keep it coming. coming it down. (slerr)

err la harcèle depuis déjà deux heures. elle ne veut pas sortir toute seule ce soir, elle veut un renfort si jamais ça se passe mal. on lui a parlé de cet endroit, on lui a dit que ça pouvait jouer en sa faveur – elle veut tenter le coup sans prendre trop de risques. elle est téméraire, err. elle est pleine d’audace. mais elle n’est pas assez naïve pour se jeter dans un piège tout préparé. lorsqu’enfin une réponse positive arrive, l’heure a déjà bien tourné. err doit se préparer en vitesse pour être renversante. pour attirer l’œil, pour séduire et ravir. pour faire tourner les têtes et chavirer les cœurs. ce sera donc une robe légère, serrée, rouge ocre aux bordures dorées. elle y associe les parfaits bijoux fantaisies et peint ses lèvres d’un rouge plus vif. une demi-heure plus tard, elle glisse dans ses escarpins et prend le taxi qui l’emmènera jusqu’à la débauche prévue. sur le parvis, elle l’attend déjà. cette amie qui saura lui rappeler qu’il faut faire la part des choses, qu’il faut se souvenir de qui on est pour ne jamais dérapée sur une route glissante. err est trop près du but pour tout faire foirer. même si elle est pressée, elle se doit de faire attention. de surveiller ses pas et ses gestes, pour qu’aucune erreur ne soit à déplorer. elle claque une bise sur la joue de son amie et prend sa main pour entrer dans le bar. c’est une devanture assez froide, noire et sombre. les deux jeunes femmes ne forcent pas l’entrée, on leur déroule même le tapis rouge. les rideaux s’ouvrent sur une ambiance tamisée à la musique forte jusque-là pas entendue. il y a quelques marches à descendre pour se mélanger à la foule et s’approcher du bar. la salle est ronde, ornée de petits espaces discrets et rouge vif. elle ne ressort pas, err. elle se fond dans le décors. elle pourrait vivre ici, que ça n’en serait pas choquant. d’un geste de ses cheveux, err commande deux verres et se laisse porter par l’ambiance et la musique. un sourire s’affiche sur ses lèvres lorsqu’une de ses préférées passe sur les platines. pour l’instant, rien ne lui semble étrange. mais la soirée est encore jeune, encore vierge. et ce n’est qu’une petite heure plus tard qu’elle aperçoit dans un coin, un regard qu’elle connait. elle l’a déjà vu, il a déjà bercé ses draps pendant une nuit. err était même déçue de le voir s’échapper si vite, pour une si belle nuit bien déroulée. mais jamais elle ne l’admettra. jamais elle ne s’avouera vaincue. son verre se lève doucement en sa direction, un sourire en coin. elle ne compte pas lui parler, elle ne compte pas s’approcher mais il n’est pas question qu’elle ne cherche pas à le faire craquer. ce sera son objectif, ce soir. ce sera son but. et lorsqu’elle fait valser ses hanches au rythme de la musique, elle sait qu’il ne peut pas les quitter des yeux.

il repense sans cesse à elle.
à ses cheveux blonds qui pourraient appartenir à la fille de ses souvenirs. de ses souvenirs d’enfance, de ses rêves qui virent au cauchemar à chaque fois qu’il la perd.
celle qui a osé lui voler son portefeuille, celle à qui il a volé un bracelet auquel elle tenait. celle avec qui l’échange s’est produit – un échange beaucoup plus fructueux que celui auquel il s’était d’abord attendu.
il se souvient de son corps cambré pour venir chercher ses caresses et ses baisers.
il se souvient de ses opales enfiévrées.
sly, c’est pas son genre de coucher pour coucher. sly, il a des besoins, mais il préfère quand il y a des prémices – et des bribes – de sentiments plutôt que de trouver une inconnue et se vider entre ses cuisses. sly, il a beaucoup trop de respect pour la gente féminine.
ce sont les femmes qui enfantent. ce sont sur les femmes que l’on compte. parce qu’elles rappellent sans cesse aux hommes étourdis ce qu’ils devaient faire… parce qu’elles s’occupent d’eux comme s’ils étaient leurs enfants – ce qu’ils sont, parfois. parce qu’elles méritent autant le respect que les hommes, si pas plus. elles se donnent encore et encore pour avoir un salaire moins élevé, elles se donnent encore et encore pour être moins bien considérées.
