where is the real me. (venuzia)

i'm paralyzed, where are my feelings. i no longer feel things, i know i should. i'm paralyzed, where is the real me, i'm lost and it kills me. -- @venuzia lazaridis

L’alcool coule à flot, la musique enivre les âmes, les corps se déhanchent, et d’ordinaire, elle serait la première. Elle serait la première à tout donner, à faire la fête comme s’il n’y avait pas de lendemain, à se montrer, s’exhiber comme si elle avait quelque chose à prouver. Et t’as toujours cette impression, Joy. Celle de devoir faire plus, celle de devoir te cacher derrière une image figée de teen idle, parce que t’as rien. T’as rien de ce que toutes les autres ont. Rien d’intéressant. Cette popularité, l’air décomplexé, l’assurance exagérée, ce n’est qu’une façade pour camoufler son profond mal-être, cette quête d’identité, et son grand cœur. Elle serait la première, d’ordinaire, à vouloir attirer toutes les attentions, à chercher le désir dans les yeux des autres, mais pas ce soir. Ce soir elle n’a pas cette force. Elle n’a plus aucune force, elle qui en possède tant. Elle aimerait ne rien ressentir, ne plus rien ressentir du tout, mais elle se sent plus déboussolée que jamais. Si t’es ici, ce soir, c’est uniquement pour oublier, Joy. Pour profiter. Pour faire disparaître ces idées qui te rongent, cette rencontre avec ta mère et toute cette colère, cette peine.

C’est l’alcool, que tu as choisi.
C’est l’alcool, qui coule dans tes veines.

Et elle espère se sentir mieux. Elle espère tout effacer, tout oublier. Elle ne veut que se réveiller, être ailleurs. Être dans une autre vie, un autre corps, un autre esprit. Pour ne plus jamais avoir aussi mal. Pour ne plus jamais sentir son cœur serré à ce point. Et elle boit, encore. Un verre de plus, peut-être le verre de trop. Celui qui l’attire trop profond dans les ténèbres, dans les méandres de tout ce qu’elle a toujours refoulé. En l’espace d’une seconde, tu te retrouves isolée, Joy. Loin du monde. Loin de l’agitation. En une seconde, tu te retrouves perdue et imbibée par les substances qui ne font que tout aggraver. Et sa main qui vient frapper le premier mûr qu’elle croise, comme pour extérioriser cette douleur, cette incertitude. Comme pour extérioriser tout ce qu’elle ressent. Elle est perdue, complètement perdue.

(c) calaveras.

les chansons du moment s'enchaînent les unes à la suite des autres dans les grandes enceintes situées au pied de l'estrade, ça fait danser tous les fêtards au même rythme. ça met tout le monde d'accord. c'est la fête. les corps se déhanchent et de temps en temps des bras maladroits viennent heurter les tiens. sourires et rires effacent toutes possibles rancunes. il n'y a aucun problème ici. vous êtes tous là pour vous détendre et non pas pour vous prendre la tête. c'est le vrai but d'une fête, le genre que toi tu aimes. le genre auquel tu prends un réel plaisir à participer. tu te perds dans la foule, tu te confonds. tu n'es plus venuzia. tu n'es plus une petite princesse. t'es juste une inconnue qui danse en y mettant toute son énergie. dans une autre vie tu as un tout un tas de responsabilités ennuyantes mais ici tu n'es qu'une jeune femme parmi d'autres adultes, avec des choses à oublier pour se sentir mieux alors tu bouges dans tous les sens en oubliant de penser. tu balances tes bras de tous les côtés, secoues tes cheveux de droite à gauche. tu te donnes à fond sur la piste parce tu as besoin de cet exutoire pour aller de l'avant. demain - ou plutôt au réveil, tu repartiras sur de bonnes bases. le coup de mou envolé, tu seras vaillante. voilà comment se passent toujours les fêtes pour toi. t'as besoin d'envoyer valser les codes auxquels qui régissent ta vie depuis ton plus jeune âge. mais pas ce soir. non, tu te contiens jolie blonde. tu te laisses aller mais pas trop. tu bois mais pas trop. tu as des problèmes mais des interrogations également qui t'empêchent de t'abandonner. tu voudrais bien mais quelque chose te retient. il y a une petite voix intérieure qui te dissuade de faire n'importe quoi. tu ne peux pas ne plus penser pour fuir cette fois. ce serait trop simple et pas adapté à la situation. t'as le béguin, venuzia. comme t'en as rarement eu un, alors tu dois t'adapter parce que tu peux pas faire comme d'habitude quand ton coeur refuse de suivre le chemin que tu connais pour l'avoir toi-même façonner. ta retenue te permet de vivre une soirée sous un angle que tu ne connais pas, tu fais attention pour la première fois à des détails qui sautent aux yeux et à d'autres moins évident. t'es un peu comme une enfant qui s'émerveille devant une nouveauté. t'as l'air de planer mais c'est pas le cas, pourtant quand on te propose de vomir un coup dans les toilettes tu acceptes. tu suis le mouvement. t'es une bonne amie, tu accompagnes tes camarades de débauche même quand tu ne te trouves pas dans le même état. t'en profiteras certainement pour repasser un coup de gloss sur tes lèvres en les attendant. que tu penses. pourtant en chemin tu t'arrêtes, alerte. tu glisses à tes amies de continuer avant de t'agenouiller au niveau de joy. tu la connais pas très bien cette fille mais un peu quand même. et quand bien même tu ne la connaîtrais pas, tu ne peux pas laisser une personne se faire mal contre un mur. « je suis pas certaine que le mur t'es fait quelque chose. » tu mises sur l'humour, selon toi la meilleure arme face à une personne passablement éméchée. « besoin d'aide pour te lever ? les toilettes sont juste à côté, un peu d'eau sur le visage te fera du bien. »

