Maryia erre dans les rues du Queens. Marcher sans but. Ici et là. Elle aime pouvoir se mêler à cette foule, avoir le sentiment d'appartenir à ce monde pourtant si lointain. Elle aime pouvoir se mouvoir parmi cette tonne de personnes. Ils s'animent et s'agitent. Et elle, elle a tout son temps. Maryia observe ce monde qui n'est pas le sien. Parfois, elle rêve de pouvoir y appartenir. A nouveau. Elle rêve de pouvoir être cette femme au pas pressé, téléphone bloqué entre l'oreille et l'épaule, café à la main. Elle rêve de pouvoir être ce courrier en vélo, qui se faufile entre les voitures pour livrer un secret paquet. Elle rêve de pouvoir être ce chauffeur de taxi impatient qui klaxonne et jure dans une langue inconnue. Elle rêve de pouvoir être ce vendeur de hot dog, ou alors cette vendeuse de chaussures en plein China Town. Une vie normale. Une vie banale. Une vie lambda. Être une fourmi dans cette fourmilière. Maryia erre dans les rues du Queens. Elle prend toujours de grandes inspirations de cet air pollué. Ça pue mais ça a l'odeur de la liberté. Une liberté de quelques heures, les heures accordées par les Géants.
Maryia sait qu'ils sont là. Ils sont toujours là. Ils le lui ont prouvé à plusieurs reprises. Ils savent tout. Ils entendent tout. Ils voient tout. Tout le temps. Ils sont parvenus à faire en sorte qu'elle se sente toujours surveillée. Ils y parviennent à chaque fois. Ils les tiennent entre leurs griffes. Elle fait attention à ne pas faire de vague, à suivre les règles. Essayer d'être une ombre. Néanmoins, elle a désormais un rituel. C'est presque devenu vital que de s'y rendre. Elle a besoin de le voir, de l'entendre. C'est idiot, sans doute mais c'est ce petit bout de normalité auquel elle s'accroche à chaque fois qu'elle a le privilège de se promener dans le Queens. Elle espère à chaque fois pouvoir tomber au bon moment. Parfois, elle le manque. Parfois, il n'est pas là … alors elle continue son errance. Et lorsqu'il est là, lorsque la musique l'emporte et l'ennivre, elle s'arrête. Elle puise son énergie dans les notes de musique, dans cette pureté auquel elle n'a plus accès depuis son arrivée aux Etats-Unis. Elle le voit. Il la voit. Et un sourire radieux vient immédiatement illuminer son visage. Ils se sont vus. Souvent. Elle a parfois laissé un billet, offrant le peu de ce qu'elle possède. Un remerciement pour cet instant de liberté, cet instant hors du temps. Il la sauvait sans même s'en rendre compte. Sans le savoir. Elle s'installe alors à un des bancs qui fait face à l'endroit où se produit l'artiste, plonge les mains dans les poches de sa veste et parfois, elle ferme les yeux. Pendant quelques secondes, elle disparaît. Elle n'est plus dans le Queens. Elle est à Kiev. Elle entend même sa mère lui demander de venir mettre la table. Elle sent presque l'odeur du ragout et entend même le ricanement des cadets qui se chamaillent dans le selon. Pendant quelques secondes, elle disparaît. Elle n'est plus Rosalia mais bel et bien Maryia. Pendant quelques secondes, elle se sent légère. Elle se sent elle-même, vivante. Puis, elle ouvre de nouveau les yeux quand un passant pressé la bouscule. Ca a l'effet d'un mille tonne. Boum. Retour à la réalité. Elle est bel et bien toujours dans le Queens. Maryia n'est plus. Elle est Rosalia. Une rien du tout. Le sourire qui illuminait quelques minutes plus tôt son visage s'est évanoui tout comme ses pensées nostalgiques. Elle n'est plus que mélancolie.
Ils ne se sont jamais parlés. Il ne la connaît pas. Elle ne le connaît pas. Et pourtant, quand elle pose ses prunelles innocentes sur ce musicien, elle a le sentiment qu'il peut tout connaître d'elle, qu'il connaît toutes les solutions à tous ses problèmes. Foutue candeur, n'est-ce pas?
Mais voilà, il suffit qu'il se lève pour se diriger vers elle … pour qu'elle perde totalement confiance en elle. Son regard se brouille et elle a le sentiment de se noyer.
