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 L'habit et le mécompte | Gregor

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Message Sujet: L'habit et le mécompte | Gregor   L'habit et le mécompte | Gregor Empty Lun 2 Nov - 20:53


☾ ☾ ☾
{ L’habit et le mécompte }
crédit/ hyphen ☾ w/@Gregor Ferreira
La vie fantaisiste d’artiste. A rebours du linéaire flot quotidien. Emportant et happant inexorablement la cohue d’âmes massées ici-bas. L’art. Une hermétique bulle, où plus rien ni personne autour n’importe. Où tout n’est dès lors plus que poésie, onirisme et quintessence. Labile et fragile rognure d’Éden tombée du très-haut. Qui échappe aux prises du temps et éventre les nasses de l’espace. Volatile, éthérée, vaporeuse. Insaisissable quand elle nous évite. Inévitable sitôt qu’elle nous saisit. Avide de nébuleuses. En quête perpétuelle d’élévation, pour se dérober aux maux et aux turpitudes de ce monde. Caressant le songe de s’en retourner d’où elle vient. Un ailleurs céruléen peuplé de nues. Inviolable demeure de la pureté, de la perfection et de l’enchantement, que quelques virtuoses bienheureux parviennent à effleurer du doigt. L’art. Ce feu follet transgressif, subversif et contestataire, épris de liberté. Brisant les muselières de la censure. Terrassant les interdits. Triomphant des tabous. Jamais rassasié d’écarts nocifs, d’excès nuisibles et de fredaines sulfureuses.

L’art. Ta plus fidèle compagne. Celle qui te ressemble et te comprend. T’apaise et te réconforte. Une si belle qui a toujours été là et ne t’a jamais laissé tomber. Même dans les heures sombres au plus fort de la tempête. Douce amante contre laquelle tu aimes à te lover, quand passent le spleen et la langueur. Et avec qui tu célèbres dans l’allégresse, les éphémères joies qui flétrissent aussitôt dit. Pour rien au monde tu ne voudrais la quitter ou t’en séparer. Qu’importe les efforts et les sacrifices. L’abnégation et les exigences. La souffrance et le renoncement. La solitude et l’isolement. La corne au bout des doigts à vif et les cuticules noircis. Oui … qu’importe. Elle en vaut la peine. Elle qui est à tout le monde et à personne. Malgré leur indéniable démocratisation, tu regrettes et déplores qu’art et culture restent l’apanage d’une élite. De privilégiés et parvenus, qui ne savent même pas en apprécier la véritable valeur. Ces engeances trop bien pensantes qui arpentent les vernissages pour faire étalage de leur opulence. Pour qui exister rime nécessairement avec consommer, claquer et flamber. Ces êtres de la haute extraction, pétris dans un complexe de supériorité exacerbé, qui écument les théâtres et les opéras. Dans le futile souci de se donner un genre. Eux qui se contrefichent, se désintéressent et restent totalement imperméables aux fantasmagories, se jouant sous leurs yeux trop aveuglés par les apparences, les fla-flas et l’apparat.

Bien sûr … . Bien sûr que tu retires de la satisfaction à te tenir sur les planches laquées et sous les ors des plus fastueux écrins de la ville. Bien sûr que de pouvoir faire revivre tout les soirs les œuvres des génies de naguère, passées depuis à la postérité, est un plaisir sans cesse renouveler. Simplement … tu préfères de très loin jouer pour des personnes que la musique intéresse, captive et émeut véritablement. Partir à la rencontre des vrais gens. Comme lorsque le philharmonique, l’orchestre et le New-York City Ballet, se liguent, s’unissent et travaillent de concert dans le cadre d’une politique de conquête de nouveaux publics. En organisant des opérations destinées à démystifier, dépoussiérer et désacraliser l’image des arts lyriques dans l’inconscient populaire. Des sortes de flash mobs sauvages, où l’étiquette et le tacite tenue correcte exigée, s’inclinent face à un T-shirt des Stones, un jeans neige à la George Michael et de massives baskets très Kanye West compatibles.

