you have to pay the bills (Thomas)

Un regard qui se lance sur le meuble à l’entrée, là où elle pose tout lorsqu’il rentre. Des factures commencent à s’accumuler. S’il commence à ne pas les prendre au sérieux, il va rentrer un soir et se retrouvera dans un appartement sans la moindre électricité. Il pourrait trouver des aides, il pourrait même trouver un ou une colocataire, l’appartement étant assez grand mais il met toujours ça au lendemain. Toute la thune passe pour la bouffe, et pour les sorties. Lui qui savait bien gérer son argent autrefois, il est bien loin. S’il arrivait à trouver un travail stable, il n’aurait pas autant de galère, il le sait. Pourtant, son dernier job, c’est lui qui la quittait, car il ne s’entendait pas avec le chef. A choisir entre partir avec sa fierté pour se faire jeter comme un malpropre, la question était vite répondue. Faut qu’il fasse un effort, car l’argent ne tombe pas du ciel. Quand il pense à ce dicton, i la tendance à faire des conneries, à trouver des jobs loin d’être légaux malgré la peine de prison qu’il risque de se prendre s’il se fait prendre en train de jouer avec l’illégalité. Mais bon, quand on baigne parfois dedans, comment refuser de l’argent facile quand à côté de ça, on n’arrive pas à avoir un travail décent qui remporte bien ? C’est difficile mais depuis quelques mois, Denzel essaye de se tenir dans le droit chemin, au moins il n’aura rien à se reprocher. Pourtant, alors qu’il avait décidé de sortir dehors pour prendre l’air, non pas pour aller apporter à son cv comme la raison le pousserait à faire. Juste besoin de marcher. Il rejoindra peut-être un pote là où il travaille un peu plus tard mais là non, marcher dans les rues de la ville, les rues qu’il connait par cœur malgré le temps incarcéré loin de cette liberté qu’il retrouve à chaque fois qu’il arpente les boulevards. Il avait la tête ailleurs, lorsqu’il vit quelqu’un marcher pas loin. Une connaissance du passé. Denzel a une bonne mémoire des têtes, sinon il ne s’en souviendrait surement pas. Ou est-ce peut-être parce qu’il la connu à un moment tout particulier : la première et l’une des seules fois où il a acheté de l’herbe, juste pour tester, juste pour ses limites. Autant dire que ce n’est pas quelqu’un qu’il connait bien, mais quelque chose lui revint en tête : ses factures qui s’accumulent, et peut-être qu’il pourra le mettre en contact avec certaines personnes qui lui règleront ce problème-là. L’illégalité, toujours, il flirte avec l’illégalité. « Hey » dit-il comme pour le stopper, en s’approchant de lui, pour ne pas qu’il n’arrive pas à l’attraper. « Salut je sais pas si tu te souviens de moi ! » Idiot, des clients, surtout depuis toutes ses années, il a du en avoir un paquet mais même s’il sait qu’il ne doit pas s’en souvenir, c’est une manière d’amorcer les choses et ne pas jouer carte sur table dès le départ.

Les bonnes résolutions ne durent qu’un temps. Il voulait s’en sortir, il voulait sortir de l’illégalité pour se poser, avoir une vie tranquille et ne pas avoir la trouille à chaque fois qu’il voit un flic dans les parages. Voilà un moment qu’il est sorti de prison maintenant, mais il ne faut pour autant pas oublier qu’il a un casier, un casier qui pourra le faire replonger à la moindre écartade. On ne peut pas dire que Denzel a été un enfant de cœur depuis sa sortie mais il faut bien faire quelque chose pour vivre, et ce n’est pas avec son passé de détenu qu’il arrive à trouver un bon job où il n’est pas sous payé. Bien loin de ses envies d’antan d’ouvrir son propre bar/restau, il fait avec si peu alors ce visage familier qu’il ne connait pas beaucoup, forcément il retombe dans les travers de l’illégalité. S’il peut bosser un peu, gagner de quoi s’avancer quelques mois de loyer il ne dit pas non. On fait avec ce qu’on a. Il n’a pas l’air de le reconnaitre, ça lui va très bien, il préfère passer inaperçu alors c’est un bon début. Denzel est là devant lui pour une raison bien précise et il n’a pas envie d’y aller par quatre chemins pour autant. Mais il doit quand même rester sur ses gardes. Vu qu’il dealait de la drogue à l’époque, il y a peu de chance qu’il ait fait une reconversion dans la police, ou alors ça serait pire qu’un virage à 180°. Ou alors il pourrait bosser pour eux mais il prend le risque, même si Denzel n’est pas non plus tranquille et ça se voit à la manière de jeter des rapides coups d’œil autour d’eux. On ne sait jamais. D’un point de vue extérieur on pourrait croire qu’il est parano, mais disons que Denzel n’est pas vraiment tranquille. « C’est toi qui m’a vendu mon premier joint » dit-il calmement, sans honte ni rien, après tout la majorité des gens ont déjà fumé de l’herbe, faut pas se mentir. Et puis vu la raison pour laquelle il est là, s’il n’ose pas parler de drogue douce alors il n’a vraiment rien à faire là. « J’voudrais savoir, il y a pas moyen que… » Non il ne veut plus consommer, ça ne l’intéresse pas, quelle que soit la drogue, il n’y prend aucun plaisir mais s’il peut offrir ce plaisir à d’autre. « Que tu me fasses rencontrer ton fournisseur ? » Il baisse d’un ton, il ne veut pas qu’ils se fassent remarquer, ni l’un ni l’autre. Il ne doit rien au mec au face de lui mais bon, s’il se fait choper là de suite alors Denzel sera impliqué aussi d’une façon ou d’une autre. Il ne pense peut-être qu’à lui mais il faut être égoiste dans ce milieu, on fait ça pour soit. Enfin même en pensant ça, Denzel se dit que peut-être le type voudra bien le renseigner, il ne veut pas être un vendeur rival, il peut très bien trouver sa propre zone pour vendre.

@THOMAS FARREL