le lendemain de l'orage. (haskel)

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{ le lendemain de l'orage }
crédit/ tumblr ♛  w/ @Haskel Larsen  

Inconstance d’une vie décousue,
une vie où rien ne dure,
il y a juste les amitiés qui perdurent.
C’est ce qu’elle croit, l’âme tourmentée, quand elle décide de retrouver l’ami qu’elle n’a pas vu depuis une éternité. Trop empêtrée dans ses tourments, elle a négligé malgré elle certaines de ses relations. Toutes ces dernières semaines, elle s’est rattachée à sa sœur plus qu’à quiconque. Elle s’est laissée aller auprès des amitiés les plus sombres. C’est ainsi qu’elle a craqué, avec lui, sa part d’obscurité, Adriel. Ils ont dépassé la frontière, la limite qu’ils n’auraient jamais dû approcher. C’est peut-être pour cette raison que, ce soir, c’est vers Haskel qu’elle s’est tournée, comme un instinct. Un besoin. Celui de se retrouver face à un ami qui la comprenne. Un homme qui ne la juge pas, jamais, quoi qu’elle fasse. De ses plus anciens amis, Haskel est l’un des rares qu’elle a su garder dans sa vie. Après son divorce, après la séparation houleuse et l’aveu de ses trahisons, elle a perdu bon nombre de ses fréquentations.

Mais lui, il est resté,
lui, il l’a épaulée,
lui, il a toujours été à ses côtés.

Peut-être que c’est elle, au bout du compte, qui n’a pas su être présente quand il le fallait. Car lorsqu’elle sonne à la porte de sa demeure, elle trouve une ancienne épouse amère, qui lui explique qu’il a déménagé ; qu’ils se sont séparés ; qu’ils ont, même, décidé de divorcer. L’écorchée vive tombe des nues, prise au dépourvu, elle n’a jamais rien su. Mille excuses plus tard auprès d’Helen, un détour pour acheter du vin, sa voiture prend un nouveau chemin. L’adresse indiquée par l’ex de son ami, elle arrive, l’air moins sereine, troublée, peut-être aussi un peu coupable d’avoir manqué un événement aussi important dans sa vie. Lui a été présent pour elle, lui a su lui tendre la main. Alors, le cœur un peu serré, la rose abîmée essaie de lui rendre la pareille. Son sac contre l’épaule, le grand cru entre ses phalanges délicates, elle quitte le véhicule pour rejoindre le nouvel habitat d’Haskel. Un petit toc à sa porte d’entrée, la voilà qui s’entrouvre, pour laisser apparaître l’homme fraîchement divorcé. « Tu n’es vraiment pas facile à trouver, tu le sais ? » elle affirme en guise de salut, l’ombre d’un sourire sur ses lèvres pourpres. Elle désigne la bouteille qu’elle tient toujours à la main comme un signe de paix, une demande pour entrer. « Tu veux bien laisser entrer la pire de tes amis… ? »

Et je te promets de me rattraper,
je te promets de ne pas te lâcher,
je te promets de te rendre tout ce que tu m’as donné,
autant de fois qu’il le faudrait.

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{ le lendemain de l'orage }
crédit/ tumblr ♛  w/ @Haskel Larsen  