i'm paralyzed, where are my feelings. i no longer feel things, i know i should. i'm paralyzed, where is the real me, i'm lost and it kills me. -- @venuzia lazaridis

Pitoyable, certainement. Prête à tout pour oublier. Prête à tout pour effacer. Quitte à se faire mal, quitte à tout retourner. Elle se sent trop faible, elle est là, la réalité. Elle se sent peut-être bien plus faible que ce qu’elle est réellement. La force en elle semble se cacher, celle qu’elle ne soupçonne pas, celle qu’elle n’a jamais soupçonné. Parce que t’es qu’une barbie, toi, Joy. C’est ce que t’as toujours été, la jolie blonde un peu charmeuse, la cheerleader, la copine sympa, l’amie avec qui faire des conneries. C’est ce que t’as toujours montré, sûrement par peur de te révéler. Sûrement par peur de ne pas être assez, de ne pas être assez bien, d’échouer face à ce que tu aspirais. La peur, encore et toujours la peur. Cette même peur qui la dévore aujourd’hui. Peur de sa mère. Peur de cette relation qu’elle pourrait démarrer avec elle. Peur de ne pas réussir à lui pardonner. Peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas être capable de l’aider. Peur. Peur qu’elle extériorise contre ce mur. Qu’elle envoie valser en le frappant d’une main. Juste avant de se laisser tomber.
Pitoyable, toujours pitoyable.
Perdue dans les songes. Perdue dans ce qu’il y a de plus mauvais. Et une voix, raillarde mais douce, vient la ramener à la réalité. Dure réalité. Peut-être un brin cruelle. Elle esquisse un sourire, la poupée, triste, mais présent. - Disons qu’il aura pris pour les autres. Venuzia. Elle la connait, plus ou moins, de nom. Elles ne se sont jamais réellement parlées, toutes les deux. Elle est une amie d’amie. Comme si elles se trouvaient séparées par un plafond de verre, par une montagne de préjugés. Ceux que la belle semble prête à balayer pour lui venir en aide ce soir. - Je veux bien, s’il te plait. Un peu trop amochée, elle attrape la main de la princesse pour se relever lentement. - Merci, c’est… Vraiment gentil de ta part… Comportement remarquable, dans cet endroit, cette fête dans laquelle tout le monde ne pense qu’à se mettre la tête à l’envers. Elle la première, pour des raisons bien sombres. Elle la première, parce qu’elle ne voyait que ce moyen, que cette solution. Au fond, tu ne sais pas à qui parler, Joy. Tu ne sais pas, parce que tu réalises que t’es pas vraiment capable de te montrer vraiment, de te montrer telle que tu es. Venuzia, elle en voit bien plus chez toi en un instant que beaucoup d’autres en toute une vie.

