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 NYC / la légende urbaine,

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Message Sujet: NYC / la légende urbaine,   NYC / la légende urbaine, Empty Dim 11 Avr - 7:53

la légende urbaine,
@kidd mcdonald


do,
le parquet s'étiole sous ton balai inondé. un regard vers l’extérieur t’annonce que la pluie s’est réveillée pour accompagner l’obscurité qui s’est levée. tu t’arrêtes une seconde pour observer les passagers pressés qui se précipitent à l’intérieur des cafés et restaurants désertés depuis longtemps par la foule des grands jours. les gens normaux sont rentrés depuis longtemps retrouver leur famille ou tenter de s’en créer une. certains regards curieux s’arrêtent sur la grande baie vitrée de l’école et tu refoules tes réflexes primaires de te mettre à gesticuler comme un pantin bien entraîné. le menton posé sur le manche de ton balai, ta grâce n’est plus celle des succès oubliés, effacée par la lassitude de la fuite en avant pour échapper au passé, pour éviter de totalement s’effondrer. un sourire mélancolique hante tes lèvres l’espace de quelques secondes devant la parade amoureuse d’un couple de retraités encore bien accroché malgré les rides qui entourent leurs cœurs. est-ce qu’on ne peut aimer qu’une personne toute sa vie ? 

ré,
la lumière automatique du couloir qui s’éteint derrière toi vient te rappeler à l’ordre alors que tu reprends ta routine, délaissant ton attirail pour une salle de cours encore peuplée de quelques acharnés. tu t’arrêtes une seconde, rentre dans la pièce discrètement pour nettoyer le matériel derrière eux. tu prends le temps de cirer la barre avant d’étendre le cou par réflexe pour leur montrer que derrière tes gants abîmés, tu as encore quelques restes de la reine que tu as été dans une autre vie. le temps s’égrène encore quelques minutes avant que tu n’ouvres les lèvres pour oser distiller les conseils qui t’ont mené éphémèrement au panthéon des étoiles. “tu devrais plier davantage sur ton premier enchaînement et sois plus souple sur ta jambe gauche, on voit que ton genou est douloureux.” les regards se croisent, se jaugent l’espace d’un quart de secondes et se baissent sur les remerciements timides. tu te souviens de la moue moqueuse de ton mentor à berlin lorsque tu dansais. verrouille ton talent ou ils finiront par te le voler en même temps que le solo. l’ironie ne t’échappe pas alors que tu te faufiles de nouveau dans la pénombre de l’école désertée.

mi,
les pensées noires des nuits blanches reprennent leurs cours alors que les derniers passionnés déclarent forfait. il y a des années lumière, ta place à toi était sur ce parquet. la nostalgie se réveille au moment où la musique s’élève en amenant avec elle tes premières douleurs endormies par le chagrin. tu te défais de ton jogging pour rester en collant et chausses tes pointes en prenant place face au miroir. la musique te berce et enterre tes derniers espoirs alors que chacune de tes articulations retrouve son rythme, s’aligne avec ce que tu as toujours donné. étoile piétinée pour la gloire des paillettes. la musique s’étire, comme si elle avait compris ton besoin de vide et qu’elle te laissait le répit de la liberté pour quelques minutes supplémentaires. utopiste déchue, les certitudes asphyxient tes derniers rêves alors que tu coules. tu te surprends même à te noyer sur les dernières mesures, tu pensais savoir nager mais la noirceur des profondeurs et son silence réconfortant prend le large sur ta volonté. 

-- qu'y a-t-il de plus fort
que le coeur humain
lui qui se fracasse à répétition
et continue de vivre


fa,
la gamme s’éteint, l'ombre t’étreint. un raclement de gorge dans ton dos et se dessine devant ton regard embué un dessin aux traits parfaits, un croquis que tu aurais probablement pu admirer dans une autre vie, à un autre moment de la tienne. un homme que tu aurais pu prendre plaisir à sauver dans des circonstances différentes. tu essuies tes joues avec ton poignet, soudainement dépourvue de toute volonté. tu ouvres les lèvres, les referme. tu pinces les lèvres et finalement, la digue cède. t’as la bouche indisciplinée qui dégueule des vérités contenues et l’inconnu au physique parfait devient le triste témoin de l’âme déchirée de la petite fille à l’envers. ton doigt se lève dans une plaidoirie de l’accusation. “on t’as jamais dit qu’on entrait pas comme ça chez les gens ? parce que c'est une propriété privée ici. et puis t’es là depuis longtemps ? putain mais c’est quoi votre problème à tous dans ce bordel ? t’es un voyeur qui se délecte de la tristesse des gens ou juste un malade qui adore rentrer dans l’intimité des inconnus ? j’en ai marre de rien comprendre aux gens alors explique-moi ce que tu fais là.” et quand ta diatribe s’est tarie, tu t’es remise à pleurer, les yeux baissés. la respiration aussi saccadée que ton rythme cardiaque. “je suis désolée. t’as rien fait, c’est pas contre toi. c’est contre tout le monde et c’est toi qui prend pour le monde entier. et toi, t’as rien demandé.” si il savait ce que cette confession implique, toutes les personnes évoquées dans cette simple constatation et le gouffre qui se cache derrière ces quelques mots. tu te laisses tomber sur le parquet pour défaire tes pointes et fuir l’évidence. “tu cherchais quelqu’un ou quelque chose peut-être ?” et pourtant tu as la lune devant toi, sans être capable d'admirer l’éclat de lumière dans ta nuit, trop effrayée pour approcher.
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