1 message (lu) : Il faut qu'on parle. Chez nous, après tes cours.
Alix l'a convoqué en un message court, froid et quelque peu mystérieux. Premier signe de vie, contact personnel, depuis une éternité. Et Moira savait qu'elle ne devrait pas y aller, qu'elle devrait se méfier du clan anciennement allié. Pourtant elle s'est dit que s'ils avaient voulu la prendre pour cible par vengeance ils l'auraient déjà fait, Gregor en a eu plusieurs fois l'occasion au cours des dernières semaines. Et il ne laisserait pas sa sœur lui faire de mal, pas vrai ? Sœur qui a été la sienne aussi, un peu, lorsqu'elle sortait avec James, lorsque les deux familles ne formaient qu'une seule et même unité. Alix, elle a été la bouffée d'air frais au manoir, celle à laquelle la gamine s'est accrochée et attachée. Présence et compréhension inespérée alors que le père-tyran faisait encore la loi et qu'elle ne parvenait pas à se rapprocher ni de james, ni de médée. Jusqu'à la rupture. Plus rien du jour au lendemain, abandon soudain qu'elle avait mal vécu à l'époque, qu'elle a à peine oublié aujourd'hui. Elle s'était à nouveau retrouvée seule dans son immense palais doré, Moira. Mais c'est du passé et la gamine veut avancer. Et elle est curieuse surtout, imprudente aussi.
Elle s'est donc rendue chez les Ferreira après les cours. John, son chauffeur, l'a déposé devant la demeure, a voulu l'accompagner à l'intérieur jusqu'à ce qu'elle refuse poliment, elle se débrouillera seule. Pas un mot à ma famille elle lui intime d'un regard. Quand elle est accueillie par Alix, elle aimerait lui dire qu'elle est désolée pour Flora, clamer leur innocence, demander la trêve dont ils auraient besoin pour affronter les Park, ensemble. Mais l'expression glaciale sur le visage de la Ferreira la dissuade de dire quoi que ce soit. Elle hésite soudainement à entrer, elle pense un instant à faire demi-tour, à fuir ce qu'elle n'est peut-être pas prête à affronter. Elle inspire et se jette dans la gueule du loup. Elle sait, Alix sait pour Gregor et elle. L'aveu tombe, brutal, et la conversation qui suit est déplaisante. Votre petit jeu doit cesser. Elle assène le coup final, et la gamine se renfrogne, se défend, agacée et insolente. Le ton monte, un peu, l'un des frères Ferreira débarque, attiré par les éclats de voix, puis le deuxième. Elle est seule contre eux, et elle se demande où est Gregor. Pourquoi elle et pas lui ? D'ailleurs il ne répond pas au message qu'elle lui a envoyé entre une leçon de morale et une menace, et quand le smartphone dernier cri vibre enfin entre ses mains, c'est un message de James qui s'affiche. Il s'est passé un truc. Elle n'a même pas le temps d'ouvrir la bouche que le calvaire commence déjà.
BOUM
BOUM
BOUM
Tout va trop beaucoup trop vite. Les portes qui s'ouvrent brusquement, le vacarme des coups de feu, les cris. Un corps qui s'écroule, puis un autre juste devant elle. Elle attrape par réflexe le corps de Milo avant qu'il ne se fracasse au sol. Le sang écarlate salit ses mains innocentes, lui donne la nausée.
« - Les Park vous passent le bonjour. - C'est la gamine Marlowe, elle nous facilite le boulot, pas besoin d'aller exploser son palais. »
Le cerveau est comme éteint, elle peine à comprendre les mots, les gestes. Elle les voit entraîner Alix de force, sortir, disparaître. Témoin impuissant de l'horreur et la violence de la scène. Et ce fut le silence. Le silence jusqu'à ce qu'elle remarque le sac laissé à l'entrée. Le silence est brisé par la déflagration. Corps projeté par le souffle puissant, comme si elle n'était qu'une marionnette désarticulée. Puis le néant.