alors cette fille, il en a apprécié toutes les facettes le temps que leur étreinte a duré. la manière dont son visage se tordait sous le plaisir, la manière dont son corps réagissait – les soubresauts de ses cuisses, ses mains qui venaient se perdre sur son dos.
et elle en viendrait presque à remplacer le fantôme de son passé oublié.
parce que ces derniers jours, depuis qu’il s’est barré au petit matin – incapable de savoir ce qu’ils pourraient bien partager de plus qu’une étreinte passagère, incapable d’assumer de l’avoir un peu trop appréciée – il a été incapable de penser correctement.
toujours ses prunelles sombres qui reviennent. toujours ses cheveux blonds qui le tiennent.
toujours des flashs de cette unique nuit.
alors il décide, ce soir, de se changer les idées. d’aller se perdre dans une boîte de nuit – et de peut-être faire quelques affaires avec le gérant. faire passer un peu de drogue parmi les danseurs enfiévrés ne semble jamais être une mauvaise idée, et peut même favoriser le renouvellement de la clientèle. il suffit juste d’être attentif à la présence des flics.
et c’est là qu’il la revoit.
et c’est là qu’il pense halluciner.
ça ne serait pas la première fois que le roi fou voit trouble. que le roi fou imagine avoir vu l’objet de ses désirs et qu’il ne soit qu’une chimère de plus à déplorer. alors il avale la distance, la rejoint, lui frôle le bras.
elle est réelle.
et si sly n’est pas un homme extrêmement romantique non plus, il a un pincement de cœur – ce qui ressemble le plus à de la joie.
mais sly est persuadé qu’elle est nocive pour lui.
- salut…
il marmonne de sa voix grave, un peu dépité. s’il échange quelques mots avec elle, il sent qu’il pourrait sombrer. et si elle lui plaisait ? sly ne se souvient pas de quand date sa dernière relation. sly est incapable de véritablement s’engager – toujours hanté par la fille de ses rêves-cauchemars.
il fait un signe à un de ses sous-fifres, persuadé que c’est une bonne idée. et pourtant, il y a déjà le monstre-possessivité qui grogne et sort les crocs.
- j’te présente un de mes… collègues. sloan.
il pousse sloan à prendre sa place près de sa belle obsession avant de tourner les talons, les sourcils froncés et la désagréable impression de faire une erreur monumentale.
comment tu réagiras, sly, quand ton larbin t’annoncera avec un sourire triomphant que cette gamine que tu considères déjà comme tienne lui a fait atteindre un paradis artificiel ?
il serre les poings, se décide à aller provoquer une petite bagarre pas loin pour se défouler.

err entre sans encombre, accompagnée. elle sourit à ceux qu’elle croise et rejoint le bar. un premier verre glisse dans son organisme. assez fort pour déjà lui procurer une petite sensation. elle regarde son amie, elle cherche un léger réconfort sur ce que ça procure. elle lui répète le plan de bataille, la marche à suivre. elle ne veut pas d’impair, ce soir. si ça va trop loin, elles se soutiennent. d’un regard en arrière, elle le voit. au loin. err ne veut pas trop en faire, bien qu’elle soit satisfaite de le voir. un détour de regard et le voilà à côté d’elle, accompagné. err lui sourit. mais pas longtemps. « salut… » « salut. » il n’ose pas la regarder, il se contente de forcer un autre visage devant le sien. sous le nez bien surpris d’err, à présent seule. « j’te présente un de mes… collègues. sloan. » err oscille une seconde, se tourne vers ce fameux collègue qui s’approche d’elle avec un sourire qui la dégoute. il n’est pas laid, il n’est pas beau. il est juste de trop. « et ? » qu’elle demande, tournant la tête vers celui qui l’intéresse. mais il s’est déjà enfuit dans la foule. err s’énerve, n’en revient pas d’être traitée avec autant d’éloignement et de dédain. quoi ? est-ce qu’il a oublié ? est-ce qu’il s’en fout ? est-ce