Quand la confidentialité des hémicycles feutrés aux travées de sièges en nubuck écarlates vole en éclat. Au profit d’un hommage rendu à Avicii dans les allées arborées de Central Park. Lorsque noyé dans la foule agglutinée, tu immerges soudainement pour rejoindre tes acolytes, arrivés au compte-goutte. Grattant les cordes, soufflant à pleins poumons dans des cuivres ou martelant des peaux tendues, pour entonner à l’unisson Wake me up. Au pied du Chrysler Building. Tanguant, voguant et vacillant au gré de l’emblématique musique de la saga Pirates des Caraïbes. Emmenée par un vaillant chœur d’une centaine de voix à l’abordage. Dans le terminal de l’aéroport JFK. En compagnie de ballerines et émules de Noureev, grimés en agents de sécurité ou d’entretien. Qui soudain virevoltent gracieusement sur Caramina Burana, quand tonnent les canons des percutions. Et que les sopranos en perfecto et les ténors attifés d’un sweat informe, gravissent avec maestria les octaves. Des manifestations brèves et fulgurantes qui se retrouvent sur la toile. Après que des quidams écrasés par la monotonie, immortalisent dans un sourire ébaubi ces incongruités sur leurs smartphones. Voir des étincelles crépiter au fond des yeux de gamins émerveillés, et qui sait peut-être faire naître des vocations. La plus belle gratification que t’apporte ton labeur.

Malheureusement, dans la vie on ne fait pas toujours ce que l’on aime et encore moins ce que l’on apprécie. Il est de pénibles impératifs et des obligations auxquels on ne peut se soustraire. Comme celles qui t’attendent cette après-midi, et nécessitant un petit crochet par la case tailleur pour hommes. Humble échoppe nichée au sein du Queens Traditionnel. Tenue par un italien de grand âge à l’accent chantant, et ayant dû vêtir Sinatra et repriser les chaussettes d’Al Capone. Charme d’antan et devanture caractéristique du siècle dernier. Intérieur blanc. Vaste, lumineux. Luxe très années quarante. Quelques retouches s’imposent. Le monstre et ses ravages ayant fait fondre ta carrure de deux bonnes tailles. Costume vétuste et ayant fait son temps. Pourvu d’une conséquente valeur sentimentale. L’un des premiers dont tu as fait l’acquisition, lorsque tu as perçu tes premiers cachets. Le noir a perdu de son intensité. Un mal pour un bien, permettant de légèrement atténuer le contraste avec ton teint cireux et ainsi réduire ce sempiternel aspect maladif. Tu honnis cela. D’être embastionné et encarcané dans une geôle de tissu collet monté. Et encore, estimes-toi heureux de ne pas avoir pour l’instant, le nœud papillon t’étranglant le gosier.

Blasé, lassé et harassé, tu es jusqu’à présent parvenu à faire bonne figure. Restant de longues minutes durant debout. Droit comme un arc. Les bras en croix. Le faciès impavide et figé. Dans un silence de cathédral. Seules de profondes expirations nasales viennent trahir ton agacement et ton déplaisir. Véritable prouesse, quand on sait que le vieillard tremble comme une feuille et a commis quelques ratés. Tant et si bien que tu as le sentiment d’être un fétiche entre les mains d’un prêtre vaudou. En témoigne ton trapèze et tes cotes, ayant malencontreusement tâté de la quenouille miniature. Si tu as su conserver jusque là ton flegme so british, il y a fort à parier que tu risques de craquer et d’imploser, lorsqu’il s’agira de reprendre le pantalon. En particulier au niveau de l’entrejambe. Dieu merci, on n’en est pas encore là pour l’instant. Aux prises avec l’emmanchure droite de la veste, le couturier s’enquit de savoir si c’est per oune grande occasion. Tu as bien du mal à ne pas t’imaginer dans un ristorante garni de tables drapées de vichy. A ceci près que ton interlocuteur est un ausonien pur souche, et non un serveur d’origines pakistanaises feignant atrocement mal l’accent transalpin.

