look like an angel.

deux artistes.
deux artistes et une équipe de vingt personnes.
ce soir, c'est important ; tu ne peux pas faire d'erreur, te tromper dans les bouteilles de rhum ou confondre les régimes alimentaires. tu acquieses, sérieuse ou soucieuse d'effectuer avec perfection ta mission, face aux mots de ton supérieur. il se déplace rarement jusqu'à toi pour te dicter ta conduite. tu te pinces le coin de la lèvre lorsqu'il te précise que des vigiles supplémentaires s'ajouteront à tes habituels collègues. décidément. ce soir, ton coeur ne bat pas lorsqu'il observe les lignes de tes feuilles de route. ce groupe, ces gens, tu ne le connais pas. cette réalité te permet d'appréhender avec calme et douceur la soirée à venir. tu ne possèdes aucune raison de trébucher ou de posséder de la maladresse dans la voix. confiante, tu laisses eric poursuivre son monologue ; tu es de ceux qui savent se taire, écouter et faire semblant. ton esprit divagues, s'évades, tandis que ton corps aborde la gestuelle suffisante pour faire croire à ton interlocuteur que tu es captivée par le mouvement de ses lèvres. ils doivent arriver d'ici cinq minutes, c'est bon pour toi ? qu'il te souffle. tu secoues ton visage, redressant ta colonne vertébrale. t'ai-je déjà déçue ? que tu souffles, souriante et enjouée. tu glisses ta main sur sa poitrine et tu t'éloignes afin de gagner ton bureau.
et les minutes passent.
le groupe arrive, leurs proches également. le temps s'accélère et s'éparpille. ta mission : t'assurer que tout se passe bien, pour tout le monde. une ombre, ta présence ne doit pas déranger ; mais ta présence doit également être une évidence. silence comme dérision, tu dois évoluer comme un caméléon qui s'adapte à ses interlocuteurs tout en conservant l'éclat de son sourire. passionnée par ce que tu exécutes, tu serais incapable d'effectuer un emploi qui t'empêcherai de vibrer. le concert est terminé, les voix s'agitent et les corps s'échauffent. tu plaisantes avec marlon, ton collègue barman.
jusqu'à la voir.
elle, alix.
non que tu souffles, davantage pour toi-même, tout en avalant avec rapidité la dernière bouchée de ta pomme. les palpitations de ton coeur s'empressent, perturbée par cette vision. de l'inquiétude ? tu ne le sais pas. tu l'observes, attendant que ses pas la mènent à passer devant toi. cette femme qui possède le même sang que celui de l'homme qui s'invite encore dans tes rêves.

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Les notes défilent,
les chansons se suivent,
et elle, perd le fil,
et elle, s’égare dans l’abîme.
La tête partout, plutôt que dans cette salle de concert. Elle pense à son mariage qui bat de l’aile. Aux pistes qu’elle peut suivre pour ses envies vengeresses. Et, indéniablement, à ce vide. Ce vide qu’elle éprouve continuellement, perpétuellement, depuis qu’elle a perdu sa fille.
Elle pense à tout, Alix, tout sauf ce concert dont elle n’avait aucune envie. Toute motivation égarée depuis qu’elle se retrouve dépossédée de son rôle de mère. Comme si, en perdant ce titre, elle ne trouvait plus d’intérêt à aucun autre, surtout pas celui destiné à la fête. Organisatrice événementielle, métier de célébrations et de lumières. C’est ce qu’il lui fallait pour se séparer d’Alix Ferreira. De ce sang qui coule dans ses veines sans répit. Mais, alors qu’elle renoue avec les fragments les plus sombres de son âme, la ténébreuse doit jongler avec tous les pans de son autre vie.
Celle qu’elle s’est construite,
celle qui subsiste,
celle qui existe toujours même si elle n’en reconnaît plus rien. Rien, absolument rien, sauf peut-être ce mari qui la fuit. Noyée dans l’obscurité de ses songes, elle réalise à peine que le concert s’achève. Que tout le monde se lève. Et qu’elle doit faire ce qu’elle fait toujours. Saluer quelques personnes, serrer quelques mains. Faire semblant, encore, continuellement. Comme si elle avait l’envie d’être ici, dans cette salle de spectacle à parler musique, alors qu’elle vit avec ce trou béant dans sa poitrine. Mais elle sait encaisser, Alix, elle a l’habitude. Alors elle s’avance, l’allure professionnelle, presque princière, même si la seule couronne qu’elle détient provient directement des ténèbres. « Bonsoir. » et l’autre parle, et continue de parler, quand ses prunelles à elle, tombent sur la jeune fille à ses côtés. Isaure. Isaure, celle de Trejan, celle qui lui a brisé le cœur sans état d’âmes. « C’était un magnifique concert, oui. » elle affirme, comme si elle en avait écouté la moindre partie. Elle ne saurait même pas, Alix, en citer une seule musique. Mais, là tout de suite, elle n’est pas réellement occupée à maintenir les apparences. Ses opales sombres observent à nouveau la gamine qui a osé tant de souffrance. « Bonsoir Isaure. » elle dit enfin, la voix distante, loin de vouloir s’attarder. Le mur froid qu’elle érige devant elle, celle qui aurait pu devenir sa belle-sœur. Celle qui a brisé le plus précieux des cœurs. Celui de son petit frère.

