindre sourire. Rien qui ne puisse attirer et pourtant, cela lui a suffit pour attirer les plus rudes vers elle, quelques paumés, quelques puceaux qui voyaient en elle un certain exotisme, une intrigue mais qui ne croisaient jamais son regard une fois la lourde et rude tâche terminée entre ses cuisses, après avoir tiré sur sa chevelure, lui arrachant quelques fils comme on effiloche un vêtement au fil du temps qui use. Elle s’est laissée prendre et ne s’en est jamais plaint, refusant la pitié et n’ayant aucune oreille à laquelle se confier pour dire qu’elle se devait bien de le faire pour échapper à la main maternelle qui pesait alors sur elle. Carmin ne peut définitivement pas le comprendre, il ne peut même y penser. Il s’enfonce sans le vouloir et elle hausse à peine le menton, pour retenir les tremblements, dans une inspiration qui l’étouffe, l’air restant prisonnier de sa gorge. Elle n’en supporte pas davantage et trouve la force de le gifler dans un éclat de peau meurtri, l’air sifflant entre molaires serrées pour ne pas mordre encore et encore jusqu’à ce qu’il saigne. « Pauvre merde. Tu t’rends compte que t’as le même vocabulaire que tous les violeurs du coin ? » Elle hausse un sourcil, la folie trainant quelque part dans les tréfonds de son timbre grave et de ses iris éperdues « J’l’ai cherché ? J’ai cherché à ce que tu m’prennes de force ? Tu savais… T’as toujours su que j’savais pas t’dire non alors pourquoi me faire ça ?! A moi ! » Le poing s’abat sur sa propre poitrine, laissant expulser le mal qui la ronge, en un sanglot qui ne mouille même pas ses yeux, reculant comme pour le fuir. « J’avais b’soin d’fric. J’ai toujours b’soin de fric. Mais ça t’regarde plus. » Elle s’écarte enfin, se détourne sans peur qu’il puisse la saisir, se venger à nouveau sur le brancard qui roupille non loin d’eux, les draps bien fait, se laissant couler le long du mur comme à son arrivée, chiffonnant les papiers entre ses doigts. Sourde à la bataille qu’il affronte contre la machine, elle ferme les yeux, épuisée, suppliant que la douleur cesse, que la vie qui est la sienne ne demeure plus un mirage de souffrances pour connaître, rien qu’un instant, la paix la plus profonde. Son crâne s’écroule contre le mur de cet hôpital qui empeste la maladie et la mort, quelque chose arrivant à faire naître le pire des malaises en elle, retroussant ses genoux contre sa frêle poitrine pour dévoiler ses chaussettes rayées, de rouge et de noir, comme une partie de l’enfance n’ayant pas quitter son style vestimentaire, attachant nerveusement ses cheveux en un chignon embrouillé qui délaisse bien des mèches filasses autour de son visage qui déclare qu’elle est exténuée, dégageant pourtant les lignes fines de sa mâchoire, les joues rondes, les cernes grisées sous ses yeux crevassés et noirs de charbon, hantés par l’horreur. Un instant dans le silence, elle le croit partie mais il suffit de son odeur qui chatouille son nez pour qu’elle comprenne qu’il n’est pas prêt de décamper, refusant de le regarder alors même qu’il dépose un verre près d’elle qu’elle ne prend pas la peine de saisir.

La question qui vient la fait sourciller et vicieuse, elle hésite. Bien sûr, elle hésite à jouer sur sa mémoire alors même qu’elle conjuguait ses paroles au futur quelques secondes auparavant, prouvant qu’elle porte encore leur enfant. Elle pourrait lui jurer que oui, l’enfant est mort mais elle ignore ce qu’il ressent à cet instant, détournant enfin sa tête vers lui « Qu’est-ce que ça peut t’foutre ? Tu l’veux ? » Il sait. Il sait que son avis ne comptera pas dans la balance mais la curiosité malsaine l’abîme un peu et elle esquisse le plus amer des sourires « Non, il est toujours. La merde que tu m’as foutu dans le bide est encore là. » Ses doigts libres acceptent le verre d’eau et elle y pique quelques lampées qui ne l’apaisent même pas un peu « Mais plus pour longtemps. » Sentence qu’il ne pourra combattre, elle veut que l’enfant meurt avant d’avoir pu prendre la moindre forme, avant que son ventre ne puisse laisser transparaitre quoi que ce soit. « J’veux pas être mère. Et j’veux surtout pas porter ton gosse, ni celui d’un autre. La putain de dynastie d'merde des St-Clair s’éteindra avec moi. » Car elle interdira bien sûr à son frère de perpétuer quoi que soit, de donner la vie au travers d’une autre femme. Il ne peut plus y avoir davantage de sang qui s’écoulera de leurs mains. Le plastique craquelle entre ses doigts alors qu’elle souffle ce qui pourrait sembler à un rire, fixant le vide en face d’elle « Tu m’as pas répondu. Tu fous quoi ici ? M’dis pas qu’tu m’suis ? » La méfiance la pique mais elle ne peut ignorer son teint cireux, sa mine aussi dégueulasse que la sienne, mirant la destruction qu’a entraîné son acte sur sa belle gueule d’angelot, le fixant comme pour insister de son regard qu’elle sait lourd lorsqu’elle le veut, qu’il crache la vérité à tout prix.