qu’il préfère qu’elle se jette sur le premier homme qui traine pour qu’il se trouve une raison ? c’est ça, sa mission ? n’avait-elle pourtant pas bien dit, qu’elle ne couchait pas sans raison ? err pourrait quitter l’endroit, par rage. elle pourrait s’enfuir sans se retourner, promettant de ne plus jamais remettre les pieds ici. mais elle se souvient la raison de cet échange. elle se souvient pourquoi elle a répondu présente. malgré elle, son visage se tourne vers sloan. elle lui affiche un sourire et prend sa main pour l’enfouir avec elle sur la piste de danse. entre tous ceux qui dansent, entre tous ceux qui n’ont aucune idée de ce qu’il se passe ce soir. elle tente d’oublier le visage doux qui la hante. elle tente de se perdre dans les bras d’un autre, oubliant son visage à lui. elle remplace, err. elle fait abstraction de ce qu’il se passe pour ne jurer fidélité qu’à sa carrière – comme elle l’a toujours fait. elle ouvre ses bras, les enroule autour des épaules de l’intéressé. elle fait valser ses hanches contre lui, au rythme de la musique. elle ferme les yeux, elle fait tomber ses cheveux blonds sur ses épaules, elle soupire les lèvres légèrement ouverte. elle prie pour qu’il la dévore des yeux, pour qu’il ne manque aucune seconde du spectacle. pas celui qui met ses mains dégueulasses le long de son corps, mais plutôt celui qu’elle veut impressionner. lorsqu’elle ouvre les yeux, elle est ailleurs err. elle imagine une scène parfaitement différente, les pupilles dilatée par la passion et par l’énervement. elle approche ses lèvres de l’homme, le pensant autre. elle fait tomber ses mains doucement le long de son torse et attrape les bordures de sa veste pour l’éloigner. elle ne veut plus de cette foule, elle veut juste être vue. elle veut impressionner, qu’on sache à qui on a à faire. sa robe courte sautille contre ses cuisses en grimpant les trois marches qui l’accompagnent dans un coin plus calme. à la vue de tous, sous une lumière rouge qui la rend transparente, elle s’installe dans un canapé au-dessus de l’étalon. on devine ses actions, sans qu’il ne se passe rien encore. elle l’impressionne, simplement. elle est possédée, err. elle ne pense plus. elle se contente d’agir, pour qu’à temps tout s’arrête. pour qu’à temps, il l’arrête.

elle le rend fou.
avec ses boucles blondes, ses opales sombres. avec ses lèvres pleines qu'il devine charmantes, rosies par les baisers. avec ses joues légèrement rosées d'avoir ingurgité quelques verres d'alcool – ou un seul, mais suffisamment fort.
elle est magnifique, dans sa robe trop courte. elle est magnifique, quand il se souvient de son corps qui se cambre à la recherche de ses baisers. quand il se perdait à zigzaguer entre monts et merveilles pour lui procurer du plaisir – et en avoir à son tour de la voir si proche du paradis.
elle est trop belle. trop merveilleuse.
il est trop sali. trop brisé.
qu'est-ce qu'il pourrait bien lui offrir, avec le fantôme de son passé comme seule compagnie pour ses nuits solitaires ? chaque soir, la respiration se fait haletante et les cris – légers, virils ; il se persuade – retentissent, brisant le silence du flirt mimé de la lune et des étoiles. parce qu'il l'a perdue, qu'il le sait. qu'il ignore juste qui elle est – mais pas cette douleur lancinante qui le brise.
qu'est-ce qu'il pourrait bien lui offrir, perdu entre le stupre et la luxure, la drogue et les armes dont les numéros de série sont limés pour être vendus aux plus offrants ? un monde incertain. demain, sly pourrait bien être pieds et poings liés derrière des barreaux.
alors il préfère foutre un de ses sous-fifres entre ses griffes doucereuses. quelqu'un qui ne la mérite pas plus que sly – mais c'est plus facile que d'assumer d'être intéressé, et de foutre son cœur dans la balance, non ?
