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| Sujet: un faux pas du soleil Mer 3 Fév - 22:52 |
| un faux pas du soleil Dans le noir d’une ruelle bourgeonne la braise de l’énième mégot qu’il achève, d’épais volutes s’échappent de ses lèvres pincées. L’homme jette un coup d’oeil fugace à sa montre tandis que des cris conquérants viennent assiéger la nuit au loin. « Bordel » c’est le début des spéculations, le prélude à la violence, le marché prospère de ces hommes réduits à leur chair infecte. Néanmoins la boucherie qui s’exécute ne contrevient pas à l’honneur, ça se bat comme des cabots, ça lutte pour préserver les derniers lambeaux du digne. Des hommes de la casse qui se bouffent la tôle pour rugir la victoire et fourrer le gain minuscule dans l’entrecuisse altière.
Des phares creusent enfin dans l’obscurité, aveugle l’ombre coincé dans l’impasse qui braque l’avant-bras pour se permettre d’y voir, puis la lumière diminue soudainement et le moteur tombe au repos. Côme relâche, piétine jusqu’à l’habitacle, intercepte la porte passagère qui s’ouvre sur une des précieuses au parfum poudré. « T’as dix minutes de retard », le dos vouté, invective le chauffeur qui fait trainer des orbes lasses sur la figure implacable, les détourne aussitôt « tu ferais bien de ne pas perdre une minute de plus alors ». Le givre toise, dents serrées et paumes brûlantes, après quelques secondes claque la portière sans piper mot. Certaines peaux ne valent ni qu’on les découpe, ni qu’on les déchire, ni d’être flambées aux allumettes de la colère.
Il y a des hommes pour arrêter d’être dignes d’eux-mêmes. Et il y veillait depuis ce jour.
La voiture a emporté son chauffeur, loin du maelström irascible, de grands coups ont été frappés contre les portes de métal, six filles se sont sagement amassées derrière lui. « J’déteste faire le sale boulot alors m’donnez pas d’raison d’le faire, vous pigez? » la sèche apostrophe qu’une apparition balaye et qui les jauge avant de leur laisser un espace pour pénétrer l’enceinte. Ils sont amenés dans les sous-sols, couloir de tuyauterie qui fait retentir les viles bourrasques du stupre et du fric, d’un capitalisme vicieux, violent, qu’ils franchissent dans un silence grave et sentencieux. Au bout du corridor, le gaillard mutique ouvre la porte sur le théâtre baroque d’un ring funèbre. D’un geste du menton, Côme somme aux poupées d’avancer les premières, de partir s’atteler à leurs délicates incantations qui tirent les pactoles de poches en soie, grisent la petitesse virile. Les talons fracturent les marches des gradins velours, les vipères sillonnent, s’établissent chacune de proie en proie. Bennett les repère, puis ses yeux dérivent un court instant sur la débâcle qui se prépare entre les cordes. Derrière, en hauteur et enclavé, l’îlot des privilégiés, panorama d’infamie, un type blond est occupé à la récolte tandis que d’autres sont assis, prompts à se sustenter de l’horreur. Côme traverse ce décor d’opéra de la supplique, dévore les marches pour rejoindre la meute élitiste, interpelle un homme de main dans un virage « j’cherche Markus, c’est pour les filles ». On lui pointe la tête blonde qui reçoit joyeusement poignées de main et enveloppes.
Le bouton de sa veste défait, Côme jouit de la commodité d’un siège au coeur de l’enclave. À ses côtés une femme a des allures marbres, glacier ostentatoire en territoire extatique. Il lui jette un regard bref et interpellé, puis s’enfonce dans le siège. « J’peux vous commander un verre si vous avez b’soin? », la rousse lui avise une de ces oeillades curieuses à laquelle il répond par un haussement d’épaule. « Un verre. On dirait qu’c’est d’ça dont vous avez besoin? Vous avez l’air moins ravie qu’les serveuses en p’tite tenue » c’est qu’il comprend le calvaire à consommer la brutalité à l’état pur, sans être invité à charger à son tour.
(c) corvidae |
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