Le regard levé vers le ciel, Minjun sourit doucement. L'air est frais, en cette belle journée de septembre et cela rend léger le coeur du jeune coréen. Il a toujours adoré sentir le vent caresser tout doucement sa peau. Balayer ses cheveux d'une fine brise. Entendre les feuilles frémir sous l'effet du temps. Pour lui, c'est une musique à ses oreilles. Musique qui parfois, l'inspire à créer. Ses doigts glissent lentement sur les cordes de sa guitare et, comme le vent, se mettent à jouer quelques notes aériennes. Des notes légères qui collent un baume droit au coeur.
Pour lui, gratter de son instrument est une pure nécessité. C'est même une thérapie, en soit. Il en a besoin pour sa survie, pour rester saint d'esprit. D'une voix feutrée et légère, il se met alors à joindre les paroles aux notes. Les yeux fermés, il oublie tout autour de lui. Seul au milieu d'inconnus, tous plus ou moins attentifs à sa prestation. Quelques uns s'arrêtent afin de l'écouter, l'observer. D'autres passent rapidement en lui glissant gentiment un billet dans son petit chapeau, posé devant lui. Alors qu'il a les yeux fermés et continu à chanter, il ressent un regard de plus posé sur lui. Un regard qu'il ressent maintenant depuis quelques temps.
Ouvrant lentement ses yeux, il la voit. Elle est bel et bien là, à l'observer. Elle semble si seule... Parfois, Minjun se surprend à repenser à elle, le soir. Il se demande souvent qui peut-elle bien être? Quelle est son histoire? Il aimerait bien pouvoir l'approcher, mais généralement, elle file toujours avant la fin de ses prestations. Le regard posé dans le sien au loin, il lui sourit alors tout doucement afin de lui signifier l'avoir remarqué. Il veut qu'elle le sache. Il veut qu'elle se rende compte qu'elle est vue. Qu'elle est entendue, même si ils ne se sont jamais encore parlé.
Son temps écoulé, il se met à ranger son matériel et du coin de l'oeil, l'observe à son tour. Elle s'est posée sur un des bancs, non loin de lui et semble mélancolique. Elle semble si perdue dans ses pensées que Minjun se met à douter. Se verrait-il refuser la parole, si jamais il s'en approchait? Mordillant sa lèvre, il décide tout de même d'avancer lentement vers elle. La voyant se faire bousculer par un passant pressé, Minjun ne peut réprimer un léger sourire de compassion alors qu'il est déjà à quelques pas d'elle.
Sans trop hésiter, il s'assoit alors à ses côtés, sur le banc. Toujours souriant mais cette fois-ci, les joues colorées de rouge dû à sa timidité, il se tourne le visage vers elle en disant "Ça va, pas trop de mal...?" en rapport à la bousculade soudaine qu'elle s'est prise, quelques secondes avant.
Et, elle est vue. Sa voix est différente. Différente de la voix chantée. Pourtant toujours aussi douce et apaisante. Elle se redresse, gênée, pour finalement poser son regard sur cet homme qui vient de pénétrer dans son univers. Maryia n'est pas habituée. Ou plutôt, elle n'est plus habituée aux discussions banales, bénines. Elle n'est plus habituée à ces rencontres impromptus, surprenantes, intriguantes. Elle n'est plus habituée à la vie et elle s'en rend compte au moment où ses prunelles cherchent refuge sur la pointe de ses pieds. Cette fois-ci, on la regarde d'un autre regard. Il ne dévore pas des yeux. Il ne veut rien. Elle s'en rend compte. Il est juste là, assis à ses côtés. Il est là. Il la regarde et elle a le sentiment que son monde se met à tanguer. Sa question la fait sourire. Si seulement il savait. Si seulement il savait les coups qu'elle avait su encaisser. Si seulement il savait que derrière son petit côté frêle se cache une guerrière … parce que oui, les coups, elle les encaissait parfois mieux que certains boxeurs. Elle savait cacher la souffrance. Elle savait enfiler un masque au sourire figé pour ne pas inquiéter, pour ne pas nuire au marché. Alors, non, pas trop mal. Un haussement d'épaules.
