Le cœur qui se brisait, l’étau se refermait, le cœur à l’agonie, elle rêvait, rêvassait, plutôt. Comme ailleurs, le temps n’avait plus d’emprise. Comme ailleurs, la vie n’avait plus de sens. Comme ailleurs… et les pas qui se trainaient, même si la grâce faisait partie d’elle. même si les années restaient ancrées en elle. il n’y avait pourtant plus la flamme, plus le feu, plus que des lumières à jamais éteintes, qui ne pouvaient se raviver, pas ainsi, plus maintenant. Pas alors que la famille se rapprochait d’elle, la poussait dans un sens qui ne lui convenait plus. enfant gâtée ? peut-être. Sûrement. Petite princesse guidée par l’art, petite princesse guidée par la beauté de ces gestes, si fluides, si beaux, elle avait demandé, elle avait espéré, elle avait obtenu ce qu’elle voulait, mais l’élite faisant partie d’elle, c’était devenu une tare, tant elle y était désormais forcée. Paradoxe intemporel qui prenait possession d’elle, elle n’était que marionnette, pantin guidée par des fils, vers ces parquets magiques, autrefois tout du moins, ces barres et ces miroirs. La danse. La danse, qui ne l’habitait plus, pas comme avant, plus maintenant. La danse, qui se révélait une tare, une horreur, peu à peu, quand son paternel venait lui en parler, lui demander comment cela s’était passé, quand sa mère venait la chercher… si elle venait. Comment une passion pouvait-elle à ce point virer au cauchemar ?
tu te le demandais encore, alors que tu t’accrochais, ne voulant pas décevoir ceux qui avaient mis tant d’espoir en toi. Tu te le demandais encore, tandis que dans tes rêves tu te retrouvais sur scène, mais troquant les chaussons contre le micro, et les pas contre la voix. Il y avait un nouveau rêve, tu avais une nouvelle passion, depuis des années, tout de même. le chant, pour émerveiller ou choquer. Le chant, celle qui n’était pas l’héritière en toi. Le chant. Parce que vous étiez deux. Khion l’héritière, khion la libérée. Parce que vous étiez deux. Mais la première prenait le pas sur l’autre.
Et ses mouvements étaient maladroits, il n’y avait plus d’entrain, plus autant qu’auparavant. Tandis que le rêve prenait une nouvelle tournure, les pensées vers la belle de son cœur, et encore une fois, elle se perdait. tu devais te rendre à l’évidence, tu n’étais plus dedans. elle devait le comprendre, refusait de le faire. N’avait pas le droit de le faire, de s’abandonner à son esprit. Elle devait danser, c’était obligatoire. Elle devait performer, être la meilleure, être une artiste renommée, pour ses parents. De quoi lui donner la nausée, quand elle quittait le parquet, quand elle troquait les chaussons contre les chaussures, qu’elle s’apprêtait à sortir. L’envie de tout rejeter, le teint pâle, difficile. L’envie de disparaître, à l’idée de redevenir encore une fois l’héritière. Le besoin de se libérer, mais dans les vestiaires, encore coincée. Et le chignon qui se dérobait, tandis qu’elle entendait son nom. Son professeur qui voulait la voir.
tu le savais, au fond de toi. Il ne comprenait pas pourquoi tu étais ainsi. mais que lui dire ? que dire, quand on était dans cette prestigieuse école ? que dire ? vous vouliez me voir ? feignant de ne pas comprendre. L’idée même d’être réprimandée devenant amère dans sa bouche, goût qu’elle ne savait apprécier. Elle avait la terrible envie de fuir, bien qu’elle ne le pouvait pas, surtout pas devant lui.
La vie lui avait toujours accordé ce qu'il désirait sur le plan professionnel. Particulièrement clémente, il avait pu faire de sa passion son métier, n'était pas de ceux qui se sentaient contraints de quitter leur domicile pour accomplir une succession de tâches ennuyeuses, dont le seul attrait résidait dans le salaire alourdissant le compte bancaire à la fin du mois. Il était un privilégié et il en avait conscience. Il savait qu'il était chanceux, qu'il devait se montrer reconnaissant, mais il ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine amertume face à ce pan de bonheur qui lui était refusé, et qui incluait Peyton. Quand elle lui avait fait comprendre qu'il n'y aurait pas la moindre chance que leurs cœurs battent un jour à l'unisson, les doigts entremêlés, Ewan avait été envahi par un sentiment d'injustice lourd à porter, et douloureux. Pourquoi ne pouvait-il pas avoir droit au bonheur, lui aussi ?
Il s'en était voulu mais pour adoucir sa peine - tant est que cela soit seulement possible -, il s'était résolu à s'abandonner à une autre, une jeune danseuse. Une jeune femme qui n'arriverait jamais à la cheville de Peyton, mais qui semblait sincèrement amoureuse d'Ewan. Peut-être était-ce tout ce dont il avait réellement besoin ? Peut-être qu'il suffisait d'être aimé pour être capable d'aimer en retour ? La règle ne s'était pas encore vérifiée mais le danseur voulait laisser une chance à Stella, elle qui lui accordait ce que Peyton ne voudrait jamais lui offrir.