Elle ne sait pas trop ce qui lui fait reprendre connaissance. La douleur à peine tolérable ressentie par le corps meurtri ou la voix qu'elle entend à peine, si lointaine, mêlée au sifflement qui lui vrille les tympans. Elle ouvre les yeux, difficilement, parvient à peine à bouger. L'assommante migraine lui fait échapper un gémissement plaintif. Elle porte lentement une main à son front sur lequel une plaie béante laisse écouler le sang qui tâche le visage de poupon et emmêle les cheveux longs. Elle entend la voix, encore, plus proche, plus forte. Il lui faut quelques instants pour la reconnaître. Greg ? Elle appelle en tentant de se redresser malgré les vertiges, malgré la terreur qui la persuaderait presque de rester au sol.
1 message (lu) : je suis en train d'avoir une charmante conversation avec ta sœur, elle me casse les ovaires. t'es sérieux de lui avoir dit pour nous ?
Quinze appels en absence, sans aucune réponse. Le message de la jeune femme est affiché sur l'écran de Gregor et il s'en veut. S'il n'avait pas été trop occupé à badiner avec l'amour, il aurait regardé son portable et vu que sa maîtresse était avec Alix. Cela ne l'aurait pas forcément prévenu du drame à venir mais il n'aurait jamais toléré cette situation et serait venu se joindre à la jeune femme pour la soutenir. La Ferreira peut être redoutable. Quand elle avait appris que son frère couchait avec une Marlowe, elle lui avait dit Par pitié, dis-moi que c'est Médée et pas Moira. Lucide, Alix savait très bien que se glisser entre les cuisses de la cadette risquait de déclencher une guerre entre les familles. Or cette guerre, qui se dessinait déjà dans les souterrains, n'avait pas besoin de plus d'eau à son moulin. Seulement, la soeurette avait convoqué Moira pour une intervention et voilà que maintenant, tout avait explosé.
Tout a explosé.
C'est une des seules choses que Greg a retenu. Tout a explosé. Il n'a pas compris de quoi parlait le garde, de qui, comment ni pourquoi.
Et là, assis sur la banquette arrière de sa voiture blindée, il parcourt les rues avec une vitesse non règlementaire, criant constamment sur le chauffeur pour qu'il accélère. Quinze appels à Moira, au moins tout autant à Alix et Trejan et Milo qui répondent directement sur le répondeur. Seul le téléphone de Moira semble allumé. Alors il insiste, il insiste mais personne ne répond.
A quelques patés de maisons, Greg aperçoit la fumée qui s'échappe du domaine familial. Merda. C'est de l'italien qui lui vient en tête. Le sang portoricain tourne dans ses veines mais il se moque de ses racines pendant qu'il est plongé dans l'angoisse de parcourir les décombres. Sorti du véhicule en pleine marche, il s'engouffre dans les ruines de sa demeure et traverse les pièces, à la recherche des survivants. Son garde du corps est près d'un de ses frères et tente de lui verser de l'eau. « Où sont les autres?! » Le garde ne semble pas l'écouter. Gregor répète sa demande en hurlant mais le gardien secoue la tête. Comme s'il n'y avait pas d'autres que son petit frère. Incapable de se soumettre à cette réalité, Gregor parcourt la pièce en criant les prénoms de sa famille. Parmi ceux de son frère et de sa soeur, il y a celui de Moira. Elle fait partie de toi. Et alors qu'il crie après elle, il voit que cela bouge sous des planches de bois. Accroupi près de la silhouette qui tient à peine en un morceau, il lui parle mais elle n'entend pas. « Mo?! Ca va? » Ses mains passent sous le corps frêle et il la soulève avec précaution. Le prénom de Greg sort de ses lèvres et il se sent soulagé de l'entendre parler. « Oui Mo, c'est moi. Je suis là, tout va bien. » Il continue de la soulever du sol tendrement. Mais il ne parvient pas à calmer son pouls et lui crie mille questions « Où sont les autres? Qu'est-ce qui s'est passé? Mo'? Tu m'entends? Où est Milo? Où est Alix? Moira, parle-moi. » Tout tourne entre ses lèvres. Il garde le corps éprouvé par le drame dans ses bras et sort en la portant comme si elle n'était qu'une plume soulevée par le vent. Dehors, la fumée est moins gênante mais la lumière plus violente. Il dépose son amante sur l'herbe et lui caresse les cheveux. « Mo' tu m'entends? » Sa voix est plus calme. Alerte, alarmé, ses traits sont crispés sous l'angoisse. Pourtant elle va bien. Mais il y a deux membres qui n'ont pas encore été trouvés dans les décombres et il redoute d'apprendre qu'ils sont décédés.
