comme un coup de poing sur la gueule. (euphrasie & cillian)

tes yeux scrutent attentivement les plaques les unes après les autres; si tu connais globalement très bien le quartier, gamine, tu as plus l'habitude de te fier à d'autres repères (tels que des enseignes ou des détails architecturaux évidents par exemple) plutôt que les noms des rues alors pour cette fois tu galères quelque peu à t'orienter correctement. tu avances beaucoup trop lentement à ton goût tandis que les aiguilles sur ta montre tournent quant à elles, super vite et plus que de raison. tu ne sais pas encore si tu fais bien (ou non) de stresser autant mais tu as la ferme intention de le découvrir durant les prochaines minutes d'où l'importance d'arriver à l'heure sur le lieu du rendez-vous. au cours de tes recherches, tu ne peux t'empêcher de dresser une nouvelle liste pour essayer de déterminer qui peut bien être à l'origine du mot à ton intention que l'on a dernièrement glissé dans ta boîte aux lettres, mais comme à chaque fois tu n'es pas entièrement convaincue. l'idée la plus probable reste une personne appartement au gang avec la mise en place d'une nouvelle manière d'établir le contact mais ces méthodes ne ressemblent pas à celles que tu connaisses ni à ce qui était convenu alors tu doutes. même ton petit doigt te susurres que tu n'es pas sur la bonne voix. tu n'es pas le genre de nana à avoir un instinct de fou mais faut croire que ta grossesse (et les quatre mois que tu la traînes) ont développé tes compétences en la matière car à peine arriver au lieu indiqué sur le bout de papier que tu gardes au fond de ta veste comme pour te rappeler que tu n'es pas folle, tu tombes nez-à-nez avec un homme totalement inconnu au bataillon. un homme plus vieux que toi et qui t'inspires moyennement confiance. pourtant ça pourrait très bien être une nouvelle recrue (quoique vu son âge c'est l'hypothèse qui te semble la moins plausible) ou un gars officiant dans une branche des red wolves que tu ne côtoies pas. dans le doute, tu ne veux pas prendre le risque de mentionner le gang. tu t'arrêtes, laissant volontairement une certaine distance entre vous deux. tu sais pas qui il est mais t'es quasi certaine que c'est lui l'auteur du mot. il est à l'endroit précis et à l'heure précise indiquée, puis il n'y a personne d'autres autour. « c'est vous ? » tu demandes simplement, suspendue à ses lèvres. tu aurais peut-être du demander à ton grand-frère de t'accompagner finalement. tu as voulu jouer les grandes filles mais tu te sens un peu bête maintenant car l'inconnu (et pas que cet homme, l'inconnu en général) te fait peur. tu ne comprends pas pourquoi on a demandé à toi, une fille qui essaye de se fondre dans la masse, de venir en fin d'après-midi / début de soirée à la rencontre de quelqu'un qui n'a même pas eu le cran de signer son mot de son nom.

tu as voulu te la jouer téméraire, jeune fille, mais ça ne te va pas du tout. tu ne sais pas à quoi t'attendre, ça pourrait être n'importe quoi ce qui t'attend sur le lieu de rendez-vous et plus tu y réfléchis, plus ça t'angoisse. et tu regrettes vraiment de ne pas avoir voulu assurer tes arrières en demandant à ton aîné de te suivre mais en gardant ses distances, juste au cas où. c'est que tu ne voyais pas la raison qui pourrait quelqu'un à vouloir te faire du mal, d'ailleurs tu ne la vois toujours pas mais tu te rends compte qu'une personne qui te voudrait du bien ne s'y prendrait pas comme ça. enfin tu penses. mais il est trop tard pour faire machine arrière car tu viens d'arriver et tu étais attendue. droit comme un i, l'inconnu te dévisage autant que toi tu le fais avec lui. tu cherches où tu aurais pu le croiser avant mais ça ne te revient vraiment pas. t'es persuadée que c'est la première fois que tu le vois, première fois que tu entends sa voix. et ses mots. durs. lourds de sens et à la fois pas tellement. t'attends des nouvelles de ton paternel, ou du moins des informations le concernant, depuis tellement longtemps. c'est à peine si tu prêtes attention au reste, si tu entends, abasourdie par ses premiers mots. « pardon ? » finit-tu par lâcher, en proie à l'incompréhension. les mots père, ami et danger tournent en boucle dans ta tête. tu ne comprends pas. comment le pourrait-tu ? c'est trop de bombes lâché en même temps et pas assez d'explications. « pour quelqu'un qui doit veiller sur moi, vous arrivez après la bataille. » t'as pris des mauvaises directions, que tu ne regrettes pas certes, mais qui ne sont pas celles que l'on souhaite pour des gens que l'on ait censé protéger et vouloir tirer vers le haut. « c'est facile de se prétendre ami de mon père, je ne le connais pas. je ne pourrais pas aller vérifier. » mais en même temps t'es curieuse. depuis le temps que tu cherches des réponses, c'est peut-être l'occasion où jamais de les avoir. tu fais mine de ne pas prendre l'inconnu au sérieux mais t'es quand même vachement intéressée parce ce qu'il pourrait te raconter. quant à la notion de danger, tu l'as occulté. c'est rentré par une oreille, c'est sorti par l'autre. peut-être parce que ça ne faisait pas sens. peut-être aussi parce que tu en avais déjà suffisamment entendu pour te bouleverser.

ça fait des années que tu espères désespérément des informations sur ton paternel et voilà que tu rencontres enfin une personne susceptible de t'en fournir au moment où tu en as le moins envie de savoir. c'était important à une époque et quelque part ça l'est toujours sinon tu ne prêterais pas malgré tout une oreille attentive aux propos du prétendu ami de ton père mais ce n'est pas ta priorité du moment. tu es en proie à suffisamment de bouleversements pour ne pas souhaiter en rajouter davantage. comme l'homme l'a sans doute remarquer, t'es enceinte de gamine. de quatre mois et même si ton ventre n'est pas énorme, on peut difficilement prétendre ne pas s'en rendre compte à moins de faire preuve de mauvaise foi. une grossesse amène son propre lot de problèmes sans compter les à côté mais visiblement ce n'est pas une excuse pour t'épargner. ses mots, criant de vérité, te font mal. tu as beau ne pas connaître ton père, nul doute qu'il ne savait pas choisir ses amis. « certes, mais vous lui aviez promis de le faire. il vaut mieux ne pas faire de promesses quand on ne compte pas les tenir. » tu déverses ta colère sur la mauvaise personne, gamine. promesse ou non, il y a des responsabilités que seul un père peut endosser. « puisque vous êtes là, alors je vous écoute. que se passe t-il de si grave pour que vous vous décidiez à vous manifester maintenant ? » tu n'as pas la moindre idée de où tu as mis les pieds mais une chose est sûre, tu la sens de moins en moins cette histoire. et pour une des rares fois, ton instinct n'est pas trop foireux. à la mention du prénom de perle, tu avales ton air de travers. « p-perle ? » comme un type comme lui peut-il la connaître ? « vous vous connaissez ? » est-elle amie avec un ami de ton père ? depuis combien de temps ? le savait-elle ? des questions, toujours des questions. beaucoup trop pour une seule personne. pour toi. l'homme n'a pas encore livré tous ses secrets mais déjà, le mal est fait. un mauvais pressentiment s'immisce en toi, tu te sens perdre pieds.