Une grande occasion ? Si on veut oui … mais pas pour toi. "Non, c’est juste pour un dîner avec le Maire et l’Ambassadeur d’Italie.", lui apprends-tu le ton monocorde, les sourcils accusant un soubresaut et la tête s’articulant mollement de gauche à droite. L’aiguille cesse momentanément sa danse. Abasourdi et stupéfait, Signor Caruso marque un pas de recul. Ses iris de bronze te scannent effarées de pied en cap. Consterné à l’idée que tu puisses envisager de rencontrer des personnalités aussi éminentes, accoutré tel un manant ayant chiné un smoking bon marché dans une solderie. Méprise totalement compréhensible et justifiable. Sans un complément d’information et un supplément de contexte, tu consens qu’il y a en effet de quoi être sidéré. "En qualité de violoniste.". Précises-tu le verbe goguenard, en gréant une esquisse de sympathie un rien crispée. Rassuré et probablement soulagé, le septuagénaire apprêté reprend son ouvrage en se fendant d’un long et traînant Ah!, synonyme de révélation. Convaincu et persuadé que cela sera très intéressant et palpitant. Certitude dont tu doutes grandement. Cela sera exactement comme d’habitude, lors de ces événements façonniers. Tes camarades galériens et toi ferez une énième fois parties des meubles et du décor. Les piapias fuseront, les éclats d’hilarité maniérés pulluleront, les anecdotes lourdingues et graveleuses des convives proliféreront. L’égard sera aux abonnés absents, et la considération inférieure à zéro. Voilà sans conteste la facette de ton job qui te rebute le plus. Seule la perspective de toucher un cachet, plus rondelet qu’à l’accoutumé, te motive dans ce genre de circonstances, hélas.

Ne tenant pas spécialement à passer pour un rabat-joie, tu te contentes de répliquer par un psalmodique "Hmm." enrobé dans une fugace risette et un sommaire acquiescement de la tête. Les lamelles métalliques du carillon accroché au-dessus de la porte tintinnabulent et accompagnent l’entrée d’un chaland. Suspendant sa tâche, le propriétaire des lieux réalisent quelques pas de côtés. L’éclatant sourire allié au geste de la main qu’il réalise, te laissent à penser que le nouvel arrivant doit être un habitué. En bon commerçant courtois et à l’amabilité sans faille il nonno te prie dé bien vouloir l’esscusi un instant. "Je vous en prie.". Rétorques-tu avec autant d’aménité, mais dans un timbre bien plus morne et gris. L’envergure repliée et rapatriée contre les versants latéraux de ta charpente. Le regard naufrageant jusqu’à l’imposante psyché murale, te renvoyant à la figure ta dégaine piètrement endimanché. L’élégante solennité dégagée te brûle la rétine. Haut de cœur difficilement réprimée, tu arbores une moue d’inconfort alors que tes doigts s’empressent de décacheter le bouton de chemise te comprimant la trachée. Pouce et index pinçant la ceinture du pantalon, tu tires l’étoffe sur le côté pour apprécier toute l’étendue des dégâts. Un interstice assez large pour y glisser un archet. Soupir. Affliction. Le décharnement, la décrépitude, la déliquescence. Flagrante, visible et mesurable. Déglutition âpre. Respiration hachée. Myocarde corseté. Face à l’horrifiant constat. Déjà … .
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Message Sujet: Re: L'habit et le mécompte | Gregor   L'habit et le mécompte | Gregor Empty Mer 4 Nov - 9:17


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crédit/ hyphen ☾ w/@Laurynas Mykolaitis
Les matinées sont difficiles pour celui qui regarde l'horizon et ne voit pas le soleil. Lorsque la brume semble plus forte que la lumière, lorsque la pluie l'emporte sur l'air, l'homme doit se vêtir sans mot dire. Assis en bord de lit, dépité par la lourde soirée qu'il venait de passer, Gregor Ferreira respirait lentement. Non fumeur, il rêvait pourtant d'emplir ses poumons d'un tabac ravageur. Faire fumer sa poitrine, la tuer d'une poudre cancérigène serait une libération pour cette âme en cage. Mais il n'est pas homme à s'abattre sur son sort, oh non.

Alors que les ténèbres engloutissent les rêves et les espoirs, Greg se lève avec difficultés. Cette nuit, il a vu son visage, une nouvelle fois. Ces traits qui sont les siens. Ce corps frêle qui s'élance dans le parc avec un petit son de voix qui vous perce le coeur. Mais Greg n'a pas l'étoffe d'un père. Le choc a été tel qu'il n'a même pas réalisé, pas complètement, les conséquences de cette découverte. Mais la nuit est venue l'agiter, le tirailler dans tous les sens. Le visage d'Alix l'a transpercé d'un désarroi sans nom. "Tu as un fils?" l'a-t-il entendu murmurer tandis que le fantôme de sa nièce planait derrière elle. N'était-ce pas là une trahison envers sa soeur que d'avoir un enfant alors qu'il n'en désirait pas? N'était-ce pas un honteux fait qu'il devait garder secret s'il ne voulait pas s'attirer la haine de celle qui avait tout perdu? Les cris de la nuit où il avait appris pour Flora, cette rose partie trop tôt, lui revinrent en tête. Le regard sombre de toute la famille et leur silence face à leur décision de ne pas entamer de vendetta. Toutes ces choses qui travaillaient l'esprit de l'aîné de la famille.

