the hamptons / une barque sur l'océan ft. violanda

une barque sur l'océan

partout les figures du passé s'étaient décidées à sortir de leur caveau. devant la morbide pâmoison, ils s'étaient extasiés, les vautours reniflant les effluves sanguines que les perles de l'ichor promenaient autour d'eux. sur un plateau d'argent, hedda s'y reflète, les miettes de son image comme piètres canapés auprès de ceux qu'elle avait côtoyé pendant des années. les amitiés pourtant ont eu cette facilité déconcertante de s'éroder à mesure que la vase commençait à grignoter les semelles des talons aiguilles, à enserrer les chevilles jusqu'à entacher complètement la mère désormais auréolée des bénédictions lucifériennes. le stupre envoûte les perversités des âmes jaillissant des tréfonds. comme si elles avaient finalement trouvé l'objet de leur repentir. celui qui sommeille sous la chair corrodé par le dard de l'écume saumâtre répandu par la houle. tous s'attèlent à faire des ulcères une tombe bien plus grande pour qu'elle y soit placée. marâtre sommée de sentences populaires. les pires car souvent celles d'une masse abrutissante. il y a eu l'étonnement d'abord puis l'amère déception quand la bonne entente a vacillé, choisissant honteusement les vertus du silence. dès le début, elle s'était tue, violanda. pas l'ébauche d'un mot, d'une seule et minuscule syllabe exprimant une quelconque compassion, une bribe résiduelle d'un soutien qu'elle aurait pu lui procurer. gratifiée du néant, hedda n'avait pas eu le temps de fulminer ses désillusions. elle avait fini par les accumuler, une à une, ravalant l'ire qui contribuait à construire les fondations de ce qui serait le naufrage des humains décevants. avec leur flot d'inconsistance, voguant sur les rives de la duperie et des fallacieuses toiles d'amitié tissées. comme le peu qui restait, violanda avait disparu, pour sûr trop effrayée à l'idée d'être la victime collatérale de la tempête infernale qui s'abattait sur la tête d'hedda. comme si tout n'était finalement que superficie. alors les allures immarescibles, aussi fines et ostentatoires que les gouttes qui perlaient des bouteilles de vin onéreuses, ont fini par s'anéantir. grignotées par les abîmes où végètent la réalité reléguée au rang de souvenirs. ceux qu'on enterre rapidement en prétendant qu'ils n'ont jamais existé.
« au topping rose house. faites vite. »
annoncé au chauffeur au moment où la silhouette se laisse engouffrer dans la berline aux vitres teintées. c'est du parking privé au sous-sol de l'hôtel où hedda réside qu'elle s'échappe, loin de la frénésie des parasites tellement acculés devant les voituriers qu'ils fusionnent avec la façade de l'édifice luxueux. celui qu'ils tentent de percer en agitant leurs cuticules aiguisées, prêtes à être dégainées dès que l'ombre d'hedda se dessine à l'horizon. car il faut capturer, l'essence du vice qui pullule autour de ses mains striées de petites rides qui ne sauraient se repaître de manipuler les vicissitudes emmaillotées par la mort. celle qui apaise ces feux d'artifices de contradictions qui explosent contre les parois de son être. le téléphone déposé sur le cuir de la place inoccupée à côté d'elle, hedda s'abandonne à la contemplation des rues qui défilent à travers le prisme brumeux. lugubre est l'univers qui se dépeint sous ses yeux. les couleurs sont mornes, fades, comme si le monde autour d'elle respirait l'amertume et la nostalgie. la tristesse lasse et infinie qui se dissipe un instant pour mieux s'écraser sur la maigre rive de la liesse. tous arborent ces traits froncés et fermés des mêmes qui la condamnent. car le monde veut sa mort, ça ne fait aucun doute. finalement, c'est davantage le spectacle des immeubles tirant leur révérence qui lui procure un soulagement, observant leurs reflets s'évanouir peu à peu au profit des étendues marines, presque noires, de la baie. elle y trouve le calme dans l'immensité de l'eau, dans le silence de plomb qui est loin d'être effrayant, plutôt revêtant une sérénité rare.

après des heures, entre les arbres se dessine discrètement la façade du lieu de rendez-vous. presque qu'abandonnée, la maison, trop immaculée pour abriter quelconque trace de vie humaine. hedda s'extirpe de l'engin dès qu'il est mis à l'arrêt, sautant sur l'occasion de brûler une cigarette qu'elle cale entre ses lippes avant d'avancer vers violanda qui l'attendait déjà.
« violanda. comme au bon vieux temps, pas vrai ? »
des gestes machinaux pour enlacer sans entrain la vieille amie. la chaleur n'y est plus, sur elle se déposant l'épais frimas des amitiés cristallisées dans le gouffre du temps révolu. le retour des habitudes mondaines, honnies mais répétées à la perfection.
« alors, dis-moi, pourquoi cette soudaine réapparition ? à croire qu'il n'y a pas que les vautours qui ont décidé de sortir de leur cachette. »
la pique glisse sur la fumée qu'elle crache dans l'air environnant. en se détachant de la brève accolade, les mirettes sillonnent les traits de celle qui à l'air d'une étrangère plus qu'une connaissance désuète avant que le corps ne s'échappe en direction de la véranda spécialement aménagée pour elles. à l'abri des vermines. si bien que le monde pourrait s'effondrer qu'elles n'en auraient cure.

