overkill -- (zekia)

Tout ce que tu voulais, c'était finir ton quart de travail et rentrer chez toi. La fatigue sur les épaules, après avoir passé la matinée à déblayer des débris sur un site de construction de la ville. Travaux de merde qu'on te faisait faire. Tu préférais ramasser les déchets laissés par les passants. Nettoyeur des rues, la plupart du temps. Mais pas aujourd'hui. Et t'en avais le dos en vrac, les bras douloureux. Les mains écorchées, les ampoules que tu avais hâte de percer correctement. Saleté de journée.

Et en plus, les commandes s'accumulaient. Le restaurant ouvert depuis l'heure du midi, multipliait les livraisons. Tu courais aux quatre coins de la ville, en voiture la plupart du temps. Sauf qu'au moment où tu allais grimper pour livrer quelques boîtes de pâtes à deux blocs de là, Steve t'avait volé la voiture sous le nez. Il devait aller plus loin que toi. Le deuxième véhicule de livraison était au garage. Et il t'avait regardé, avec aux lèvres ce rictus que t'avais eu envie de proprement lui arracher. T'as ton vélo, non ?
Pédale donc.

Ça t'avait au moins défoulé. Tes jambes aussi épuisées que le reste de ton corps, quand tu freines brusquement à quelques mètres du building où ton gps t'avait envoyé. Tu attaches ton vélo pour le sécuriser, prends ton sac de livraison et fais quelques pas.
Tu t'immobilises pourtant, à quelques mètres du bâtiment. Jettes un coup d'oeil à ton téléphone pour confirmer le numéro de rue. C'est là. La porte à quelques pas, bloquée par une bande qui ne t'apparaît que trop familière. Parmi eux, y a une masse de cheveux que tu reconnais. Douce Zekia. Comment l'oublier ? Ses acolytes sont moins sympathiques, et tu le sais. Ils te haïssent. Tu devrais décamper. Il n'y a aucun moyen que ça se passe bien. Mais ta livraison est là. Juste là.
Tu ne peux pas reculer.
T'as pas le droit. Qui sait combien de temps ils resteront plantés là ?

« Hey. » Comme d'ordinaire, t'as la gueule plus grande que tu ne devrais. S'ils ne t'avaient pas vu, c'est rectifié. Tu veux juste qu'ils se décalent et que tu puisses faire ton boulot en paix. Mais tu sais que c'est pas près d'arriver. « Could you move ? I need to deliver this. » Insolent. Peut-être que l'un d'eux vivait là. Peut-être qu'ils attendaient quelqu'un. Peut-être, peut-être.
Dans tous les cas, t'étais dans la merde. Ça, c'était certain.

Y avait qu'à voir les regards qu'ils te jetaient.
Et le souvenir de ton visage qui, dans les yeux de certains, se replaçait.

Tu ferais mieux de décamper, parce qu'ici,
Personne ne viendra t'aider.

[ @zekia james ]

OVERKILL / ft @boes noland

Elle a les pensées ailleurs, Zekia. La tête perdue dans les nuages, à penser à tout et rien, et pourtant à toujours revenir à la même chose - ce même moment qui tourne sans cesse dans sa tête depuis des jours, sans ce qu'elle parvienne à s'en tirer très longtemps. Ça l'agace, mais c'est plus fort qu'elle - ça s'est installé dans le creux de sa poitrine, et ça ne veut plus partir. Même entourée de ses amis comme à cet instant, les conversations et les rires pour la bercer, l'odeur des cigarettes et des joints, habillée chaudement contre le vent qui siffle, Zekia a un peu la tête ailleurs. Pas tellement de patience, pas tellement d'indulgence, c'est avec une moue légère qu'elle se balade, et même si elle a besoin d'être entourée, elle n'aime pas qu'on vienne la bousculer. Elle soupire longuement, relevant les yeux vers le ciel, en se disant qu'elle devrait peut-être rentrer, regarder un film, n'importe quoi pour éteindre ses pensées.

