XVII the star ± suileabhan

The star.

Le dimanche est tout autant ta journée préférée, que celle que tu crains le plus de voir arriver. Pour la simple et bonne raison que tu as beaucoup moins de choses à faire à ce moment là. Que tu passes donc des heures à ressasser les choses négatives. A ne voir réellement qu'elles. Les premiers mois étaient évidemment les pires. Quand tu étais bien conscient qu'il te fallait bouger pour moins penser. Te lancer dans quelques activités, que ce soit en compagnie de tes enfants ou tout à fait seul.  Mais que dans le même temps, tu étais tout bonnement incapable de te faire à l'idée de sortir justement. Mettre le nez dehors est resté très compliqué pour toi pendant un sacré bout de temps. Il n'y a que lors de ton bref retour au bercail, en Irlande, que tu en as été capable. Parce que tu n'avais que peu de souvenirs avec Jenny à cet endroit là du globe, malgré tes origines irlandaises. Sur New-York, c'est une autre histoire. Et c'est ce qui t'a poussé à déménager assez rapidement, également. Le besoin de t'éloigner autant que possible de vos souvenirs les plus marquants, sans pour autant tout oublier.  Le but n'étant pas de te comporter comme si votre vie commune n'avait pas été merveilleuse au point qu'il te faudrait l'oublier du tout au tout. Tu ne le souhaites pas et ne peux pas franchement te le permettre non plus. La peine qui te ronge encore le coeur aujourd'hui, fait maintenant partie intégrante de la vie qui est la tienne.

Elle est moins insupportable qu'hier mais l'est forcément plus que demain. Désormais tu fais en sorte d'occuper un tant soit peu vos dimanches. Même avec les températures assez basses qui se font ressentir depuis quelques semaines. Tu as évidemment pris le soin d'enfiler un manteau épais à chacun de tes deux enfants et d'ajouter gants, bonnet et écharpe à la panoplie. Au delà des joues et du bout du nez qui affichent une jolie teinte rouge, ils n'ont pas l'air d'être plus dérangés que ça par le froid. Aucun n'est encore tombé malade de l'hiver et tu as forcément l'espoir de voir la chose perdurer de la sorte, pour le peu de semaines de froid qu'il reste à tirer.  T'as envie de croire que si tu fais attention à leur alimentation, à leur temps de sommeil, à les garder au chaud et à leur donner toutes les vitamines nécessaires, ça devrait réellement le faire. La seule chose que tu crains véritablement, ce sont les autres enfants. De véritables nids à microbes qui se mouchent dans leurs manches et toussent sans se cacher la bouche. Les instit' ont beau faire en sorte que ces enfants là rentrent rapidement chez eux, le mal est déjà fait. Ils ont déjà eut le temps de contaminer la moitié de la classe. Fort heureusement, les tiens semblent avoir de bonnes défenses immunitaires. Et Lily est beaucoup trop précieuse dans son genre, pour s'approcher d'un enfant malade.

Vous êtes donc tranquillement en train de déambuler dans un vide grenier tout à fait banale dont tu as vaguement entendu parler quelques jours plus tôt à peine. T'es bien décidé à en faire tout le tour et à t'arrêter pour grignoter un peu plus sur place, histoire de passer le temps. Sans être certain d'acheter quoi que ce soit. Parce que vous n'avez besoin de rien d'autre que d'avoir une activité. Mais parce que c'est le principe même des enfants, tu vas certainement céder à un ou deux caprices. Il suffit que ta fille tombe nez à nez avec des bijoux ou de jolies petites chaussures, pour qu'elle soit prise d'une furieuse envie d'en posséder un ou deux. Une véritable princesse qui aime les belles choses. Point commun qu'elle partage grandement avec sa tante et qu'elle n'avait donc pas avec sa mère de son vivant. Jenny n'était pas forcément fan de tous les objets qu'elle estimait superficiels et inutiles. Elle n'appréciait et ne portait que les bijoux pensés et crées par sa propre petite soeur. Le regard de Lily est justement attiré par une jeune femme installée en tailleur, sur un simple drap de couleur violette. Tes mains occupées à tenir la poussette, et ne fais rien pour l'empêcher de s'éloigner de quelques pas. Tu te contentes de la suivre des yeux alors qu'elle se poste devant la brune aux grands yeux clairs. Tu t'imagines sans mal que c'est justement la posture et la façon qu'elle a de présenter quelques petits bijoux, qui ont tant captivé ta petite. Elle est attirée par l’inhabituel. Par ce qui sort du lot.