La porte à peine entrebâillée, elle reconnaît enfin le visage familier. Haskel, ou presque. Les traits sont inchangés, au premier abord, mais elle remarque vite les demi-lunes violacées sous ses prunelles éreintées. Elle discerne aussi, beaucoup trop rapidement, l’apparence creusée. Amaigri, le pire n’est pourtant pas physique. Le pire, c’est cette lueur éteinte et criarde à la fois, sur ce minois démuni de tout enthousiasme.
C’est, presque, comme s’il ne la reconnaît pas.
Elle, amitié demeurée depuis des années, elle, toujours plus ou moins à ses côtés. Parfois de près, parfois plus éloignée. Comme les dernières semaines qui ont défilé. Mais il ne vient pas à l’idée de l’écorchée que c’est elle qu’il a oubliée. Ce à quoi elle songe immédiatement, c’est la souffrance qu’il doit éprouver, pour paraître aussi déboussolé devant une simple amie. Enfin, difficilement, c’est son nom qui sort de ses lippes. Puis, lui, qui veut savoir ce qu’elle fait ici. Elle abaisse la main qui tient la bouteille de vin, perdant le sourire à peine esquissé sur ses lèvres. Quelques secondes nécessaires, pour trouver les mots qui éviteront de le blesser. Ceux qui ne remueront pas le couteau dans la plaie. « Je suis venue te voir à ton ancienne adresse et… j’ai vu Helen. » Et elle m’a expliqué, que vous étiez séparés. Divorcés. Que toi, t’avais filé. Et moi, je l’écoutais. Tout ce temps, je l’écoutais, en me demandant pourquoi tu ne m’as pas appelée, pourquoi tu n’es pas venu me retrouver. Une inspiration plus tard, ses pupilles toujours dans les siennes, elle reprend. « Je ne voulais pas te déranger… je me suis sentie idiote, je ne savais pas que vous étiez séparés. » elle confie, à l’embrasure de cette porte, alors qu’elle serait bien plus à son aise à l’intérieur. Seulement l’âme en perdition devine trop bien son besoin d’être tout seul. Elle le sait, elle éprouve la même chose chaque fois que ses démons se mettent à rôder ?
à la tourmenter,
à la hanter.
C’est bien pour cette raison qu’elle ne compte pas lâcher.
Ni lui, l’abandonner.
La tête toujours bien relevée, posture altière d’une reine du monde pourtant si souvent brisée. Elle n’hésite pas à insister. Pas une seule seconde en vérité. « Je ne veux pas te déranger mais… je m’inquiète pour toi. »

Pour toi, Haskel,
pas pour elle,
parce que si j’ignore ce qui est arrivé,
je sais ce que c’est,
de voir son mariage démoli,
tu te souviens, je l’ai vécu aussi,
tu te souviens, tu étais là pour moi, aussi.

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{ le lendemain de l'orage }
crédit/ tumblr ♛  w/ @Haskel Larsen  

Un nom, un seul nom suffit à faire pâlir son visage, le rendre encore plus blafard. Le nom de cette femme qu’il a toujours tant aimée, elle le sait, Isa, peu importe ce qui est arrivé, peu importe même à quel point tout a pu se briser, elle le sait. Helen, il l’a toujours aimée. Elle n’a pas osé, ni même songé, à demander à son épouse les raisons de leur séparation. Car l’âme ténébreuse n’est pas de celles qui se montrent intrusives, même pas avec ses amis. C’est lui qu’elle a eu besoin de retrouver, pour l’aider, à sa maigre échelle, à affronter une tornade dont on ne sort jamais totalement indemne. Divorcer, c’est s’arracher un bout de son cœur en se disant qu’on ne le retrouvera plus jamais. Elle l’a vécu, elle aussi, alors même que son amour pour Luke s’était envolé. Elle a senti un fragment d’elle se décimer, le jour où elle a signé les papiers.

Et il était là, Haskel,
il était là pour elle,
aujourd’hui, c’est le contraire,
c’est à elle de lui rendre la pareille,
à elle d’affronter avec lui cette tempête.

Les deux onyx posés droit sur lui, à ses mots elle reste attentive. Elle observe les traits amaigris, éreintés, de l’homme qu’elle a vu si heureux dans le passé. Mais il y a aussi ce trouble qu’elle lit dans ses opales, chaque fois qu’elle les croise, à chaque phrase qu’il ne termine pas. Encore chamboulé, comme s’il ne réalisait pas tout à fait, le divorcé lui présente des excuses dont elle n’a pas besoin, ni qu’elle ne mérite en réalité. La belle écorchée secoue la tête, comme pour balayer cette idée de la sienne. « Arrête, c’est à moi de te présenter des excuses. J’aurais dû être présente pour toi. » Dans une telle épreuve, oui, elle aurait dû. Il faut admettre que la rose abîmée subissait ses propres démons. Elle a trop tendance à faire ça, Isa, s’éloigner quand rien ne va. Elle revient ensuite, mais, parfois trop tard. Avec Haskel, elle veut surtout se rattraper. Être, même une moitié du pilier que lui, il a été, quand la situation était opposée. Un faible sourire s’esquisse sur ses lippes quand il lui confie l’embarras devant cette visite à l’improviste. « Mais c’est toi que je suis venue voir. Je me fiche du reste. » elle insiste, joue son rôle d’amie. Ce n’est pas dans ses habitudes mais elle sent que c’est nécessaire. Le fait qu’il ne manifeste aucun appel à l’aide ne signifie pas qu’il n’a pas besoin d’elle. Puis, ils sont là, ses appels à l’aide, partout en lui, ils se reflètent. « Merci. » elle précise juste avant d’entrer enfin dans cette demeure pour la première fois. Les iris préoccupés se posent ici et là, mais concluent leur chemin sur l’habitant des lieux. « Dis, tu n’as pas mangé depuis quand ? » elle lui demande soudainement, comme une première approche. Un premier pas, peut-être plus facile pour lui, malgré tout ce qu’elle ignore encore. Elle voudrait comprendre, Isabella, mais elle le laisse venir comme il l’entend.
Elle prendra son rythme, assurément.