Il y a un mort.
Cette phrase tourne encore dans sa tête. Qui est-ce? Son coeur se serre et avec honte il prie pour qu'il s'agisse d'un membre du personnel. « Faut que je prévienne ton frère. » qu'il murmure en prenant son propre téléphone. Lui-même sous l'emprise de la peur, il sait que James doit savoir que sa soeur va bien. Greg lui doit ça.
il n'y a plus que le silence soudain dérangé par la preuve de ta présence. et la douleur, et la terreur, je suis l'innocente victime de vos erreurs.
Tout est confus. La gamine peine à reprendre ses esprits, à sortir de l'état de semi conscience dans lequel elle est plongée. L'explosion a été violente et le corps trop menu en a subit la brutalité, avant d'être assommé par quelques débris de la demeure éclatée. Elle entend la voix de Gregor malgré le sifflement aigu et assourdissant qui malmène ses oreilles, elle le sent près d'elle juste avant qu'il la soulève avec délicatesse. Elle voudrait réagir, s'accrocher à lui et ne plus le lâcher, se blottir dans les bras musclés pour se rassurer. Mais le corps meurtri refuse de fonctionner. Tout va bien. Pourtant rien ne semble aller. Elle étouffe dans les ruines enfumées, chaque inspiration saccadée est plus douloureuse qu'elle ne le devrait. La poupée surprotégée ne s'est jamais aussi mal sentie. Elle entend de plus en plus distinctement la voix de son amant, les paroles qui pleuvent, trop vite, interminables. Des questions dont elle comprend à peine le sens, auxquelles elle ne parvient pas à trouver de réponses tant l'esprit est embrumé. Chaque mot cogne contre la tête qui menace déjà d'exploser tant la douleur est omniprésente, et elle voudrait lui ordonner de se taire, sans y parvenir. Seul un autre râle plaintif parvient à s'échapper de ses lèvres alors qu'il l'emmène à l'extérieur.
Elle respire enfin, un peu, difficilement. Les rayons du soleil viennent caresser la peau de ses jambes nues, non dissimulées par le tissu de la minijupe plissée caractéristique de la cadette marlowe. Ils réchauffent le visage glacé couvert de sang et de poussière. Elle n'écoute pas ce que le chef des Ferreira lui dit, elle se focalise sur elle-même. Lentement, elle oblige son corps à bouger. D'abord les doigts qui agrippent l'herbe fraîche, puis les bras, puis les pieds et les jambes. Tout semble fonctionner, rien n'est cassé. Alors elle souffle et se reconcentre sur Greg qui lui caresse les cheveux, qui évoque James. Et si Moira sait que ce n'est pas une bonne idée que l'aîné sache qu'elle est chez les Ferreira, elle veut qu'il vienne la chercher. Elle veut que le grand frère, qui a trop souvent endossé le rôle de père, vienne la protéger. Elle veut se blottir dans ses bras, comme lorsqu'elle était enfant, comme lorsqu'elle avait peur des monstres imaginaires.
Et puis elle se souvient. Les Park m'ont tendu un piège. On est forcément tous visés [...] On se retrouve à l'endroit convenu. Non, attends. Instinctivement les doigts viennent palper les poches de la jupe à la recherche de l'introuvable smartphone. Perdu dans les débris, probablement. Alors elle ouvre les grands yeux bleus, les referme un moment, aveuglée par la lumière, puis les rouvre pour venir rencontrer le regard de Gregor. Les Park. Nom de ceux qui ont causé l'infamie. Ils nous ont tous pris pour cibles. Tout lui revient. Le message de James, la rencontre à l'Opéra et les menaces tacites, les quelques explications de son frère et de sa soeur, la dispute qui avait suivi. Il faut que j'aille retrouver ma famille. S'assurer qu'ils sont tous en vie, se rendre au point de rendez-vous, se retrouver et se protéger. Elle se redresse, s'assoie et grimace à cause de la migraine et de la tête qui tourne. Elle porte l'une de ses mains à son front endolori, touche la vilaine plaie qui a laissé s'échapper le liquide écarlate tâchant le visage innocent. Et lorsqu'elle remarque que ses mains sont couvertes de sang, le sien mais pas que, la respiration s'accélère. La gamine panique alors qu'elle se rappelle de l'attaque. Ils lui ont tiré dessus. Milo. J'ai essayé d'arrêter le sang de couler, j'ai vraiment essayé Greg. Elle fixe le sang coagulé qui couvre ses mains avant de tourner son visage, qui s'inonde de larmes, vers celui de Gregor. Images by Tumblr | Code by EXORDIUM.