Seul à son appartement qu'il avait rejoint pour ne pas passer une nuit supplémentaire dans ses quartiers au cabaret, il soulève le couvercle du piano à queue que tous pensent être un objet de déco. Lorsqu'on vit en appartement, au dernier étage, peut-on se permettre la lubie de faire livrer un piano à queue uniquement pour un vice de luxure? Ses proches semblaient penser cela concevable. Ses conquêtes s'imaginaient que Greg avait des fantasmes à assouvir sur le dos de ce piano. Mais lorsqu'elles s'approchaient de trop près de son manteau noir luisant, il devenait froid et sévère. Le piano était la seule maîtresse qui comptait dans sa vie, la seule à laquelle il pouvait jurer fidélité sans se soucier de devoir transgresser sa parole. Les notes s'envolent et remplissent le séjour d'une musique déchirante. Et tandis qu'il laisse ce son l'envahir, un souvenir l'attrape à la gorge. Le reflet d'un autre être qui lui ressemble se dessine dans son esprit. Il ne s'agit plus d'un lien génétique mais d'une union karmique. Greg soupire et referme le couvercle. A quoi bon ressasser le passé?

Dehors, vêtu de son coupe-vent et d'une écharpe reçue en cadeau d'un italien, il parcourt les rues sans savoir où il va. L'air frais lui suffit à se revigorer. La nuit doit cesser de l'agiter maintenant qu'il s'est levé. Mais il est dur d'oublier sa nuit quand elle vit au plus profond de vous. Arrêté près de la devanture du magasin de Caruso, son regard se perd sur les mannequins qui jonchent la vitrine avec leurs costumes tous plus pimpants les uns que les autres. Un rapide coup d'oeil à sa montre lui indique qu'il est en avance. Mais peu importe, le vieux ne le fera pas attendre, pas lui. Il entre sans faire attention à l'homme qui est en train de se faire démonter par le propriétaire du magasin. Le Sir Caruso est adorable mais il a un doigté plus expert quand il s'agit de créer le costume que lorsqu'il est question de l'ajuster.

Lorsque le patron reconnaît son client régulier, il délaisse l'inconnu pour venir saluer Gregor. C'est le genre de choses qu'un chef de mafia apprécierait mais que la morale de Ferreira méprise, au contraire. Cet homme, dont le dos cache le reflet dans le miroir, était là avant lui. Aucun traitement de faveur ne devrait être établi pour un client qui arrive trop tôt pour son rendez-vous. Sec, et encore agacé par les rêves de sa nuit, Gregor s'adresse assez méchamment à son hôte "C'est bon, je peux attendre." Il s'assied dans un coin, attrapant une revue au hasard, désirant que le vieil homme retourne à son client plutôt que de s'attarder sur lui. Mais Gregor est trop important, trop connu de Caruso et ce dernier lui enjoint de ne pas bouger, il va préparer son thé. Greg s'apprête à lui rétorquer qu'il n'a rien demandé mais à quoi bon, pense-t-il enfin. Autant laisser cet homme faire ses courbettes et retourner à son autre client au plus vite. Un rapide regard en direction de cet autre et Greg croise enfin son visage dans le reflet du miroir.

Laurynas.

Fantôme du passé,
Amant d'une autre vie,
Amour d'un coeur délaissé
Charme d'une amitié désunie.


