So Far Away - Ainswell

La nuit s’empare de New-York, petit à petit, et d’ordinaire, à cette heure-ci, elle se trouve déjà dans les bras de sa petite-amie. Quelques semaines plus tôt, elle se trouvait déjà dans les bras de sa petite-amie. Seulement aujourd’hui, la situation est quelque peu différente. Son stage en maison d’édition se déroule parfaitement bien, elle prend de plus en plus confiance en elle, Kristina. Elle s’épanouie, loin de l’université. Et t’en avais besoin. Réellement besoin. Te détacher de tout ce qui s’est passé là-bas. Te détacher des jugements, des drames, pour te concentrer sur toi. Toi, et uniquement toi. L’esprit qui commence à y voir plus clair, le sentiment d’apercevoir la lumière au bout du tunnel. D’enfin trouver ta voie. Ta voie. Et non plus celle imposée par sa mère. L’impression d’enfin pouvoir vivre par elle-même, gagnant un salaire découlant du fruit de son travail. L’impression d’enfin pouvoir vivre pour elle-même, aux côtés de la femme qu’elle aime et avec qui elle a choisi de partager le reste de sa vie. Katheryn. La seule ombre au tableau. Parce qu’elles passent un peu moins de temps ensemble, depuis que la rousse travaille. Parce qu’elle a tendance à faire des heures supplémentaires, passionnée par ce qu’elle fait, l’envie d’en faire toujours plus. Et elles ne sont pas habituées à cela, toutes les deux. D’ordinaire si fusionnelles, incapable de se décoller l’une de l’autre, la rousse ressent immédiatement le manque. Le manque de sa belle. Parce qu’elle ne sait que trop bien combien elles souffrent, lorsqu’elles sont loin l’une de l’autre. Et il est déjà vingt-heure trente, lorsque Kristina parvient enfin à regagner l’immeuble dans lequel elles vivent toutes les deux. Un coup d’œil à son téléphone, des messages de Katheryn, lui avouant qu’elle lui manque. Lui demandant à quelle heure elle compte rentrer. Message auquel elle ne répond pas, puisqu’elle se trouve déjà sur le pas de la porte. Franchissant cette dernière, elle se débarrasse immédiatement de sa veste, pour rejoindre Katheryn dans le salon. - Coucou toi… Un sourire, lorsqu’elle la voit au bord de la fenêtre, enroulée dans un châle qui la rend encore plus belle. Plus belle qu’elle ne l’est déjà à chaque seconde. S’approchant d’elle, elle dépose un baiser contre ses lèvres et elle se sent revivre. Revivre parce qu’elle se retrouve enfin avec elle. - Tu me laisses une place ? Qu’elle demande, malicieusement, en s’insérant doucement sur le rebord de la fenêtre à son tour. Contre elle. T’as besoin de sentir sa présence, de pouvoir la toucher, d’être dans ta bulle avec elle.