cette voix, le charisme et la beauté d'alix se présentent dans ton univers. tu ignores ce que tu dois ressentir, ce que tu ressens face cette à inattendue vision. pourtant, tu essayes de décrypter cette sensation qui alourdit ta gorge et cet éclat qui s'allume dans le coin de tes yeux. tu ne peux que penser à trejan, l'obsession perpétuelle. silencieuse, captivée. elle est belle, alix. elle est belle et tu te demandes si elle aussi, évolue dans la noirceur de ce monde ; cette dangereuse noirceur que tu ne peux pas apprécier. tu imagines que c'est le cas. qu'elle est loin d'être aussi... humaine que ce qu'elle montre à ses interlocuteurs. l'incompréhension. ce monde, leur monde, ne peut pas être le tien. c'est tout. elle s'avance alix, auprès de ce producteur prétentieux qui ne semble pas avoir compris ton rôle dans l'engrenage. tu préfères te taire. ce soir, tu n'as pas le droit de briller. sois utile, fluide et deviens l'évidence silencieuse.
ses yeux.
lorsque ses yeux croisent les tiens, tu te redresses et tu sens une ombre passer dans les tiens. c'est encore douloureux, cette histoire, ton histoire. mais tu ne regrettes rien. tu n'as pas à trembler face à cette femme qui ne représente finalement rien dans ta relation avec trejan. c'est sa soeur, elle gravite autour de lui ; mais pas de toi, elle ne peut pas t'atteindre. surtout si ses mains sont aussi sales que tu l'imagines. bonsoir alix que tu réponds alors, cordiale, ta confiance renouvelée grâce à tes croyances. ici, c'est ton univers, pas le sien. vous connaissez le groupe ? que tu la questionnes alors, ignorant l'homme se trouvant à ses côtés. tu le connais déjà. il ne cesse de faire des allers retours entre les loges et l'extérieur de cet espace privé. alix, tu la sondes par intérêt et professionnalisme. tu dois, juste et simplement, vérifier les présences. contrôler, sans laisser croire aux personnes qui te font face que tu possèdes un quelconque pouvoir. tu vas te contenter d'effectuer ton travail, et d'ignorer la vague de souvenirs qui s'écroule sur ton coeur vibrant. trejan, trejan... ce n'est pas le moment d'être submergée par les souvenirs.
c'est là qu'il arrive, ce musicien âgé, pour vous offrir des verres. c'est charmant de penser à toi. même si tu comprends qu'il s'agit en réalité d'une courtoise manière d'atteindre alix et de l'attirer à ses côtés. qu'importe, tant mieux. tu préfères qu'elle s'éloigne et profiter de cette pause pour glisser tes lèvres sur la tiédeur du verre que l'on vient de te donner. rafraîchissante sensation, n'apaisant pas tes maux.

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Isaure, Isaure.
Les cheveux d’or,
la voix de velours,
le sourire le plus doux,
le plus doux qu’elle n’ait jamais vu.
Isaure, elle a cet air céleste, un peu aérien. Comme si tout lui passait dessus, comme si elle volait beaucoup trop haut dans le ciel, pour laisser quoi que ce soit l’atteindre.
Alix n’a aucun mal à imaginer ce qui a pu attirer son plus jeune frère chez la nymphe. Évanescente et lumineuse, elle devait être capable de lui faire oublier ses enfers. Exactement comme Ezio avec elle. Elle discerne sans difficultés ce que la jeune fille a de plus captivant pour un gamin à peine sorti de l’adolescence. Mais, plus que tout, elle se remémore sa souffrance.