Confus, Gregor reste immobile un moment. Tiraillé entre l'envie de lui sourire et celle de se lever et partir. Quels mots sont ceux qu'on adresse à un homme qu'on a aimé de toutes ses forces, au-delà des mondes, au-delà des sexes? Quelles paroles adresser à celui qui vous a quitté sans daigner dire un au revoir et qui aujourd'hui... travaille pour votre ennemi? Le vieux revient au bout de quelques minutes de ce silence ahurissant qui s'est installé. Gregor, sans une once de sympathie lui enjoint de se retirer. "Veuillez nous laisser Caruso. Je vous ferai savoir quand vous pouvez revenir." Ce n'est pas Gregor qui parle mais le boss du Baudelaire. Coupant, froid, il donne des ordres. Et nul doute qu'il est respecté. Quand le plus âgé s'est retiré, Gregor assène ce même ton de voix en direction de Laurynas. "Je suppose que c'est un hasard si tu viens voir mon couturier." Au-delà de la froideur de sa voix, il y a une sorte d'ironie imperceptible. Comme s'il insinuait que ce n'était pas un hasard. Et pourtant, l'ironie va au-delà, elle est justement là, au centre de cette phrase. Ces deux âmes soeurs qui ont tant partagé se retrouvent ici aujourd'hui... par hasard. "Je dirais bien que le hasard fait bien les choses mais je n'en penserais rien." Car ce n'est pas le hasard qui aurait dû les réunir. Laurynas n'aurait jamais dû disparaître comme il l'avait fait. Gregor ne lui a pas pardonné. Rancunier, un défaut qu'il n'avait pas encore vraiment réalisé posséder. Mais devant cet homme qu'il avait tant aimé, l'évidence est maîtresse.
 
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Message Sujet: Re: L'habit et le mécompte | Gregor   L'habit et le mécompte | Gregor Empty Lun 9 Nov - 20:45


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{ L’habit et le mécompte }
crédit/ hyphen ☾ w/@Gregor Ferreira
Toi, superficiel et matérialiste ? Tu plaides coupable. Amasser et accumuler de la pacotille, alimente ce sentiment de sécurité dont tu n’es jamais repu. T’offrant ainsi un matelas de sûreté fluet, amoindrissant l’abandon et la perte le cas échéant. Qu’importe si ce qu’il reste après le désastre n’est d’aucun secours. Qu’importe si ces broutilles ne sont nullement sources de réconfort. Mieux vaut cela au dénuement et à la déréliction la plus totale. Ces calamités qui ont jalonné les primes années de ton existence ex nihilo. Et dont tu as secrètement fait le serment de ne plus jamais revivre. Quoi qu’il en coûte. Posséder, c’est aussi exister et se différencier. Entant qu’individu singulier. Pour ne plus être cette petite tête blonde de l’orphelinat – slash antre des sévices gratuits – rebaptisée et chosifiée par le déshumanisant matricule 703. Un vulgaire numéro en uniforme, noyé dans un vaste ensemble d’éléments formant un tout sans contraste. Des propensions que tu as commencé à cultiver lors de ton séjour express chez les Stevenson. A l’ombre d’une "sœur", persuadée que c’était là le va-tout à jouer pour se faire entendre, sortir du lot et glaner l’attention tant convoitée. Force est de constater qu’elle était dans le vrai. Sans compter que cette attitude - ô combien futile et frivole - constitue également une aubaine, permettant de donner le change tout en masquant les peines, les tourments et les chagrins que l’on préfère garder intériorisés.

Des préoccupations partagées par l’intelligentzia pour et en compagnie de laquelle tu œuvres légalement. Ces êtes pour lesquels tu voues un profond mépris, et qui sont pourtant parvenus à déteindre sur toi au fil des années. Oui, tu le confesses sans la moindre honte : tu es de ceux qui vont se ruiner chez Bloomingdale's et qui dilapident leur pain dûment gagné chez Barneys. En quête du jeans que portait Maluma dans son dernier clip aperçu sur MTV. Ou de la veste qu’arborait Adam Levine sur son dernier post Instagram. Quitte à devoir camper la veille des soldes devant ces enseignes sous une tente igloo, emmitouflé dans un sac de couchage avec un thermos de café et quelques vivres. Jamais rassasié de bling bling cheap. Et honnissant – paradoxalement – le faste, la classe et l’élégance d’un dispendieux costume. Griffé ou non. L’atour maître de la garde robe masculine ne t’inspire que révulsion et aversion. Tu ne peux t’empêcher de le rattacher à un triste et lointain passé. L’incarnation d’une austérité, d’une sévérité, d’un conformisme et d’une uniformité, dont tu t’es depuis affranchi. Mais le passé finit toujours par tôt ou tard nous rattraper. D’autant plus lorsqu’il est criant de proximité, et qu’il garde un pied dans un présent devenu blafard et insipide loin de lui.