une barque sur l'océan

@hedda farrow & @violanda rhodes

Le soleil se dérobe et l’horizon s’étire dans une obscurité qui engloutit le jour. Un moment loin de l’agitation d’une ville qu’elle considère comme son foyer légitime, le nid où elle aurait dû percer sa coquille. Dans un luxe à faire pâlir le raisonnable Violanda n’écoute qu’à moitié son assistante qui croit nécessaire de lui rappeler le résumé des actions débloquées cette après-midi. Si elle n’était pas si absorbait par la couleur du ciel en train de changer elle n’hésiterait pas une seule seconde à la remettre à sa place. La jeune femme fait pourtant son travail du mieux qu’elle le peut, et si elle venait à oublier de lui faire ce résumé Viola la réprimanderait tout autant. Mais, cette fois-ci la jeune femme ne goûtera pas à l’acrimonie de sa patronne qui, bien que son corps soit encore là, a quitté la pièce. Son esprit est loin entre les nuages fardés de violet et de rouge, caressé par les vents doux et subtil d’un printemps qui s’affirme. Elle virevolte et tournoie sur la ligne de l’horizon entre la mer et le ciel, libre et insaisissable.

Son assistante finit par comprendre qu’il est temps pour elle de retirer, mais avant qu’elle n’ait pu sortir Viola l’interpelle et s’assure qu’elle ait bien réservé l’établissement pour ce soir comme elle lui avait demandé plus tôt. La jeune femme hoche la tête à l’affirmative qui décroche un « bien » ferme et condescendant à la diamantaire. Pourquoi a-t-elle appelé Hedda aujourd’hui ? Pourquoi a-t-elle ressenti le besoin de retrouver cette amie qui l’a suivie au fil des années et qu’elle a pourtant décidé de laisser couler à l’arrivée de la marée noire ? Elle n’a pas vraiment de réponse à ces questions, mais ce qu’elle sait en revanche c’est qu’elle est étonnée que cette dernière ait fini par accepter son invitation. Elle a choisi ce lieu sans laissé le hasard guidé sa décision, ce n’est pas la première fois que ce restaurant accueillera les deux femmes en son sein, mais se pourrait-il que ce soit la dernière ? Perdue dans le flux de ses pensées, elle n’entend pas la voix qui l’appelle la première fois qu’elle s’élève dans la pièce. Au deuxième écho, elle accroche son regard à celui du maître d’hôtel qui lui annonce l’arrivée de sa vieille amie qui daigne étrangement l’honorée de sa présence. Elle se redresse pour accueillir Hedda alors qu’elle pénètre dans la pièce vide et passe machinalement son bras autour de ses épaules quand celle-ci s’approcher pour la saluer.

Comme au bon vieux temps.

Ce bon vieux temps qui n’a pas suffi à préserver leur amitié de l’acte terrible qu’à commis son fils. Non pas car Violanda a pris peur face à l’horreur, non pas car elle s’est tout d’un coup questionné face à la responsabilité de son amie, mais simplement car cette tornade dans laquelle Hedda s’est retrouvée était bien trop dangereuse pour les plans que Violanda préparés depuis si longtemps. « Pourquoi changer une vilaine habitude ? » réplique-t-elle un sourire lisse dessiné sur les lèvres. Cet échange est bien trop cordial pour qu’il soit sincère. Elle invite la mère des ombres à la suivre dans la véranda et prête une oreille attentive à la question qu’elle lui pose, son sourire s’étirant face à l’amertume qui ose enfin montrer le bon de son nez entre les mots polis celle qui a été et est encore sa seule véritable amie. Elle prend le temps de s’assoir face à elle avant de lui répondre faisant signe au serveur de venir les servir, il sait déjà ce qu’elle veut car les instructions qu’elle a dictées à son assistante cet après-midi étaient plus que claires. « Je n’ai jamais été cachée. Si tu voulais me trouver tu savais très bien où chercher. » Le serveur arrive, et viola suspend sa phrase alors qu’il leur sert une coupe de Dom Pérignon. Puis à peine s’en va-t-il qu’elle reprend, « plus sérieusement, je n’ai jamais eu pour projet de disparaître de ta vie définitivement. Mais tu te rends bien compte que le cataclysme qu’a causé les mauvaises décisions de ton fils était bien trop destructeur pour être ignoré. » Elle est franche, et lui expose la situation telle qu’elle l’a appréhendée tout en omettant de préciser qu’il aurait pu compromettre l’organisation du meurtre de son mari si elle s’y était retrouvée mêlée. « Je sais ce que mon silence a pu te laisser croire, mais si tu m’en donnes l’occasion, je suis prête à te prouver que mon amitié a bel et bien existé, et existe encore. » Elle plonge son regard dans le sien tout en tendant sa coupe en direction de celle de son amie. Hedda est importante pour elle, bien plus que quiconque ne l’a jamais été et elle ne saurait pour autant vraiment l’expliquer. Alors, ce soir, elle veut faire en sorte de la retrouver.

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