(c) calaveras.

pitoyable. ici dans cette pièce, vous l'êtes un peu tous au même niveau. tu ne peux juger personne comme on ne peut pas te juger et c'est sans doute ce qui te plaît tant dans ce genre de fêtes. c'est qu'il n'y a pas de place pour les jugements, il n'y a que des actions qui n'auront bien souvent pas de conséquences sur le reste de vos vies. tu aimes bien ce fonctionnement car même si il ne colle pas à l'étiquette qu'on t'as enseigné, il n'entre pas non plus en collision avec. ça te permet de concilier deux personnalités opposées sans que ça ne pose de problèmes. ni à toi, ni à personne d'autres. ta famille est loin de se douter, d'imaginer que loin du protocole tu ne te comportes pas comme une princesse digne de ce nom. ça te permet d'être une jeune femme tout ce qui a de plus respectable en journée tout en t'offrant la possibilité de lâcher prise durant quelques nuits de folie. tu es une humaine, pas un robot. tu as besoin de souffler. plus que d'autres peut-être. c'est pas seulement une question de sang royal ou non, parce que c'est un détail avec lequel tu vis depuis toujours et avec lequel t'es forcée de composer. ce qui te bloque dans tout ça, c'est le mariage. c'est cette promesse formulée en ton nom mais sans toi. c'est ces obligations que l'on impose alors que toi, tu ne veux que vivre ta propre vie. comme les autres. comme le reste de ta fratrie à qui on n'impose rien. pourquoi toi. et pourquoi t'es tu amourachée contre ton gré d'un jeune homme auprès de qui tu te sens bien incapable de rester ? aimer ou ne pas aimer ? vivre ou se restreindre ? c'est compliqué. mais cette fois, l'alcool ne t'aideras pas à fuir. tu as à peine bu, ce soir. tu as préféré rester lucide. peut-être que tu as bien fais et pas seulement pour toi. pour tes amies, pour les autres, qui sait. tu te penses pas meilleure que les autres parce que toi, contrairement au reste des fêtards, tu gardes assez bien les pieds sur terre ce soir. tu n'as jamais été la prétention de valoir plus, quelque soit la situation. sauf peut-être quand on te repousse dans des retranchements mais ça c'est une autre histoire. quand tu proposes ton aide à joy, c'est pas pour prétendre que heureusement que t'es là pour lui sauver la mise. tes raisons sont tout ce qu'il y a de plus sincères, venuzia. tu ne peux pas la laisser se faire mal et regarder ou passer en faisant comme si tu n'avais rien vu. c'est pas dans tes principes. pas dans tes valeurs. tu parviens tant bien que mal à l'aider à se relever, faut dire que l'alcool prive facilement de ses forces si on n'y fait pas gaffe. à moitié tu l'aides à marcher, à moitié tu la traînes mais tu t'efforces de ne toujours pas juger. tu te demandes juste ce qui lui fait mal au point de se mettre dans un tel état. au point de frapper si fort le mur de sa main. mais tu n'as pas le droit de l'interroger, tu n'es personne pour tomber du ciel et prétendre pouvoir arranger la situation ou l'apaiser. « oh... de rien, c'est normal. » vous n'êtes pas des amies, vous vous connaissez à peine à vrai dire mais vous n'avez pas besoin d'être soudées comme les deux doigts de la main pour avoir un geste envers l'autre. en tout cas, toi n'en a pas besoin. « faut être solidaires entre filles, qu'en penses-tu ? » tu lui adresses un sourire sincère sans savoir si elle est capable de le voir, peut-être dans le reflet du miroir. vous rentrez à votre tour dans les toilettes, c'est un peu fouillis et plusieurs jeunes femmes sont déjà là. faut dire que les toilettes sont un passage obligé pendant une fête. que ce soit pour aller se vider l'intestin ou pour se repoudrer le nez. « attends, je t'ouvres le robinet. » tu fais avec elle comme tu l'aurais pour tes amies ou n'importe qui d'autres, tu agis comme la bonne copine, de celle qui a étonnement l'expérience de ce genre de situation. puis tu t'inquiètes, aussi. « est-ce que tu as mal à la main ? »

i'm paralyzed, where are my feelings. i no longer feel things, i know i should. i'm paralyzed, where is the real me, i'm lost and it kills me. -- @venuzia lazaridis