La jeune femme est en train de glisser le bijou au poignet de ta fille, quand tu t'arrêtes à quelques pas derrière. Silencieux, tu te contentes d'observer le petit manège. Et ne peux qu'afficher un petit sourire devant l'expression du visage de ton enfant. Elle est tout bonnement fascinée. Euphorique même. Ses yeux grand ouverts et sa bouche en forme de O parfait alors que la cordelette ornée de petites pierres, se resserre doucement autour de son poignet délicat. Me protéger ? Contre les monstres qui dorment sous les lits ? Je sais pas trop ... Moi je les aime bien. Qu'elle répond spontanément, dans un haussement d'épaules. De quoi te faire hésiter entre une grimace de dépit et de gêne et un rire d'amusement véritable. Dans les deux cas de figure, t'es bien conscient qu'une enfant qui fait ce genre de réponse, ce n'est franchement pas habituel. C'est davantage Lucas qui semble avoir d'un rien, que sa grande soeur. Qui prend trop à coeur sa mission qui consiste à protéger son petit frère, pour montrer la moindre peur à l'encontre de quoi que ce soit. Et ces cartes, c'est quoi ? Qu'elle demande dans la foulée, en montrant lesdites cartes de l'une de ses petites mains gantées. Cette fois, tu t'en mêles. C'est dans un raclement de gorge et un pas en avant, que tu fais en sorte de marquer ta présence. Vous le faites à combien ce bracelet ? Je ne vais pas vous déranger plus longtemps. Que tu t'excuses pour ta fille qui, si tu ne l'arrêtes pas tout de suite, ne le fera jamais d'elle même.

The star.

Tu ne sais pas si tes enfants sont réellement bien élevés. Et si on te posait la question, tu répondrais avec cette honnêteté, que tu ne sais pas. Tout simplement parce que tu ne veux pas trop t’avancer. Parce que depuis presque deux ans maintenant, tu les élèves seul tes enfants. Et que ce n’est pas toujours chose simple. Ta petite a tendance à être un brin capricieuse. Certains affirment qu’elle a du caractère, c’est tout. Toi t’es bien plus lucide et tu vois bien qu’elle sait juste déjà mener son petit monde par le bout du nez. Et tu n’aimes pas trop ça. Tu tentes d’inverser la tendance. En lui refusant bon nombre de caprices. Avant de faire marche arrière et de les lui passer parce que tu réalises que tu lui dois bien ça. Parce qu’elle n’a plus de mère, de modèle, de repère. Que tu n’as pas le droit d’en rajouter à son malheur.  Mais dans les faits, tu ne sais pas. Tu ‘n’as aucune idée de ce qu’il est bon de faire ou non. Et il en va de même avec ton fils. Bien moins capricieux mais beaucoup plus discret. Trop calme pour un gamin de son âge. Selon toi. Encore une fois, les avis d’autres personnes sont différents. Il paraît que c’est normal, qu’il a juste un caractère plus discret. Qu’il n’y a rien de mal à ça. Dans le fond, tu ne peux faire autrement que de toujours t’inquiéter. Et tu t’imagines que c’est le lot de tous les parents. Surtout ceux qui doivent gérer seuls.