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Leur couple, ce n’est pas toujours simple à gérer. Elles ont cette histoire d’amour atypique, qui fait leur force, mais qui pourrait également devenir leur plus grande faiblesse. Parce qu’elle est jeune, Kristina, elle commence tout juste à construire sa vie. Elle commence tout juste à penser à l’avenir, à réaliser ses rêves, à s’émanciper en quelques sortes. Katheryn, elle, elle a déjà construit sa vie. Une carrière, une maison, et même un mariage. Elle avait tout. Elle avait tout, et elle a tout abandonné pour elle. Pour recommencer avec elle. Tu ne pourras jamais oublier ça, Kristina. Tu ne pourras jamais oublier qu’elle a sacrifié tout ce qu’elle avait, pour être avec toi. Et au fond, t’imagines pas combien cela peut être difficile pour elle de te voir t’éloigner. Parce qu’elle ne réalise pas. Son amour pour Katheryn est éternel, sans limites, elle en est persuadée.  Persuadée que, quoi qu’il puisse arriver, elle lui sera toujours dévouée. Incapable de cesser de l’aimer. Et lorsqu’elle passe la porte, la rousse, elle réalise que la quadragénaire était justement là, à l’attendre. Sans la moindre hésitation, elle se glisse donc avec elle, enroulées toutes les deux dans son châle, l’une contre l’autre. Instant magique. Instant pour lequel tu aurais autrefois tout donner, Kristina. Instant pour lequel tu t’es battue, contre ta mère, contre le regard des gens, contre tes propres faiblesses et même contre que Katheryn elle-même. Tu t’es battue, pour elle, pour pouvoir être avec elle. - Oh, je suis désolée, je ne voulais pas t’inquiéter. Je sais que mes horaires sont plutôt instables, je te préviendrais la prochaine fois. Qu’elle souffle, doucement, petit sourire aux lèvres. Elle ne voit pas que le problème est peut-être bien plus profond que cela. Elle ne réalise pas que ce qui envahit l’esprit de sa petite-amie est plus douloureux que cela. Et tendrement, la main de la rousse vient se poser sur la jambe de Katheryn, qu’elle caresse avec amour, regardant à travers la fenêtre tout comme elle. - Très bonne journée. Et toi ? Est-ce que tout va bien ? Fatalement, elle a moins de temps pour Katheryn. Moins de temps à passer avec elle, moins de temps pour veiller sur elle. Moins de temps pour mesurer son état, pour s’assurer qu’elle va bien. Qu’elle va toujours bien.

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Peut-être qu’elle ferme un peu trop les yeux, Kristina. Se laissant penser qu’après tout ce qu’elles ont traversé, plus rien ne peut entraver leur chemin. Peut-être qu’elle est trop naïve, aussi, en imaginant qu’elles pourront vivre un bonheur parfait. Parce qu’au fond, c’est ce qu’elle souhaite depuis toujours. Pouvoir passer le restant de ses jours avec cette femme, capable de capturer son cœur. Cette femme, qui l’a remise sur pieds malgré les complications engendrées. L’amour. Elle ne ressent que cela, lorsqu’elle est avec Katheryn, l’amour. L’amour qui transparait dans tes yeux, Kristina. Un brin d’admiration. Un brin de passion. Un brin de dévotion. Mais l’amour, surtout l’amour. La quadragénaire passera toujours avant tout, pour elle. Rien ne peut la remettre à la seconde place. Mais elle n’est certainement pas assez rassurante, à ce sujet. Elle ne perçoit pas les craintes de sa petite-amie, parce qu’elle est tellement persuadée que l’amour qu’elle a pu lui donner suffira. Seulement, elle est compliquée, Katheryn. Son histoire est compliquée, son passé est compliqué. Et peut-être qu’elle a besoin d’elle, là, maintenant. Peut-être qu’elle a besoin de sentir que la jolie rousse ne se lassera jamais d’elle. Et maintenant que vous êtes ensemble, il ne serait pas insensé que les craintes gagnent le cœur de l’ancienne enseignante. Pas insensé qu’elle puisse imaginer que tu viennes à te lasser. - Oh… T’es adorable… Qu’elle lâche, attendrie, déposant un baiser contre sa main. Elle aime sentir combien elle compte, à ses yeux. Elle aime sentir que l’amour de sa belle ne diminue pas avec le temps qui passe. Et la suite de ses paroles ne fait que le confirmer encore davantage. Parce qu’elle sent bien, qu’il y a quelque chose, Kristina. Elle sent bien que Katheryn n’est pas comme d’habitude. Alors elle pose ses deux mains sur les siennes, cherchant à capter son attention, en reprenant d’une douce voix. - Hey… Toi aussi tu me manques, tu sais. Une évidence, à ses yeux, mais peut-être qu’elle se doit de le lui dire. - J’ai du mal à me faire à l’idée de ne plus être aussi souvent accrochée à toi. Mais elle n’imagine pas une seule seconde à quel point cela est bien plus difficile encore pour Katheryn.

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