L'agonie se poursuit. Dans les décombres, les corps ne se ressemblent pas. Sous les gravats et le plâtre, il n'y a aucune certitude sur qui est qui et comment ils en sont arrivés là. Gregor bute contre les cailloux, vestiges d'un édifice qui représentait la demeure familiale et en veut soudain à ses parents de ne pas avoir poussé leurs enfants à vivre sous leurs propres toits. Si Milo, Trejan et Alix n'étaient pas toujours fourrés ici, ils n'auraient pas été aussi faciles à abattre d'un seul coup, d'un seul attentat. Mais la silhouette fine et frêle de Moira semble savoir des choses. Elle furète dans ses poches, à la recherche d'un objet et Gregor ne comprend pas. Toujours bouleversé par une douleur lancinante et par une voix qui lui répète qu'il y a un mort, il balaie les ruines de sa vie des yeux. Les Park. Ce nom est déjà apparu dans d'autres conversations. Il les a chassés car il ne savait pas de qui il s'agissait quand Moira lui en avait précédemment parlé. Alix l'a un peu mis au courant mais cela n'est pas leur guerre. Alors il a évité de remuer le ménage dans cette direction. N'avaient-ils pas assez à faire avec Flora morte pour de mauvaises raisons? Flora, innocente victime, enlevée par une mafia qu'il tentait encore de retrouver. Les Park. Serait-ce eux? Et pourquoi?
« Tous qui? » Elle ne semble pas parler des Ferreiras. Pourtant, ce sont eux qui croupissent sous les pierres écroulées. Gregor a envie de s'éloigner d'elle pour aller chercher mais il ne peut la laisser seule dans son bain de sang. Il se doit de protéger la plus jeune des victimes de cet attentat. « Je ne te laisse pas seule Mo'. Tu dois rejoindre ta famille mais je t'accompagne jusqu'à ce que je sois sûr que t'es dans de bonnes mains. » La seule idée qu'elle puisse prendre une voiture pour aller retrouver James et qu'en chemin elle se fasse tuer lui est impossible à gérer. Mais alors qu'il pose sa main sur son visage pour essuyer les traces de sang qui viennent gâcher la beauté de son innocence... Moira délivre un secret qui détruit Gregor. « Qu..Quoi? » Sa voix se bloque dans son gosier, incapable de comprendre ce qu'elle veut dire par là. « De quoi tu parles? » Il se relève pour aller fouiller furieusement sous des pierres où il est pourtant clair qu'il ne peut y avoir aucun corps. Perdu, désorienté, il cherche son frère. « Milo? » Sa voix se perd et résonne dans le vide mortel qui les entoure. « Milo?!! » Soudain, ce frère en question devient bien plus important que les autres membres. Car il sait, il a saisi que c'était celui-là qui avait pris la poudre d'escampette et s'était échappé à tout jamais de la vie. Il cherche avec furie, remue tout et bute enfin contre un corps. Il se penche et découvre son autre frère, inerte. « Merda. » Instinctivement, Gregor s'abaisse pour le prendre dans ses bras et lui parle dans leur langue natale, le consolant et le suppliant de retrouver ses esprits. Mais c'est cause perdue, le jeune homme semble profondément évanoui. Il sort son téléphone de son jean et ordonne à son chauffeur de venir sur le champ. Et pendant qu'il attend en caressant les cheveux de son frère, il lève les yeux vers Moira, comme s'il était enfin prêt à recevoir la vérité. « Il est où? » Sa voix est cassée, implorante. Les yeux perlant d'une tristesse à vous arracher le coeur, il se moque de tout en ce moment. Mais il a besoin d'aller retrouver celui qu'il n'a pas pu sauver.