Noyée. L’impression d’être noyée. Submergée par tout ce qu’elle ressent. Par tout ce qu’elle éprouve. La peur de ne pas être à la hauteur. De ne pas être capable de pardonner à sa mère, de ne pas être capable de lui laisser une vraie chance de faire partie de sa vie, la peur du contraire, aussi. La peur de ne pas être la fille dont elle a besoin pour combattre la maladie, pour survivre à la maladie. T’as peur aussi pour toi, Joy. Un peu égoïstement. Ta peur de voir ta mère aussi souffrance, à peine retrouvée. Peur, parce qu’au fond, face à elle, t’as la sensation d’avoir de nouveau le cœur d’une petite fille. Peur de ne pas être à la hauteur. Et peut-être que c’est le cas, peut-être qu’elle ne l’est pas, en ingurgitant autant d’alcool, en se mettant elle-même dans un état aussi minable. Ce n’est pas ce qu’elle devrait faire. Ce n’est pas ce qu’elle devrait faire mais elle est bouleversée par cette rencontre, par celle qu’elle espérait et redoutait. Bouleversée par cette rencontre qui aurait pu ne jamais arriver. Qui aurait pu ne jamais se dérouler. Elle a peur, l’impression de tomber de mille étages, sans pouvoir se relever. Sans parvenir à se relever. Jusqu’à ce que cette main angélique ne vienne la secourir. Tu ne l’avais pas imaginé si douce, si gentille, si bienveillante, Venuzia. Tu n’avais jamais imaginé qu’elle puisse, un jour, te venir en aide comme elle le fait, là. Sans force, elle peine à tenir sur ses jambes, mais l’aide de la blonde est précieuse. Elle la relève et la maintient en équilibre jusqu’aux toilettes, chemin interminable qui lui semblerait sûrement insurmontable, sans son soutien. Ses paroles lui tirent un sourire, sincère, malgré la tornade qui envahie son cœur. - Oui, un genre de girl power… Elle n’en a pas l’air, mais elle donnerait tout, absolument tout, pour ses amis. Tout, pour les personnes qu’elle aime. Et cette solidarité que pointe Venuzia du bout du doigt, c’est quelque chose qu’elle comprend, qu’elle approuve, mieux que personne. Tu réalises que vous n’êtes peut-être pas bien différentes, toutes les deux, Joy. Que t’es passée tout ce temps à côté d’elle, sans t’apercevoir que juste sous ton nez, se trouvait une alliée. Une alliée, une amie, dont l’aide pour ouvrir le robinet est appréciée, une fois de plus. Tenant difficilement sur ses jambes, elle tente le tout pour le tout pour rester debout, se passant un peu d’eau sur le visage. - J’ai un peu mal, oui, mais… Vraiment, ça va aller, ne t’en fais pas… Qu’elle lâche, soufflant un peu. - Parfois j’oublie que je n’ai pas le physique de Rocky… Un peu d’humour, à son tour, et c’est le moins que l’on puisse dire. Elle ressemble bien plus à une barbie qu’à une boxeuse, Joy. - Je suis désolée, tu rates la fête à cause de moi. Bon sang, ce qu’elle doit avoir mieux à faire, que de s’occuper d’elle, de son mal-être, de son corps fragile.

(c) calaveras.

éclairée par les chauds néons des projecteurs multicolores, ton corps qui se heurte malencontreusement à d'autres à chaque fois que tu essayes de te déplacer; ce n'est pas ta place. pourtant, tu as tout donné et tout fait que pour ça le devienne et pour avoir l'impression de faire aussi partie de ce monde-ci. pour oublier d'où tu viens et ce que cette fichue notion d'image publique t'as interdit de faire pendant de longues années. mais ce soir, impossible pour toi de maintenir l'illusion. tu as l'amère impression que la supercherie a assez duré et que la réalité de ton destin te rattrape, tout ça se passant sous le fonds de sentiments amoureux naissants. tu t'étais pourtant interdite de tomber amoureuse, venuzia. il y a des moments où tu te dis que tout ce que tu as entrepris ton départ de ta grèce natale n'est que le fruit d'une crise d'adolescence très en retard et que rien de ce que tu vis n'a vraiment de sens. tu cherches à te prouver des choses auxquelles tu es la seule à porter un quelconque intérêt. au fond, tu es certainement la plus pitoyable ici. c'est pour cette raison que tu ne peux pas juger joy et ce, peu importe les raisons qui l'ont poussé à s'attaquer au premier mur sur son passage. peut-être que si ça n'avait pas été le sien, ça aurait ton poing qui se serait écraser dessus un peu plus tard dans la soirée. grâce à elle tu as la certitude que c'est une très mauvaise idée en plus de momentanément mettre de côtés tes propres soucis. « je suis sûre qu'il aurait été très impressionné si il t'avait vu à l'action. » ne serait-ce que pour avoir tenter de s'en prendre plus fort que soi et d'être capable d'auto-dérision après une défaite. « tu as de la chance de ne pas saigner mais si jamais tu as toujours mal dans quelques jours pense à consulter. » tu reprends sur un ton plus sérieux parce que t'es plus à l'aise dans ce registre que celui de l'humour et que d'une certaine façon tu penses que ça t'arranges de jouer les infirmières. « de tout manière je ne m'y amusais pas. » si t'as répondu oui aux invitations des filles c'est uniquement par habitude mais avant de croiser le chemin de joy tu commençais à regretter de ne pas être restée chez toi pour regarder un film si triste au point de te faire lâcher toutes les larmes de ton corps tout en te goinfrant de chocolat. l'image est pathétique mais t'arrache un léger sourire. « je pensais que la fête me changerait les idées mais pas du tout. » pour une fois c'est un raté, la preuve que tu ne peux pas constamment fuir. « je crois qu'on est toutes les deux un peu dans le même cas ce soir... on peut en parler si tu veux. sinon on peut éponger l'alcool dans notre sang avec les amuses-bouches qui n'attendent que nous sur le comptoir du bar ?