Qu’il est bon de le voir rejaillir. Même si cela fait mal et que tu n’en es pas digne. Même si l’osmose d’antan s’est irrémédiablement éteinte par ta faute. A bout de non-dits, de déchirures sous les silences, d’abcès ulcérés par les absences et d’incessantes fuites effrénés. Par peur d’être heureux. Pour ne pas leur occasionner de peine, et voir les compatissantes braises de la pitié brûler au fond de leurs grands yeux ténébreux. C’est ainsi que tu les préfères. Irradiant de rage et de rancœur, plutôt qu’embués par la tristesse. Les savoir ivres de colère à ton encontre, plutôt qu’éperdus d’affliction … c’est encore ce qui te paraît le moins difficile et le plus supportable. Le passé a toujours cette voix au timbre onctueux qui câline les tympans, et glisse tel une caresse sur l’épiderme. Ces inflexions impérieuses qui te font frémir et cette empreinte qui te rend toujours autant fébrile. Il est là. Niché dans l’un des coins supérieurs de la psychée. Ecrasant de charisme et imposant de prestance. La silhouette s’élançant avec hardiesse et tirée à quatre épingles. Une âme sœur bafouée, déçue, trahie et gorgée d’aigreur. L’étau de la culpabilité broie le myocarde caracolant.

"Merde, merde, merde … !".

L’air s’alourdit et se fait de plus en plus irrespirable. La nuque s’imbibe de transpiration au gré des suffocations miséreuses. Les iris fangeuses fusent de toutes parts. Trop tard pour espérer trouver une échappatoire. Le verre s’est imperceptiblement craquelé sous la collision des reflets. Son pas leste et résolu sifflant sur la moquette. Le regard fixe, prêt pour la rixe. Tandis que tu ajustes les pans du blazer, et feins d’apprécier sous toutes les coutures le rendu dans le miroir. La trame est assassine. Incisive et acérée. Aussi glacée que la lame affûtée d’un couteau déchiquetant les chairs. Tu ne mérites pas moins. A vrai dire - et eu égard au mal fait - tu trouves même cela trop indulgent et clément.

"Non en effet, c’est le dépit. Faute d’avoir pu trouver le savoir-faire d’un orfèvre français, je m’en suis de guerre lasse remis aux italiens. Les éternels seconds en matière d’habillement.", rétorques-tu tranquillement, en soutenant dans un aplomb faramineux son regard endêvée. Le verbe acerbe sertit au bout des pulpeuses s’étirant en un rictus narquois. Le vénérable tailleur, mandant à son fidèle client un rafraîchissement infusé, n’a pas perdu une miette de ta fracassante sortie. Et à en juger par les foudres avec lesquelles ses agates ridées te fustigent, nul doute qu’il ne goûte point tes déclarations. "Sans vouloir vous offenser.", ajoutes-tu à l’intention du gérant, le minois quelque peu contrit, et soucieux d’atténuer cet affront collatérale. Pitoyable repentir qui laisse le géronte de glace. Sans ménagement, il te débarrasse de la veste jetée sur les épaules et s’en retourne à son atelier. Affirmant qu’il peut poursuivre à plat maintenant qu’il détient les mesures.

Intéressant … . Non seulement le spécimen rital est fier, mais il s’avère également pour le moins susceptible. Le dernière fois que tu es parvenu à cristalliser autant de hargne en quelques mots ... c’était du haut de l’impertinence et de l’insolence de tes seize ans. Lorsque tu es rentré dans un bar de bikers en scandant "Salut les filles !", à la suite d’un stupide pari d’adolescents perdu. Inutile de préciser que tu t’en es pas du tout sorti à bon compte. Une sottise qui se rappelle à ton bon souvenir, sous forme d’élancements dans les rotules, chaque fois que le temps se fait pluvieux. Descendu du marche pied, tu ne peux t’empêcher de faire le parallèle avec cette vicissitude de naguère. Treize ans ont passés. Jeunesse s’est envolée au loin, sagesse s’est égarée en chemin. C’est le même compendieux éclat d’hilarité qui résonne soudain. Puéril, nerveux et désinvolte. Tout comme la façon dont tu passes devant le mélodieux alter ego - mystifié et meurtri à contrecœur - pour te poster en face du miroir. Pressé de quitter cette oppressante et protocolaire cellule vestimentaire, tes doigts décachettent hâtivement les boutons de manchettes. Ton visage se renfrogne à la vue des minuscules disques d’hémoglobine, contestant l’unicité liliale de la chemise. Des souillures au flanc et à l’encolure, attestant des embardées de l’aiguille et de la maladresse du couturier. Un crochet du côté de la penderie s’imposera, sitôt que tu auras regagné tes pénates.