Plus Moira parvient à réfléchir à ce qui vient de se dérouler, plus elle se dit que c'était prévisible. Les menaces pesaient depuis bien trop longtemps, il était évident que l'un des deux clans, les Marlowe ou les Park, allait finir par commettre l'impardonnable en premier. Semer la terreur et causer la mort pour mieux régner sur le territoire occupé. Et elle se demande, Moira, jusqu'où l'ennemi est allé. James a été attaqué. Et puis ici, vous, moi. Et peut-être ma sœur et ma mère. Je ne sais pas. Les explications sont confuses, parce qu'elle ne sait rien. Elle n'a pour informations que le souvenir du sms de son frère et le flou de ce qui s'est passé ici. Le cœur se serre en pensant aux siens. Sont-ils blessés ? Sont-ils tous seulement en vie ? Le besoin d'avoir des réponses à ces questions devient omniprésent, presque vital. Elle se redresse non sans mal, grimaçant à cause de la douleur qui tiraille son corps éprouvé. Il faut qu'elle les rejoigne à Long Island. Elle regarde son amant. Il peut sans nul doute lire la peur dans les yeux bleus, celle qu'elle s'applique habituellement à dissimuler derrière l'air angélique ou le visage faussement désintéressé. Terrence va m'y emmener. Il m'a déposé tout à l'heure. Il sait où je dois aller. Elle cherche du regard le garde du corps qui l'a laissé à l'entrée de la demeure un peu plus tôt. Il aurait dû accourir, il devrait être là, la ramener en sécurité. Elle ne se doute pas, la gamine, que le malheureux employé n'est plus, qu'il a été le premier à subir les conséquences désastreuses d'une guerre qui les dépasse tous.
Le sang sur ses mains la fait paniquer alors qu'elle se souvient des tirs et du corps de Milo qui s'est écroulé dans ses bras. Sa respiration s'accélère et les larmes lui montent aux yeux. Elle veut que le cauchemar s'arrête. Elle ne veut pas vivre ça, l'horreur, la mort, tout ce qu'elle a toujours fuit, tout ce qu'elle n'a jamais voulu assumer. C'est presque un miracle qu'elle n'ait encore jamais été témoin de la monstruosité de son propre royaume. Gamine couvée par une famille qui l'a bercé de d'innocence et de promesses. Elle reste un moment sans bouger, assise sur l'herbe, jusqu'à ce que son attention se porte de nouveau sur l'amant s'affairant furieusement dans les ruines de ce qui était sa demeure. Elle l'entend appeler celui qui a disparu dans les décombre, et elle se doute déjà qu'il les a quitté. Des larmes perlent sur les joues de la dernière Marlowe qui se lève enfin. Elle titube jusqu'à Gregor qui berce un Trejan inconscient et salement amoché. Elle les regarde, le cœur serré, l'envie d'hurler. Et elle ne sait pas quoi lui répondre quand il lui demande, d'une voix brisée, ou est le cadet des Ferreira. Elle ouvre la bouche, puis la referme sans un mot. Elle regarde autour d'elle, se fraye difficilement un chemin vers l'endroit ou Gregor l'a retrouvée. Elle cherche des yeux celui qui manque désespérément, et elle l'aperçoit enfin, sous quelques débris. Elle s'avance, s'agenouille pour le dégager. Greg... Elle effleure du bout des doigts la joue de Milo dont le corps vide de vie se déverse encore de son sang. Les lèvres de la gamine se mettent à trembler, la vision lui est intolérable. Elle voudrait fuir, aller se terrer quelque part. Oublier. Mais par respect pour Gregor, elle reste là, à ses côtés, prête à le soutenir.
Elle le laisse serrer le corps de son petit frère, un long moment. Mais elle sait, Moira, que quelque chose d'autre va les obliger à reprendre leurs esprits rapidement. Greg, il y a autre chose, elle commence, doucement. Ils ont pris Alix. Elle observe la réaction qui sera décisive pour la suite des évènements. Images by Tumblr | Code by EXORDIUM.
C'est fini. Le drame a eu lieu. Gregor souffre déjà de trop mais il ne peut s'empêcher de chercher plus de souffrance encore. Il en a besoin. Il a besoin de voir de ses propres yeux. Moira parle dans le vide car il n'est là qu'à moitié. Quelques heures plus tôt, il était prêt à s'abandonner à une toute autre vie. Quelques heures plus tôt, il était prêt à se donner à Leonide. Et puis, le drame a frappé sans demander son reste. Et là, alors que les décombres de la casa Ferreira recouvrent des corps et des cadavres dont il ne veut voir les visages, Gregor comprend qu'il ne peut pas tourner le dos à ses responsabilités. Il cherche maladroitement, se moquant des mots de la cadette Marlowe. Oui, elle doit aller auprès des siens. Mais les proches de Greg sont encore ici et il est hors de question qu'il parte en les laissant dans les ruines de cet attentat.