Trejan, tu le revois,
cet air perdu dans le regard,
cette douleur insupportable dans ses opales,
tu le revois,
avoir si mal,
et tu ne peux que lui en vouloir,
pour ça.

C’est probablement injuste. Isaure, elle n’était qu’un premier amour. Comme celui qu’elle aussi, elle a perdu. Celui qu’elle a brisé en partant, comme la blondinette avant elle. Mais ce mal-être dans les prunelles de son frère, elle en a trop souvent été témoin. Incapable de rester objective, la ténébreuse a le mérite de savoir se contenir. Ses pupilles froides sondent son interlocutrice sans qu’aucun mot maudissant ne sorte de ses lippes. « Vaguement. » elle rétorque simplement, durement. Elle ne compte pas s’éterniser, ni s’attarder auprès de la femme qui a brisé le cœur de son cadet. Justement, avant qu’un malaise ne vienne s’installer, leur conversation est écourtée par l’arrivée d’un musicien venu leur apporter des cocktails alcoolisés. Elle adresse un petit signe de tête à l’homme qui se tient aux côtés d’Isaure, puis à celle-ci. « Je passerais votre salut à Trejan. » le timbre cordial et assuré de sa voix ne laisse aucunement sous-entendre une quelconque provocation. Mais c’est après un dernier regard amer que la silhouette fine finit par s’éloigner pour rejoindre un lieu où l’air sera un peu plus respirable. Occupée à une discussion avec une vague connaissance, les prunelles de la louve ne peuvent pour autant s’empêcher de se poser de temps à autre sur celle qui aurait pu être sa belle-sœur. Jamais longtemps, jamais fixement. Mais, suffisamment, pour la voir discuter avec ce musicien un brin trop tactile. Elle ne dit rien, elle ne bouge pas, Alix. Son verre entre les doigts, elle sirote une gorgée de son breuvage de temps à autre tout en poursuivant son échange. Mais il y a comme cette force immuable qui la pousse à les surveiller. Ou, peut-être, à la veiller.

tu ne peux pas le nier, la présence d'alix te déstabilise et te plonge dans des souvenirs que tu essayes pourtant de refouler. à chaque fois que tu penses à trejan, ton palpitant s'éparpille, ton corps se réchauffe et ton âme te hurle de t'éloigner de sa brûlante et dangereuse personne. tu sais ce qu'ils font, tu sais ce qui les animent et ce qu'ils effectuent lorsque la nuit se dépose sur les âmes endormies. tu ne veux pas appartenir à ce monde. tu refuses et rejettes son existence. tu ne peux qu'envisager alix comme étant aussi dangereuse que lui, que tous. cette famille. tu pourrais presque en frisonner. de peur ou de dégoût ? ce mélange imperceptible, vicieux et délirant, qui te pousse à t'éloigner. et pourtant, pourtant. l'attirance est présente, en toi, bourdonnante et frémissante.
alix te provoque.
alix te provoque-t-elle réellement ?
tu le dévisages, suspendue à ses lèvres. dire à trejan que vous vous êtes vues ? pourquoi générer cette tension ? tu souffles, perturbée, en désaccord. d'ordinaire tenace, franche et sensible ; tu préfères te taire, évitant d'alimenter ce feu évident qui brûle entre vos deux corps. un feu mêlant colère et incompréhension, une tension cordiale. qu'importe ce qu'elle représente, tu respectes alix et tu continueras à la respecter. elle est précieuse pour trejan. les liens du sang dominent le reste. tu ne supporterais pas que quiconque puisse s'adresser avec irrespect et violence envers tes frères ; tu ne supporterais pas que trejan puisse élever sa voix pour dominer celles de tes frères. qu'importe la situation, tu le haïrais immédiatement s'il agissait ainsi. alix s'éloigne, tu peux relâcher la pression que tu exerçais dans le haut de ton propre corps. par réflexe, et sans désir prononcé de plonger dans l'ivresse, tu termines en quelques gorgées ce verre apporté par ce musicien qui te raconte une vie qui ne t'intéresse pas. pas ce soir. tu te contentes d’acquiescer. de quoi s'agit-il ?
une lourdeur précoce et envahissante tombe sur ton organisme. tes muscles s'étirent et se détendent. du sommeil ? tu n'es pas fatiguée. et pourtant, l'évidence immédiate de tes paupières lourdes, de ta vision troublée et ton souffle coupé te plonge dans un délire saisissant. je- j'ai besoin d'air. fébrile, tu te lèves, glisses. rattrapée par une main insistante, tu ne contrôles plus ton corps. tu ordonnes, mais rien. rien. tu t'allonges, on t'allonge ? tu tangues. nausées, frissons. mais, rien. tu ne sais pas. tu erres dans une perdition qui t’assomme. folie, fatigue, invasion. coma détestable. tu ne comprends pas. tu ne comprends rien.
et tu sombres.