il jette un regard en arrière – espoir vain de la voir se languir de lui – quand il ne voit qu'un intérêt aiguisé pour sloan. il a envie d'arracher la tête d'un connard qui essaie de choper sur la piste de danse. il a envie d'arracher la tête de celui qui, bientôt, posera ses mains sur les hanches de son obsession. à lui. err. trois lettres, tant d'images. tant de possibilités.
il fulmine, crispe tant les mâchoires qu'il ne serait pas étonné d'entendre ses molaires se fendre. il avance encore vers la sortie de secours de la boîte – qu'il connaît par cœur – pour prendre un peu l'air. il sort un cigare cubain, le renifle quelques instants et le glisse entre ses lèvres. mais au moment de l'allumer, il renonce. il respire une grande bouffée de l'air pollué avant de rentrer à nouveau dans la moiteur des corps qui s'alanguissent… fouille la foule, prêt à la récupérer…
ne la trouve pas.
et manque de suffoquer.
serait-elle déjà partie ? seule ? accompagnée ?
accompagnée de sloan ?
de ce qu'il en sait – s'il choisit quand même assez bien ses gars – sloan pourrait bien être un violeur. un tueur en série. un jack l'éventreur – bien qu'err ne soit pas de celles qui intéressent la légende. son complexe du héros se réveille quand l'adrénaline court dans ses veines. il bouscule les corps dansants, bouscule ceux qui boivent, bouscule tout un chacun pour retrouver sa promise. pas un seul escarpin en verre pour qu'il puisse la retrouver, pas un seul indice qui ne le guide.
après avoir écumé – bien trop longtemps – le bas, sly décide de monter à l'étage. et c'est là qu'il la voit, salope penchée sur les genoux – et le service trois-pièces – de son gars. il débarque, repousse err sur le côté – pour qu'elle ne tombe que sur la surface du canapé – et attrape sloan par le col.
il a les yeux fous, sly.
il pourrait bien le tuer, sly.
ses mains – trop grandes, trop avides de violence – s'attardent sur le cou de son sous-fifre. et il serre.
- sly…
il murmure, l'enculé.
il l'a touchée. il l'a embrassée. la sienne.
sly desserre finalement les doigts en gueulant un :
- casse-toi !
et sloan ne demande pas son reste.
sly se retourne vers err, la dévisageant – de son regard toujours fou. de passion, de violence. de frustration, d'envie, de besoin.
- à quoi tu joues ?
il gronde, menaçant.
c'est moi que tu dois vouloir.
il est pas comme ça d'habitude, sly. il tente sa chance, et si celle-ci est passée, il renonce. il se bat jamais pour personne – parce qu'il a toujours eu la sensation d'être déjà amoureux, au fond. mais err, elle est différente. il ne sait ce qu'il y a entre eux, mais il refuse qu'elle puisse regarder ou avoir envie de quelqu'un d'autre.
il devient un con égocentrique, un mâle alpha qui a besoin de pisser pour marquer son territoire.
- j'pensais que t'avais un peu plus d'ambition qu'un connard comme ça. il est pas assez bien pour toi.
il lève légèrement le menton dans un geste hautain et arrogant au possible. tout en lui transpire le contrairement à moi, alors qu'il sait au fond qu'il n'est pas mieux…
sinon pire.