Il soutient le corps de Trejan, conscient qu'il ne doit pas le secouer, qu'il ne doit pas le brusquer. Ce corps est déjà trop faible. Pourquoi son frère est-il aussi heurté et Moira intacte? Les questions ridicules assaillent l'esprit de Gregor qui se demande un instant si ce ne sont pas les Marlowe qui ont commandité cette attaque? James lui a dit de se tenir à l'écart et d'arrêter de chercher la justice pour Flora au sein de sa maison. Est-ce là les représailles de James? Il ne peut pas y croire.
Moira appelle son amant d'une voix qui lui retourne l'estomac. Il n'est pas encore arrivé près d'elle qu'il sait déjà. Il se penche et son estomac se tord dans une douleur sans pareille. Le hurlement de Gregor est interne, silencieux mais viscéral. « Milo... » Ce n'est qu'un murmure. Sa main fraternelle caresse la joue du jeune homme sans vie. Il ne vérifie pas son pouls car il connaît la mort. Gregor a toujours détesté ça et a toujours évité de voler des hommes à leur famille. Pourtant, c'est la loi de la mafia. Il baisse ses yeux sur les habits amochés et souillés de sang. Des images violentes de son frère lui reviennent en tête. Leurs disputes, la manière dont Milo voulait absolument reprendre le trône et montrer à Greg comment on fait pour gérer un clan digne de ce nom. « Reviens Milo, reviens et je te jure que le trône sera à toi. » Il murmure à l'oreille de son frère. Il sait qu'il ne reviendra pas. Mais il se doit de lui parler, de le réconforter. « Je suis désolé. » S'il avait répondu à l'appel de son téléphone plus tôt, peut-être aurait-il pu arriver à temps et les sauver. Il s'en veut terriblement. Et alors qu'il voit son chauffeur emporter le corps de Trejan vers la limousine, il frissonne quand Moira requiert à nouveau son attention.
Il y a autre chose. Qu'est-ce qui peut être pire que ça? Greg lève son visage vers la douche et fragile petite fille qu'il voit dans ses pupilles. Il se rappelle de la gamine qu'il a fréquenté de nombreux étés. Mais elle est absorbée par la maturité du moment, par la force de ce qui agite leurs âmes à tous les deux : le danger. Ils ont pris Alix. L'horreur se dessine sur le visage de Gregor. Cette information est plus atroce encore que le cadavre dans ses bras. Alix. C'est Alix. Il fusille Moira du regard un instant, comme si elle était responsable de ce fiasco. « Tu dois m'emmener voir ton frère. » Ce n'est pas une requête, c'est un ordre. Il a pris le temps de réfléchir et sa voix sort monocorde et froide. Le mort est mort, il ne peut plus rien pour lui. La peine l'assaille mais il doit sauver celle qui peut encore l'être. Greg déplace son frère et rappelle son homme de main pour lui donner des instructions précises sur comment emmener et où amener Milo. Puis, il fait volte-face et se rapproche de Moira. Bouleversé par tout ce qui vient d'arriver, il attrape la main de la jeune femme et l'enlace entre ses doigts, la rapprochant de lui. Il a envie de lui dire mille choses mais c'est une impulsion plus vive qui le fait bouger. Il l'attire contre lui dans un geste brutal et l'embrasse sans la moindre tendresse. Animal, il a besoin de la sentir contre sa langue, vivante, là, près de lui. Au bout de quelques secondes où le souffle vient à manquer, il se retire et plonge ses yeux dans ceux de Moira. « Tout ira bien. Je vais te conduire auprès de ta famille. » Il essaie d'être moins solennel mais Greg est trop ébranlé pour parvenir à casser la carapace qu'il vient d'endosser. Cette carapace c'est la seule chose qui lui permet de tenir le coup et de ne pas s'effondrer tout comme les murs de sa demeure.