troubled kids. (ez)

◐ ◐ ◐

troubled kids - - - and those kids over there, their future is all mapped out. but they dream about escaping. that's all they dream about. [@ezekiel wyndham]

elle a été enfermée pendant trop longtemps, cachée, préservée d'une guerre qui la dépasse et dont elle préfère ne pas penser. et la solitude et la colère contre les aînés avaient finalement fini par avoir raison de la gamine esseulée. c'est un mixe de rage et de désespoir qui l'a poussé à tenter le diable, à concevoir ce plan censé lui procurer la liberté. les cris de détresse, faux, permettant d'attirer les deux gardes du corps dans une pièce. et la porte s'est refermée, les enfermant, impuissants. exquise jubilation marquée sur le visage de moira lorsqu'elle s'est précipitée dans le garage et qu'elle a démarré la porsche d'irène, sa mère. démarrage en trombe, dérapage dans l'allée, accès à une temporaire liberté. elle aperçoit les deux gorilles énervés dans le rétroviseur. elle sait qu'ils vont la chercher, mais elle se demande surtout combien de temps elle a avant que médée et james soient mis au courant de sa fugue. si elle ne craint pas les premiers, elle s'inquiète de la réaction - exagérée - des seconds. malgré tout elle compte profiter du temps qu'elle a gagné.

la suite de son plan est de rejoindre ezekiel. message échangés brièvement un peu plus tôt. rendez-vous donné, localisation envoyée. elle ne lui a pas donné plus d'information, mais elle sait qu'il l'y attendra. parce que ez, ça fait longtemps qu'il est là. constante dans la vie parfois trop solitaire d'une gamine pourtant solaire. les années lycée, les rires et les pleurs, les premières expériences, les soirées trop arrosées. et si les chemins se sont séparés pour certains, eux sont restés. peut-être parce qu'ils sont si différents qu'ils ont fini par devenir complémentaires. ou parce que, malgré les flagrantes différences, ils n'en restent pas moins similaires. familles dans lesquelles ils n'ont pas l'air d'appartenir, l'envie de plus, l'envie d'autre chose.

elle arrive à destination. voiture garée sur le parking bien moins occupé qu'en pleine journée. les promeneurs sont rentrés chez eux depuis un moment déjà, et seuls les courageux viennent braver le froid hivernal une fois le soleil couché. elle ferme son manteau, glisse ses mains dans ses poches et pénètre dans astoria park. les pas sont rapides, la paranoïa des aînés envenimant son esprit. et si elle était suivie ? et s'il lui arrivait quelque chose ? et si. l'ombre du hell gate bridge se dessine devant elle, imposante, impressionnante. elle s'approche, le regard se promène sur ce pont surplombant l'hudson river, sur les quelques passants se pressant de rentrer. et puis, au milieu de la balade, elle aperçoit la silhouette connue et recherchée. un sourire naît sur ses lèvres pulpeuses. après plus d'un mois, il y a manqué, un peu. beaucoup. elle s'approche du déshérité, guillerette. je vois que tu es à l'heure pour une fois. boutade habituelle. affection masquée mais facilement devinée.

troubled kids, moira & ezekiel - - - i don't wanna go to school, i just wanna break the rules. boys and girls across the world, putting on our dancing shoes. going to the discotheque, getting louder and getting lais. [@moira marlowe]

// JANUARY 2021 

les années jumelées, les autres écartées. les souvenirs partagés, les autres enjolivés. dans un entre-deux permanent, votre relation s'est tissée en n'empruntant le modèle d'aucune autre. de ces codes ajustés à vos propres singularités. à vous, ces deux électrons libres perdus dans une immensité ne vous accordant aucun relâche. grands par vos noms, vous paraissiez si petits sous la coupe de ceux qui vous surplombaient. qu'il s'agisse des géniteurs ou de la fratrie. vos proches, sujet de conversation tut, bien trop houleux pour être remis sur la table mais pourtant bien présent en arrière-plan. moira est comme un courant d'air qui chamboule ton existence. qui la ravage pour en disparaître quelques jours après. ectoplasme retranché derrière des obligations et des points d'interrogation. tu ne sais pas tout d'elle ez, sa vie s'apparentant à une toile qu'elle dessinait en solitaire, loin des regards intrigués. et sur le mystère qui l'entoure, parfois tu spéculais. ses traits doucereux que tu tentais de décrypter, en homme pas si prompt à analyser ce qui se cachait sous les façades. il y eut quelques mois écoulés avant de retrouver vos échanges. deux mois, peut-être même trois, avant qu'elle ne te fasse un signe. qu'elle balance ces futiles mots comme si elle n'était jamais partie, puisque le lien ne souffre pas l'absence. oubliée la contrefaçon de l'absurde vexation jamais tolérée, au profit d'une chronique en constante adaptation aux humeurs branlantes. râleur par choix, tu n'avais pas mimé ton courroux plus de quelques secondes d'affilé. tu n'avais su que maudire son nom, celui qui l'arrachait à une vie qu'elle devrait consumer par les deux bouts. sauf qu'on en parle pas de ces choses-là ez. on les occulte avec adresse, par souci de ne pas choquer les plus prudes. ou les naïfs qui croiraient encore à votre piètre parodie du bonheur.
il y avait des années qu'elle additionnait les arguments susceptibles de te faire ployer. s'employant au vocabulaire de la jeune ingénue qui ne savait rien de ce qu'elle distillait. ce qu'elle n'imaginait peut-être pas, c'était combien la partie lui était déjà favorable. devant toi, l'héritier en mal de reconnaissance et de biens en ta propriété. tu fuis sans scrupules le théâtre de ta déchéance vers une destination plus glorieuse pour ta figure. vers des retrouvailles si souvent répétées mais qui, jamais, ne se ressemblaient. tu te fais déposer ez, par l'un des rares types toujours à ta botte. bien conscient qu'un jour viendra où tu ne pourras plus te payer ses services. et tes pas te font traverser quelques allées du astoria park. flou artistique dans lequel tu te baignes avant d'être rattrapé par sa vision. je vois que tu es à l'heure pour une fois. tes billes viennent s'accrocher au cadran de ta montre hors de prix, imitant la surprise feinte. on avait rendez-vous ? tu ne la savais pas si à cheval sur les horaires, si guindée face aux convenances. et tu t'en moques, tant tu devines la pique enveloppée. t'as apporté de quoi nous hydrater au moins ? que j'me sois pas déplacé pour rien. ne peinant même pas à voiler la référence à ton vin préféré précédemment évoqué, tu espères qu'elle ne tuera pas tes espoirs dans l'oeuf. j'suis moins drôle sans un coup dans le nez. la malice, sur tes lippes s'esquisse, par esprit de dégainer le ton de l'instant.

(c) calaveras.