err remercie l’alcool de battre rapidement dans ses veines. elle n’aurait certainement pas vécu les choses de la même façon si elle était restée sobre. s’accrocher à un inconnu, juste parce qu’on semble le lui avoir demandé. ça ne lui ressemble en rien. mais pour rendre sly jaloux, elle peut faire un effort. est-ce voué à l’échec ? va-t-il s’en apercevoir ? err n’ira jamais jusqu’au bout, avec ce gars qu’elle malaxe de ses mains faussement agréables. elle s’est transformée pour n’en voir qu’un, mais son cerveau reconnait parfois les défauts que sly n’a pas. elle ne l’a même pas embrassé, encore, bien trop apeurée face aux lèvres offertes. ce ne sont pas celles-ci, qu’elle veut. err se languit de bien d’autres plaisirs, de bien d’autres souvenirs. paupières closes de nouveau, pupilles dilatées sur l’passé. err sourit à l’intérieur, repensant aux baisers qu’il déposait sur sa peau. sa tête bascule en arrière, mimétisme parfait. err se laisse apprivoiser, la tête perdue dans les mémoires d’une nuit. une seule, alors qu’elle en aurait voulu mille. une seule, alors qu’elle n’a toujours pas digéré son départ. elle ne l’acceptera pas, err. elle le comprend, malgré elle. gorge déployée, sa poitrine en avant. err sent la pression de grandes mains contre ses petits seins, elle écoute le bruit des baisers et se cambre toujours dans cette même mémoire. s’il savait, cet homme, que ce n’est pas de lui qu’elle savoure les baisers, mais juste de son esprit embrumé par l’alcool et les souvenirs d’une nuit bien chaude. et d’un départ trop soudain. err y est accroché, juste par cette raison. par l’envie de vaincre, de partir à son tour sans lui offrir son dû. de s’éloigner nue, et qu’il la regarde partir. sly. juste lui. err ouvre ses yeux, calme son palpitant et manque un battement lorsqu’une bourrasque la fait tomber sur le canapé. voilà des mains qu’elle reconnait. err continue de sourire, à l’intérieur. mais bien sûr elle s’offusque, de l’extérieur. la scène la fait jubiler. elle avait raison de le provoquer. elle avait raison de lui montrer qu’on ne joue pas, avec err. on perd. simplement. « casse-toi ! » qu’il dit, se retenant un coup. err n’en revient pas. il est prêt à discréditer un ami. un partenaire. un collègue. et ça, pour elle. une nouvelle bataille de gagner, jusqu’à son regard noir qui se pose sur err. elle passe un doigt sur ses lèvres pour le provoquer, elle remets ses cheveux et sa robe en place. comme s’il avait vraiment abusé d’elle. « à quoi tu joues ? » il demande, une fois err redressée et droite sous ses yeux. pupilles toujours dilatées, toujours jouissives de la situation. « tu t’fous d’ma gueule? » et elle rit, err. parce qu’il est celui qui lui a demandé de jouer. et elle s’en sort plutôt bien. « j'pensais que t'avais un peu plus d'ambition qu'un connard comme ça. il est pas assez bien pour toi. » err hoche la tête et rit de plus belle. c’est à ne pas croire quelle excuse il va inventer pour se sortir de cette situation. voilà qu’elle mérite mieux. qu’elle le mérite lui ? bien sûr. il n’a qu’à le demander. un regard, une main, un touché. err retombe comme une flèche. dépendante d’un souvenir. « et donc quoi, monsieur ambition, c’était un test ? pour savoir si j’étais à la hauteur ? tu m’jettes dans les bras d’un type sans rien dire. qu’est ce que j’étais sensée comprendre exactement ? » err lui tient tête, approchant son visage du sien. quelques millimètres, l’odeur qui revient et les souffles qui s’mélangent. « t’as pas encore compris à qui t’avais à faire apparemment. » et err fait valser ses cheveux et s’éloigne. elle a besoin d’un autre verre. et elle a besoin qu’il rame encore un peu, aussi. qu’il sache qu’on n’oblige pas err à agir. elle sait très bien se débrouiller toute seule, elle arrivera toujours à ses fins.

sly amor fait partie de ces hommes aux obsessions momentanées.
et cette jeune femme, err, est l’une d’entre elles.
quant à savoir si ce sera une obsession momentanée mais durable, il n’y a que le futur qui puisse le savoir.
ça a commencé bêtement. un vol commun, mutuel, soldé par une nuit torride. mais une fois la passion éteinte, le besoin de fuir a été le plus fort. par respect pour err. hanté par un fantôme du passé, il était incapable de continuer de vénérer sa princesse des mille et une nuits. une chevelure blonde en remplaçant une autre, les cauchemars le tenant éveillé et frustré, il est parti pour éviter d’avoir à lui expliquer.
que peut-être, il n’a été attiré par elle qu’en pensant qu’elle pouvait être cette mystérieuse inconnue qu’il retrouve si souvent dans ses songes.
que peut-être ce n’était pas elle, et qu’alors elle perdrait – peut-être, encore une fois – tout intérêt à ses yeux.