Les pensées vagabondes, le danseur étoile a bien du mal à se concentrer sur sa tâche, les mouvements effectués par ses élèves, les erreurs qu'ils ont éventuellement commises et qu'il se doit de rectifier. Il est tellement absorbé par ses pensées ces derniers temps qu'il se montre moins exigeant qu'à l'accoutumée, répit salvateur pour les élèves qui peuvent désormais reprendre leur souffle entre deux enchaînements. Néanmoins, l'œil expert d'Ewan n'est pas passé à côté de l'absence de passion que trahit chacun des mouvements de Khion, ombre d'elle-même une fois que ses pieds foulent le parquet. Le cours se termine et alors qu'elle vient de franchir la porte des vestiaires, il l'interpelle, lui demande de revenir dans la salle, sans lui donner davantage de détails. La laissant se défaire de son chignon, il fait volte-face sans attendre sa réponse, car elle doit savoir qu'elle ne pourra pas échapper à cette conversation avec Ewan, et qu'il n'accordera du crédit à aucun prétexte. Les élèves qui font partie de cette école sont extrêmement chanceux et elle ne peut tout simplement pas faire l'affront de n'en n'avoir rien à faire, alors que d'autres jeunes, aussi talentueux qu'elle, donneraient tout pour être à sa place.
Au bout de quelques minutes, elle fait son apparition, sa voix tranchant le silence pour entamer la conversation. Elle ne semble sincèrement pas comprendre pourquoi elle est là, face à lui. Pourquoi il a tenu à lui parler à elle, plutôt qu'à une autre ? Vaste comédie ou pure sincérité ?
- Oui, en effet.
Le ton de sa voix trahit une certaine déception alors qu'il croise déjà les bras sur son torse, avant de poursuivre.
- Je te trouve particulièrement... Éteinte depuis un certain temps. Il y a une raison ?
Il n'a pas pour habitude de passer par quatre chemins, de tourner autour du pot quand il a une idée précise derrière la tête. En l'occurrence, il sait exactement ce qui cloche avec Khion. Tout ce qu'il attend d'elle, ce sont des explications.
Le cœur à mal, elle n’était plus elle-même… ou peut-être l’était-elle pour la première fois depuis des lustres ? elle ne le savait plus, honnêtement. Elle ne savait plus qui elle était, elle ne se sentait plus pareille… la passion envolée, le cœur saccagé, les pensées dévergondées, et le mal-être une fois rentrée chez elle. il n’y avait plus qu’une ombre, qui jouait. Une ombre qui prenait place, remplaçait la jeune femme, qui ne savait plus quoi penser, qui ne savait plus s’en sortir, qui ne savait plus comment se libérer de ses maux… était-ce un mal, que de tout remettre en question ? non, mais celui de ne pas donner la passion alors qu’elle avait une chance inouïe de faire partie de cette école l’était… elle le savait mieux que quiconque. pourtant, tu pouvais mentir, mais ton corps, lui, ne savait pas. ton corps, lui trahissait complètement chacune de tes pensées, chacune des failles de ton esprit, chacun des maux de ton âme. et si tu tentais de laisser le cœur à l’extérieur, te concentrant sur une ancienne passion devenue cauchemar, laissant les mouvements devenir parfaits, ton corps, lui, trahissait ce manque… il montrait l’absence de ton cœur. il montrait l’absence de ton envie. Il montrait à qui avait l’œil expert, que tu te forçais. et son professeur l’avait bien compris, elle le sentait, le savait presque, même, alors qu’elle était appelée. pourtant, tu espérais qu’il en soit autrement. Qu’il ne te fasse pas venir pour cela, qu’il te parle d’autre chose, te fasse tout oublier. une rêverie qui ne saurait arriver, alors que monsieur benton ne passait pas par quatre chemins, laissait ses pensées crever le cœur de la jeune danseuse. éteinte ? comme une faible tentative de s’offusquer, alors que son ton restait neutre, mais que ses yeux parlaient pour elle. éteinte… il avait raison, et elle ne voulait pas non plus lui manquer de respect. Il ne lui suffit que de laisser son regard se perdre dans celui du danseur étoile pour comprendre qu’il était sûr de lui, qu’elle ne pourrait pas se cacher éternellement… je… oui, c’est vrai. elle baissa la tête, comme un regard trop imposant, comme pour fuir dans son cœur, alors que celui-ci était resté en dehors de cette école. ce n’est pas… je ne sais pas… honnêtement… je ne sais pas pourquoi… comment pouvait-elle mentir à celui qui donnait de son temps pour former les élèves, pour former les danseurs, les danseuses de demain ? il n’était pas un professeur ordinaire, il était celui qui poussait les jeunes filles, les jeunes garçons, vers une excellence. Il était le sculpteur de la passion d’autrui. Il ne méritait ni mensonges, ni manque de respect. j’ai toujours… voulu danser. Toute petite, c’était mon rêve… et j’ai eu la chance que mes parents l’acceptent, alors que… que mes parents sont… particuliers. il savait, elle le savait. Son dossier ne mentait pas, elle était la fille de deux magnats, qui ne pouvaient pas espérer voir leur enfant s’épanouir dans la danse, alors que l’argent avait besoin d’héritier, d’héritière à leur grand empire. mais… je ne sais pas… s’ils transforment ma passion en cauchemar, ou si… je ne sais pas… comment le dire… mais elle le faisait comprendre, elle était mal. La danse n’était pas la cause, mais tout se reflétait sur cela. Elle avait besoin d’aide.
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Sujet: dream or nightmare 
Dim 28 Juin - 5:22
