La promesse de l'aube

la promesse de l'aube

La sueur, partout. Elle lui brûle les muqueuses, picote le front et le menton. La sueur dégoulinante oxyde le dédain qui se mue en paranoïa. Les doigts pianotent, glissent acharnés sur le tactile et plus promptement que les battements du cœur. Il est empli des contradictions que lui infligent la gamine, joueuse des provocations de la morgue, rieuse du linceul blanchâtre et empoussiéré qui emporte les éléments de la famille jusqu’au tombeau. Il piétine sur quelques mètres, des allers-retours d’un bout à l’autre de cette rage contenue par la fumette. Aminn ressasse avec impatience, remue la désobligeance d’Ysra et ce qu’elle croit soulager par les derniers mots qu’elle lui adresse. Le bruit des messageries de ses parents ont raison de son bon sens, le cellulaire éparpille ses organes métalliques sur le béton. La traînée sanguinaire d’un dément inquiet, d’un frère pour sa soeur et du parfum de cet amour-malheur qu’ils dégagent.

L’aube s’élève dans l’obscurité, les derniers recoins immaculés de ses poumons avalent la petite nuit à grande bouffée d’empressement. La température négative de l’extérieur lui foudroie l’être et le corps. Il a mal d’horreur, celle qu’il s’imagine emporter sa petite sœur. Il croit pourtant qu’il est hardi par l’agacement, à cause de ces cartes de vie ou de mort qu’elle sinue comme si elle était Dieu. Un rayon de soleil sur la peau de lune, une mort hissant toutes ses ombres sur cette lumière qu’elle a gravée dans les chairs. La poitrine enflée, la jambe donne son impulsion à l’autre. Aminn rompt la léthargie du corps blotti dans la pesanteur, confronté de but en blanc aux limites physiques qui faisaient sa notoriété sur le terrain d’herbe. Il ingurgite l’air et la recrache à une vitesse alarmante, dévale les mètres, les kilomètres qui le séparent de la brune. Une myriade de passants s’écarte et trace son passage de l'œil, les réverbères sont un nombre infinis à ployer sur sa route, les trottoirs, les poteaux dressés dans le béton, le vortex de la vitesse des engins, et Aminn qui ne voit que le jour poindre et les forces lui manquer pour parvenir jusqu’à elle.

Il flirte avec les limites pour que jamais Ysra ne s’évapore, grimpe la pente jusqu’au quartier, indifférent à la douleur qui lui mordille hargneusement les côtes. La lumière arrive, elle s’apprête à étreindre et éteindre de la même manière. Le gamin fait le tour de la barraque, elle est là dans le jardin. Ysra attend que le jour lui tende une main que la nuit qu’il porte dans ses tréfonds ne lui accorde pas. “Ysra! Ysra rentre, putain!”, elle ne l’écoute pas, il ne sait pas si elle entend même les gouttelettes de sudation frapper les dalles de la terrasse. Aminn attrape la bâche du barbecue, bataille pour l’en extirper. Il est caressé par la chaleur des rayons du levant, il court une dernière fois jusqu’à sa sœur, couvre rapidement le derme déjà rougi.

Il l’a enrobé, la presse contre lui.
“C’est bon, t’as gagné, je suis là”, il y a du soulagement dans la voix, tandis qu’il mène sa prunelle de l’ombre vers l’intérieur tamisé. La porte de la maisonnée claque derrière eux, Ysra se découvre, Aminn s’apprête à la sermonner mais régurgite l’effort rendu. Le parquet est tapissé des vomissures aimantes, d’un frère pour sa sœur.

(c) corvidae

elle a toussé à trois reprises, après avoir regardé une vidéo sur youtube qui expliquait comment faire cette merde. elle savait très bien qu'il n'allait rien lui dire, mais elle ne pensait pas qu'il serait capable de ça. d'autant la briser, alors qu'il est le seul qu'elle arrive encore à réclamer. et si finalement, même son frère la repousse, c'est qu'elle doit bien être responsable de quelque chose non ? ce n'est plus qu'une histoire de la mort de sadek. c'est plus poussé que ça, mais ça lui échappe. et quoi ? elle passe pour la gamine aux nombreux caprices ? ce n'est pas le cas, putain. elle n'est pas capricieuse. elle a juste besoin de quelqu'un, ne supportant plus la douleur et la solitude. allah est loin dans son esprit, il ne l'aide pas à retrouver la paix et pourtant, c'est ce qu'elle demande, ce qu'elle réclame, non stop. les parents qui font à peine attention à elle. les critiques fusent. qu'elle doit se relever. avancer. mais quoi hein ? comment ?
et peut-être que si kian était disponible pour venir chez elle, elle l'aurait évité. cette douleur infâme qui se propage dans sa tête et qui l'empêche de vraiment prendre les rennes.
elle a toussé plusieurs fois oui, en oubliant les larmes qui ont coulé, ou ce tee-shirt qu'elle maintient contre lui car, elle ne mentait pas. c'était ça, son acquisition principal. juste quelque choe qui lui appartient pour combler un peu la solitude qui la pèse. le coeur lourd et une pluie trop forte qui l'a empêché de sortir dehors une première partie, et puis après ? elle ne se sentait juste... pas dans l'envie de braver le froid hivernal. pourtant, les journées sont plus longues. c'est son moment, ce qu'elle préfère. mais elle n'a pas été apte à faire quoi que ce soit.
elle a été apte à maintenir une conversation qui fait mal.
au point qu'elle abandonne. lâchant la téléphone, consciente que ce qu'elle fait peut être le point de non retour. pourtant, elle y va. elle n'a pas peur. elle a froid à cause des températures, mais ça s'arrête là. elle ne l'attend plus. elle voit que les lumières commencent à changer, l'obscurité devient clarté. elle sent, un mili seconde, une source de chaleur sur un rayon qui a pris sa place parmi les nuages mais... aminn est déjà là. une sorte de bâche qui la protège, elle est protégée contre vent et marré, elle se retrouve contre lui tantôt, puis dans la maison familiale par la suite. et elle tremble. elle a gagné, hein ? c'est pas... quoi, une compétition ? oui. mais elle n'a pas le temps de finir sa phrase car, d'un coup, il s'éloigne. vomi. à cause d'elle, hein ? elle retient pas les larmes. mais elle retient le moment où elle se dépêche pour nettoyer au lieu de vomir. deux grosses serviettes trempés, elle nettoiera après. pourquoi tu me repousses ? elle craque. vraiment. elle a une drôle de marque à l'avant de son bras sans qu'elle n'ai pris le soin de regarder. à la place, elle a besoin de comprendre. elle est triste, malheureuse. seule.