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Rien, depuis le trépas de sa fille, rien ne trouve son intérêt. Tout son être demeure focalisé sur cette vengeance à peine programmée, celle qui lui vient par instinct, bien plus qu’elle n’est raisonnée. Elles animent désormais sa vie, ses envies assassines. Elles sont les seules à éveiller quelque chose dans ses iris. Pourtant ce soir, cette vérité paraît pour la première fois contredite. Par elle, Isaure. Isaure et ses cheveux d’or. Isaure dont il enveloppe le corps. Isaure qu’il semble tenir un peu trop fort. Elle n’aurait jamais cru penser, Alix, que ce soit cette fille qui la sorte de sa léthargie. Que ce soit elle, qui lui fasse oublier même quelques instants, la folie meurtrière qui l’a envahie. Que ce soit elle qui, peut-être, l’aide à conserver un semblant de lumière. À cet instant, la fille Ferreira n’y songe pas une seule seconde, tout autant qu’elle ne pense pas à Trejan. Elle ne pense à rien, à personne. Seulement à elle, Isaure. Isaure qu’il entraîne, un peu plus loin. Elle ne s’excuse même pas auprès de son interlocuteur, la louve se contente de lui tendre son verre. Elle couvre le chemin qu’ils ont pris, celui qui amène dans les coulisses. Il y a plusieurs loges à la suite. Elle essaie une première pièce, puis une deuxième. C’est à la troisième qu’elle assiste à la terrible, mais plus terriblement prévisible encore scène. Cet homme et ses sales mains, sur le corps affaibli de sa victime. Cet homme prêt à abuser d’elle alors qu’elle est sagement endormie. « Tu fais quoi là ?! » elle balance, la voix grave, le poussant à lui faire face. L’air hagard, mais cette obscurité lubrique dans le regard, il ne comprend pas. Il comprend encore moins le coup qu’elle lui inflige, violemment, sans prévenir. Son poing sur la face du violeur, elle le blesse une première fois mais, loin de le calmer, il réagit par instinct. S’entame un combat où la guerrière détient incontestablement l’avantage. Les bruits commencent à alerter du monde, des personnes arrivent pour les séparer, et elle se met à l’incendier. « Il allait abuser de la gamine ! » elle essuie froidement la lèvre qu’il a réussi à déchirer sous un coup de trop. Lui est dans un état bien pire, le visage ensanglanté, l’air de crier qu’il est une victime. « Appelez la police ! Et sortez-le d’ici ! » le brouhaha ne l’intéresse pas. Il n’y a qu’elle qui accapare ses pensées à cet instant. De nouveau seule avec la jeune fille, elle s’accroupit auprès d’elle. Pose sa main contre son front dans un geste presque maternel. « Isaure… est-ce que tu m’entends ? » elle demande, la voix inquiète, démesurément inquiète pour celle qu’elle déteste. Qu’elle détestait. Mais elle oublie bien tout ce qu’elle pouvait éprouver, Alix. Elle agit cette fois sans réfléchir. Prise d’une envie de la soutenir. D’être là pour elle, comme une grande sœur. Comme… une mère. Ce qu’elle n’est plus, ce qu’elle ne sera jamais plus, revient comme par réflexe.