"Non … et tu le sais.".

Non, ce n’est pas un hasard. Ce concept absurde qui vous insupportez jadis, au même titre que la chance.

"T-tu … tu te souviens … ?".

De ce que vous clamiez haut et fort de concert. Que c’était là les totems vénérés par celles et ceux se complaisant dans la victimisation. Celles et ceux n’ayant aucune aspiration, aucun projet. Ces spectateurs assistant dans une passivité extrême à l’inexorable fugue de leur vie, sans jamais en attendre quoi que ce soit.

"Est-ce que toi aussi, tu nous revois … ?".

Rire et se gausser à gorge déployée, de ces imbéciles heureux s’arc-boutant à leurs idéaux fumeux. Est-ce que lui aussi ça le bouleverse ? Ces quelques larmes que l’on déverse. Sur la béance du vide et du manque. Chacun de son côté, comme des étrangers n’ayant plus rien en commun. Pas même les mots quotidiens. Va savoir … . S’il est présentement aussi chamboulé et mortifié que toi. Si lui aussi, il voudrait crier, hurler. Chialer et s’époumoner jusqu’à l’aphonie. Tout dire. Tout lâcher. Tout avouer. Lamentablement entre deux sanglots haletants et inaudibles. Au lieu de cela, tu te fais violence et prends sur toi pour que rien ne puisse transparaître. Garder la face. Encore et toujours. Puiser dans Dieu sait quel tréfonds taris la force, pour se ragaillardir et recouvrer un semblant de consistance. Les deux successives occurrences du mot hasard, écorchent tes oreilles comme le crissement disgracieux de la craie sur un tableau en ardoise. Salive déglutie laborieusement, tu te cramponnes à sa réflexion et laisses l’ironie habillée le sourire crispant tes babines.

"Eh bien, si c’est un tel déplaisir ...", commences-tu, dans une intonation plus hautaine et suffisante que tu ne le souhaiterais, avant de faire volte-face à l’original en cher et en os. La distance avalée par des enjambées dégingandées. Jusqu’à ce la pointe des chaussures se tutoient. Et que l’éclat vindicatif de ses gemmes pers houspille tes amandes vitreuses. "… pourquoi, t’infliges-tu le supplice de la conversation ?", conclus-tu à demi-mot, une ondulation irrévérencieuse des sourcils se substituant à l’intonation interrogative. Question à laquelle tu le laisses cogiter, avant de mettre le cap vers une cabine, où végètent des atours considérablement plus confortables qu’il te tarde de retrouver. Le rideau énergiquement tiré, dans un mouvement très théâtral et affecté. Un ange passe et accompagne le preste déboutonnage de la chemise en coton. "Si tu veux être un minimum en adéquation avec ce que tu prétends affirmer, je te conseille d’opter pour l’indifférence et le dédain. Tu seras déjà foutrement plus convainquant et crédible.", déclares-tu en séparant les deux versants de la liquette immaculée – ou presque. Un conseil distillé dans un phrasé persifleur, ahurissant de contraste avec l’attitude adoptée à l’abri de son regard aiguisé. Un œil jeté par dessus l’épaule et échoué sur la barrière en toile écarlate. Les poings serrés jusqu’au sang et froissant l’ourlet de l’habit. Le corps tremblotant. Le souffle en suspension.

"S’il te plaît … dis quelque chose.".