Apparemment il faudrait que tu sois moins dur avec toi même. C’est beaucoup te demander. Quand tu prévois des sorties en compagnie de tes enfants, tu es tendu. Tu t’attends à ce que ta fille s’emballe et fasse un caprice pour que tu lui achètes tel ou tel objet. Alors forcément quand elle s’arrête devant une jeune femme occupée à tirer les cartes, tu hésites. Tu ne t’inquiètes pas pour Lily, malgré les airs de marginale de l’inconnue. Tu n’es pas du genre à juger autrui. Tu ne l’as jamais été. Mais tu n’as pas envie que ta fille dérange. Une pensée vaguement écartée devant la réaction de la jeune femme qui pose ses prunelles bleues sur ta fille. Elle a presque l’air heureuse de voir une gamine se pointer devant elle ainsi. Et lui offrir des réponses qui pourraient en surprendre plus d’un. Plutôt que de se fermer à elle, elle lui tend plutôt un bracelet. Leur conversation t’échappe un peu. Tu sais que ta fille n’est pas une trouillarde et qu’elle ne panique pas à l’idée des monstres sous son lit ou dans ton placard. Elle est plutôt du genre à te demander d’éteindre la veilleuse dans sa chambre, pour ne pas effrayer lesdits monstres. La réponse de la tireuse de cartes, interloque ta petite qui penche légèrement la tête sur le côté.  Un petit lit comme mon frère ? Qu’elle demande en désignant Lucas, sage et discret dans sa poussette. Qui n’a pas l’air de leur prêter grande intention.

Forcément, parce que tu ne l’as pas encore interrompue, Lily interroge plus encore la brune à qui elle parle maintenant de ses cartes. Pas de quoi te rassurer pour ta part. Tu ne veux pas qu’elle soit dérangée par votre présence. Ce qui pourrait finir par arriver si ta petite se montre trop curieuse. Ooooooh alors elle veut dire quoi elle ? Qu’elle s’extasie en posant son index sur la carte qu’elle lui tend. Alors que de ton côté, tu es de plus en plus mal à l’aise. Pas de quoi, selon la jeune femme qui finit par se rappeler à ta présence et t’offrir une réponse. Elle se relève pour te regarder et revenir au bracelet qu’elle a glissé au poignet de ta fille. Elle n’a pas l’air dérangé par le « cadeau » ni même par la présence de Lily. Au contraire. Elle semble ravie de cette intervention. Vous êtes certaine ?  J’imagine que vous êtes quand même là pour faire rentrer un peu d’argent … Et s’il y a vraiment peu de gens qui s’arrêtent devant elle, tu t’imagines qu’elle n’y parvient pas trop, à gagner de l’argent. Qu’elle est même plutôt en galère. Suffisamment pour être installée sur une simple couverture violette. Sans le moindre stand quelconque à portée de main. Pas même un siège. Tu n’as pas pitié. Tu te contentes de penser qu’il serait plus logique et plus normal de lui donner l’argent qu’elle mérite pour ce bracelet.

Niveau curiosité, je ne suis pas certain qu’on fasse mieux que Lily … Sans parler de l’attraction qu’ont les bijoux et les couleurs sur elle … Que tu surenchéries, maintenant plus amusé que réellement gêné. Parce qu’il n’y a sans doute pas de quoi l’être tant. Ce n’est pas comme si ta petite était carrément mal polie. Je sais !! Tu vas être une star !! Ta petite reprend déjà et toi tu affiches une petite moue. Mi-penaude mi-gênée. Vous ne cherchez pas du boulot par hasard ? Je crois que j’aurais vraiment besoin de quelqu’un pour les garder de temps en temps. Que tu affirmes sur un ton qui se veut plus amusé que vraiment sérieux. Tu balances ça comme ça, parce qu’elle a l’air de s’extasier sur eux plutôt que de les trouver encombrant ou dérangeant. Et si elle le prend très au sérieux, tu ne serais pas contre non plus. Le fait est qu’être un père célibataire de deux très jeunes enfants, c’est compliqué. Plus encore depuis que tu es en froid avec ta belle-sœur et que tu la fuis, littéralement, comme la peste.  Et tu n’as pas envie d’abuser de la gentillesse de tes parents et de tes beaux-parents. Tu veux bien déposer tes enfants chez eux pour quelques week-ends de temps à autre. Mais tu ne peux décemment pas te permettre de le faire trop souvent. Et surtout pas si c’est pour ensuite te donner l’impression que tu te débarrasses d’eux. C’est toi leur père. A toi de les assumer.