Alors qu'elle commence à finalement se décider, fatiguée et lasse, une voix émerge à quelques pas, bien trop familière. « Hey. Could you move ? I need to deliver this. » Elle tourne la tête, reconnaissant sans peine la gueule de Boes qui essaie de se faire entendre pour passer au travers de leur bande, qui bloque la porte de l'immeuble. Zekia ne sait même pas ce qu'ils font là. Mais ça vient remuer des souvenirs dans le creux de sa poitrine, et Boes lui offre la distraction parfaite - parce qu'elle bouille toujours de colère, Zekia, et passer sa frustration sur lui semble être absolument parfait, surtout à la vue de l'air arrogant qu'il a décidé d'enfiler. Autour d'elle, ça regarde Boes comme un insecte, et y'a quelques commentaires qui sifflent. « Fuck off. » En balance un, plus fort. Il s'avance vers Boes, bien plus grand, bien plus costaud, le regard claquant dans le sien. « Find another way. » Zekia ne dit rien, restant en retrait, observant simplement Boes avec des yeux noirs. Captant son regard, elle lui siffle. « You heard him. You really should leave. » Sinon tu vas le regretter, crois-moi.

OVERKILL / ft @zekia james

C'est pas très futé. Ils sont plus nombreux que toi, t'as déjà eu de biens mauvaises expériences à leurs côtés, et tout ce que tu trouves le moyen de faire c'est de les provoquer. Ton instinct de survie ne vole pas haut, à cet instant — mais tu n'en es même pas alerté. Ton coeur battant affreusement trop lentement. Tes yeux passant d'un type à l'autre, comme si le sac de livreur que tu tenais allait justifier qu'ils ferment leurs gueules et te laissent passer. C'est mal les connaître.

« Fuck off. » en crache un. Il s'approche, te toise de toute sa hauteur. Il est grand, il te ferait presque peur, si t'avais pas la provocation naturellement dans le sang. T'as le feu au cul, l'arrogance aux lèvres, et aucune envie de bouger de là. T'aimerais juste finir de bosser en paix, mais t'as pas non plus l'envie de ramper. La tête droite, les lèvres figées en une moue désintéressée, tu restes planté face à lui quand il ajoute : « Find another way. » Pas patient, et pas plus alerte de la situation qui se déroulait dangereusement. Whatever. Ce ne serait qu'un de ces autres jours où tu rentrerais avec un oeil poché et une lèvre crevée. No one will care. « Like what ? A monkey jump to get to the fire escape, and climb all the way to the fifth floor ? » Tu pourrais pas être plus insolent. Tu vois le torse de l'autre se bomber, ses poings se serrer. Oups. « You heard him. You really should leave. » Tes yeux se posent sur Zekia. Elle ne t'aidera pas, et tu le sais. Tu lui as suffisamment fait de mal, sur ce putain de malentendu que tu n'as même pas envie de leur expliquer. On ne te laissera pas, de toute manière. « Well, you heard me : I can't. » Tu lèves ton sac. T'es con, t'es fatigué, t'as juste envie de passer et qu'on te foute la paix. « I just need to deliver this. Can't we just pretend I don't exist, and this guy farted and you all move to this side because it stinks, so I can just go in ? » T'empires ton cas à chaque mot. Chaque seconde creuse davantage ta tombe — et c'est à se demander si y a encore une part de toi qui pense pouvoir s'en tirer, ou si tu fais exprès d'en rajouter. « No ? Can't happen ? What, don't tell me he never farts ? » Tu vas t'en prendre une. Tu la vois venir — et tu sais que tu ne l'éviteras pas. « ... Please ? » Tu exagères un peu trop. Ils ne te laisseront jamais passer, et tu le sais. Y a rien à négocier. Mais tu ne peux pas faire simplement marche arrière avec la bouffe qu'attendent les gens du cinquième. Tu seras viré, si tu fais ça. Et tu peux pas te le permettre.
Au moins, le passage à tabac te donnera une bonne excuse de ne jamais avoir livré ce qu'ils ont commandé.
Et p't-être que le patron te gardera.
P't-être pas.
Qui sait.

D'ici là, tu te prépares à encaisser.