J ' A I L E C I EL B L E U (eloup)

Loup, il fait parti d’ces gamins cons qui n’savent pas comment s’y prendre avec les jolies filles. Il fait des blagues idiotes, il n’arrive pas à être totalement gentil, il est assez bancal Loup. Il ne sait pas comment ça fonctionne ces choses-là, on ne lui a jamais expliqué. On lui a juste appris ses tables de multiplications, sa grammaire et des poésies. Y a que les poésies dans tout ça qui peuvent servir aux filles, il en envoyait à la cour de récré', avant. Peut-être qu'il a enfin trouvé un sens aux multiplications ce soir, parce que deux enfants fois zéro espoirs, ça fait zéro...
Il sent Loup, au fond d'son coeur, que ce soir, il a ouvert un abysse au creux de sa poitrine, il sent Loup, qu'à cause de ce soir, il aura pourri son coeur à Elea et qu'elle deviendra d'ces fruits qu'on jette à la poubelle parce qu'ils sont même pus beaux

- C’est pas toi... J’veux pas. J’veux pas tout ça.

(Moi non plus j'veux pas tout ça Elea, tout ce que je veux c'est toi. Dis, dis, DIS ? On peut revenir en arrière ? On efface tout avec une gomme rouge, une gomme bleue, n'importe quelle gomme j'en sais rien un truc qui marche bien, pour effacer mes lèvres à cause de ces maux maudits, de ces mots bancals ...)

Tu me pardonneras un jour, tu penses ?
(J'espère.)

- Moi non plus, j'voulais pas d'tout ça. J'voulais pas de cette soirée de merde et j'voulais pas te revoir maintenant. Pourtant, j'suis là.
Il a l'impression Loup d'être programmé comme un ordinateur et c'est comme si on lui avait mis un virus à l'intérieur du système, y a que des pixels glitchés qu'apparaissent devant ses yeux et il aimerait pourtant juste qu'ils forment un joli fond d'écran.

- Si j’accepte... tu dis rien ?

- C'est le deal.

Il tend sa main vers Elea, paume tendue, comme si quelque part, comme si quelque part ... il demande pardon en même temps que ce foutu accord qui est sur le point de changer leurs vies.

Moi sans toi
Toi sans moi
ça donnera quoi ?
Il s'dit que ce n'est (plus) pas possible, Loup, quand il la regarde Elea. Il aimerait tellement la serrer dans ses bras, sécher les larmes qui perlent (tu sais Elea, t'as pas besoin d'un collier de tristesse, t'es plus belle le bonheur accroché au cou) pourtant il sait que c'est de sa faute à Loup mais tout demeure un jeu, un bête jeu, comme ce cap ou pas cap qui a déclenché leur histoire. Elle s'écrit à l'encre d'échine sur du papier d'or, assassine cet ornement tacheté ancré dans leur coeur.
Il ne veut juste pas qu'Elea reprenne ses billes, mette les cartes sur table et finisse par s'enfuir.
(Je l'aurais bien mérité, pas vrai ?)
Il profite de sa main serrée dans la sienne, empreinte d'une union nouvelle, empreinte d'un avenir forcé, empreinte de bras baissés, il sait qu'à cet instant, il a merdé et devra assumer parce que ce ne sera plus pareil. Jamais.

- Alors... c’est tout?

- Oui... c'est tout.

Le bourreau relâche sa main fine et c'est un bout de son coeur qui tombe par terre avec. Il tenterait bien de le raccrocher comme il le peut mais seule Elea est son infirmière pour ses bobos, elle seule détient le mercurochrome et les pansements pour enfermer ses tristesses.
Elea n'aura plus sa trousse de secours. Il le sait.

- A bientôt, Elea.

Il hésite. Hésite à tourner les talons car lorsqu'il sera loin, loin d'elle et de son coeur qui bat encore, tout s'imprégnera.
Au revoir Elea. N'oublie pas que je t'
Ne l'oublie surtout pas.