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Message Sujet: Re: NYC / méphitique — Carmin   NYC / méphitique — Carmin Empty Ven 14 Mai - 10:00


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Note au lecteur. Le viol étant devenu trop lourd à supporter pour l'évolution du lien de nos personnages, nous avons décidé de supprimer ce passage dans l'histoire de Carmin et Imra. A la place, des coups de poings auront été mis de manière violente et menaçante dans la porte où Imra se trouvait au moment des faits. Et un sexe violent et consenti de haine aura eu lieu ensuite. Imra, utilise désormais la violence de Carmin pour le tourmenter et se sert sans détour de cela pour affirmer qu'il a profité de la situation, en allant jusqu'à parler de viol pour l'exaspérer. Mais il n'y aura donc pas eu de viol.



« Ouais tu devrais me remercier. T'es qu'une catin que j'ai sorti de la rue ce soir-là. Tu devrais me remercier. T'as reçu du fric et t'as baisé un mec que tu connaissais déjà, c'est mieux qu'un inconnu, non?  » Il ne mâche pas ses mots. La sorcière a le don de le rendre fou. Il fulmine, peste et attend qu'elle jette son prochain sort, qu'elle enfonce ses griffes dans sa jugulaire. Et elle ne se fait pas longtemps demander. Voilà qu'elle arrive avec son nouveau reproche préféré. Carmin se mord la lèvre pour ne pas venir frapper près d'elle à nouveau. «Je sais pas comment ça se passe avec tes clients. Mais avec moi Im, t'en avais clairement envie. Alors va servir ton discours de victime à quelqu'un d'autre.  » Il exulte presque. Parce que cette violence entre eux, c'est son seul réconfort. Il a eu du mal à encaisser sa propre violence au cours des semaines passées. L'image de son poing qui ébranlait la porte à plusieurs reprises, les étincelles de peur dans le regard d'Imra... Une bête sanguinaire n'aurait pas mieux accompli sa destinée. Mais Imra le rend fou à proprement parler. «La seule chose que j'ai prise de force, c'est ton misérable corps de putain trempée. Je l'ai pris et je l'ai sorti hors du caniveau.  » Elle avait besoin de fric. Toujours la même rengaine. «  Avant de te barrer, t'as pensé à me demander? » Il grogne et se retient de hurler pour ne pas attirer l'attention du personnel soignant. D'ailleurs, on devrait bientôt voir que le patient qui devait rentrer a déserté sa chambre sans signer les derniers papiers.

Puis, alors qu'ils sont parfaits dans leur drame psychologique, alors qu'elle enfonce sans subtilité le clou sur les vices de son partenaire et alors qu'elle refuse de reconnaître qu'elle en est la source la plus stable depuis des années, le bébé revient. Ce sujet épineux qui n'a pas sa place entre eux. Il ne répond pas à sa question. Il n'en sait rien.

Non, il n'en veut pas. Et pourtant, il est hors de question de laisser Imra se salir d'un nouveau péché. Mais une pensée le tourmente et il ne la laissera pas partir sans l'avoir accusée au préalable. « Que je t'ai foutue dans le bide? Comment tu peux être sûre que c'est moi Miss j'écarte les jambes pour quelques dollars? » Voilà, c'est sorti. Le trouble l'anime. Il est convaincu qu'il n'y a que lui qui ait pu l'ensemencer. Mais il ne peut y croire. C'est surréel. Il était clair entre eux que la demoiselle aux cheveux sombres ne pourrait jamais procréer. Et encore moins avec l'agneau qui souhaitait la confesser. Mais aujourd'hui, les cartes sont redistribuées. « Oh arrête avec tes répliques de tragédie grecque. C'est pas une pièce de théâtre, c'est la vie. Et c'est pas ta dynastie là, c'est la nôtre.  » Ca sort tout seul. Il aurait pu dire que c'était la sienne à lui. Mais il est évident qu'ils sont deux. Cela fait des années qu'ils se font du mal. Et des années que ce mal est leur unique bien. Alors cet enfant, cette malédiction, c'est peut-être aussi leur rédemption, qui sait? Il est paumé et cela se voit. Mais il n'a pas dit son dernier mot tant qu'elle n'a pas fait son choix. Mais elle détourne la conversation pour savoir ce qu'il fait ici. L'homme qui a déraillé n'a pas envie de se justifier. Mais s'il veut qu'elle soit plus douce avec lui, il lui doit bien ça. « Je me fais soigner. C'est pas ce que tu m'as demandé? » Il arque un sourcil avec ironie avant d'ajouter. « J'ai eu quelques soucis d'alcool. Faut croire que t'as implanté ton mal en moi toi aussi, à ta manière. Et ça a créé un beau petit bébé inflammatoire sur mon foie.  » Il sourit, presque fier. Mais ce n'est pas de la fierté, c'est du vice. C'est le vice qui les unit. C'est leur destin qui les réunit. Là, tous les deux dans l'hôpital alors qu'ils ne se sont pas cherchés. « On s'en fout de ce que je fais là Imra. Toi, qu'est-ce que tu fiches ici par terre? Si t'es venue pour le tuer, pourquoi t'es pas dans le cabinet avec ton assassin toubib pour évacuer cette soi-disant chose que j'ai implantée en toi? » Il touche un point sensible, il en est sûr. Carmin s'accroupit et soulève le menton d'Imra pour planter ses yeux dans les siens. « S peut-il que tu hésites?  » Il n'y a pas de méchanceté dans la question, pas d'ironie. Il demande sincèrement curieux de la réponse. Il la regarde et attend pour comprendre ce qui agite l'esprit de celle qu'il aime malgré lui, malgré leur folie.



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