(EVENT) / COLOЯROOMS - BLUE.

Il ne savait pas à quoi s'attendre, en venant ici, en poussant cette porte. Le hasard qui l'amène là, qui le fait se planter dans ce qui semble être le milieu de la pièce. Le calme qui envahit ses oreilles, après toute l'agitation de la foule précédemment. Son regard qui se perd sur des contours qu'il devine, qui court sans précipitation d'angle en angle. Puis une inspiration et il ne cherche plus après les arrondis droits, ne cherche plus après rien. Joue le jeu de l'expérience, du laisser-aller. Ferme les yeux, abats ses paupières comme des cartes qu'il irait jeter sur une table de poker, pour mieux les rouvrir et oublier tout ce qu'il avait pu être avant de rentrer dans cette pièce. Reste ainsi, statique, de longues secondes qui forment à force une bonne minute. Se perd dans l'instant T, dans ce moment de flottement. Alors Emil choisit de s'asseoir, comme s'il était à faire un signe de reddition. Peut-être que c'est tout ce bleu qui lui écrase les épaules, qui le fait se poser ainsi à terre, qui lui fait mettre les genoux en avant, les avant-bras posés dessus. Et bien assez vite, les souvenirs se ravivent. C'est bête comme il suffit d'une position et d'une vision, pour se remémorer des choses. Dans tout ce bleu, il y voit du vert. Se rappelle l'herbe dans laquelle il s'asseyait en Espagne, quand il sortait du lac, quand il était trop fatigué de jouer avec ses soeurs, de nager, de vivre. Quand il était encore qu'un orbite qui ne savait naviguer que dans ce fleuve familial, qu'il était à juste se laisser porter par le tout. Alors sur la minois du professeur, un sourire doux se dessine et il tourne un peu la tête, avise encore ce bleu qui se transforme en lac, puis en mer. Se rappelle alors du sable collé à l'arrière de ses cuisses, quand il étendait les jambes dans ce premier. Se souvient que trop de la sensation du maillot trempé, de la chaleur du soleil qui lui tapait la peau, qu'était à la marquer de rouge pour des jours entiers. Dont il s'en fichait, sur le coup, appréciait la morsure sur l'instant, parce que c'était agréable, que ça séchait les gouttes qui dévalaient le long de sa peau à une vitesse effarante. Qu'il était trop bercé par les rires et les conversations, qu'il était prêt de sa mère qui lui disait de retourner à l'eau, qu'il fallait en profiter parce qu'ils ne reviendraient pas à la mer avant peut-être le mois d'après. Emil qui se rappelle, de combien il pouvait lui sourire, de dire qu'il était bien là, près d'elle. Qu'alors un silence confortable s'installait, d'avant que son regard ne court sur les autres. Tous les gens autour, qu'il ne connaissait pas, qui parfois ne parlait même pas les mêmes langues que lui. Une fascination étrange, pour tous ces gens-là dont il ne savait rien, ne pouvait que leur dessiner des vies sans savoir si les traits correspondaient à la réalité. Mais tout change, quand après de longues minutes à se perdre dans sa tête, celle-ci reprend un peu le contrôle et lui rappelle que c'était pas le même bleu que celui qui se reflétait à la surface du lac, de la mer. Qu'il est bien plus abyssale, qu'il était finalement plus proche des jours de pluie, de quand le soleil tapait plus rien, qu'il était juste caché par des nuages qui rendait tout plus sombre. Que le lac n'avait alors plus rien d'accueillant, qu'il restait pourtant là, la boule au ventre de cette honte qui le dévorait, adolescent, d'avant que l'aveu ne tombe. Qu'il restait sous un arbre, à observer la surface normalement lisse se faire éclater par tous les crachats du ciel, qu'il pouvait se cacher sous tout ceux-là, quand il se disait qu'il pouvait toujours aller se baigner quand même, que le froid qui lécherait sa peau permettrait peut-être de noyer tout ce qui n'allait pas. Une adolescence pas si malheureuse, dans le fond, mais qui a été bercé par tous ces moments-là où la société liu rappelait qu'il était pas comme les autres. Parce qu'il en voyait jamais, des autres comme lui, à la télé. Qu'il avait le coeur perclu par tellement de questions que finalement, c'est tout en dedans que ça pleuvait. Que le soulagement était venu sans être fort, quand enfin il avait trouvé les mots pour lui-même, quand il avait su enfin la vérité à son propre sujet. Qui était sans doute même pas totalement vrai, qui était tronqué par une société qu'a trop besoin de case où faire rentrer les gens, qui s'en fout des arrondis, comme la pièce qui n'en possède pas. Et le voici de nouveau dans une autre, toute faite de bleu, qui aspire ses soupirs, ses désirs, ses réponses. Qui revient faire naître dans son coeur des interrogations qu'il n'avait plus eu depuis longtemps. Alors le sourire d'il y a quelques minutes à peine s'est flétrit, n'a laissé qu'un air triste à souhait. La magie insufflée, toute soufflée.