i'm paralyzed, where are my feelings. i no longer feel things, i know i should. i'm paralyzed, where is the real me, i'm lost and it kills me. -- @venuzia lazaridis

Une belle âme qui semble incroyablement compréhensive, qui ne juge pas, qui ne cherche pas à attirer l’attention sur le cas pitoyable de la blonde. Une belle âme qui l’aide, qui la relève et vient s’assurer qu’elle n’est pas trop blessée. Dans d’autres circonstances, elle aurait bien certainement détesté se montrer aussi faible. Détesté voir sa vulnérabilité exhibée au grand jour, ou, plus particulièrement, au regard d’une parfaite inconnue. Mais elle n’est pas en état de penser à son image, de penser à la carapace qu’elle s’évertue à créer depuis bien des années déjà. Ce soir, au fond, en état d’ébriété, t’es la vraie toi, Joy. Sensible, prenant un peu trop à cœur le mal-être des personnes qui entrent dans ta vie, une cœur qui grand que tu ne saurais faire semblant, que tu ne saurais fermer les yeux sur ce qui te semble important. Ce soir, au fond, Venuzia rencontre Joy. Joy le cœur à nu, comme bien trop rarement. Joy qui tente d’ironiser son sort, son état, mais qui serait bien mal en point sans l’intervention de Venuzia. Et elle sourit, malgré tout. Et elle sourit, comme toujours, s’amuse de sa plaisanterie et acquiesce d’un signe de tête, bien plus sérieuse, à l’entente de ses recommandations. - D’accord, je le ferai. La douceur de la belle la laisse sans voix, l’impression de lui ressembler bien plus qu’elle ne l’imaginait, l’impression de se retrouver face à un cœur semblable au sien. Et peut-être bien que c’est le cas. Peut-être bien qu’il fallait que l’une d’elle ne craque, pour qu’elles se trouvent toutes les deux, pour qu’elles se découvrent telles qu’elles sont réellement. Une fois de plus, sa nouvelle amie fait preuve d’une incroyable gentillesse en lui indiquant qu’elle ne s’amusait pas, elle non plus. En lui proposant de parler, de se confier, de se livrer sur ce qui, visiblement, secoue les âmes et les cœurs. Et t’aurais tellement à dire, toi, Joy. Tellement à avouer, sur toute une vie de secrets. Sur l’absence d’une mère qui, en réalité, n’attendait que toi. Sur une vie en perte de sens. Sur ta propre décadence. - Et bien qu’est-ce que tu dirais de se trouver un coin, un peu loin du monde, et quelque chose à manger ? L’artiste accepte bien volontiers de la suivre, de s’en aller, se sentant incapable de rester. Incapable de tenir la cadence tout au long de la soirée. Physiquement pas en état, mentalement pas en état. La simple idée d’avaler ne serait-ce qu’une goûte d’alcool lui provoque déjà des nausées. Et peut-être que t’as envie de profiter encore un peu de la bienveillance de la poupée, de la douceur de son aura qui t’enveloppe et vient te réchauffer.

(c) calaveras.