c'est noir dehors, ou dedans ; c'est noir, partout.
est-ce que tu sens ? rien. est-ce que tu peux bouger ? non. rien. tout est bloqué, l'endormissement involontaire. la plongée. tu glisses, tu glisses encore, longuement, lentement. un flottement. un oubli, de soi, du temps et de l'espace. tu te demandes ce que tu fais, ce que tu vis. tu ne comprends pas ce que tu entends. tu es ailleurs. cet ailleurs. morphée ? tu ne la reconnais pas. ses yeux sont rouges, l'impact de ses mains sur ton corps est oppressant. oppressée. tu te sens oppressée. ou peut-être soulagée ? l'éparpillement. l'incompréhension et la superposition de sensations. un bien-être à l'arrière goût acide. peu agréable. déroutant, même. détestable, probablement.
tu ne sais pas.
tu ne sais rien.
tu dors. ou tu fais semblant. ton corps fait semblant, pour toi ? tu n'es pas capable d'ouvrir tes paupières. de dire que tu as soif, tu as soif ? la gorge sèche. le coeur qui bat, lentement, alors que tu as l'impression d'avoir l'organisme qui palpite. tu ne comprends toujours pas, rien. enfoncée. enveloppée. cachée ? pourquoi es-tu seule ? tu n'étais pas seule. tu ne peux pas l'être. tu essayes de l'appeler, alix. elle est à côté de toi. juste là. mais tu n'arrive pas à bouger tes lèvres. bloquée, figée, faussement endormie. tu luttes, tu forces, rien. qu'est-ce qui se passe ? tu t'inquiètes. fatiguée, si fatiguée. ton visage qui tombe, là, sur le côté. tu ne peux pas lutter davantage. dors isaure, dors. ne luttes pas. tu ne risques rien, hein ? tu ne risques rien. tes doigts qui arrivent à se resserrer. c'est chaud, tiède, rassurant. alix ?

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Le silence total,
le cœur beaucoup trop noir,
Alix observe, d’un air hagard, la poupée qui gît sous ses prunelles inquiètes. Elle paraît sagement endormie alors qu’il n’en est rien en réalité. En réalité ? Elle a été droguée. Abusée de cette came qu’on lui a imposé, sans ne lui avoir rien demandé. Abusée, elle aurait pu l’être bien davantage, par cet homme qui était prêt à commettre l’irréparable. Elle n’ose y croire, Alix, la main posée sur la jeune endormie, elle essaie de réaliser tout ce qui vient de se produire.

C’est cette rage qui l’anime,
cette haine envers ce monde qui brille,
celui qui honnit et méprise,
celui dans lequel elle a grandi
alors qu’ils sont bien pires,
alors qu’il n’y a pas pire,
que ça, ici.

C’est la même colère qui se reflète en elle, que celle qu’elle avait quand elle était môme et qu’on la fixait avec appréhension. Comme si la gamine qu’elle était pouvait faire du mal aux adultes qu’elle côtoyait, comme si… la réputation des Ferreira la précédait, quoi qu’elle fasse. Elle avait la sensation amère que ceux qui jugeaient étaient les pires de tous. Sensation qu’elle a repoussée le plus loin possible de son esprit, quand elle a rencontré son mari, quand elle a choisi la lumière plutôt que les vices et les crimes. Mais la sensation revient, malgré elle, insidieuse et naturelle. Combinée à son besoin d’embrasser la destinée qu’elle avait tant voulu éviter, elle en devient furieuse contre le monde d’en-haut, celui où un violeur n’aura rien quand elle… quand elle, elle pourrait le faire tuer avec un appel et quelques mots. Elle soupire, le visage déconfit, qui retrouve soudain vie quand elle sent quelque chose serrer ses phalanges. C’est Isaure… c’est Isaure qui se réveille encore à peine. « Hé… je suis là. Tu n’es pas seule. » pas certaine d’être la personne la plus rassurante pour la princesse aux cheveux d’or, elle finit tout de même par serrer sa main dans la sienne. « Prends ton temps, je ne bouge pas. » peut-être devrait-elle appeler une ambulance. Mais elle doute que se réveiller à l’hôpital soit la meilleure chose à cet instant. Elle doit seulement se sentir… entourée… et en sécurité, surtout. Les minutes défilent, peut-être les heures aussi. Alix, elle n’a plus trop de notion du temps quand, enfin, elle voit les paupières de la jeune femme s’ouvrir. Elle n’a jamais été aussi soulagée de voir ses iris. « Hé… comment tu te sens ? » elle demande, par souci d’inquiétude. Mais aussi pour savoir si elle se souvient, de ce qu’elle a vécu.