Antigone & cahal ☽ janvier deux mille vingt.
Tu connais les songes qui portent des lumières, la terre sur tes mains et la violence du sang sur tes lèvres. Tu connais les balles qui fracassent les murs, les hurlements au bout du couloir, les empruntes de mort dans le salon. Antigone. Elle connaît aussi les hommes quand elle s’allonge sur un lit de misère, plein de punaises, quand elle suit la silhouette pour les billets verts. Antigone.
La nuit, elle pousse son corps à la recherche d’une vie, une survie, seule, décidée. Honteuse.
Les heures s’écoulent et elle hésite.
Tu sais les dangers, les mains sur le cou, parfois, l’étranglement de plaisir, de sadisme. Tu sais les baisers suintant de luxe sur les lippes. Tu ne réagis pas, corps poupée pour ces créatures masculines, tu ne comprends pas, tu subis. Parce que ton père et ta mère se sont enfuis, te laissant les stigmates de la culpabilité, ils t’ont honni lorsque tu leur as dis. Elle avait avoué, chuchoté dans le noir brisé de l’écran de télé, qu’elle l’aimait, ce meurtrier. Ils l’avait regardé, hésitants, choqués.
Aujourd’hui la pluie ruisselle, toujours autant de pluie dans ton coeur charnier.
Antigone. Qui es-t-u ? Antigone.
Guerrière sacrificielle Antigone. Car le chômage te touches et que le loyer se paie Antigone.
Derrière son dos, une voiture. Vitres teintées. Atteint la descente et le carrefour, mais la ville est déserte et cette carlingue pénètre sa sécurité. Alors elle comprend.
Court la biche effarouchée, apeurée. L’intelligente gamine fragile.
Tu sais que tu n’es rien qu’une marchandise et que les autres, gourmands et narcissiques, les hommes aux mains de fer convoitent et maugréent la somme de tes douleurs.
Tu sais que tu n’es rien qu’une fille, que ton sexe se monnaie pour la somme des désirs de l’Homme.
Tu sais que tu ne sortira pas entière, indépendante et fière de tes lambeaux si jamais ils parvenaient à te tenir entre leur bras titanesques. Tu sais que tu sortira marquée, anéantie. Au fond, tu ne pries pas. Au fond, tu te résignes. Le chemin se termine sous la lumière d’une lune pâle et essoufflée. Un quartier où les feux et les règlements de compte, où la pègre et la misère côtoient la violence et la concurrence. Personne ne voit la jeune fille qui, entourée de deux singes, l’emportent dans le cuir d’une auto rutilante de richesse.
Et s’endort l’hyade à la chevelure trempée de terreur.
Et se réveille Perséphone dans le froid d’un enfer souterrain, une cave aux odeurs putrides.
Elle semble perdue. Elle est perdue. Effrayée tout d’abord. Effrayée et paralysée.
Elle ne saurait parler. Pour supplier ? Pour s’agenouiller ? Pour se soumettre et ployer devant Hadès ? Tu n’es rien qu’une gosse, une lycéenne traumatisée.
Antigone est ton nom, tu lui feras honneur.