“Oh … Non. Je crois qu'on s'habitue vite aux bousculades quand on marche au ralenti dans le Queens.“ dit-elle avec cet accent slave. Aucun doute. On le reconnaît entre mille. Son anglais est parfois grammaticalement incorrect mais le pire, c'est cet accent. On ferme les yeux. On l'écoute parler et on s'imagine déjà un verre de vodka sur une table en bois ciré, un renard autour du cou et des musiques folkloriques en arrière plan. “Tu as du talent, tu sais?“ ajoute-t-elle finalement sans poser son regard sur le jeune homme. Son regard est toujours rivé sur ses pieds. C'est la première chose qui lui est venue à l'esprit, alors elle a tout simplement prononcé ces mots. Lentement, elle relève la tête pour la tourner dans sa direction. “Tu dois certainement déjà le savoir … Mais bon, je voulais te le dire. Je trouve ça chouette, plus chouette que celui qui hurle comme un malade à la sortie du métro... “ dit-elle en terminant sa phrase d'une voix rieuse. Oui, les musiciens de rue dans le Queens, il y en a de toutes les couleurs. Des doués. Des moins doués. Des carrément pas doués. Et les moins doués sont parfois les plus bruyants. Un paysage auquel Maryia n'était pas habituée à son arrivée à New York.
L'espace de quelques secondes, vos regards se sont croisés. Tu as pu remarqué dans ce court lapse de temps, que ses yeux semblaient éteint. Où était passé l'étincelle de joie, dans ses jolies prunelles d'un bleu à s'y noyer? Tu n'en sais rien, mais tu es convaincu que tu pourrais peut-être l'aider à la retrouver. Lorsqu'elle baisse sa tête, tu remarques une certaine gêne émaner d'elle et tu ne sais pas pourquoi, mais ton coeur se serre un peu. Peut-être est-ce ta grande empathie qui te fait croire qu'elle doit souffrir profondément en silence, mais tu ressens un fort besoin de la connaitre d'avantage, maintenant. Oui, tu veux réellement pouvoir en apprendre plus sur elle pour peut-être, éventuellement l'aider. Tu as le coeur sur la main, Minjun et même si cela t'as occasionné beaucoup d'ennuis par le passé, cette fois-ci tu t'en moques.
Voyant poindre un faible sourire sur son visage, tu t'apaises néanmoins un peu en ajoutant à ses propos "Oh, oui... Tu as raison!" pour ensuite pousser un léger rire amusé "J'ai longtemps songé à me promener en armure, pour cette raison..." puis, un sourire se glisse sur tes lèvres avant de rougir légèrement à ses dires "Oh ... merci beaucoup..." et, baissant ta tête, tu portes doucement ta main sur ton coeur, flatté par ce compliment. Tu en reçois peu, ces derniers temps et cela te fait énormément de bien. En plus, dit avec un si bel accent, c'est magnifique! Lorsqu'elle relève enfin sa tête dans ta direction, tu rougis de plus bel en rigolant cette fois-ci nerveusement. Oui, les compliments font du bien ...mais tu ne sais jamais vraiment comment y répondre!
Tout sourire, tu baisses ta tête en guise de respect en disant "Merci infiniment ... Merci beaucoup. Ça fait chaud au coeur, vraiment..." tu rigoles ensuite en ajoutant "Oui je... um ...J'ai déjà tenté de jouer à la sortie du métro mais c'est peine perdue, je crois ...C'est prédestiné à être le territoire des gens qui crient et moi ...Ça me donne mal à la gorge!" sans perdre ton sourire amusé, tu lui tends doucement la main "Je m'appelle Minjun Yun, enchanté... et toi? Tu as un magnifique accent, au fait! D'où viens-tu?" l'entendre rire, un peu plus tôt, t'a vraiment fait plaisir. Son rire semblait vrai, réel. Quelque chose te dit par contre qu'elle ne doit pas vraiment avoir l'habitude et cela te désole. Pinçant légèrement tes lèvres ensemble, tu réfléchis rapidement à un moyen pour prolonger votre rencontre et porte ton attention sur ton sac. Tu en sors alors un sandwich que tu t'étais fait un peu plus tôt dans la journée, avant de sortir pour te rendre ici. Lui tendant une moitié, tu dis alors "Tu as faim? C'est un sandwich à la dinde aux tomates séchées au soleil ...avec de la laitue um ..." puis tu regarde ta propre moitié en l'examinant "... des tomates, des concombres ... un peu de poivre et de sel ...et de la moutarde! J'espère que tu n'as pas d'allergie!" et rigole un peu. Tu ne veux quand même pas la tuer à votre première rencontre! Tu sors ensuite un thermos et reporte ton attention vers elle " ...et puis j'ai du thé vert, si tu as soif!" C'est tout toi, ça. Partager ton repas avec les inconnus, c'est ton quotidien. Cependant, avec elle, tu as l'impression que vous ne resterez pas inconnu trop longtemps. Du moins, tu l'espère!
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Sujet: save me (minjun) 
Sam 12 Sep - 20:38
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