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{ le lendemain de l'orage }
crédit/ tumblr ♛  w/ @Haskel Larsen  

Elle voudrait lui dire,
lui dire qu’il ne devrait pas s’inquiéter du désordre ambiant,
lui dire qu’il n’a pas besoin de préserver les apparences,
pas besoin de faire semblant,
pas avec elle.

Elle voudrait lui dire, Isabella, mais elle est prise de cette forme de retenue qui lui est si particulière. La peur de le blesser d’un mot mal-placé, la peur de l’oppresser en se montrant empressée, la peur de le faire sourire en l’obligeant à parler. Elle est de celles qui supportent la souffrance en solitude. De celles qui s’isolent du monde qui les entoure. De celles qui se laissent couler toute seule plutôt qu’oser un appel à l’aide. C’est indéniable, alors, qu’elle ne veuille pas s’imposer auprès d’un ami, aussi proches puissent-ils être. Mais elle est aussi, pour les mêmes raisons, à même de comprendre les émotions qui peuvent le submerger. C’est l’obscurité de son âme qui décèle la première, l’étendue immense de son mal-être. Mais il y a aussi cette demeure beaucoup trop terne. Tous les restes, l’obscurité qui balaie la pièce, comme une aura sombre venue intoxiquer l’atmosphère. Elle voit toutes ces choses, l’âme torturée, mais elle ne dit rien, ne montre rien. S’il osait plonger son regard si fuyant dans les opales assombries, il n’y verrait ni colère, ni mépris. Ni dégoût, ni pitié. Juste l’inquiétude qu’elle ne sait pas bien cacher. « Tu sais que je m’en fiche de ça. » elle n’est pas venue juger la tenue de sa maison, ni vérifier ses qualités de fée de logis. Elle est venue pour lui, uniquement pour lui. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’elle lui fait cette demande qui le prend au dépourvu, quand elle veut savoir la dernière fois où il s’est nourri. Pas longtemps. Pas longtemps. Un semblant de réponse loin d’être rassurant. « Ne te sens pas obligé de me mentir. » Ils sont amis… il n’a pas besoin de lui mentir. Il peut lui dire la vérité. Qu’il a le cœur brisé. Qu’il est en train de couler. Qu’il ne parvient pas à remonter. Il pourrait tout lui dire, Haskley, mais elle refuse de le laisser lui mentir. Petite inspiration qu’elle prend, elle essaie de réfléchir à l’attitude pour laquelle elle devrait opter. Lui rentrer dedans ne serait pas dans le tempérament de la douce torturée. Mais elle hésite entre le pousser à parler ou, d’abord, le requinquer. Il choisit l’alcool mais elle, n’est plus sûre que c’est ce qu’elle aurait dû apporter. Un faible sourire esquissé sur ses lèvres pourpres vient répondre à celui de son ami avant qu’il n’aille chercher des verres. Et elle, observe toujours plus attentivement la pièce. Encore debout quand il revient, la beauté latine se tourne vers lui, qui la remercie. « Je suis ton amie. Tu n’as pas à me remercier… surtout pas d’être là. » elle marque un petit temps avant de lui proposer. « Tu veux en parler Haskel ? » et la demande est finalement juste posée. C’est à lui qu’elle laisse le libre choix de se livrer. Elle n’insistera pas, Isa, s’il n’en a pas envie. Pas tout de suite. Elle peut tout aussi bien remettre un peu d’ordre dans cette immense maison laissée à l’abandon. Elle peut tout aussi bien le pousser à se nourrir pour de bon. Mais elle préférerait qu’il se confie à elle. Car plus que tout le reste, c’est certainement ce dont il a le plus besoin.