l’équation mêlant sly aux femmes de ce monde comporte tellement de variables qu’il n’est pas aisé de trouver l’inconnue, le (x) qui saura le contenter. s’il est indéniablement un amoureux des femmes, il n’y en a qu’une qui pourra ravir son palpitant décharné par la perte qui le hante.
mais alors, quel est ce fil rouge si ténu qui la lie à elle, cette blonde aux opales incandescentes et à la provocation troublante ? besoin incessant de la retrouver. besoin brûlant de la faire sienne et de la savoir comme étant sa propriété. quel con ! il se fustige. parce que sly déteste l’idée qu’une femme ne fasse que lui obéir au doigt et à l’œil ; la société patriarcale d’antan s’est cassée la gueule, pour le mieux.
et sly n’en revient pas d’avoir été à deux doigts de défoncer la gueule d’ange de son sous-fifre ; la raga a été telle, en la voyant le chevaucher indécemment, qu’il a perdu tous ses moyens.
une femme arrive, et toute la population est décimée. et tous les mâles n’ont plus qu’à se battre pour la gagner. c’est à ce moment, le cerveau embrumé par la colère et la frustration, que sly se rend compte de la dangerosité d’err. parce qu’elle lui a fait perdre la tête, et qu’il pourrait bien perdre son influence sur ses gars s’il venait à se savoir qu’il a été à deux doigts de fracasser à mort le crâne de l’un d’eux pour une simple femme.
« tu t’fous d’ma gueule? »
elle rit, et sly ne s’embourbe que davantage dans la rage. il a les naseaux dilatés, le regard furieux et fou. on dirait un taureau perdu dans la colère que lui procure la vision d’un drapeau rouge.
« et donc quoi, monsieur ambition, c’était un test ? pour savoir si j’étais à la hauteur ? tu m’jettes dans les bras d’un type sans rien dire. qu’est ce que j’étais sensée comprendre exactement ? »
sly serre les mâchoires pour se retenir de dire ou de faire quelque chose qui casse tout – le début de cette relation bancale. parce qu’il n’a aucune réponse à donner à ces palabres incisives, si ce n’est l’envie brutale de se barrer pour aller casser la gueule d’un connard qui se dandine sur la piste de danse en espérant ne pas rentrer bredouille, le sexe au garde-à-vous.
« t’as pas encore compris à qui t’avais à faire apparemment. »
nouvelle vague de rage. il n’a que le temps d’ouvrir la bouche avant qu’elle ne s’en aille, fulminant encore davantage. alors il marche sur ses pas, la rattrape en quelques grandes enjambées et lui attrape le bras pour la forcer à s’arrêter et à se tourner vers lui.
- toi non plus.
il gronde d’une voix sourde et menaçante.
- tu penses que t’as gagné la partie, pas vrai ?
il demande en relevant le menton, hautain.
- une nana comme toi, y’en a des dizaines ici. que ce soit toi ou une autre qui viendra réchauffer mon lit ce soir, j’en ai absolument rien à foutre. tape toi qui tu veux, j’ai pas besoin d’une salope dans mon tableau de chasse.
les paroles empoisonnées qui se veulent tout simplement cruelles, loin de ce qu’est sly si souvent. parce que sly se targue d’être un gentleman qui se comporte toujours bien avec la gente féminine, maître des échecs qui bouge ses pions avec méticulosité et réflexion pour atteindre le roi. et là il ne fait que perdre son calme en boucle, pour la plus grande hilarité de la jeune fille. il est certain qu’il n’arrivera pas à la vexer, mais au moins aura-t-il expulsé toute cette haine qui s’est additionnée dans son palpitant fou. il la lâche finalement – ses doigts imprimés dans la chair d’err – pour tourner les talons et quitter la boîte de nuit par la sortie de secours, comme précédemment.
l’air frais fait apparaître quelques volutes de fumée échauffée de ses narines et de ses lèvres, quand il se retourne pour fracasser son poing – et ses métacarpiens – sur le mur en briques décrépi. ses phalanges ruissèlent d’un liquide chaud et sirupeux qu’il ignore superbement, dégoûté par la tournure qu’a pris la soirée.