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 les bêtes humaines — Côme

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Message Sujet: les bêtes humaines — Côme   les bêtes humaines — Côme Empty Mar 6 Oct - 22:39

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Message Sujet: Re: les bêtes humaines — Côme   les bêtes humaines — Côme Empty Jeu 5 Nov - 19:10


les bêtes humaines

     
Dans l’enfer apaisé, la trombe du talon sur le gravier. Les rats déferlent près de sa godasse et s’empressent de rejoindre l’étroitesse des gouttières, la symphonie en toile de fond de larmes de pluie qui s’écoulent sourdement dans les sous-sols du Queens. Du reste, le vide et le silence, ce qu’il demeure de lui-même. Il y a peu, la malfaisance du berceau soviétique s’est dressée dans des allures d’oasis pacifique, la violence en artefact de quiétude. Ça ne l’empêche pas, pourtant, de jeter un regard de côté car la paranoïa étreint de la même force suppliante des jouvencelles, laisse place à la fractale sensorielle du suspicieux qui parcourt les interstices d’une nuée de tabac. La clope bourgeonne vivement s’affaissant contre la lippe, cambrée vers l’envie de réchapper à celui qui la consume lentement. Elle se dilapide sous la douleur, et Côme lui met le feu sans sentiment à mesure qu’il la respire. Ça lui fait aller mieux de voir les cendres qui virevoltent, échouent sur le goudron. Il tient fébrile la révolte des regrets quand il abandonne ce qu’il en reste, et vit agréablement depuis que la cigarette est devenue mégot.

Fallait-il ainsi réfuter le désir de s’écraser contre ses lèvres au risque d’y périr.

Grisha n’a pas cédé la vilaine besogne, et Côme s’est vu relégué en proie de l’oisiveté pour la soirée. Quand il se pavane d’austérité dans l’espace miteux de l’appartement, crevant le monticule des nébuleuses et d’astronomes autoproclamés, y a un moment où il se demande ce qu’il est venu combler. Boucher les trous creusés un peu partout, dans le coeur, dans le ventre, dans le crâne - criblée, la mémoire. Ça colmate avec plus d’efficience que ces gamines qui défilent, chaque jour plus jeunes que le précédent, jusqu’à ces types vieux de cent ans, qui rajeunissent dans les fontaines factices du désir. Emballées de satin, de velour, de coton, elles portent toutes un morceau de son fantôme qu’il fait mine de ne pas voir. Des nymphettes aseptisées, l’intérieur froid et humide, caverne aux parois visqueuse et joyaux volés ou rompus. Il explore leur malédiction d’un regard distant, atone. Convaincu que les vivantes sont jetées en pâture du haut des falaises pour que sa morte dérobe sa matière à l’humus et que, rapiécée, elle lui revienne de sous les décombres. Mais Héléna aussi jolie, avec cette même inclinaison à la rupture, a tissé son ombre dans les corps amorphes qui défilent sous les yeux fuyards.

L’animal, résigné aux morsures, obture superficiellement les plaies qui lui sont faites en se fondant dans ces soirées mal peuplées. Qu’importe. Parce que ça continue de labourer les terres pourries de l’âme, que dans chaque coin de l’épave, la blonde d’une quinzaine d’années désapprouve et l’aîné se détourne. Il réprouve la suspension du temps, la staticité des morts, se jette dans les accolades gourmandes, sucrées, poudrées souvent, de donzelles qu’on aurait foutu dans la tempête de son désert. Toutes prises dans l’étau de son aura, et celles qu’il croise brièvement dans le couloir de la mort n’ont pas la force nécessaire d’y lever un oeil, vers son jugement impitoyable. Mais lui non plus n’élève aucune sentence sur ces étrangères, parce qu’elles ont le visage des audacieuses suicidaires, loisibles de se foutre en l’air au gré des opportunités. Elles titillent sa rage qu’il essuie promptement s’affublant de la délicatesse d’un clientélisme mortel. Et se succèdent une à une dans la piaule blanche tandis que sur ses paupières, la paresse. Il s’est tapis derrière la porte, égraine leur face déstructurée, leurs cris-silences se meurent au profit des joutes masculines auxquelles il prend part. Finalement, l’une d’elle à la force de pousser la porte plus loin. Le déterminisme franc du manque certainement.