Ne l’écoute pas. Fais fi de ce qu’il vient te dire. Prend plaisir à le contredire. Ne lui porte pas l’hallali et le coup de grâce, en le transperçant d’une banderille coulée dans le fer de l’indifférence. Ne sort pas de sa vie. Reste-y. Encore un peu. Même si c’est dans la haine et l’inimitié. Ca lui suffit. Il sait s’en contenter. La vie, ou plutôt ce qu’il en reste, n’a plus grand sens. La vie c’est petit. Mais la vie ... une vie vide de toi, son doux ami … cette vie n'en vaut pas la peine et ne mérite pas d’être vécue.
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Message Sujet: Re: L'habit et le mécompte | Gregor   L'habit et le mécompte | Gregor Empty Mer 18 Nov - 8:53


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{ L’habit et le mécompte }
crédit/ hyphen ☾ w/@Laurynas Mykolaitis
Retomber dans un abysse qui transcende tout, Gregor n'avait rien demandé de plus depuis longtemps. Il avait rêvé de ce moment, de retrouver son ami, de le regarder droit dans les yeux et de ressentir à nouveau ce feu qui lui brûlait les antres, qui lui rappelait la vie. Parce qu'aux côtés de ce blond dont les croches sonnaient justes et dont les dièses coloraient l'amitié, Gregor avait découvert qu'il pouvait être heureux. Cela semblait ridicule vu de loin. Lui, un homme, dans les bras d'un amour masculin. Mais cet amour n'avait rien de terrestre. C'était la symbiose de deux âmes qui s'étaient cherchées sans savoir ce qu'elles allaient trouver au bout du chemin. Puis, alors que leur solitude s'était exaspérée, qu'elle avait fini par prendre toute la place... il s'était passé quelque chose... un miracle.

Et ce miracle avait été aussi long qu'une brise d'été. On en sent la douceur sur sa peau, on en goûte la chaleur avec un délice non mesuré puis, le temps d'un battement de paupières, il est fini. Parti ce plaisir non censuré, cette idylle à laquelle on n'aurait pas dû cédé. Et on vit avec le souvenir de notre jeunesse, de cette histoire que seule l'adolescence a pu faire naître. Les poètes parlent de jeunesse éternelle. Et s'ils avaient raison.

Là, dans le regard fermé de Mykolaitis, Greg ressent toute cette nostalgie et en même temps, l'atrocité du réveil. Ce songe estival s'est éteint lorsque le traître a fui la compagnie de son fidèle ami pour se vendre à son ennemi. Quels étaient les services qu'Anton pouvait procurer à Laurynas et que Greg n'aurait pu lui fournir?

Laurynas est froid. Son ton dénote avec cette chaleur que l'américain lui a autrefois connue. Il insulte sans le vouloir le patron du magasin et s'en excuse. Mais le mal est fait. Greg sourit sans le cacher. "Je ne te savais pas si snob. " La phrase tombe comme un couperet. Le jugement dans la voix de cet ami qui n'avait jamais fait qu'apprécier l'autre. Ce mépris non voilé de ce qu'il lit aujourd'hui dans les manière de l'homme qu'il ne reconnaît plus. "Tu as changé. " Ce n'est pas un constat. La bouche sèche, le regard ferme, c'est la critique d'un père envers son fils. La déception d'une personne qui avait de grands espoirs pour vous et qui s'en voit déchue.

Gregor a mal. Mal de voir ainsi cet autre lui se dévêtir de ses plus belles qualités pour endosser un caractère qu'il ne lui a jamais connu. Mais peut-être l'amour lui a-t-il voilé la face? Peut-on être aveugle en amitié comme on l'est dans un couple ? La réponse semble claire. L'italien est devenu hostile à son client et cela ne déplaît pas à l'habitué de voir Laurynas ainsi malmené. Ne récolte-t-on pas ce que l'on sème?

"Je n'en sais rien. " les mots tombent sans être prémédités. Il répond franchement cette fois. Mais il ne peut s'empêcher d'y ajouter quelques gouttes de poison quand son interlocuteur lui donne un conseil non demandé. Greg arque un sourcil dans sa direction. "Oh, je reçois un conseil de la part d'un maître dans le domaine, semble-t-il. " Laurynas, celui qui est passé du tout au tout. Présent et parfait, du jour au lendemain, il s'est enfoncé dans les ténèbres du silence. " Ton maître sait-il que tu es aussi fidèle qu'une hyène? " C'est-à-dire, pas.

Il ne peut s'en empêcher. Une nouvelle provocation, un besoin irascible de le garder encore ici quelques secondes. Et pourtant sa fierté l'empêche de trop en dire, de trop le retenir. Car si l'autre lui dit qu'il doit se taire, il ne veut montrer son besoin d'encore partager son air encore quelques minutes.  


 
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