La fine carcasse est péniblement poussée au retrait, et Côme apparaît enfin, germe sur les dalles de son agacement. Il veut grogner mais la réplique se borne aux contours spectrales qui émergent devant ses orbes. Ça ligature toutes effusions de façon subite. De revoir l’image faste d’un passé au sourire mutin, les os et la chair rosie à quelques endroits, les vêtements sombres pour cacher toutes sortes de balafres. La fronce de ses sourcils tâchent de soutenir son éternelle attitude glaciale, mais les battements encoffrés décélèrent et le coeur chevrote quand le fantôme s’élance vers la sortie. Il a en mémoire la bâtisse où les flammes poussent, il n’y a pas les traces de l’effroi car tous dorment et elle aussi. Alors qu’il l’arrête et à quelle fin? Navré d’avoir transmis ta mort entre tes mains, parce que si ç’avait été moi, j’t’assure, j’aurais fait ça bien et t’aurais pas eu à y mettre du tien.

Il sinue derrière le pas pressée de la brune, et enfin sur le pallier, à l’extérieur, il lui saisit l’avant-bras: “arrête-toi”. Il glisse l’ordre et lâche prestement son emprise, elle lui fait dos mais ne bouge plus. “Qu’est-ce que tu fais là, Cosima? J’te croyais morte”, ça lui échappe et il fronce les sourcils de regrets.


(c) corvidae
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Message Sujet: Re: les bêtes humaines — Côme   les bêtes humaines — Côme Empty Sam 21 Nov - 20:55

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Message Sujet: Re: les bêtes humaines — Côme   les bêtes humaines — Côme Empty Lun 12 Avr - 17:22


les bêtes humaines

     
La main dont il a usé pour l’attacher est tendue dans le vide, brassant l’agressivité de la fugueuse et accusant cette brutalité inconnue dans les couloirs de ses yeux bruns. La poussière d’une vieille rancune lui est soufflée au visage, et Côme la souffre sans protester malgré cette aigreur constante qui lui chamboule l’existence, qu’il déleste par l’impact des phalanges. Ce silence insolite est un temps qu’il s’octroie pour parfaire le mensonge et duper ce souvenir immiscé dans le présent. « J’ai pensé qu’t’avais brûlé avec le reste. J’suis pas déçu d’te savoir en vie Cosima, c’est putain d’tordu d’dire un truc pareil », il fait tomber ses orbes sur le bitume, les poches ravalant ses paumes meurtrières dans un écart lamentablement nerveux comme si elle brûlait encore et que les cendres filaient les voies respiratoires, l’inertie à jamais punie par le poison distillé dans son souffle. Mais la protégée ne s’était pas consumée comme les tentures et les fondations, faite d’une cire plus épaisse que sa défunte famille pour devenir cette créature spectrale qui rappellerait inlassablement sa couardise de jeune garçon.

L’ombre martèle bruyamment le pêcheur d’une fatalité qu’il ignore allègrement en faveur des remembrances velours et délicates qu’il a d’elle, l’innocence en composition musicale qu’il a, imprimée dans le crâne. À ce qu’elle pouvait tramer dans le repère des toxicomanes, la gueule émaciée, les cernes bleuis par les meurtrissures de l’insomnie, Côme dégaine dans l’âme une espèce de répulsion. L’ordre imaginaire des babioles dérangées, d’une Cosima glissant du cocon immaculé à la misère d’une planque. À défaut de révéler à la lumière jaunâtre des réverbères les faces de son trouble, l’homme tire de ses lippes la cigarette d’un paquet qu’il  présente à la jeune femme.

La brune quémande son change, se presse pour extirper les informations du taciturne comme elle espérait qu’il en détenait une ouvrant vers des sommets quelconques. « Ni l’un, ni l’autre, j’suis passé voir des potes », qu’il soutient alors qu’il éclaire les horizons de son visage de la flamme d’un briquet qu’il lui tend. Côme darde attentivement le poupon mal sevré comme il en a tant observé, la mécanique du geste trahissant le manque qui palpite sous la peau. Il constatait comme son monde à elle se confondait avec le sien, regrettant le jour où la collision avait eu lieu, dans ce salon sous les regards, elle rejetée dans le coin des insouciants, lui engloutit dans les abîmes de l’horrifique. « Depuis quand tu touches, c’est quoi l’histoire? », laisse-moi entrevoir les cicatrices de ma vindicte, cette absence létale et mon désir bancal, le prix de ta fascination sibylline, cette fraction du désastre à laquelle j'ai contribué.

(c) corvidae
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Message Sujet: Re: les bêtes humaines — Côme   les bêtes humaines — Côme Empty Dim 9 Mai - 9:26

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